L'ACTIVITÉ ET LES METIERS DE L'EMOC

I. L'EMOC DANS L'ORGANISATION DE LA MAÎTRISE D'OUVRAGE DU MINISTERE DE LA CULTURE

La création de l'EMOC en 1998, qui succède à l'établissement public du grand Louvre (EPGL) et à la mission interministérielle des grands travaux (MIGT), procède d'une double réorientation du ministère de la culture dans l'organisation de sa maîtrise d'ouvrage. D'une part, le ministère choisit de recourir désormais à un service - le Service national des travaux (SNT) - et à un établissement public - l'EMOC - spécialisés dans la maîtrise d'ouvrage de travaux culturels et distincts des utilisateurs ; d'autre part, sont distinguées, au sein des activités immobilières, les opérations de gros entretien confiées au SNT, et les opérations de construction et de réhabilitation relevant des anciens « grands travaux », confiées à l'EMOC.

Cette répartition des tâches a en réalité mis quelque temps avant de devenir effective. Pendant plusieurs années, l'EMOC et le SNT ont continué d'intervenir simultanément sur certaines opérations, ce dernier conservant par ailleurs dans son portefeuille certains chantiers assimilables à des grands travaux (la rénovation du musée Guimet par exemple). Ce n'est qu'au cours des dernières années que la répartition de 1998 a trouvé sa consistance et n'a plus connu d'exceptions notable, même si l'attribution récente au SNT du chantier de rénovation de l'Opéra comique, évaluée à 34 M€, aurait tout aussi bien pu échoir à l'EMOC.

La question des objectifs assignés à l'EMOC et de son plan de charge se pose néanmoins aujourd'hui, face à l'amorce de diversification des métiers et des commanditaires esquissée par l'établissement dans la période récente.

A. LA MAÎTRISE D'OUVRAGE DÉLÉGUÉE, CoeUR DE MÉTIER DE L'EMOC

Selon ses textes constitutifs, l'EMOC a été créé en vue de rationaliser et professionnaliser la maîtrise d'ouvrage du ministère de la culture, exercée de façon déléguée par un établissement constructeur pour le compte du ministère ou de ses établissements.

1- La logique de l'établissement constructeur professionnel

En 1998, la création de l'EMOC relevait à la fois d'une situation contingente et d'une orientation stratégique.

En effet, la création d'un établissement unique issu de l'EPGL et de la MIGT, dont les plans de charge parvenaient à leur terme, permettait de conserver les équipes qui avaient, depuis deux dizaines d'années, mené les plus grands chantiers culturels du pays. Le ministère était soucieux de ne pas disperser l'expérience capitalisée dans la conduite de ces opérations, dont les directions centrales ou les DRAC ainsi que les établissements publics étaient dépourvus, et de disposer pour ses grands chantiers d'un établissement professionnel.

Au-delà de cette situation propre à la fin des années 1990, deux inflexions de fond à l'exercice de la maîtrise d'ouvrage étaient attendues d'un tel schéma :

1) L'amélioration du pilotage des opérations : le recours à un établissement devait permettre d'isoler les grandes opérations de l'entretien courant ou même des grosses réparations. Les obligations qui s'imposent au mandataire de maîtrise d'ouvrage (comités de pilotage, décomptes périodiques) devaient par ailleurs garantir au mandant une information financière et opérationnelle régulière.

2) Une logique « coopérative » : dans les cas où la maîtrise d'ouvrage serait partagée entre le ministère et un établissement utilisateur, il était espéré que l'établissement constructeur jouerait un rôle de médiateur dans les circuits de décisions. L'EMOC avait aussi vocation à jouer le rôle d'un interlocuteur unique lorsque l'établissement utilisateur n'aurait pas encore de personnalité juridique (c'était le cas du musée d'Orsay en 1998) ou n'était pas encore investi d'une légitimité suffisante (dans le cas par exemple des missions de préfiguration).

Ces trois éléments peuvent être considérées comme traduisant la spécificité stratégique de l'EMOC, à l'aune desquelles son efficacité doit être appréciée. Il y sera revenu tout au long du présent rapport, et particulièrement dans la deuxième partie.

2- Le choix d'une délégation de maîtrise d'ouvrage

Outre la continuation des opérations de l'EPGL en maîtrise d'ouvrage directe, l'EMOC a pour vocation d'assurer, pour le compte de l'Etat et à titre gracieux, la maîtrise d'ouvrage déléguée des opérations de construction et de réhabilitation d'immeubles à vocation culturelle. Il peut également se voir confier les études préalables des projets.

L'article 2 du décret statutaire de l'EMOC 13 ( * ) définit ainsi la mission principale de l'établissement : « L'établissement a pour mission d'assurer, à la demande et pour le compte de l'Etat, tout ou partie des attributions, telles qu'elles sont définies par les articles 3 et 6 de la loi du 12 juillet 1985 susvisée, de la maîtrise d'ouvrage des opérations de construction, d'aménagement, de réhabilitation, de restauration, de gros entretien ou de réutilisation d'immeubles appartenant à l'Etat, y compris d'immeubles remis en dotation à des établissements publics, et présentant un intérêt culturel » .

Le décret prévoit également la possibilité d'une deuxième mission confiée à l'établissement : « L'Etat peut confier à l'établissement la réalisation d'études préalables à ces opérations ».

Définition de la maîtrise d'ouvrage publique et du mandat dans la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée

Article 2 : « Il appartient [au maître d'ouvrage], après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'oeuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux. »

Article 3 : « Dans la limite du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5, l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage :

1° Définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l'ouvrage sera étudié et exécuté ;

2° Préparation du choix du maître d'oeuvre, signature du contrat de maîtrise d'oeuvre, après approbation du choix du maître d'oeuvre par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d'oeuvre ;

3° Approbation des avant-projets et accord sur le projet ;

4° Préparation du choix de l'entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de travaux ;

5° Versement de la rémunération de la mission de maîtrise d'oeuvre et des travaux ;

6° Réception de l'ouvrage,

et l'accomplissement de tous actes afférents aux attributions mentionnées ci-dessus.

Le mandataire n'est tenu envers le maître de l'ouvrage que de la bonne exécution des attributions dont il a personnellement été chargé par celui-ci (...). »

Dans le cadre délimité par la loi MOP et le décret statutaire, l'étendue des attributions confiées à l'établissement pour l'exercice de ses missions de mandataire est renvoyée, dans l'article 4, à la conclusion de conventions avec l'administration ou l'établissement maître d'ouvrage.

Depuis la création de l'établissement, les missions du mandataire ont été définies par un article type repris dans chacune des conventions. Cet article reprend terme à terme les missions énoncées par la loi MOP.

Ainsi, la programmation en amont, la fixation de l'enveloppe financière, le pouvoir de validation des titulaires des marchés et des avant-projets et le pouvoir de contrôle et de sanction sur le mandataire sont en droit les prérogatives du maître d'ouvrage mandant. Le maître d'ouvrage délégué, quant à lui, est responsable de l'exécution du projet et du respect du programme, de l'enveloppe et du calendrier fixés au départ et consignés dans les conventions de mandat.

En pratique toutefois, les contours des missions confiées à l'établissement ne sont pas toujours aussi précis que ne peut le laisser penser la lettre des conventions. En particulier, l'étendue des attributions de l'EMOC diffère selon que celui-ci s'est vu ou non confier la responsabilité des études préalables. Lorsque tel est le cas, l'établissement est en position d'intervenir en amont des opérations. Sur la base d'un projet et d'un budget souvent à peine ébauchés, les études délimitent le programme, le coût et les conditions administratives et techniques selon lesquelles l'ouvrage sera réalisé. Si le maître d'ouvrage conserve le pouvoir de fixer l'enveloppe financière et de valider le projet, le mandataire oriente fortement le projet en amont. Par suite, son rôle excède la maîtrise d'ouvrage déléguée telle que définie par la loi MOP et se rapproche de la maîtrise d'ouvrage de plein exercice avec, au sommet, une validation politique.

3- La gratuité, caractéristique des mandats confiés à l'EMOC

La gratuité des mandats confiés à l'EMOC, qui caractérise leurs conditions d'exécution, emporte deux conséquences - étroitement liées - sur la soumission de l'établissement aux règles de mise en concurrence et sur les relations entre mandant et mandataire.

a)- La soumission aux règles de mise en concurrence

En 2000, la Cour s'était interrogée sur la compatibilité du rôle joué par l'EMOC en tant que mandataire avec la directive européenne du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics, avec la directive du 14 juin 1993 relative aux règles de passation des marchés de fournitures et avec les règles du code des marchés publics. Dans sa réponse, le directeur de l'administration générale avait estimé que les missions de l'EMOC étant exercées à titre gracieux, elles ne relevaient pas de ces textes et ne nécessitaient aucune mise en concurrence préalable - le code des marchés publics excluant alors de surcroît de son champ d'application les mandats 14 ( * ) .

Bien que le code des marchés publics issu du décret du 6 janvier 2004, puis le code des marchés publics actuellement en vigueur, n'excluent plus les mandats de leur champ d'application, il n'apparaît pas que cette position doive être remise en cause.

En effet, tant le code des marchés publics 2004 que le nouveau code continuent de ne viser que les contrats conclus à titre onéreux (article 1 er ). Certes, les mandats confiés à l'EMOC ne sont pas tout à fait gratuits puisque le ministère de la culture prend en charge le fonctionnement de l'établissement ; mais précisément, le fait que cette prise en charge repose intégralement sur une subvention récurrente, indépendamment du plan de charge de l'établissement, plaide dans le sens de mandats gracieux si on les considère isolément. Ce raisonnement, issu de la jurisprudence communautaire 15 ( * ) , est aujourd'hui formalisé à l'article 3 du code.

Dans ce cadre, il n'y a donc pas de grande différence entre une maîtrise d'ouvrage exercée directement par un service spécialisé de l'Etat et le système de mandat confié à un établissement public administratif n'enregistrant aucune recette commerciale. Les risques d'incompatibilité avec le régime communautaire procèdent plutôt de la configuration inverse : si l'EMOC répond à des appels d'offre, il lui faut apporter la preuve que la subvention apportée par l'Etat n'entre pas dans la couverture de ses coûts pour l'opération à laquelle il se porte candidat. Du reste, dans sa mise en demeure d'avril 2006, la Commission européenne s'en est tenue aux droits exclusifs des architectes en chef des monuments historiques (ACMH) et aux conditions d'accès à ce corps, sans évoquer le rôle des mandataires 16 ( * ) .

b)- L'absence de mécanisme de sanction de la performance du mandataire

L'autre conséquence de la gratuité tient au fait que les mandants de l'EMOC ne disposent pas réellement d'un pouvoir de sanction de la performance du maître d'ouvrage délégué.

Cette caractéristique est défendue par l'établissement, comme un élément d'efficacité. Selon son président, l'absence de pénalisation tendrait à ménager la réactivité de l'établissement qui, s'il était soumis à pénalités, refuserait d'agir en cas de blocages ou d'événements imprévus (ce qui pourrait être globalement le cas d'un prestataire privé) :

« L'EMOC agit pour le compte du ministère de la culture et de la communication dans le cadre d'instructions, de conventions ou de mandats passés à titre gracieux. Ce dispositif a pour intérêt d'être souple et de permettre une mise en oeuvre rapide par l'établissement des demandes du ministère (...). L'absence de pénalisation notamment pour les opérations menées en mandat de maîtrise d'ouvrage peut paraître déresponsabiliser l'établissement. Il faut toutefois rappeler que la pénalisation induirait la rémunération et fragiliserait le positionnement « in house » de l'établissement et que la menace de pénalisation génèrerait la mise en place d'une stratégie de protection ». 17 ( * )

Dans son analyse du rôle de l'EMOC, la direction de l'administration générale (DAG) du ministère de la culture met néanmoins en avant les difficultés liées à l'absence de pénalités :

« L'origine des dépassements de coûts et de délais se trouve d'abord et avant tout dans la nature du rapport qui lie le mandant au mandataire. Ce rapport emprunte une voie étroite entre responsabilisation et pénalisation du mandataire d'une part et gratuité de la prestation d'autre part. En effet, le caractère gratuit de la prestation rend ardue la mise en oeuvre de toute pénalité contre le mandataire (comme c'est le cas dans le code des marchés publics). Or, en l'absence d'un tel mécanisme, il devient tout aussi difficile d'introduire des responsabilités nouvelles dans le contrat de mandat. » 18 ( * )

Ainsi, le mandat de maîtrise d'ouvrage confié à l'établissement relève, en pratique, d'une construction sui generis puisqu'à rebours de ce qu'exigerait l'application classique du mécanisme du mandat, le mandataire ne dispose pas d'une autonomie suffisante vis-à-vis de son mandant, et qu'il n'existe pas de dispositif de contrôle de ce dernier visant à mesurer et sanctionner sa responsabilité dans l'accomplissement de ses missions.

B. LES OPÉRATIONS CONFIÉES À L'EMOC

Aucune opération n'ayant encore donné lieu formellement à un quitus, le portefeuille des conventions « vivantes » à ce jour (même si plusieurs opérations sont en réalité achevées) permet de dresser un panorama complet des chantiers conduits par l'EMOC depuis sa création.

1- Les opérations et la part de marché de l'EMOC

Au 1 er août 2006, l'EMOC comptait 46 conventions de mandats et 21 conventions d'études préalables. Ces opérations se distinguent des travaux de gros entretien assurés par le réseau national composé des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), des services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP), du service national des travaux (SNT) et du Centre des monuments nationaux (CMN), et des travaux de construction en majorité plus standardisés menés par des établissements tels que l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTMJ).

Ces 46 opérations se répartissent sur 32 sites et quatre grands secteurs :

2 bâtiments administratifs et autres : Immeuble des Bons Enfants et Centre des archives nationales de Pierrefitte

12 écoles et instituts : CNAM, INHA et Institut national du patrimoine, Cité de l'architecture et du patrimoine à Chaillot, écoles d'architectures de Belleville, Paris Val de Seine, Versailles et Nantes, Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines de Marseille, Collège de France, Université Paris VII, INSEP

12 musées et lieux d'exposition : Palais de Tokyo, Orsay, Orangerie, Grand Palais, Louvre, Château de Versailles, Musée des arts décoratifs, MNHN, Mucem de Marseille, Musée Picasso, Maison de la Francophonie, Cité d'histoire de l'immigration

7 salles de spectacles : Centre national de la danse de Pantin, Théâtre national de l'Odéon, Cinémathèque, Cité de la musique, Centre européen de musique de chambre de Fontainebleau, Centre de musique baroque de Versailles, Grand auditorium de Paris

En 2005 et en 2006, les autorisations d'engagement ouvertes en loi de finances initiale au titre des dépenses d'investissement du ministère de la culture se sont élevées respectivement à 236 et 257 M€. Pour ces deux mêmes années, la part in fine attribuée à l'EMOC s'est élevée à respectivement 63,4 et 93,6 M€ 19 ( * ) (en comptant les autorisations d'engagement déléguées aux DRAC ou à des établissements publics pour être subdéléguées à l'EMOC), soit 27 et 36 %.

Bien qu'ils traduisent déjà une part de marché importante, ces chiffres bruts globaux tendent à minorer l'importance réelle de l'EMOC en tant qu'opérateur principal du ministère de la culture pour sa maîtrise d'ouvrage, et surtout en qualité d'opérateur dominant en matière de « grands projets ».

Cette catégorie constitue une création méthodologique conjointe de la direction de l'administration générale (DAG) du ministère de la culture et de la direction du budget. Pour s'en tenir aux seules opérations vivantes en 2006, la répartition est la suivante :

Tableau n° 1 :  Les « grands projets » du ministère de la culture (M€)

Coût total estimé

AP déléguées avant 2006

AE 2006

AE demandées au PLF 2007

EMOC

990,06

71,5 %

502,68

89,7%

81,28

62,25%

85,14

66,70%

SNT

100,87

7,3%

16,53

2,9%

8,59

6,6%

9,55

7,5%

Etablissements publics

165,70

12,0%

41,18

7,3%

39,76

30,4%

28,80

22,6%

En attente d'opérateur

128,75

9,3%

0,00

0 %

0,95

0,7%

4,15

3,3%

Total grands projets

1 385,37

100 %

560,69

100 %

130,58

100 %

127,64

100 %

Source : « Coût des grands projets 2006-2010 », DAG

Ces chiffres témoignent de la part prépondérante de l'EMOC dans l'ensemble des « grands projets ». L'EMOC a absorbé 90 % des autorisations de programme dédiées aux grands projets en cours jusqu'à 2005 (hors Guimet et Branly, aujourd'hui achevés), et si sa part dans ce total diminue à partir de 2006, c'est en raison de la montée en puissance des établissements publics exerçant directement leur maîtrise d'ouvrage 20 ( * ) .

Cette analyse de la répartition des opérations illustre deux éléments.

Tout d'abord, jusqu'à aujourd'hui, le schéma de 1998 ayant consisté à laisser s'éteindre les établissements constructeurs pour confier à l'EMOC la majorité des grandes opérations du ministère, et à ne laisser au SNT que des opérations de taille moyenne ou petite relevant davantage de l'entretien préventif que de la restructuration, a été plutôt bien respecté. Les exceptions à cette répartition sont peu nombreuses. On peut même considérer que sur la période écoulée depuis 1998, seule la rénovation du musée Guimet, achevée en 2005 par le SNT pour un coût de 52,8 M€, brouille quelque peu les lignes de partage et aurait pu, de par sa nature et son montant, échoir à l'EMOC. Parmi les opérations suivies en tant que « grands projets » et confiées au SNT, seule la construction du centre des archives contemporaines de Fontainebleau pèse aujourd'hui d'un certain poids, avec 7,6 M€ d'autorisations d'engagement déjà déléguées. Pour l'avenir, en revanche, l'attribution à ce dernier des rénovations de l'Opéra comique, évaluée à 34 M€ et du Palais royal, estimée à 37,5 M€, réinstalle une certaine ambiguïté (surtout dans le cas de l'Opéra comique, puisque dans le cas du Palais Royal, la rénovation d'un palais national dont la restauration relève exclusivement de la réglementation sur les monuments historiques correspond aussi, nonobstant son montant, aux attributions du SNT).

Par ailleurs, la transformation des anciens services à compétence nationale en établissements publics autonomes (Louvre, Versailles, CMN, Orsay et Guimet dans une moindre mesure) pose inévitablement la question de l'exercice de la maîtrise d'ouvrage, d'autant que l'exemple de l'établissement public du musée du Quai Branly est venu renforcer les prétentions des grands musées en la matière.

2- Programmation et niveau d'activité

Le niveau d'activité de l'EMOC peut être mesuré par trois indicateurs :

- le montant total des conventions de mandat (ou d'études, ou d'assistance) signées au cours de l'exercice, qui reflète la capacité de l'établissement à maintenir et renouveler son portefeuille d'activité ; c'est cet indicateur qui correspond à la programmation stricto sensu de l'activité ;

- le montant total des engagements passés au cours de l'exercice, qui traduit le niveau d'activité administrative de l'établissement, typiquement à travers les marchés ;

- le montant total des mandatements, qui traduit l'exécution des engagements.

Ce sont ces deux derniers indicateurs qui traduisent le mieux l'activité de l'EMOC, puisque ce sont la préparation, la mise au point et le suivi des opérations qui correspondent à son coeur de métier de mandataire.

En moyenne, de 2002 à 2007, l'EMOC a engagé et mandaté environ 135 M€ par an (contre, à titre de comparaison, 52 M€ en 2005 pour le SNT) :

Tableau n° 2 :  L'activité de l'EMOC 2002-2007

2002

2003

2004

2005

2006

Prév. 2007

moyenne

Conventions de mandat

142 M€

193 M€

136 M€

189 M€

185 M€

140 M€

164 M€

Engagements

147 M€

123 M€

249 M€

101 M€

94 M€

95 M€

135 M€

Mandatements (hors fonctionnement courant)

71 M€

110 M€

159 M€

180 M€

153 M€

132 M€

134 M€

Au-delà de ces chiffres, l'évaluation que l'on peut tenter d'un niveau d'activité considéré comme normal au regard des effectifs de l'établissement est plus délicate. En effet, si le volume des engagements traduit bien un volume de travaux, il ne correspond pas tout à fait à un indicateur d'occupation pour les agents de l'EMOC puisque celui-ci dépend des montages juridiques liés aux opérations. Ainsi, la bosse de 249 M€ d'engagements en 2004 correspond au choix opérationnel de la procédure du marché d'entreprise générale de travaux qui a été fait pour le bâtiment des Grands Moulins sur l'opération Paris 7 sur la ZAC rive gauche. Celui-ci s'est traduit par un engagement unique de 105 M€ en février 2004 plutôt que par une série d'engagements répartis dans le temps comme c'est le cas pour les marchés allotis, ou plus globalement pour les opérations conduites par phases : c'est ce qui explique que le montant des engagements soit brutalement retombé en 2005.

Pendant cette période, les effectifs de l'EMOC dédiés aux projets sont demeurés stables. L'ensemble de la direction générale adjointe « Opérations », à laquelle il convient d'ajouter le service des études préalables et du suivi architectural ainsi que le service des marchés, a presque continûment représenté 62 personnes (60 en 2002), sur les 86 à 88 employés permanents de l'établissement :

De ces chiffres, quelques ratios bruts peuvent être tirés :

Ces ratios donnent une idée du niveau d'engagement auquel l'établissement doit parvenir chaque année pour maintenir le taux d'occupation de ses équipes. Au 31 décembre 2006, l'écart entre le montant des conventions de mandat signées (1 307 M€) et le montant des autorisations de programme déjà déléguées (945 M€) représentait 362 M€ que l'on peut qualifier de volume de travaux acquis. Cela signifie que l'EMOC dispose d'un plan de charge de deux ans environ sur la base du montant moyen des engagements atteint au cours des huit dernières années (135 M€). Mais 31 décembre 2006, 796 M€ avaient été engagés sur les 945 M€ d'autorisations de programme déléguées à l'établissement : le solde ne représentait donc que 149 M€, soit un an d'activité.

La comparaison de ces chiffres montre que si le portefeuille d'activité de l'EMOC demeurera en principe à un niveau convenable pendant encore deux ans, le maintien de la productivité dépend en revanche de la capacité de l'Etat à mettre en place et à affecter les autorisations de programme correspondantes - c'est-à-dire à suivre budgétairement le rythme qu'il s'est en principe lui-même imposé, en signant les conventions de mandat.

*

En regard des craintes que pouvait susciter le partage opéré en 1998 entre l'EMOC, le SNT et les établissements publics, il apparaît que les dernières années ont vu se confirmer une évolution favorable à l'EMOC, dont la part de marché s'est accrue avec le temps et fait de lui, de loin, le premier opérateur en maîtrise d'ouvrage du ministère de la culture. Ce constat ne vaut cependant que pour les années écoulées. En effet, la part relative du portefeuille d'activité de l'EMOC, comme le confirme la DAG du ministère de la culture dans sa réponse aux observations provisoires, a commencé à baisser en 2007 et « cette baisse risque de s'accélérer encore après 2009 », compte tenu de la montée en puissance de la maîtrise d'ouvrage des grands établissements publics et de l'attribution au SNT de quelques grands projets qui auraient pu relever de l'EMOC.

La question de l'articulation entre les différents maîtres d'ouvrage du ministère, évoquée par la Cour en février 2001 dans son insertion au rapport public, se pose de nouveau. S'il est confirmé que le niveau d'activité de l'EMOC décroît avec la fin du programme du Grand Louvre et la récupération de leur maîtrise d'ouvrage par plusieurs grands établissements publics culturels, comment maintenir la productivité globale de l'établissement ? L'Etat, à la demande et pour le compte duquel l'EMOC assure ses missions statutaires, est aussi responsable des décisions prises en la matière par ces grands établissements, placés sous sa tutelle. Les conséquences humaines et financières d'une éventuelle reprise de leur maîtrise d'ouvrage par ces établissements doivent donc être évaluées et s'intégrer dans une vision stratégique d'ensemble, qui semble faire défaut aujourd'hui.

Au cours de la phase contradictoire, la direction de l'administration générale du ministère de la culture s'est engagée expressément à mettre en oeuvre cette recommandation de la Cour et plus généralement, comme la Cour l'y invitait aussi, à affirmer sans tarder les principes stratégiques autour desquels doit être programmée l'activité de l'EMOC à moyen terme :

« La réaffirmation de " quelques principes stratégiques destinés à régir l'activité de l'EMOC pour les dix ans qui viennent " sera un élément incontournable, sinon essentiel des discussions qu'engage le ministère dès le premier trimestre 2007 avec l'EMOC en vue de l'élaboration du contrat de performance de l'établissement. Ce contrat sera l'occasion d'élaborer une stratégie de moyen terme pour le ministère en général et l'EMOC en particulier (...)».

3- La diversification des métiers, des clients et des mandants

Au gré des demandes du ministère plutôt qu'en vertu d'une stratégie délibérée, l'EMOC a progressivement diversifié ses activités dans deux directions : les missions d'assistance et de conseil, et la gestion domaniale du Grand Palais jusqu'à la création en début d'année de l'établissement public du même nom. Si ces activités demeurent aujourd'hui marginales en volume au regard des conventions d'études et de mandat de maîtrise d'ouvrage, elles dessinent cependant les contours d'un développement de l'établissement vers de nouveaux métiers.

Parallèlement, la clientèle de l'EMOC s'est étendue vers d'autres ministères, voire vers les collectivités territoriales à la faveur d'une demande forte d'expertise en matière de maîtrise d'ouvrage publique.

a) La diversification des métiers

Dans le prolongement de ses missions d'études et de maîtrise d'ouvrage, l'EMOC a développé une activité de conseil et d'assistance. Celle-ci s'apparente selon les cas à des études de définition (projet Longchamp de la ville de Marseille, Maison de la Francophonie), à des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage (assistance méthodologique pour l'extension du Mémorial du Martyr juif, assistance technique au suivi des études de rénovation de la Grande Halle de la Villette, études préalables sur la rénovation du site de Censier pour l'université Paris 3) ou à des missions d'expertise juridique (mise en place d'un contrat de partenariat public-privé pour l'INSEP). Dans quelques cas particuliers, se dessine même une activité de cabinet de conseil permanent en matière immobilière, comme auprès de la Villa Arson à Nice.

Comme les conventions d'études préalables, les missions d'assistance ne débouchent pas toutes sur une convention de mandat confiée à l'EMOC. Toutefois, elles peuvent y contribuer, comme en témoigne l'exemple de l'INSEP.

Par ailleurs, aux termes d'une convention signée le 23 août 2001 avec effet rétroactif au 1er janvier 2000, l'EMOC a été chargé de la gestion domaniale du Grand Palais pendant les travaux de restauration et de mise aux normes de l'édifice. Cette convention d'une durée de cinq ans a été prorogée jusqu'au 30 juin 2006 et a pris fin avec la création de l'établissement public du Grand Palais 21 ( * ) . Cette mission s'apparentait à une activité de « syndic d'immeuble », couvrant la gestion des dépenses communes du bâtiment et la récupération des charges et loyers auprès de ses occupants pendant la durée des travaux. Après la réouverture de la nef au public à l'automne 2005, décidée par le ministre de la culture dans la foulée des Journées du patrimoine, ce mandat a été élargi à la gestion commerciale du bâtiment et à l'étude des scénarios de gestion future.

Le lien de cette mission avec l'exercice de la maîtrise d'ouvrage, coeur de métier de l'EMOC était ici singulièrement plus ténu.

Enfin, sans que l'on puisse parler de diversification au sens strict, il peut être noté que depuis le 1 er janvier 2001, l'EMOC s'est vu transférer les biens, droits et obligations de l'établissement public du parc de la Villette (EPPV) et est chargé de sa liquidation, de la clôture des comptes et de l'apurement des archives 22 ( * ) .

Un ultime axe de développement se dessine en filigrane de plusieurs opérations : celui d'un gestionnaire immobilier pour des missions ponctuelles, capable de traiter les déménagements et emménagements, les locaux tampons, éventuellement les solutions de financement. Dans le cadre du mandat relatif à la Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA), l'EMOC s'est ainsi vu chargé du déménagement et de la garde de plusieurs pièces monumentales ; pendant les travaux du musée de l'Orangerie, l'établissement a pris en charge la conservation et le gardiennage des Nymphéas ; du fait de la dégradation des anciens locaux de l'école d'architecture de Paris-Val-de-Seine dans lesquels devait s'installer l'école de Paris-Malaquais pour la rentrée 2006, c'est à l'EMOC qu'il a été demandé de trouver une solution d'accueil transitoire...

Un peu comme dans le cas de la gestion du Grand Palais, il s'agit pour l'heure à chaque fois d'une extension ponctuelle de la mission principale de l'établissement, décidée par commodité et autorisée par l'article 3 du décret statutaire. Mais cette mission paraissant s'étendre à certaines conséquences indirectes des chantiers confiés à l'EMOC (comme dans le cas de l'école de Paris-Malaquais), il pourrait s'agir d'un axe de développement susceptible de contribuer à son portefeuille d'activité.

Si la création de l'établissement public du Grand Palais a permis de recentrer l'EMOC sur son coeur de métier, ces éléments n'en sont pas moins révélateurs des missions « hors mandats » régulièrement confiées à l'établissement par ses tutelles. En pratique, ces activités répondent toujours à un besoin, mais elles s'écartent des objectifs qui ont présidé à la création de l'EMOC et au regard desquels sont appréciés ses résultats, même si lui-même estime que la réactivité dont il a pu faire preuve au regard ces demandes témoigne en sa faveur :

« L'établissement a conduit pour le ministère des opérations d'installation de bâtiments provisoires, la réalisation des travaux de sécurité nécessaires à l'ouverture au public de la nef du Grand Palais ; il a géré assuré la commercialisation de la nef du Grand Palais dans l'attente de la structure de gestion définitive au cours du deuxième trimestre ; il conduit actuellement les travaux nécessaires à l'installation d'un collectif d'artistes dans les bâtiments désaffectés du ministère à Sèvres. On voit donc un établissement public réactif capable de prendre en main des problématiques très variées dans les domaines de l'analyse, du montage et de la réalisation de projets immobiliers ou de réutilisation de bâtiments existants. » 23 ( * )

L'important est d'éviter, avec ces prestations connexes, le risque de dispersion de l'établissement et l'éloignement de son coeur de métier comme le remarque le contrôleur financier placé auprès de l'établissement, dans le cas de la gestion du Grand Palais et de l'entretien et la location de la nef à propos duquel il considère que : « de fait, le ministère utilise son établissement public pour combler les défaillances de ses propres moyens de gestion et non plus comme maître d'ouvrage délégué » 24 ( * ) .

b) La diversification des clients et mandants

L'EMOC a également élargi le champ de ses mandants en direction des opérateurs du ministère de la culture puis des autres ministères. Le graphique suivant montre la diminution de la part des directions centrales du ministère de la culture, qui passe de 79 % du montant total des conventions de mandat en 2000 à 58 % en 2006.

Répartition des conventions de mandat de l'EMOC par maîtres d'ouvrage (en % du montant total)

Cette diversification des mandants s'accompagne d'une extension du périmètre géographique d'intervention de l'établissement. Initialement cantonné à l'Ile-de-France, l'EMOC compte aujourd'hui cinq projets en province. Selon l'établissement, cette diversification territoriale intervient le plus souvent en réponse à des sollicitations, révélant le vide laissé par endroits ou pour certaines opérations par les DRAC et les DDE en matière de maîtrise d'ouvrage publique.

Certes, cette évolution est aujourd'hui limitée par le nombre d'opérations et par leur degré d'avancement. Pour autant, elle traduit l'une des pistes de développement possible de l'EMOC comme prestataire national en matière de maîtrise d'ouvrage déléguée lorsque les services déconcentrés n'ont pas ou n'ont plus la capacité de conduire des projets de quelque ampleur.

Pour autant, la diversification des clients de l'EMOC se traduit par une hausse des coûts de gestion qui n'apparaît pas toujours clairement dans les comptes de l'établissement, en l'absence de comptabilité analytique ou de mécanismes de refacturation.

La question de la gratuité des prestations de l'EMOC pour les opérateurs du ministère de la culture a fait l'objet d'un long débat juridique. Celui-ci apparaît aujourd'hui soldé par la généralisation évoquée précédemment de la théorie des prestations intégrées par l'article 3 du nouveau code des marchés publics. En revanche, les prestations de maîtrise d'ouvrage déléguée réalisées pour le compte d'autres ministères font l'objet d'une compensation budgétaire dont la forme varie selon les opérations : « droit de tirage » accordé au ministère de l'éducation nationale pour le Collège de France, protocole spécifique correspondant à 15 emplois budgétaires pour l'opération Paris 7, mise à disposition d'un agent par le ministère de la jeunesse et des sports pour l'INSEP, gratuité de la convention d'études sur la Maison de la Francophonie pour le compte du MINEFI...

Cette gestion contingente est éloignée d'une tarification proprement dite. La logique de la LOLF visant à faire supporter aux ministères affectataires l'ensemble de leurs charges immobilières devrait avoir pour corollaire l'adoption d'un dispositif plus constant, et sans doute plus proche d'une tarification. Le risque est évidemment qu'en mettant fin à la gratuité « faciale » (les transferts de crédits entre ministères ne s'apparentant pas à un prix au sens du code des marchés publics puisqu'ils ne sont pas acquittés par la partie bénéficiaire des prestations), l'un des critères de justification de l'absence de mise en concurrence s'efface, et relance donc le débat 25 ( * ) .

*

Le portefeuille des opérations confiées à l'EMOC ne garantit pas aujourd'hui le maintien de son niveau d'activité à moyen terme, que ce soit pour le compte du ministère de la culture ou même en prenant en compte l'amorce de diversification de ses mandants parmi les autres ministères ou établissements publics.

Aussi apparaît-il indispensable que des orientations stratégiques soient clairement tracées pour l'établissement.

En particulier, la diversification des métiers et des mandants observée depuis quelques années devrait procéder d'une analyse fondée sur les compétences et les moyens réellement disponibles au sein de l'établissement, dont le contrat de performance serait le support. Devraient être privilégiées à cet égard les activités susceptibles de contribuer à la performance globale de l'EMOC dans l'accomplissement de son coeur de métier, par exemple les études préalables dans le cadre de projets dont il assurera ultérieurement la maîtrise d'ouvrage déléguée. Par ailleurs, les opérations conduites pour le compte d'autres ministères que le ministère de la culture doivent faire l'objet d'une tarification explicite fondée sur la vérité des coûts de l'établissement.

C. LA GOUVERNANCE ET LES RELATIONS AVEC LA TUTELLE

Alors qu'il constitue l'un des tout premiers délégataires des crédits de la mission « Culture », l'EMOC n'a pas été classé parmi les opérateurs principaux de l'Etat. Il s'agit là d'une lacune, qui obère la qualité du suivi exercé par ses autorités tutelles sur son activité.

1- Le conseil d'administration

a) Une composition marquée par la logique de l'établissement mandataire

En vertu de l'article 5 du décret constitutif, le conseil d'administration comprend, outre son président, treize membres :

- Sept membres de droit émanant des ministères de la culture, de l'équipement, des finances, de l'intérieur et de l'éducation nationale ;

- Quatre personnalités qualifiées nommées par arrêté du ministre de la culture dont une sur proposition du ministre de l'éducation ;

- Deux représentants élus du personnel de l'établissement.

Cette composition réserve ainsi une large place à la représentation des utilisateurs - administrations et établissements des sphères culturelle, éducative et des collectivités locales - conformément à la logique du mandat. Elle reflète aussi une logique de métier, à travers la présence du ministère de l'équipement. De fait, quels que soient les sujets à l'ordre du jour, le conseil est systématiquement l'occasion de faire un point relativement détaillé sur l'état d'avancement des opérations, y compris dans leur dimension technique ou architecturale qui ne relève pas vraiment de ses compétences statutaires.

A l'inverse, les ministères de la culture et des finances ne disposent ensemble que de quatre voix sur quatorze (cinq si l'on considère que le DRAC de la région Ile-de-France, quoique nommé intuitu personae , ne saurait s'opposer aux vues de son ministère). Cette représentation minoritaire traduit mal la cotutelle exclusive de ces deux ministères sur l'établissement. En pratique, les décisions stratégiques intéressant l'EMOC (attributions des conventions de mandat, avenants significatifs aux conventions en cours, gestion du Grand Palais, études préalables...) sont d'ailleurs prises par le cabinet du ministre de la culture, souvent à haut niveau.

b) Le périmètre d'intervention du conseil d'administration

Les matières soumises à l'approbation du conseil d'administration listées à l'article 8 du décret statutaire sont larges. Outre les attributions administratives et financières classiques, le conseil délibère sur les projets de conventions de mandat, de conventions de gestion et de contrats portant sur les activités de conseil.

En revanche, les conventions d'études préalables et les contrats d'assistance font l'objet d'une information mais ne sont pas soumis au vote. Cette pratique exclut des attributions du conseil deux domaines qui revêtent pourtant un caractère de plus en plus important compte tenu du lien entre études préalables et futures conventions de mandat. Les contrats d'assistance, quoique marginaux en volume, contribuent quant à eux à diversifier l'activité de l'EMOC et à orienter son développement.

C'est en partie ce qui explique qu'au cours des dernières années, le conseil d'administration n'ait pas eu l'occasion de se prononcer sur la stratégie d'ensemble de l'établissement, et ait toujours vu ses séances structurées par une information délivrée opération par opération.

A cet égard, il convient de prendre acte des intentions affichées par la direction de l'administration générale du ministère de la culture, qui a indiqué au cours de la phase contradictoire :

« Concernant la représentation minoritaire des ministères de la culture et des finances au sein du conseil (quatre voix sur quatorze), le ministère précise ainsi que le projet de rédaction en cours explore la possibilité de modifier l'article 5 du décret statutaire en augmentant le nombre de représentants du ministère de la culture et de la communication, membres de droit, au sein du conseil d'administration. Quant au fait que "les conventions d'études préalables et les contrats d'assistance font l'objet d'une information mais ne sont pas soumis au vote "des membres du conseil d'administration, le ministère s'en est alarmé à plusieurs reprises et n'exclut pas une modification de l'article 8 du décret statutaire, conduisant à élargir le champ des sujets soumis au vote des membres du conseil. » 26 ( * )

2- Les relations avec le ministère de la culture

La tutelle exercée par le ministère de la culture sur son principal opérateur en matière immobilière emprunte différents canaux, qui dessinent un réseau complexe de relations et in fine, une faible intégration à la démarche de performance du ministère.

a) L'organisation de la tutelle au sein du ministère de la culture

La tutelle du ministère de la culture sur l'EMOC s'exerce par trois canaux distincts, dont aucun ne correspond à un pilotage stratégique constant et informé.

Le premier niveau correspond, conformément aux textes réglementaires applicables, à la représentation du ministère au sein du conseil d'administration. Celle-ci est assurée par le directeur de l'architecture et du patrimoine (DAPA) et le directeur de l'administration générale (DAG), bien qu'aucune disposition textuelle n'attribue la tutelle de l'établissement à l'une ou l'autre de ces directions dans leurs arrêtés d'organisation respectifs. En pratique, le suivi des réunions du conseil d'administration est surtout le fait de la DAG. La sous-direction de l'architecture et du cadre de vie de la DAPA, en principe, « contribue à la qualité des opérations de maîtrise d'ouvrage du ministère » 27 ( * ) , mais son implication auprès de l'EMOC apparaît pour le moins occasionnelle.

Le deuxième niveau de tutelle correspond aux échanges entretenus par l'EMOC avec les directions du ministère dans le cadre des conventions de mandat. C'est notamment le cas vis-à-vis de la direction des musées de France (DMF), dont la cellule « Projets » suit les opérations menées par l'établissement auprès des musées nationaux.

Enfin, l'attribution des opérations à l'EMOC, qui correspond à une tutelle stratégique puisque directement liée à la programmation du niveau d'activité, est le fait du cabinet du ministre.

Ce fonctionnement est conforme à la logique de l'opérateur unique intervenant de manière indifférenciée pour le compte des directions et établissements du ministère. Mais il entretient l'absence d'une vision d'ensemble - autre que budgétaire - des activités de l'établissement depuis le ministère, d'autant que la pluralité des interlocuteurs de l'établissement est encore accrue dans le cadre de la LOLF puisqu'aux directions de tutelle et directions maîtres d'ouvrage s'ajoutent désormais les deux directeurs responsables de programme sur lesquelles figurent des crédits destinés à l'EMOC, c'est-à-dire le directeur de l'architecture et du patrimoine (DAPA) et le délégué au développement et aux affaires internationales (DDAI).

Cette dispersion a pour corollaire, au plan budgétaire, l'éclatement des crédits destinés à l'EMOC sur différents programmes et actions de la mission « Culture ». Ainsi, les crédits destinés au financement des opérations sont répartis conformément à leur destination (ceux-ci figurent donc sur les actions pilotées par les maîtres d'ouvrages mandants de l'EMOC) tandis que les crédits destinés au fonctionnement courant de l'établissement sont éclatés sur trois puis quatre programmes en lois de finances 2005 et 2006.

b) Une faible intégration dans la démarche de performance

Cette méthode de budgétisation reflète le fait que l'EMOC n'a pas été classé parmi les opérateurs principaux du ministère, ceux-ci étant définis comme « ceux qui ont une contribution significative à la performance du programme ou qui reçoivent une fraction importante des budgets d'un programme » par la circulaire du 15 mars 2005. Par suite, il ne fait pas l'objet d'une présentation détaillée et consolidée dans le programme annuel de performance du ministère.

Ce système repose sur le principe de transparence du mandataire et de ventilation des fonctions support par destination, indépendamment de l'entité chargée de la gestion effective de ces crédits. Cette logique peut être défendue. Toutefois, elle se révèle peu lisible du point de vue de l'établissement et, surtout, tend à minorer la part de l'EMOC dans la mise en oeuvre des activités du ministère et sa contribution à la performance des programmes.

Ainsi, l'EMOC n'est pas cité parmi les acteurs du programme « Patrimoine » dont deux objectifs sont pourtant la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel. Sa contribution aux actions n° 1 « Patrimoine monumental et archéologique » et n° 2 « Architecture » destinée à promouvoir la qualité architecturale et conseiller les maîtres d'ouvrage publics est transparente. A fortiori, il n'apparaît pas dans les actions n° 3 « Patrimoine des musées de France » et n° 4 « Patrimoine archivistique » qui abritent pourtant les plus grosses opérations confiées à l'établissement (centre des archives de Pierrefitte notamment).

Contrairement aux préconisations de la circulaire du 1 er août 2005, applicable à tous les établissements publics administratifs, l'activité de l'EMOC n'apparaît donc pas suivie par des indicateurs de performance intégrés au projet annuel de performance de son ministère de rattachement, auprès duquel il joue pourtant un rôle déterminant.

Face à cette situation, le ministère de la culture reconnaît l'intérêt d'attribuer à l'EMOC le statut d'opérateur principal : « S'agissant de la dispersion des crédits destinés à l'EMOC au sein de la mission ministérielle, le ministère partage l'observation de la Cour et admet l'absence de données consolidées et exhaustives devant le Parlement sur l'ensemble des enveloppes budgétaires allouées à l'EMOC (...) Il peut être mis un terme à cette dispersion, respectivement par des mesures de simplification d'imputation budgétaire (déjà mises en oeuvre par le ministère) et par la désignation de l'EMOC comme opérateur principal. » 28 ( * )

*

Tant les modalités de tutelle que l'intégration de l'EMOC dans le schéma budgétaire du ministère de la culture tendent à le faire disparaître derrière ses commanditaires. Cette logique juridique ne correspond pas à la réalité opérationnelle : de fait, la performance du ministère dans son ensemble en matière de maîtrise d'ouvrage, c'est-à-dire concrètement la réalisation des objectifs énoncés à cet égard par le programme annuel de performance, dépend moins des directions d'administration centrales que de l'EMOC.

II. LE FINANCEMENT ET LES RÉSULTATS DE L'ACTIVITÉ

Chacun des métiers de l'EMOC correspond à un mode de financement distinct dont les documents financiers ne rendent pas toujours compte explicitement. Mais au-delà de ces problèmes de lisibilité, l'enjeu fondamental pour l'EMOC est de financer son cycle d'exploitation, c'est-à-dire l'avancement d'opérations dont il ne maîtrise pas les sources de financement.

A. LA PRÉSENTATION DES COMPTES

Les choix qui gouvernent les modes de comptabilisation de chacune des activités de l'EMOC sont issus d'une double distinction, l'une juridique (maîtrise d'ouvrage directe ou sous mandat), l'autre organique (opérations EMOC ou héritage EPGL-EPPV).

1- Trois comptes de résultat, un seul bilan

Le compte de résultat de l'établissement fait l'objet, depuis 2001, d'une triple présentation correspondant aux différentes activités (cf. annexe 2) :

- La gestion de l'EMOC regroupe en dépenses l'ensemble des charges de personnel et de fonctionnement de l'établissement, hors personnel affecté au Grand Palais. En recettes, il comprend principalement la subvention d'exploitation versée par le ministère et les produits financiers issus du placement de l'ensemble de ses disponibilités.

- La gestion du grand Palais est retracée dans un deuxième compte de résultat, dont la mise en place a été achevée en 2003.

- Les opérations liées à la liquidation de l'EPPV, enfin, sont retracées dans un troisième et dernier compte de résultat depuis 2001. Mais de même que les opérations financières liées au Grand Louvre et les conventions de mandat, la liquidation de l'EPPV a surtout une incidence sur le bilan plutôt que sur le compte de résultat.

Le bilan, en revanche, présente de manière consolidée l'ensemble des opérations en capital de l'EMOC, du Grand Palais et de l'EPPV, ainsi que les opérations liées au programme du Grand Louvre exécutées en maîtrise d'ouvrage directe. L'ensemble de ces éléments détermine le fonds de roulement de l'établissement au sens comptable du terme :

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Capitaux propres

6 219 598

19 752 484

21 047 420

14 747 830

15 569 163

13 044 027

11 568 871

Sub. d'investissement

108 650 325

122 839 518

123 229 787

127 029 023

137 472 414

161 957 242

161 819 992

Total ressources propres

114 869 924

142 592 002

144 277 207

141 776 853

153 041 577

175 001 268

173 388 864

Immo. incorporelles

70 925

97 245

110 899

92 367

84 022

71 571

53 316

Immo. corporelles

94 376 706

104 842 241

112 033 776

119 696 008

131 081 593

144 190 527

155 669 596

Immo. financières

16 204

0

0

2 000

0

9 000

8 000

Total actif immobilisé net

94 463 835

104 939 486

112 144 674

119 790 376

131 165 615

144 271 098

155 901 072

Fonds de roulement

20 406 088

37 652 516

32 132 533

21 986 477

21 875 963

30 730 170

17 487 792

Les opérations conduites sous convention de mandat, quant à elles, figurent au bilan mais via les comptes de tiers 29 ( * ) . C'est la raison pour laquelle l'excédent de ressources qu'elles procurent à l'EMOC ne peut être lu directement dans le fonds de roulement mais peut être reconstitué à partir de la balance des comptes. Chaque convention fait l'objet de deux comptes, l'un en recettes comptabilisant les crédits de paiement délégués par les mandants comme une dette, l'autre en dépenses retraçant les mandatements effectués par l'EMOC comme une créance (cf. annexe 2, point 4). Ainsi, au 31 décembre 2006, l'ensemble des « recettes » cumulées représentait 733 M€, et celui des « dépenses » cumulé 668 M€.

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Créances

26 829 241

51 620 520

112 997 687

216 134 863

363 728 515

528 934 574

668 277 330

dont compte tiers dépenses

26 590 608

50 654 749

112 787 439

215 560 259

363 488 757

528 772 816

668 097 899

Valeurs de placement

56 810 519

66 898 300

77 821 380

49 844 891

61 883 775

148 338 559

75 185 202

Disponibilités

9 294 463

22 067 167

21 198 894

4 373 228

7 145 275

7 647 632

7 306 555

Total actif circulant

92 934 223

140 585 988

212 017 961

270 352 982

432 757 564

684 920 765

750 769 087

Dettes d'exploitation

72 528 135

102 933 471

179 885 428

248 366 505

410 881 602

654 190 595

733 201 295

dont comptes tiers recettes

71 090 441

102 378 959

178 812 328

247 486 994

410 339 999

647 953 574

732 102 598

Total passif exigible

72 528 135

102 933 471

179 885 428

248 366 505

410 881 602

654 190 595

733 201 295

BfR

-45 698 894

-51 312 951

-66 887 741

-32 231 642

-47 153 087

-125 256 020

- 64 923 965

dont BfR opérations

-44 499 833

-51 724 210

-66 024 889

-31 926 736

-46 851 241

-119 180 758

- 64 004 699

Cette présentation, fondée sur la nature juridique du mandat, aboutit nécessairement à un besoin en fonds de roulement fortement négatif et à une trésorerie significative (cf. annexe 2, point 5) puisque pour l'heure, l'Etat a toujours opéré le versement des crédits de paiement dès les débuts des opérations, sans prise en compte des dépenses effectuées par l'EMOC. La trésorerie de l'établissement a ainsi évolué entre 66 M€ au 31 décembre 2000 et 82 M€ au 31 décembre 2006, après avoir atteint un pic de 155 M€ à la clôture de l'exercice 2005.

2- Une présentation peu lisible

En pratique, cette présentation se révèle complète et exhaustive mais peu lisible car le caractère détaillé du compte de résultat et à l'inverse consolidé du bilan ne permet pas une lecture immédiate des charges, produits et modes de financement associés à chacune des activités.

Si la différence de comptabilisation des opérations selon qu'elles sont réalisées en maîtrise d'ouvrage directe (comptes d'immobilisations) ou sous convention de mandat (comptes de tiers) est conforme au régime juridique des opérations, elle tend à dissocier des opérations qui relèvent du même métier.

Surtout, la méthode de comptabilisation des opérations sous convention de mandat en comptes de tiers, quoique conforme aux instructions comptables 30 ( * ) , correspond à une comptabilité de caisse (crédits de paiement reçus et mandatement effectués) qui ne retrace pas les engagements de l'Etat (montants des conventions de mandat) ni de l'établissement (montant des engagements juridiques). Cela signifie que la lecture des comptes financiers de l'EMOC doit être complétée par les annexes extra-comptables qui rendent compte des engagements noués entre l'établissement et l'Etat.

Tableau n° 3 :  Hors bilan des opérations de l'EMOC (31 décembre 2006) en M€

Source : tableau de bord des opérations, document EMOC, compte financier 2006

Afin de reconstituer un tableau de bord global des opérations d'investissement prises en charge par l'EMOC, en maîtrise d'ouvrage directe ou déléguée, il conviendrait de solder au plan comptable les opérations ayant fait l'objet d'une remise des ouvrages à leur affectataire final (par exemple, la passerelle Solférino figure toujours au bilan de l'EMOC en immobilisation pour 15,06 M€ faute d'avoir fait l'objet d'une sortie comptable au moment de la remise de l'ouvrage).

Une fois ce travail d'apurement comptable mené à bien, l'établissement et ses tutelles devraient envisager de compléter les annexes au compte financier par un état global représentatif du métier de maîtrise d'ouvrage exercé par l'EMOC quelle qu'en soit la forme juridique.

B. L'EQUILIBRE FINANCIER DE L'ÉTABLISSEMENT

L'analyse croisée du compte de résultat et du bilan permet de dégager, au-delà du résultat comptable, le résultat économique des différents métiers de l'EMOC.

1- Le résultat de fonctionnement de l'EMOC

Le résultat de l'établissement connaît d'importantes variations annuelles 31 ( * ) .

Ces évolutions, qui ne représentent pas des masses considérables en valeur absolue, dépendent davantage des mécanismes de la régulation budgétaire que d'un cycle d'exploitation économique stricto sensu . En réalité, le fonctionnement de l'EMOC n'a connu que trois à-coups au cours des dernières années : les 15 recrutements liés à l'opération Paris 7, qui apparaissent dans sa subvention annuelle ; l'emménagement rue des Rentiers, qui a occasionné une augmentation des charges courantes en 2001 ; et le non versement de la subvention de fonctionnement en 2003. Mais depuis cette date, tant les recettes que les charges de l'établissement sont stables en euros courants, voire accusent une légère diminution. La phase de montée en puissance paraît donc achevée.

La gestion du Grand Palais, quant à elle, a dégagé un résultat excédentaire de 0,87 M€ en 2006 après avoir débuté par un déficit de 0,45 M€ en 2001. Mais ces chiffres doivent être relativisés compte tenu du caractère approximatif de l'imputation des charges - notamment de personnel - au compte de résultat du Grand Palais. Il s'agit d'ailleurs d'un enjeu pour l'avenir, car l'activité de gestion des espaces de la nef développée par l'EMOC depuis la rentrée 2005 préfigure l'équilibre économique susceptible d'être atteint par l'exploitation du bâtiment désormais confiée à un établissement public dédié.

2- L'importance relative des ressources propres

La gestion courante de l'établissement, et surtout les opérations réalisées sous mandat ont généré un fonds de roulement positif depuis la création de l'établissement. Celui-ci a évolué entre 20,4 M€ en 2000 et 37,7 M€ en 2001 pour s'établir en 2006 à 17,6 M€. En dépit de ces fluctuations, la capacité de l'établissement à financer ses investissements propres et les opérations qu'il mène en maîtrise d'ouvrage directe apparaît solide.

Cette ressource a été régulièrement appelée en renfort, par exemple pour compenser le résultat courant déficitaire en 2001, celui de la gestion du Grand Palais en 2003 et 2004, et surtout le non versement de la subvention de fonctionnement en 2003.

L'unité apparente du fonds de roulement recouvre toutefois une disparité des ressources stables qui le composent :

2001

2002

2003

2004

2005

2006

FR Grand Louvre

20,95

14,27

10,58

9,53

17,96

6,30

FR EMOC

5,70

7,69

7,46

8,29

8,75

10,60

FR Grand Palais

0,021

- 0,68

- 0,703

- 0,56

- 0,60

0,36

FR EPPV

10,97

10,85

4,65

4,62

4,61

0,27

Total FR

37,65

32,13

21,98

21,87

30,73

17,63

Source : comptable de l'EMOC (à reconstituer à partir de la balance des comptes)

S'agissant de l'EPPV, la part du fonds de roulement issue de la liquidation était en principe destinée à être restituée à l'EPGHV, mais 4,29 M€ ont été prélevés en 2006 au profit de l'EMOC. S'agissant du Grand Louvre, le fonds de roulement dégagé par la différence entre les immobilisations et la subvention d'investissement destinée à les financer est manifestement surévalué : alors que les immobilisations sont comptabilisées à leur valeur nette, la subvention d'investissement est comptabilisée en valeur brute, sans amortissement. La remise des ouvrages - et notamment ceux du Grand Louvre - devrait donc s'accompagner d'une chute brutale de l'actif par rapport au passif, ou d'une régularisation des amortissements diminuant d'autant le fonds de roulement disponible.

Mais surtout, ce fonds de roulement calculé sur la base des ressources et des immobilisations permanentes n'inclut pas les opérations sous convention de mandat, lues à travers le bas du bilan, alors qu'elles représentent l'enjeu financier principal de l'établissement.

3- Le besoin en fonds de roulement

Le concept pertinent pour analyser la structure du financement est davantage le besoin en fonds de roulement, c'est-à-dire les disponibilités dont doit disposer l'EMOC à tout moment pour financer les travaux qui lui sont confiés par conventions de mandat.

Jusqu'à aujourd'hui, la gestion financière des opérations sous mandat a toujours produit un besoin en fonds de roulement négatif, c'est-à-dire qu'elle a procuré une ressource nette à l'établissement permettant de financer les opérations. L'excédent des crédits reçus sur les sommes mandatées s'élevait à 125 M€ en 2005, dont 97 %, soit 119 M€, provient des comptes de tiers retraçant les opérations sous mandat. Ce montant s'est certes réduit en 2006, mais en continuant de représenter une ressource nette avec un besoin en fonds de roulement négatif de - 64 M€.

Cette situation témoigne du fait que jusqu'à présent, le ministère de la culture a toujours versé en avance les crédits de paiement nécessaires à la bonne exécution des opérations. Certes, en vertu du la théorie du mandat, l'EMOC n'a pas à faire l'avance des crédits pour le compte du mandant. Mais cette situation témoigne du fait que l'établissement n'a pas cherché à mettre sur pied des échéanciers de paiement qui autoriseraient un pilotage des flux financiers plus proche de ses besoins opérationnels.

Une nuance sérieuse doit cependant être apportée à ce constat, qui a trait à la situation de l'année 2005. En effet, alors que le besoin en fonds de roulement lié aux opérations sous mandat était resté négatif de 40 à 60 M€ environ pendant les années 2001 à 2004, correspondant au financement de quatre mois d'activité, c'est en 2005 qu'il a pris une toute autre ampleur pour atteindre les 119 M€, soit un an d'activité.

Ceci est dû à une opération budgétaire intervenue à l'automne 2005, baptisée par les services « dotation en capital de 100 M€ ». Ce terme est évidemment trompeur, puisqu'il ne s'agit aucunement d'une dotation en capital, mais du versement exceptionnel de 89,30 M€ de crédits de paiement à l'EMOC, auxquels se sont ajoutés 10,70 M€ versés à l'établissement public du château de Versailles au titre de son schéma directeur qui reviendront eux aussi à l'EMOC. La raison d'être de cette opération tient à une controverse nouée entre le ministère de la culture et la direction du budget au sujet des abattements de crédits de paiements intervenus dans le cadre de la régulation budgétaire des exercices 2003 et 2004, alors que les autorisations d'engagement correspondantes avaient été préservées. Cette politique a nécessairement entraîné des difficultés de trésorerie dès l'année 2004, qui risquaient de devenir récurrentes. Profitant des recettes exceptionnelles enregistrées sur le compte d'affectation spéciale, la direction du budget a donc accepté en gestion un transfert de 100 M€, à la condition que celui-ci bénéficie directement à l'EMOC.

* 13 Décret n°98-387 du 19 mai 1998.

* 14 Lettre du 5 juin 2001, pages 19 et 20, en réponse aux observations provisoires de la Cour.

* 15 Théorie des prestations intégrées, ou « in house » : cf. CJCE, 18 novembre 1999, Teckal .

* 16 Mise en demeure prise en application de l'article 228 du Traité, 4 avril 2006. (FR-2001/598).

* 17 Lettre du 13 février 2007 en réponse aux observations provisoires.

* 18 Lettre 1 er mars 2007 en réponse aux observations provisoires.

* 19 Ce dernier chiffre étant ambigu compte tenu de l'opération de « dotation en capital » pratiquée en 2005, dont le détail est exposé au point II.

* 20 Encore ce point reste-t-il à confirmer. En effet, la dotation de 39,76 M€ d'autorisation d'engagements au bénéfice d'établissements publics en 2006 correspond en quasi-totalité au schéma directeur du château de Versailles (18 M€) et au pavillon des arts d'Islam du musée du Louvre (19,5 M€). Or, s'il est à peu près acquis que la maîtrise d'ouvrage de ce dernier échappera à l'EMOC, il est en revanche tout à fait possible - et en tous cas en cours de négociation - que celui-ci se voie mandater par l'établissement public du château de Versailles pour poursuivre la mise en oeuvre du schéma directeur.

* 21 Décret n°2007-97 du 25 janvier 2007 portant création de l'Etablissement public du Grand Palais des Champs-Elysées et décret du 22 février 2007 portant nomination de son président.

* 22 Article 2 du décret n° 2000-1247 du 19 décembre 2000 prononçant la dissolution de l'EPPV.

* 23 Lettre du 13 février 2007 en réponse aux observations provisoires.

* 24 Lettre du 12 février 2007 en réponse aux observations provisoires.

* 25 En revanche, les conditions sont claires dans l'hypothèse d'opérations prises en charge pour le compte de collectivités territoriales puisque dès l'origine, l'article 2 du décret statutaire prévoyait que celles-ci ne pourraient l'être qu'à titre onéreux - et donc dans le respect des dispositions du code des marchés publics.

* 26 Lettre du 1 er mars 2007 en réponse aux observations provisoires.

* 27 Arrêté du 14 octobre 2004 relatif à l'organisation et aux misions des services de la direction de l'architecture et du patrimoine, article 4.

* 28 Lettre de la DAG du 1 er mars 2007 en réponse aux observations provisoires.

* 29 Sous-compte 4432 opérations particulières avec l'Etat et les collectivités publiques.

* 30 Instruction codificatrice n° 98-075-M91 du 22 juin 1998, Tome III, Volume I, Titre 8, chapitre 4 « la comptabilité générale : commentaires des comptes » (pages 138 et s.)

* 31 Après une augmentation de 0,71 à 1,93 M€ entre 2001 et 2002 liée à la hausse de la subvention plus que proportionnelle à la hausse des charges, le résultat est déficitaire de 5,89 M€ en 2003 en raison du non versement de la subvention de fonctionnement. En 2004 et 2005, le résultat est à nouveau excédentaire mais connaît une baisse de 0,72 M€ à 0,40 M€ du fait d'une baisse de la subvention supérieure à celle des charges. Enfin, en 2006, le résultat est largement déficitaire à - 1,6 M€ du fait d'un abattement de la subvention de fonctionnement.

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