2. L'absence d'un projet partagé

Si l'avenir de l'Alliance semble aussi tributaire des oscillations de la politique américaine, c'est en partie parce que les autres Etats-membres n'ont pas eux-mêmes de vision claire et concordante du rôle qu'elle pourrait jouer dans le nouveau contexte stratégique.

Deuxième puissance militaire de l'Alliance, le Royaume-Uni semble surtout inspiré par la volonté de maintenir sa relation spéciale avec les Etats-Unis. Par pragmatisme, les Britanniques considèrent la question de la nature et de la vocation de l'OTAN comme théorique et plutôt secondaire. Ils privilégient la fonction politique de l'Alliance, cadre naturel du dialogue et de la concertation transatlantique sur les questions de sécurité. L'étroitesse de leurs relations avec les Américains leur permet d'occuper certains postes importants dans l'organisation.

La France , de par son statut singulier, n'est pas en mesure d'influer sur les orientations de l'Alliance. Elle détermine aujourd'hui davantage ses positions par réaction aux propositions de la structure internationale ou des autorités américaines qu'en fonction d'une vision propre du rôle de l'OTAN.

L' Allemagne semble, dans la période récente, prendre ses distances avec les Etats-Unis et tourner son regard vers l'Europe centrale et orientale. Cependant, sa position est encore très largement conditionnée par sa double spécificité historique : sa situation sur la « ligne de front » durant la guerre froide et les limites imposées à son autonomie militaire, puisque son armée est restée plusieurs décennies durant totalement intégrée à l'OTAN et dépourvue de structure propre de commandement. Si l'Allemagne dispose depuis peu d'un état-major de niveau stratégique à Potsdam et s'affirme peu à peu comme un acteur militaire à part entière, notamment à travers les opérations de l'Union européenne, elle n'a pas développé de marge d'initiative particulière au sein de l'OTAN.

Pour d'autres pays européens, l'OTAN reste un moyen de valoriser au plan politique une contribution militaire quantitativement plus réduite, la capacité de défense collective de l'Alliance permettant par ailleurs de maintenir l'effort de défense national à un niveau modeste.

Quant aux nouveaux Etats-membres , au nombre de 10 sur les 26 membres de l'Alliance, ils donnent une priorité essentielle à la garantie de sécurité collective. L'OTAN constituant de ce fait pour eux un cadre irremplaçable, ils n'expriment guère les réserves que pourraient pourtant leur inspirer l'extension des missions de l'Alliance et le développement de partenariats multiples faisant passer au second plan la mission de défense collective.

L'incertitude sur les évolutions à venir de l'OTAN et l'absence de réel projet partagé entre ses différents membres , au-delà du seul attachement à la clause de défense collective, si elles devaient perdurer, pourraient fragiliser l'Alliance . Elles n'incitent guère les Européens à renforcer leur effort de défense, la plupart d'entre eux continuant à se reposer largement sur les capacités américaines, ce qui pourrait les laisser désarmés, au sens propre du terme, en cas de désengagement des Etats-Unis sur le moyen terme.

Au sein de l'Alliance elle-même, la répartition des charges , tant en ce qui concerne le budget que les contributions quantitatives et qualitatives aux opérations , reste marquée par de fortes disparités. Cinq pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, France) assument à eux seuls plus de 70 % du budget de l'organisation (voir en annexe IV le détail des contributions budgétaires) et près de 65 % des contributions en troupes.

La cohésion interne de l'Alliance, autour d'un projet et d'objectifs réellement partagés, passe aussi par un rééquilibrage des responsabilités et des charges entre Etats-membres .

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