D. LA RESPONSABILITÉ DES POUVOIRS PUBLICS

En dépit d'une rationalisation bienvenue, d'une augmentation conséquente du montant des aides octroyées et d'une extension du champ des activités concernées, le « régime économique de la presse » peine à faire la preuve de son efficacité. Certains le comparent même à un véritable « tonneau des danaïdes » ...

Soupçonné d'accompagner la presse quotidienne dans la crise au lieu de l'en sortir, accusé de ralentir la modernisation de la presse au lieu de l'accélérer, ce régime illustre les difficultés des pouvoirs publics à définir une stratégie cohérente et efficace destinée à préserver un média indispensable à l'information des citoyens et à la diffusion des courants de pensées et d'opinions.

a) Un système de soutien rationalisé

Comme bon nombre de dispositifs d'aides publiques, le « régime économique de la presse » s'est développé par sédimentation au mépris du bon sens et en fonction des urgences. A l'aide postale datant de la période révolutionnaire se sont ainsi progressivement ajoutées diverses lignes budgétaires aux objectifs hétérogènes et à l'efficacité limitée.

Cette époque est fort heureusement révolue. Au cours des cinq dernières années, la Direction du développement des médias s'est en effet attelée à rationaliser le dispositif des aides directes à la presse en modifiant les modalités d'attribution de 7 d'entre elles et en créant 2 aides pour un montant total de 35 millions d'euros.

Au total, le dispositif proposé est désormais plus lisible. La budgétisation du fonds de modernisation notamment, proposée par notre collègue Paul Loridant 19 ( * ) a permis d'en simplifier et d'en unifier considérablement l'architecture.

Il est sans aucun doute plus cohérent. En identifiant clairement un coeur de cible, à savoir les titres de la presse quotidienne d'information politique et générale, ce programme évite le saupoudrage que l'on pouvait reprocher, à juste titre, aux aides précédentes.

Ce dispositif est enfin plus efficace. En privilégiant l'attribution des aides en fonction de projets définis conformément à la démarche de performance envisagée par la loi organique relative aux lois de finances, les mesures proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement ont permis l'instauration d'un dispositif d'intervention et de soutien réactif et adapté aux demandes des éditeurs mais dont la portée reste toutefois limitée.

b) Un système perfectible

En dépit de sa récente rationalisation, le régime économique de la presse n'est pas pour autant exempt de tout reproche.

D'une part, son impact sur la situation des quotidiens reste limité. La relative modicité des sommes destinées aux aides directes et la multiplicité des objectifs affichés (développement de la diffusion, défense du pluralisme et modernisation des entreprises de presse) contribuent simplement à maintenir à flot les titres les plus mal en point ( L'Humanité , France Soir et Libération ) et à alléger les charges courantes des autres bénéficiaires.

D'autre part, certains objectifs demeurent contradictoires entre eux, rendant illusoire la mesure de leur efficacité. C'est notamment le cas en matière de diffusion des titres puisque chaque mode de diffusion (portage, voie postale et vente au numéro par l'intermédiaire de l'aide à la distribution) continue de bénéficier de subventions plus ou moins élevées.

Enfin, trop de crédits publics demeurent attribués sans la moindre contrepartie. L'aide à la distribution allouée aux Nouvelles messageries de la presse parisienne illustre parfaitement ce propos : alors que l'État est en passe de s'engager à financer un troisième plan de modernisation consécutif de l'entreprise, aucun bilan précis du degré de réalisation des deux précédents n'a été engagé. A cet égard, il serait temps de contractualiser ce type d'engagement afin de pouvoir contrôler l'utilisation des crédits.

En tout état de cause, l'État semble, en matière de presse quotidienne, s'être substitué au marché au nom de la défense du pluralisme et de la liberté d'information. Il subventionne « à l'aveugle » un secteur d'activité tout entier au risque de le maintenir dans un état de dépendance et de dissuader toute volonté de réforme.

* 19 Jusqu'où aider la presse ? Rapport d'information n° 406 (2003-2004) de M. Paul Loridant au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 7 juillet 2004.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page