B. UN CADRE CONCEPTUEL : L'APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS

L'idée d'une approche globale, initialement portée par la France, est désormais adoptée au niveau européen. Les liens entre migration et développement sont abordés pour la première fois par la Commission dans une communication de décembre 2002 qui recommande l'intégration de cette question dans les relations avec les Etats tiers et le renforcement de la cohérence entre les politiques.

En décembre 2005, le Conseil européen a adopté « l'approche globale sur la question des migrations », une « approche équilibrée, globale et cohérente, comprenant des politiques destinées à lutter contre l'immigration illégale et permettant, en coopération avec les pays tiers, de tirer parti des avantages de l'immigration légale » qui vise à définir une action cohérente en matière de migrations au travers de différents domaines d'action : relations extérieures, développement, emploi, justice, liberté et sécurité.

Parmi les mesures concrètes proposées figurent la facilitation de l'envoi de fonds vers les pays d'origine (transparence des coûts, développement de l'accès aux services financiers), l'encouragement du rôle des diasporas implantées dans les Etats membres (aider les pays en développement à identifier leur diaspora et à établir des liens), le renforcement de la migration circulaire et la facilitation du retour et l'atténuation des inconvénients causés par la fuite des cerveaux.

La mise en oeuvre de cette politique suppose l'intervention de plusieurs directions générales de la Commission : Justice, liberté et sécurité (JLS) pour les aspects « sécuritaires », Développement, compétente pour l'Afrique mais aussi Relations extérieures, compétente pour la politique de voisinage et, pour ce qui concerne la mission de vos rapporteurs, pour le Maghreb.

1. Le dialogue avec les Etats tiers

L'année 2006 a été consacrée à établir un programme de travail avec l'Afrique.

Une première conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement s'est tenue en juillet 2006 à Rabat. Elle a abouti à la définition d'un partenariat assorti d'un plan d'action et a convenu de la tenue d'une seconde conférence dans les deux ans.

Le plan d'action de Rabat comprend six points : migration et développement, migration légale, immigration irrégulière, coopération opérationnelle policière et judiciaire et aide aux victimes, financement et cadre et suivi institutionnel. Il fait une large place au co-développement et à la formation, met l'accent sur la promotion de la migration circulaire et temporaire, réaffirme l'objectif de la conclusion d'accords de réadmission tout en prévoyant l'octroi de soutiens financiers aux pays confrontés à des situations d'urgence en matière d'immigration irrégulière. Il prévoit la création d'un observatoire euro-africain de la migration.

Ce dialogue s'est poursuivi en septembre dans le cadre des Nations-unies puis en novembre en Libye dans le cadre d'une conférence ministérielle UE-Afrique. Il s'est systématisé dans les différentes enceintes du dialogue entre l'Union et les pays tiers, notamment, pour ce qui concerne les Etats africains dans le cadre de l'article 13 de l'accord de Cotonou.

L' Accord de Cotonou , qui régit les relations avec les Etats ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) offre un cadre pour le dialogue politique dans son article 8 et couvre, dans son article 13 un large éventail de questions relatives aux migrations et au développement.

L' article 8 stipule ainsi que « les parties mènent, de façon régulière, un dialogue politique global, équilibré et approfondi conduisant à des engagements mutuels ».  Ce dialogue a pour objectif (...) de faciliter la définition de priorités et de principes communs en particulier en reconnaissant les liens existant entre les différents aspects des relations nouées entre les parties ». (...)  « le dialogue englobe les stratégies de coopération ainsi que les politiques générales et sectorielles, y compris l'environnement, l'égalité hommes/femmes, les migrations et les questions liées à l'héritage culturel ».

L' article 13 , quant à lui, est entièrement consacré à la question des migrations. Il prévoit un dialogue approfondi sur ce sujet dans le cadre du partenariat ACP-UE. Après avoir posé le principe de l'égalité de traitement et de la non-discrimination, l'article 13 établit une relation entre le politique de développement et la gestion des flux migratoires : « Les parties considèrent que les stratégies visant à réduire la pauvreté, à améliorer les conditions de vie et de travail, à créer des emplois et à développer la formation contribuent à long terme à normaliser les flux migratoires ». Il évoque ainsi la nécessité « d'appuyer le développement économique et social des régions d'origine des migrants » et met l'accent sur la formation des ressortissants ACP. Le dernier volet de l'article 13 porte sur les questions liées à l'immigration illégale « en vue, le cas échéant de définir les moyens d'une politique de prévention ». Il pose le principe de la réadmission des ressortissants d'une partie illégalement présents sur le territoire de l'autre partie mais renvoie à des accords bilatéraux le soin de définir les obligations spécifiques de réadmission et de retour de leurs ressortissants.

Avec l'article 13 de l'accord de Cotonou, la Commission dispose d'une base juridique complète et précise pour un dialogue avec les Etats ACP sur la question des migrations, dialogue difficile dont les débouchés concrets sont faibles.

A ce jour, le bilan de la conclusion d'accords de réadmission est mince, ce qui conduit certains Etats membres à demander la « rebilatéralisation » de ces négociations.

Trois missions dites « article 13 » ont eu lieu en 2006 en Mauritanie, au Sénégal et au Mali et une série d'autres sont envisagées pour 2007, notamment au Nigeria, en Éthiopie et au Cameroun.

En outre, afin de fonder ses actions sur des données précises, la Commission a élaboré, pour chacun des Etats ACP, un « profil migratoire » comprenant des chiffres et une analyse. Ces documents restent assez lacunaires et témoignent de la difficulté de disposer de données fiables et à jour dans ce domaine. Pour ce qui concerne le Mali, les données datent ainsi de plus de cinq ans et sont, en tout état de cause, antérieures à la crise ivoirienne alors que la Côte d'Ivoire est le premier pays d'accueil des Maliens expatriés.

La France devrait accueillir pendant la période de sa présidence de l'Union européenne, la deuxième conférence ministérielle prévue par la Déclaration de Rabat.

2. La coordination entre Etats membres : les plateformes de coopération

Il s'agit de renforcer la coopération entre les différents acteurs intervenant dans un pays donné en relation avec son profil migratoire. Ces plateformes associeront les pays africains, les Etats membres de l'UE et les organisations internationales. Elles pourraient conduire à l'élaboration d'accords régionaux.

Ces plateformes de terrains pourraient permettre l'élaboration d'accords pluripartites entre des pays européens et un Etat tiers.

3. Le renforcement des capacités des Etats africains en matière de gestion des migrations

L'UE souhaite aider les Etats africains à renforcer leurs capacités de gestion des migrations et de l'asile. Elle a proposé de créer des profils migratoires par pays pour collecter et analyser les informations nécessaires ou encore de créer des équipes de soutien des migrations composées d'experts des Etats membres qui pourraient fournir l'assistance nécessaire aux Etats africains qui le demanderaient.

4. Les financements

Au regard des montants de l'aide extérieure européenne, les montants consacrés à la question des migrations sont marginaux mais ils sont largement supérieurs aux moyens bilatéraux alors même que la France fait figure de pionnier dans ce domaine.

Un règlement du Parlement et du Conseil du 10 mars 2004 établissant un programme d'assistance technique et financière en faveur de pays tiers dans le domaine des migrations et de l'asile (AENEAS) permet de financer des projets en lien avec cette thématique, pour un montant global de 250 millions d'euros sur la période 2004-2008. Il s'agit du seul règlement spécifique existant sur les migrations.

Le mécanisme de réaction rapide, destiné aux situations de crise, a permis de consacrer 3 millions d'euros à la Mauritanie et 2,5 millions d'euros au Sénégal.

Sur les crédits de la politique de voisinage, des crédits ont été mobilisés principalement à destination du Maroc.

A destination des pays ACP, une enveloppe de 40 millions d'euros devrait être mobilisée sur les crédits du IXe FED pour la promotion des investissements dans les secteurs gros consommateurs de main d'oeuvre des régions à forte émigration et pour la facilitation des migrations et de la mobilité de la main d'oeuvre au niveau intra-africain. Le point d'affectation de ce montant est la CEDEAO. Des négociations sont en cours sur les montants qui pourraient être mobilisés sur le Xeme FED.

Un programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoires d'un montant de 4 milliards d'euros est en cours de négociation pour la période 2007-2013 a été adopté au printemps 2007. Ce programme comprend quatre fonds (fonds frontières extérieures (1,8 Md €), fonds intégration (825 millions d'euros), fonds retour (676 millions d'euros), fonds européen pour les réfugiés (699 millions d'euros).

Le fonds Retour, adopté le 23 mai 2007, concerne tous les types de retour, qu'ils soient volontaires ou non.

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