EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 18 juillet 2007.

M. Jean François-Poncet a souligné que l'OTAN traversait actuellement une période d'incertitudes et d'interrogations, portant notamment sur son rôle dans le nouveau contexte international. Il a jugé d'autant plus nécessaire, pour la France, d'en analyser toutes les implications, qu'avec l'élection d'un nouveau Président, se posait la question d'un éventuel infléchissement de la position de notre pays au sein de l'Alliance atlantique.

Evoquant les profonds changements ayant marqué l'évolution de l'OTAN depuis la fin de la guerre froide, il a tout d'abord mentionné son élargissement, avec le passage de 16 à 26 membres. Il a souligné que ce processus était appelé à se poursuivre et qu'étaient notamment en débat les candidatures de l'Ukraine et de la Géorgie. En Ukraine, l'adhésion à l'OTAN est un sujet de division au sein de l'opinion et de la classe politique, l'orientation que prendront les autorités ukrainiennes étant en partie suspendues aux résultats des élections législatives prévues en septembre prochain. En Géorgie, il y a en revanche unanimité sur le sujet, mais la persistance de différends territoriaux, en Ossétie du Sud et en Abkhazie, est un obstacle sur la voie d'une éventuelle adhésion.

M. Jean François-Poncet a souligné que les candidatures ukrainienne et géorgienne, approuvées par les Etats-Unis, étaient une importante source de difficultés avec la Russie, alors que s'accumulent les contentieux entre cette dernière et les Occidentaux, à propos notamment du bouclier anti-missile américain et de l'implantation de bases américaines en Bulgarie et en Roumanie. La question des relations avec la Russie, qui vient d'annoncer qu'elle suspendrait à compter du 12 décembre prochain l'application du traité sur les forces conventionnelles en Europe, redevient donc aujourd'hui un enjeu majeur pour l'OTAN.

M. Jean François-Poncet a estimé que l'engagement effectif dans les opérations militaires, amorcé dans les Balkans, était un autre changement majeur pour l'OTAN. Il a souligné à cet égard l'importance cruciale de l'opération en Afghanistan dans laquelle les responsabilités de l'OTAN ont évolué avec le temps, passant d'une simple stabilisation des zones pacifiées du Nord et de l'Ouest à une extension sur l'ensemble du pays, y compris dans le Sud et l'Est, où les forces relevant de l'OTAN mènent des opérations de lutte contre les talibans. Alors que l'opération Enduring freedom se poursuit, sous direction américaine mais avec des effectifs réduits, l'OTAN est confrontée à une situation critique et mène des opérations plus risquées, comportant des pertes humaines. Plusieurs nations s'interrogent sur le maintien de leur contingent. Alors que les obstacles à la stabilisation perdurent, notamment le trafic de drogue et le rôle des seigneurs de la guerre, l'OTAN joue en grande partie sa crédibilité en Afghanistan.

M. Jean François-Poncet a ajouté que pour renforcer son aptitude à mener des missions « expéditionnaires », l'OTAN opérait une « transformation » militaire se traduisant notamment par une réforme des structures de commandement et la création d'un grand commandement spécifiquement orienté sur les questions de doctrine et l'élaboration de nouveaux concepts. Dans le même esprit, a été mise en place la Nato Response Force (NRF) placée en alerte permanente et pouvant être déployée sous des délais très brefs de 5 à 30 jours. Comprenant 25 000 hommes, elle est alimentée par des contributions des pays-membres par périodes de 6 mois.

M. Jean François-Poncet a ensuite évoqué la question de la défense anti-missile, à laquelle l'OTAN s'intéressait essentiellement jusqu'à présent sous l'angle des défenses de théâtre, vouées à la protection d'une zone précise, notamment pour les forces déployées en opérations. Il a rappelé que le projet d'implantations en Europe d'éléments du système américain s'inscrivait quant à lui dans la perspective de la protection du territoire américain. Toutefois, les intercepteurs prévus en Pologne étant susceptibles de protéger également une partie du territoire européen, il a jugé légitime que l'OTAN en discute, quand bien même les décisions relèveront d'accords bilatéraux entre les Etats-Unis d'une part, la République tchèque et la Pologne d'autre part. Il a ajouté que des différences de vues étaient apparues à ce sujet entre pays européens et au sein même de certains pays, comme en Allemagne, où les deux partenaires de la coalition gouvernementale n'ont pas la même sensibilité.

M. Jean François-Poncet a considéré que l'une des grandes sources d'incertitude sur l'avenir de l'OTAN résidait dans la définition de son rôle et de ses missions. Doit-elle se transformer en alliance globale traitant de tous les aspects de la sécurité, notamment du terrorisme ou de la lutte contre les risques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires ? Doit-elle s'investir dans l'accompagnement civil de la gestion des crises, à l'image de l'expérience des groupes provinciaux de reconstruction en Afghanistan ? A-t-elle réellement les moyens d'assumer un très large spectre de missions ? Doit-elle travailler plus étroitement avec de nouveaux partenaires, comme les pays de la zone Asie-Pacifique, pour former une sorte de « communauté des démocraties » ?

M. Jean François-Poncet a estimé qu'une partie des réponses à ces questions étaient entre les mains des Etats-Unis, acteur dominant au sein de l'OTAN. Ceux-ci semblaient d'abord s'être détournés des opérations conduites par des alliances permanentes pour privilégier des coalitions de circonstance. Leurs difficultés en Irak, comme leur chute de popularité dans le monde, les conduisent désormais à s'intéresser de nouveau à l'Alliance atlantique en cherchant à lui imprimer une impulsion nouvelle, passant par la poursuite de l'élargissement, par la coopération avec des partenaires de la zone Pacifique et par la transformation de l'OTAN en « boîte à outils » au service de la sécurité globale.

M. Jean François-Poncet a ajouté que les Britanniques semblaient avant tout attachés à la préservation de leur relation spéciale avec les Etats-Unis et que l'attitude de l'Allemagne était ambivalente : l'armée, fortement intégrée à l'OTAN, y est très attachée, alors que le pouvoir politique prend ses distances avec les Etats-Unis, considérant que l'amitié américano-allemande ne doit pas signifier un alignement systématique.

M. Jean François-Poncet a ensuite abordé la question des relations entre l'OTAN et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Il a estimé que celles-ci n'étaient pas établies de manière pleinement satisfaisante. En dépit des déclarations officielles de part et d'autre, il est difficile d'éviter une certaine concurrence politique entre les deux entités. Par ailleurs, l'OTAN, comme l'Union européenne, puisent dans les mêmes forces. Par ailleurs, aucun critère de répartition des tâches ne s'impose de manière évidente, qu'il soit géographique, lié à la nature de la mission ou en relation avec la participation des Etats-Unis à l'opération. En outre, la Turquie entrave les relations de travail entre l'OTAN et l'Union européenne au motif que Chypre, membre de l'Union européenne, n'a pas d'accord de sécurité sur l'échange d'informations classifiées avec l'OTAN.

M. Jean François-Poncet a conclu en évoquant la position française à l'OTAN. Il a précisé que la France n'avait pas officiellement réintégré l'OTAN, mais qu'en pratique, elle participait à la quasi-totalité de ses activités essentielles. Elle contribue activement aux opérations et a commandé les forces de l'OTAN au Kosovo et en Afghanistan, elle fournit la cinquième participation financière au budget de l'organisation, elle est présente, bien qu'en nombre réduit, dans les états-majors, ainsi que dans les instances politiques, à l'exception du comité des plans de défense et du groupe des plans nucléaires.

Il a estimé qu'une réintégration pleine et entière emporterait peu de conséquences pratiques par rapport à la situation actuelle, sinon qu'il faudrait accroître considérablement le nombre d'officiers français dans les états-majors de l'OTAN.

Il a néanmoins considéré qu'il était nécessaire que la France, par la voie de son Président, clarifie sa position vis-à-vis de l'Alliance atlantique et qu'elle adopte désormais une attitude plus proactive que défensive, en formulant des propositions quant au rôle que nous entendons voir jouer par l'OTAN dans les années à venir.

A la suite de cet exposé, M. André Rouvière a souligné qu'il était nécessaire d'accorder davantage d'attention aux évolutions de l'OTAN, dans la mesure notamment où la France y est fortement impliquée. Il a estimé qu'au-delà du constat sur les interrogations que suscite aujourd'hui le rôle de l'OTAN, certaines propositions auraient pu être avancées. Il a cité le rééquilibrage des contributions financières et en troupes entre les différents pays de l'Alliance. Il a également appelé de ses voeux des propositions pour relancer les relations entre l'OTAN et l'Union européenne, aujourd'hui au point mort. Il s'est interrogé sur le risque de concurrence entre l'OTAN et l'ONU, du fait des ambitions, excessives à ses yeux, que s'assigne aujourd'hui l'Alliance atlantique. Il a souhaité une réaction de la France au plus haut niveau afin de faire respecter l'usage du français comme langue officielle au sein de l'OTAN. Enfin, il a déploré la faible utilité de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, souhaitant qu'elle soit beaucoup plus associée qu'aujourd'hui à la définition de l'avenir de l'Alliance atlantique.

M. Jean François-Poncet a reconnu l'intérêt d'une réflexion sur la répartition des contributions en troupes ou en financements entre alliés. S'agissant de la place du français, il a rappelé que la France avait provoqué, en 1966, le départ de son territoire des principales instances politiques et militaires de l'OTAN. Aussi n'était-il pas évident pour elle, aujourd'hui, d'enrayer l'usage de plus en plus répandu de l'anglais dans l'organisation. Il a d'autre part estimé que la question des rapports entre l'OTAN et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) revêtait une importance majeure. Il a souligné que la France ne pouvait évidemment pas agir en ce domaine sans tenir compte des positions de ses partenaires européens. Il a rappelé que le Royaume-Uni, acteur central en Europe en matière de défense, restait en retrait vis-à-vis de la PESD et que son engagement avait même reculé par rapport à Saint-Malo, alors que l'Allemagne y est plus favorable, à condition toutefois qu'elle ne remette pas en cause le rôle de l'OTAN, ni l'engagement des Etats-Unis en Europe. Il s'est déclaré convaincu que, seul, un accord avec les Etats-Unis permettrait de résoudre le dilemme de la relation entre l'OTAN et la PESD. Il a estimé que le Président de la République pourrait, dans cette perspective, clarifier la position française vis-à-vis de l'OTAN de manière à obtenir des Etats-Unis une attitude réellement favorable à la PESD.

M. Josselin de Rohan est convenu que les Etats-Unis détenaient les clefs de l'avenir de la PESD. Il s'est toutefois interrogé sur l'intérêt qu'aurait Washington à laisser la PESD prendre corps, une Europe plus autonome risquant d'être moins disposée à se ranger aux souhaits des Etats-Unis.

M. Robert Bret a souligné la nécessité d'un véritable débat de fond sur l'OTAN et ses évolutions. Il a évoqué les ambiguïtés de la relation entre l'OTAN et l'Union européenne, en rappelant que le projet de traité constitutionnel avalisait le rôle de l'OTAN. Il a estimé que les orientations prises par l'OTAN n'étaient pas sans conséquence sur la France et sur ses relations avec des pays-tiers et leurs peuples. Il a regretté la confusion qui entoure les questions relatives à l'OTAN. Il a également évoqué les incidences du projet américain de bouclier anti-missile.

M. Jacques Blanc, président a observé que la décision de la commission de réaliser un rapport d'information sur les évolutions de l'OTAN visait précisément à fournir les éléments d'information nécessaires au débat et que la présente réunion permettait à chacun d'exprimer des positions concrètes.

M. Jean François-Poncet a reconnu que l'on pouvait nourrir des doutes sur la réelle volonté américaine de permettre l'émergence de l'Europe de la défense. Il a cependant estimé qu'en raison de leurs difficultés actuelles en Irak et, plus globalement, de la dégradation de leur image dans le monde, les Etats-Unis étaient certainement aujourd'hui plus sensibles à l'intérêt d'un partenariat équilibré avec l'Europe. Aussi lui a-t-il paru opportun de mettre à profit le changement à la tête de l'exécutif en France pour tenter de relancer la relation transatlantique, en y clarifiant la place de la PESD. Il a par ailleurs suggéré que, sur la base du rapport d'information, la commission organise un débat plus large sur l'OTAN, par exemple sous la forme d'un colloque associant des personnalités européennes et américaines.

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