VI. DES RESULTATS LOIN D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS FIXÉS

A - LA DÉGRADATION PERSISTANTE DU TAUX DE RECOUVREMENT CONTENTIEUX DES AMENDES

Le taux de recouvrement contentieux des amendes (TRCA) rapporte les recettes effectivement perçues au titre du recouvrement des amendes au 31/12/N+1 aux prises en charge correspondantes (nettes des annulations) effectuées au cours de l'exercice N.

Le taux de recouvrement contentieux des amendes de 2004, observé fin 2005, s'est élevé à 31,6 %.

Évolution du taux de recouvrement contentieux des amendes sur 10 ans (en %)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

44,4

35,6

32,8

31,3

31,3

28,9

28,6

38,2

34,1

31,6

Ce résultat n'est pas satisfaisant puisqu'il se situe près de 13 points au dessous de son niveau d'il y a 10 ans et même nettement plus bas que celui de 2002 (taux de 38,2 %).

Il convient, toutefois, de relativiser la signification du taux observé en 2002 : la bonne performance était due à la loi d'amnistie (loi n°2002-1062 du 6 août 2002) qui a eu pour effet de diminuer les montants pris en charge figurant au dénominateur du taux de recouvrement. Le montant des amendes et condamnations pécuniaires annulées par la loi d'amnistie ou par recours en grâce s'est élevé à environ 3 milliards d'euros en 2002 (13 milliards de francs lors de l'amnistie précédente de 1995).

Le résultat est également insatisfaisant au regard de l'objectif de performance que l'amélioration du taux de recouvrement contentieux des amendes constitue pour le réseau des comptables du Trésor. Ce taux figure en effet dans la liste des indicateurs du contrat pluriannuel de performance de la direction générale de la comptabilité publique, donnant lieu à intéressement.

Il est ainsi décrit dans le contrat :

Objectif

Indicateur 21

2006

2007

2008

Améliorer le recouvrement des amendes et des condamnations pécuniaires

Taux de recouvrement contentieux des amendes et condamnations pécuniaires

38 %

40 %

42 %

Les résultats des deux derniers exercices, 34,1% et 31,6% respectivement en 2003 et 2004, éloignent de la cible de 38 % à atteindre en 2006.

La mauvaise performance obtenue en 2005 sur la production 2004 serait due, selon la DGCP, aux maintenances opérées sur le système d'information et exigées par la mise en place de la trésorerie du contrôle automatisé (TCA) pour les amendes forfaitaires majorées radars, qui ont entraîné des retards dans toutes les chaînes de poursuites.

La direction de la comptabilité publique précise que, en 2006, ce taux qui s'établit à 33,1% pour un objectif fixé à 38%, a progressé de 1,5 point malgré une mise en place tardive, mi 2006, des contrats avec les huissiers de justice dans le cadre d'une nouvelle convention.

L'enquête SIRAM établit également une rubrique d'information intitulée « situation du recouvrement » qui présente l'état du recouvrement au 31 décembre de l'année N sur les années de prise en charge N, N-1 et N-2. La dernière situation connue est exposée ci-dessous et les situations des quatre années précédentes figurent en annexe.

Situation du recouvrement au 31 décembre 2005 (en millions)

Année

PEC+FP

Recouvrements

Annulations

Non valeurs

2005 au 31/12/2005

1 645

261

75

155

2004 au 31/12/2005

1 623

470

135

494

2003 au 31/12/2005

1 727

532

305

603

La situation du recouvrement permet d'obtenir un autre indicateur de recouvrement : le taux d'apurement net, dont l'évolution sur les 10 dernières années est présentée en annexe 3. Le taux d'apurement net de 2004 (taux observé en 2005 sur les prises en charge de 2004) a reculé de 5,5 points, confirmant la dégradation de la performance du recouvrement.

Enfin la situation du recouvrement permet de suivre le taux de paiement net après un, deux, puis trois exercices de recouvrement (voir annexe). Le taux de recouvrement à l'issue de l'année de la prise en charge se situe toujours en dessous de 20 %, ce qui est très faible. Un exercice supplémentaire de recouvrement permet d'améliorer le taux de 10 à 17 points. Le troisième exercice ne permet d'améliorer le taux que de 3 à 7 points.

La direction de la comptabilité publique a attiré l'attention de la Cour sur le fait que l'indicateur utilisé dans le contrat pluriannuel de performance pour mesurer la performance de la DGCP en matière d'amendes, le TRCA, « retenu à défaut de disposer de données permettant une meilleure mesure, est imparfait pour différentes raisons :

- il ne prend en compte que la partie contentieuse du recouvrement des amendes forfaitaires majorées : tous les paiements spontanés au stade de l'amende forfaitaire échappent à cette mesure. Or le taux de paiement spontané est directement impacté par l'efficacité du recouvrement forcé : plus efficace est le recouvrement forcé, meilleur est le taux spontané ;

- cet indicateur est paradoxal : lorsque les services de la DGCP sont plus efficaces dans la conduite des poursuites, le taux est amené à se dégrader.

Un indicateur de mesure global du taux de paiement des amendes, combinant le taux de paiement spontané des amendes forfaitaires et le taux de recouvrement des amendes forfaitaires majorées parait nettement plus pertinent.

Cependant pour établir la mesure de cet indicateur, il est nécessaire de disposer des données d'émission et de paiement des amendes forfaitaires. Cette information existe pour toutes les amendes issues du contrôle automatisé (environ 5 millions d'amendes, soit 25% du total). Pour cette catégorie d'amendes, le taux de paiement global s'établit comme suit :

Année de prise en charge

Taux de paiement global des amendes

Dont taux de paiement des amendes forfaitaires

2004

84,2%

79,9%

2005

88,1%

81,1%

source : infocentre ICAM

Pour les autres catégories d'amendes, les données sur les contraventions émises ne font pas l'objet d'un suivi informatique. Le taux de paiement des amendes n'est donc pas disponible en lecture directe dans l'infocentre.

Néanmoins, une approche statistique de ce taux, hors amende de transport est désormais possible en utilisant les informations issues d'ICAM et les données mensuelles d'encaissement des amendes forfaitaires (ligne 312 des recettes de l'État). La méthode de calcul a été soumise à validation par l'inspection générale des finances chargée de la certification des indicateurs de la DGCP.

Sous réserve de la validation de la méthode, la série de taux de paiement des amendes, toutes catégories confondues hors transport, s'établit comme suit :

Année de prise en charge

Taux de paiement global des amendes

Fin N+1

TRCA toutes amendes hors transport

2003

68,84%

44,42%

2004

70,48%

39,15%

2005

73,19%

40,07%

La proposition de la DGCP d'établir un taux global de paiement pour les amendes est très satisfaisante car, pour les amendes forfaitaires, le taux global permettra de mesurer l'efficacité de l'action des comptables publics depuis la naissance de la créance et, pour les autres condamnations pécuniaires, le taux global permet de sortir du cadre limité du suivi du recouvrement un an après la production des créances.

B - L'ACCROISSEMENT DU MONTANT DES RESTES À RECOUVRER

Les « restes à recouvrer sur exercices antérieurs » (RAR) sont obtenus par la soustraction suivante :

RAR = PEC - annulations - remises de frais de poursuite - admissions en non valeur - recouvrements.

Par rapport au taux de paiement net et au TRCA, les restes à recouvrer incluent les remises de frais de poursuite et les admissions en non-valeur. Celles-ci sont effectuées sur proposition des comptables du Trésor et sont validées par les trésoriers payeurs généraux.

Évolution comparée des montants de restes à recouvrer et des montants de prises en charge (en millions)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Restes à recouvrer

1 066

1 274

603

766

981

1 267

Variation annuelle

208

-671

163

215

286

Prises en charge

1 510

1 410

1 566

1 550

1 600

1 645

Variation annuelle

-100

156

-16

50

45

Les RAR constituent des stocks ; les écarts d'une année sur l'autre reflètent donc des variations de stocks. Les stocks s'accroissent au rythme de 200 millions d'euros par an depuis 2000, à l'exclusion de la baisse de près de 700 millions imputable à la loi d'amnistie de 2002.

La seconde partie du tableau montre que les accroissements de stocks ne sont pas corrélés à une augmentation générale des volumes d'activité que reflèterait l'accroissement des prises en charge ; le montant des restes à recouvrer s'accroît plus rapidement que celui des prises en charge.

C - LES FACTEURS EXPLICATIFS DE CES RESULTATS

1 - La dégradation d'ensemble de la qualité des créances du fait de l'accroissement de la part des amendes forfaitaires majorées

Comme cela a été souligné plus haut, les amendes forfaitaires majorées présentent un risque dégradé car elles sont issues d'amendes forfaitaires qui n'ont pas été payées spontanément.

Le rapport sur la modernisation du paiement des amendes , établi dans le cadre des audits de modernisation de l'État (décembre 2005), indique que sur 23,4 millions d'amendes forfaitaires sanctionnant des infractions au Code de la route, seulement 40 à 50 % des amendes sont payées spontanément.

Il est difficile d'établir la progression du nombre total d'amendes forfaitaires produites en amont des amendes forfaitaires majorées étant donné la diversité des services verbalisateurs. Toutefois, pour la catégorie des amendes forfaitaires de la police de la circulation, une indication est donnée par l'évolution des recettes inscrites au budget de l'État. Le tableau ci-dessous retrace le montant des recettes budgétaires apportées par les amendes forfaitaires de la police de la circulation ainsi que les « autres amendes et condamnations pécuniaires », dont le recouvrement fait l'objet de ce rapport.

Les recettes d'amendes inscrites au budget de l'État pour la période 2002-2007 (en millions)

année

Amendes forfaitaires de la police de la circulation

Autres amendes et condamnations pécuniaires

2002

264

429

2003

480

594

2004

638

645

2005

750

700

2006

620

740

2007

680

790

Source DGCP, Annuaire statistique du recouvrement (années 2002-2004) et PLF 2005-2006 et 2007

La colonne de gauche relative aux amendes forfaitaires montre une forte progression des montants depuis 2002 : + 82 % en 2003, + 33 % en 2004 et près de 18 % en 2005. Une rupture intervient en 2006 qui tient à l'exclusion du produit des amendes des radars automatiques, en application d'une disposition de la loi de finances pour 2006 ; ce produit est affecté à hauteur de 40% (dans la limite de 100M€) à l'Agence du financement des infrastructures de transport de France et pour le solde de 60 % au compte d'affectation spéciale « Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route ».

Une autre indication de croissance est contenue dans le Rapport sur la modernisation du paiement des amendes mentionné plus haut. Celui-ci indique que 4,4 millions d'amendes consécutives à des contrôles automatisés ont été établies pour un nombre d'amendes forfaitaires non automatisées sanctionnant les infractions au Code de la route de 19 millions environ. Après un an d'existence, les amendes CSA (contrôle sanction automatisé) représentent déjà près d'un cinquième des amendes forfaitaires.

Enfin, l'examen des taux de recouvrement par département 52 ( * ) fait apparaître que les taux de recouvrement les moins élevés (inférieurs à 30 %) sont obtenus dans les zones les plus urbanisées, là où les amendes forfaitaires sont les plus nombreuses : la Région parisienne, la Haute Normandie, le Nord et le pourtour méditerranéen (voir annexe).

2 - L'ampleur du phénomène des admissions en non valeur

Le montant total au 31 décembre 2005 des admissions en non valeur s'est élevé à 1 252 millions, soit un chiffre comparable au montant total du recouvrement qui a atteint 1 263 millions.

En outre, plus du tiers des prises en charge de l'année 2003 ont été admises en non valeur en 2005, excédant de 70 millions les montants recouvrés au titre de la même année. Les recouvrements sont également inférieurs de 24 millions aux admissions en non valeur au titre des prises en charge de 2004.

Il convient de souligner que le système d'information du réseau du Trésor (AMD) pratique l'abandon automatique de valeur dès lors que la valeur résiduelle de la prise en charge est inférieure à 16 euros.

La progression à venir du nombre des amendes de contrôle radars et le caractère automatisé de ces amendes devraient avoir pour effet de réduire le volume des admissions en non valeur à titre gracieux. Il sera nécessaire de suivre les situations de recouvrement produites par la Trésorerie contrôle automatisé (TCA) de Rennes.

3 - Le délai trop long entre la date de l'infraction et la date de signification de la sanction

Hormis dans le cas d'insolvabilité des redevables, la rapidité d'exécution constitue un élément clé pour le recouvrement des amendes et condamnations judiciaires. Cet aspect est souligné dans le rapport de M. Warsma nn à l'origine du dispositif de minoration des condamnations pécuniaires sous la condition du paiement dans un délai réduit (voir ci-dessous au II-A-3).

Le dispositif contrôle-sanction automatisé (CSA) prévoit également la minoration de l'amende forfaitaire en cas de paiement sous 30 jours.

L'efficacité de ces dispositions peut d'ores et déjà être constatée : le rapport sur la modernisation du paiement des amendes indique que 70 % des amendes CSA font l'objet d'un paiement spontané, soit un taux supérieur de 20 à 30 points au taux de l'ensemble des amendes forfaitaires sanctionnant les infractions au Code de la route.

Le temps représentant une variable clé du recouvrement, le délai moyen de recouvrement devrait être suivi, en séparant les amendes forfaitaires majorées des condamnations judiciaires.

* 52 Le taux de recouvrement des amendes par département est fourni par l'observatoire du recouvrement des amendes (ORECA) du ministère de la justice.

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