3. Un lieu de consolidation des identités

a) Un rôle d'intégrateur social

Dans un contexte de déclin des institutions traditionnelles et de distance des jeunes à leur égard, les groupes de supporters, notamment ultras, semblent pouvoir jouer un rôle d'intégration sociale . Christian Bromberger parle ainsi pour les associations ultras de bachelleries (terme qualifiant les groupes de jeunes célibataires masculins au Moyen-Âge) où s'expérimentent « de façon tâtonnante et marginale, des formes de socialisation qui étaient naguère prises en charge par les grands appareils (religieux, politiques, syndicaux) sous la houlette d'adultes » 26 ( * ) . Les associations de supporters semblent ainsi constituer pour les jeunes un lieu de consolidation des identités individuelles et collectives . Après les rencontres, les groupes se retrouvent par exemple dans des bars, comme dans les cercles d'autrefois, lieux de sociabilité par excellence, où ils sont reconnus par les autres comme faisant partie d'une même famille. Les clivages sociaux sont en partie effacés, le médecin et le chômeur portant et défendant la même équipe, la même ville, et les mêmes couleurs.

C. Bromberger cite un leader des Fighters, club ultra soutenant la Juventus de Turin déclarant, « ici au stade, je suis reconnu pour ce que j'ai fait, alors que dans mon travail, je ne suis reconnu pour rien ». Philippe Broussard, dans son ouvrage, Génération supporters , cite également un supporter évoquant le cas « d'un gars qui s'appelle Kronenbourg [au Paris Saint-Germain]. Personne ne sait ce qu'il fait dans la vie. Mais au stade, c'est une figure (...). A sa manière, il est quelqu'un ».

De façon positive, lorsqu'elles sont structurées et hiérarchisées, ces associations peuvent même faire office d'espaces d'apprentissage de la vie associative et militante , notamment quand les rétributions du militantisme consistent en une promotion interne au groupe. Christophe Uldry, président de l'association des Supras 27 ( * ) , a évoqué cet aspect de la vie des supporters dans son entretien devant le groupe de travail, en soulignant que les jeunes faisaient la démarche d'adhérer aux associations de supporters, qu'un rythme de vie leur était imposé et que la participation pouvait apporter une première formation aux plus jeunes de leurs membres.

Outre qu'elles constituent un réseau d'entraide pour leurs membres, ces associations participent également à des actions caritatives. Ainsi, les Supras parisiens ont-ils participé au collectif « remise en jeu », qui a pour but la réinsertion de sans-abris dans la société via l'organisation de matchs de football entre eux.

La question de la réussite d'intégration sociale des immigrés grâce aux structures de supporters n'est pas tranchée. Il semble que les processus d'identification favorables à l'intégration par le sport existent, bien que dans le stade, des marques de racisme subsistent. Selon Christian Bromberger, les populations d'origine maghrébine ont été de plus en plus nombreuses dans le stade vélodrome de l'Olympique de Marseille, mais « si l'identification à l'OM et à la ville est très forte, [...], leur insertion institutionnelle demeure faible : elles participent peu à la gestion et aux activités des associations de jeunes supporters ».

* 26 C. Bromberger, « Football, la bagatelle la plus sérieuse du monde », Bayard, Paris, 1998.

* 27 Auditionné par le groupe de travail le 18 avril 2007.

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