B. LES FAUSSES BONNES SOLUTIONS

Dans le choix d'une nouvelle ressource, trois aspects doivent être examinés :

- la dynamique potentielle de la recette,

- son impact économique à moyen et long terme,

- ses conséquences pour les contribuables.

Il est également nécessaire de ne pas négliger les phénomènes d'ouverture de l'économie et de très grande concurrence fiscale à l'échelle européenne et mondiale. La mobilité du capital est en effet une réalité, avec des phénomènes de fuite rapide des actifs dont il faut pouvoir se protéger.

D'une façon générale, on observe qu'il est plus sûr de dépendre de plusieurs catégories de recettes que d'une seule. L'Etat et les collectivités territoriales disposent d'ailleurs de ressources suffisamment variées pour pouvoir supporter des variations de rendement. Pour la sécurité sociale aussi, il semblerait préférable de ne pas compter sur une seule dynamique de recettes. Or, aujourd'hui les rémunérations constituent l'assiette principale, celle des cotisations mais également, en grande partie, celle de la CSG.

Néanmoins, sur le long terme, on observe qu'il n'y a pas de recette ayant une meilleure dynamique que les prélèvements sur les rémunérations, ce qui plaide en faveur du maintien de cette assiette principale.

Autre facteur important : tout changement d'assiette ne peut qu'entraîner des transferts significatifs d'une catégorie de contribuables à une autre. Par exemple, la substitution de la TVA sociale aux cotisations patronales se fera au détriment du revenu des personnes âgées et créera un profil dégressif dans la taxation de ce revenu.

Aussi, préalablement à toute réforme, il est indispensable de s'interroger sur le type de financeur que l'on estime légitime.

Dans le débat actuel, l'alternative principale aux cotisations sociales prend trois formes : la cotisation sur la valeur ajoutée (CVA), la TVA et la CSG qui ne répondent pas tout à fait aux mêmes objectifs d'ailleurs :

- choisir la cotisation sur la valeur ajoutée permettrait de conserver une cotisation patronale tout en s'interrogeant sur la restructuration de cette cotisation afin de la réorienter vers les secteurs à plus forte valeur ajoutée ;

- opter pour la TVA ou la CSG reviendrait à changer purement et simplement d'assiette.

1. La cotisation sur la valeur ajoutée

Le débat sur l'instauration d'une cotisation sur la valeur ajoutée (CVA) a été lancé en 2006 par Jacques Chirac, alors Président de la République, avec l'idée d'élargir l'assiette des cotisations sociales à la valeur ajoutée.

Formulée dès 1974, cette option, qui consiste à créer un prélèvement assis sur la valeur ajoutée produite par les entreprises, apparaît en effet séduisante en première analyse car elle vise à mieux répartir la charge de l'Etat providence et à réduire les coûts salariaux. Mais elle comporte aussi un risque réel de pénalisation des investissements et de transferts de charges massifs entre assurés sociaux.

Plusieurs enceintes (groupe de travail interadministratif, conseil d'orientation pour l'emploi, conseil d'analyse économique, centre d'analyse stratégique) ont approfondi la réflexion sur cette cotisation ainsi que sur d'autres sources de financement au cours de l'année 2006. Ces contributions ont permis l'ouverture d'une concertation associant tous les acteurs et experts du dossier, y compris les partenaires sociaux.

Toutefois, les conclusions de ces travaux ont, dans l'ensemble, fait apparaître de nombreuses réserves.

a) Un nouvel impôt sur les sociétés ?

Le conseil d'analyse économique 12 ( * ) a ainsi notamment mis en évidence le problème de la complexité de la formule et les difficultés de sa mise en oeuvre. Il a estimé que la CVA ne devrait s'appliquer qu'à la valeur ajoutée nette afin de ne pas taxer l'amortissement. Mais la conséquence d'un tel choix serait que la cotisation reviendrait en fait à alourdir l'impôt sur les sociétés. Or, celui-ci atteint déjà dans notre pays un niveau supérieur à la moyenne européenne. Il ne serait donc pas souhaitable de l'augmenter, en particulier au moment où l'Allemagne, de son côté, réduit significativement cet impôt, même si certains experts estiment qu'il existerait une légère marge d'augmentation acceptable.

b) Des risques de fuites, des transferts mal maîtrisés

Comme l'a souligné le conseil d'orientation pour l'emploi dans son rapport 13 ( * ) , deux arguments généralement avancés en faveur de la CVA sont particulièrement peu convaincants :

- le premier consiste à souligner la baisse tendancielle de la part des salaires au sein de la valeur ajoutée et l'accroissement concomitant du poids des profits qui justifierait que ceux-ci soient davantage taxés qu'ils ne le sont actuellement. Or, cette affirmation s'appuie, on l'a vu, sur des courbes démarrant au début des années quatre-vingt, au moment où la part des salaires avait atteint un point haut tout à fait conjoncturel pour des motifs liés au choc pétrolier des années soixante-dix. En réalité, sur le long terme comme sur le court terme, le partage salaire-profit au sein de la valeur ajoutée apparaît extrêmement stable ;

- le second argument est celui selon lequel une assiette reposant sur la valeur ajoutée aurait un effet favorable sur l'emploi dans la mesure où elle transférerait une partie des charges sociales sur les profits. Cette analyse est sans doute exacte à court terme et la mise en place d'une CVA pourrait conduire à créer quelques dizaines de milliers d'emplois supplémentaires. A long terme en revanche, il apparaît tout à fait présomptueux de vouloir taxer l'assiette la plus mobile qui a toutes les chances de pouvoir s'évader. En réalité, les emplois gagnés à court terme risqueraient d'être perdus du fait de la chute de la productivité et du taux de progression de la richesse nationale.

Si les arguments en faveur de la CVA apparaissent ainsi peu convaincants, sa mise en place poserait en outre un certain nombre de problèmes. En premier lieu, des complications administratives sont à prévoir avec une nouvelle assiette, de nouvelles obligations déclaratives et de nouveaux circuits de recouvrement. Ensuite, les risques d'évasion d'assiettes sont réels, ouvrant un chantier considérable pour les cabinets d'experts en optimisation fiscale.

Enfin, le ratio masse salariale sur valeur ajoutée apparaît très variable d'une entreprise à l'autre et d'un secteur économique à l'autre. L'institution d'une CVA créerait ainsi des gagnants, mais aussi des perdants, y compris au sein d'une même branche économique, ce qui aboutirait à des transferts difficiles à maîtriser entre entreprises.

c) Un impact négatif sur l'emploi

Selon les travaux du groupe de travail interadministratif, il apparaît que, sur un plan économique, le remplacement des cotisations sociales par la CVA aurait un effet positif sur l'emploi à l'horizon de deux ou trois ans, mais dans des proportions modiques, de l'ordre de quelques dizaines de milliers d'emplois seulement. A moyen et long terme, les effets seraient très différents, le capital étant plus mobile que le travail, puisqu'on pénaliserait l'investissement, ce qui diminuerait l'accumulation de capital et donc la croissance ainsi que, par voie de conséquence, les salaires. Une taxation frappant le facteur le plus mobile rendrait donc vain ce changement d'assiette en termes d'emploi et produirait même des effets négatifs sur la croissance et le niveau de vie, notre pays se situant dans le cadre d'une économie ouverte 14 ( * ) .

Au total, en pesant sur l'outil de production situé en France et en ne taxant pas les importations, la CVA ne peut être une solution valable au regard des critères susceptibles de qualifier un « bon prélèvement ».

Pour des raisons en partie identiques, la taxe sur le chiffre d'affaires ou « coefficient emploi-activité » , c'est-à-dire la création d'un prélèvement portant sur le chiffre d'affaires diminué de la masse salariale, préconisée par certains, notamment notre collègue Serge Dassault, ne pourrait résister à un taux de prélèvement élevé et entraînerait, en définitive, plus d'avantages que d'inconvénients.

2. La TVA sociale

Le principe de la TVA sociale est de substituer une fraction de TVA à des cotisations sociales payées par les entreprises, c'est-à-dire d'augmenter le taux de celle-là en contrepartie d'une réduction de celles-ci.

a) Les avantages habituellement attendus de la TVA sociale

Pour ses partisans, elle présente essentiellement deux avantages :


• Un rendement élevé

La TVA est aujourd'hui la première recette fiscale de l'Etat, avec un rendement net de 127,4 milliards d'euros en 2006. Un point de TVA au taux normal représente 5,73 milliards d'euros selon les données du ministère de l'économie et des finances.

Cela signifie qu'une hausse de quelques points de la TVA peut valablement contribuer au financement d'une baisse non cosmétique des cotisations patronales de sécurité sociale.

En outre, pour certains de ses promoteurs, ce rendement aurait l'avantage d'être obtenu de façon plus indolore qu'un prélèvement direct sur les salaires.


• Un moyen d'améliorer la compétitivité des entreprises

La TVA sociale entraîne une baisse du coût du travail grâce à la diminution des cotisations patronales, ce qui permet de diminuer les écarts de coûts dans les prix de revient constatés dans les comparaisons avec les entreprises d'autres pays.

Elle a également pour conséquence de taxer à un niveau plus élevé les produits importés et, à l'inverse, de détaxer davantage les produits exportés.

Au total, la TVA sociale permet donc d'améliorer la compétitivité des entreprises, de rendre moins attractifs les produits importés, de faciliter les exportations et surtout, elle constitue un moyen de lutter contre les délocalisations et de favoriser l'emploi grâce à un coût du travail réduit.

Enfin, en taxant davantage les importations, la TVA sociale a le mérite de faire participer les produits importés au financement de la sécurité sociale.

b) De réelles interrogations

Malgré ses avantages, la TVA sociale n'en suscite pas moins de réelles interrogations, tant sur un plan économique que du point de vue de sa mise en oeuvre pratique.


• Des effets économiques incertains

De nombreux travaux, études et modélisations ont été menés par des économistes et des experts au cours des derniers mois. Ils conduisent généralement à remettre en cause l'avantage comparatif attendu de la TVA sociale mais aussi et surtout à pointer un réel risque inflationniste.

- Quel avantage comparatif ?

L'instauration de la TVA sociale ne revient-elle pas en fait à mettre en place une forme de dévaluation déguisée ? Dans ce cas, comme pour toutes les dévaluations, elle ne présenterait qu'un avantage à court terme , les problèmes de compétitivité de l'économie demeurant dès cette première période passée.

La TVA ne peut en effet constituer une réponse de fond au problème de la compétitivité de la France qui dépend bien plus de sa capacité à innover et à améliorer sa productivité.

En outre, si nos voisins européens nous imitent, les gains de compétitivité obtenus disparaîtront.

Avec un taux normal supérieur à la moyenne européenne, la marge de la France est d'ailleurs relativement étroite : 5,4 points au plus, car le taux normal maximum de TVA admis par les normes européennes est de 25 %. La mesure qui pourrait être prise serait dès lors une sorte de « mesure à un coup ».

Pour ce qui est des pays émergents, le décalage de compétitivité est tel aujourd'hui que cette mesure ne changera que peu de choses par rapport à leur avantage actuel. Leur concurrence sera-t-elle vraiment contrariée avec une TVA à 25 % alors que les écarts de coûts et de prix de revient peuvent varier de 1 à 20 ?

Peut-on d'ailleurs être assuré d'un changement de comportement des consommateurs à l'égard des produits importés du seul fait qu'ils deviendraient plus onéreux ?

- Un risque inflationniste avéré

L'effet inflationniste est d'abord certain pour les produits importés.

En outre, si les entreprises ne répercutent pas les baisses de charges dans leurs prix, surtout lorsqu'elles voudront profiter de cette opportunité pour reconstituer leurs marges, les prix TTC s'accroîtront.

Comment garantir le civisme des entreprises sur les prix ? L'économiste Thomas Piketty considère qu'en France, faute de discipline sur les prix, « la hausse des prix jouerait à 60 % du différentiel de baisse des charges selon les secteurs ». Les entreprises cherchent en effet toujours, d'une manière ou d'une autre, à accroître leurs bénéfices ou, tout simplement, à reconstituer leurs marges, lorsque celles-ci sont dégradées, ce qui correspond bien à la situation présente.

On a ainsi calculé que si les baisses de charges ne sont pas du tout répercutées, une augmentation de cinq points du taux normal de TVA se traduirait par une hausse de quatre points de l'inflation française.

Enfin, les effets de la TVA sociale seront limités en cas de hausse des salaires. Or, celle-ci pourrait apparaître rapidement, soit du fait de la baisse des charges et d'un transfert au moins en partie de celle-ci vers les salaires, soit en raison du surcroît d'inflation lié à la hausse du taux de TVA. Dans ce cas, le coût du travail ne se réduira pas et les effets en termes de baisse des prix et de hausse de l'emploi ne se produiront pas.

Il convient également de souligner qu'en France, très nombreux sont les revenus (Smic, salaires de la fonction publique, retraites, minima sociaux), prestations ou autres avantages qui sont indexés sur la hausse des prix, ce qui ne pourra, là encore, que contribuer à limiter l'impact positif sur l'emploi attendu de la TVA sociale.


• Des expériences étrangères en nombre limité et peu probantes

Les expériences étrangères ne sont, à cet égard non plus, pas entièrement probantes. Le Japon a pratiqué des hausses de TVA en 1997 qui se sont révélées désastreuses. Au Danemark et en Allemagne, le bilan de l'instauration d'une TVA sociale doit être examiné au regard des caractéristiques propres de chacune de ces deux économies, assez différentes de la nôtre. En outre, les décisions sont intervenues à chaque fois dans un contexte conjoncturel particulier .

En Allemagne, notamment, l'instauration d'un point de TVA sociale s'est faite à un moment où les entreprises avaient reconstitué leurs marges et pouvaient sans trop de difficulté répercuter dans leurs prix la baisse des charges d'assurance chômage dont elles ont bénéficié.

La TVA sociale au Danemark

A la fin des années quatre-vingt, le Danemark connaît une grave crise économique, avec une dette extérieure proche de 40 % du Pib et une forte inflation. Le pays doit faire face à un problème crucial de compétitivité. Il s'agit avant tout de protéger le secteur des exportations, l'économie danoise étant très ancrée dans le commerce international.

Pour endiguer la récession, il est donc décidé, entre 1987 et 1989, de mettre en oeuvre une vaste réforme fiscale incluant notamment l'augmentation de la TVA, dont le taux est porté de 22 % à 25 %, pour compenser la baisse de 3 % et, donc de fait, la quasi-disparition des charges patronales.

Le choix s'est porté sur la TVA car son accroissement avait moins d'impact sur la main-d'oeuvre, son coût étant supporté par tout le monde et non par les seuls salariés. Il était également interdit aux entreprises d'augmenter leurs prix.

Le bilan de cette mesure est complexe car la bonne tenue de l'économie danoise qui s'en est suivie (baisse du chômage, excédent budgétaire, etc.) n'est probablement pas uniquement liée à la TVA sociale. Certes, l'impact inflationniste y a été relativement limité. Mais, de l'avis même d'économistes danois, un tel dispositif, à caractère protectionniste, ne fonctionne en fait qu'à court terme car, après un temps, le coût du travail recommence à augmenter.

La TVA sociale en Allemagne

Au 1 er janvier 2007, l'Allemagne a porté son taux normal de TVA, alors l'un des plus bas de l'Union européenne, de 16 % à 19 % (1) .

Il ne s'agit toutefois pas à proprement parler d'une TVA sociale car, sur les trois points de hausse, deux points doivent permettre de réduire la dette de l'Etat, le dernier point seul ayant permis de ramener les cotisations chômage de 6,5 % à 4,2 %, se partageant entre 1,15 % pour les employeurs et 1,15 % pour les salariés.

En 2006, les cotisations sociales représentaient 42 % du salaire brut. Après allégement, les cotisations ne représentent plus que 40,7 % du salaire brut depuis le 1 er janvier 2007.

Il est encore un peu tôt pour établir un bilan de cette mesure. Toutefois, malgré la volonté, en partie réalisée, de baisse des marges des entreprises (dont il faut souligner qu'elles étaient confortables au moment où la mesure a été décidée) et de modération salariale, les économistes semblent déjà percevoir un léger impact inflationniste , de l'ordre de un point en 2007. On n'a pas constaté de hausse brutale des prix mais un lissage de celle-ci sur une période de douze mois.

La consommation privée a chuté de 1,8 % au premier trimestre 2007, diminuant (toutes choses égales par ailleurs) la croissance du Pib de 1,1 point.

En matière de compétitivité du secteur productif, on manque encore de recul mais les entreprises allemandes sont déjà très performantes. La baisse du chômage au premier semestre 2007 a été réelle, le taux passant de 9,6 % en décembre 2006 à 8,8 % en juin 2007. Toutefois, il est difficile d'isoler les effets de la TVA sociale dans ce résultat car cette baisse s'inscrit dans une situation d'amélioration continue du marché du travail depuis 2005.

(1) Cf. rapport d'information n° 439 (2005-2006) fait au nom de la Mecss par Alain Vasselle et Bernard Cazeau « Préserver la compétitivité du « site Allemagne » : les mutations de la protection sociale Outre-Rhin ».


• Des obstacles pratiques majeurs

Le premier de ces obstacles tient au niveau de fraude à la TVA , déjà élevé en France, et incontestablement supérieur à celui qui touche les cotisations sociales. Par ailleurs, on observe actuellement un fort développement de ce phénomène de fraude sur tout le territoire de l'Union européenne.

Un taux de TVA à 25 % ne pourrait donc que favoriser le développement d'une économie grise.

Au-delà de cette considération d'ordre moral et économique, c'est essentiellement la mise en place pratique de la TVA sociale, et donc la manière d'organiser le transfert de points de cotisations patronales vers des points de TVA, qui pourrait poser de réelles difficultés.

En effet, si le taux global de cotisations payées par l'employeur est actuellement de 28,1 % pour la maladie, la retraite et la famille, il n'est plus que de 2,1 % lorsque le salarié est payé au Smic et même, depuis le 1 er juillet dernier, de zéro à ce même niveau pour les entreprises de moins de vingt salariés.

Le reste de cotisations à la charge des employeurs comprend la couverture des accidents du travail-maladies professionnelles, qui ne peut guère, par principe, faire l'objet d'exonérations, et le financement des régimes de protection sociale gérés paritairement par les représentants des employeurs et des employés (chômage, retraites complémentaires), seuls compétents pour décider d'une éventuelle modulation des cotisations.

Barème actuel des cotisations sociales employeurs

Taux

Barème global

Au niveau du Smic

Taux sous le plafond

au-dessus du plafond

Maladie

12,8

12,8

2,1ou 0,0 (1)

Retraite

9,9

1,6

Famille

5,4

5,4

AT-MP

2,3

2,3

2,3

Régimes complémentaires

5,7

13,3

5,7

Chômage

4,0

4,0

4,0

(1) L'article 41 de la loi de finances pour 2007 a supprimé totalement ces deux derniers points de cotisations pour les entreprises de moins de vingt salariés à compter du 1 er juillet 2007.

Dès lors, comment peut-on techniquement transférer des points de cotisations patronales vers des points de TVA sociale lorsqu'elles concernent des employés dont le salaire est compris entre le Smic et 1,6 Smic ?

La question se pose d'autant plus que l'effet maximal en termes d'emplois ne serait atteint, d'après les rapports Lagarde et Besson, que si on allégeait encore les charges au niveau du Smic.

Faudra-t-il créer des cotisations sociales négatives , une prime pour les entreprises qui ne pourront bénéficier d'une baisse supplémentaire de leurs charges ? Quel en sera le coût ?

Comment ces entreprises pourront-elles répercuter une baisse purement virtuelle de charges dans leurs prix ?

Pour ces entreprises en tout cas, l'effet attendu en matière d'emploi ou de non-délocalisation devrait être nul et la perte de compétitivité immédiate.

L'ensemble de ces constatations ont été reprises et évaluées dans deux rapports récents traitant de la TVA sociale , élaborés à la demande du Gouvernement au cours de l'été, l'un par Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi 15 ( * ) , l'autre par Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques 16 ( * ) .

Il n'en ressort pas de conclusion évidente en faveur de la mise en place d'une TVA sociale dans notre pays. Dans le premier rapport, cette décision n'apparaît pas propice ; dans le deuxième, les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre sont telles qu'elles en rendent le passage à l'acte difficile.

C'est pourquoi, votre commission, comme elle l'a déjà indiqué dans de précédents travaux 17 ( * ) , estime indispensable que toutes les questions non résolues au sujet de la TVA sociale trouvent une réponse préalable, avant que soit prise une éventuelle décision de mise en place, y compris à titre expérimental.


Le rapport Lagarde

Note d'étape sur la possibilité d'affecter une partie de la TVA au financement de la protection sociale en contrepartie d'une baisse des charges pesant sur le travail

La ministre estime « qu'en l'état de la croissance et sans un accompagnement ferme en matière de maintien des prix, la mise en place de la TVA sociale ne serait pas propice, en ce qu'elle serait facteur d'inflation et probablement peu créatrice d'emplois ».

Le rapport étudie trois scenarios possibles de TVA sociale, correspondant chacun à une hausse de 1,5 point du taux normal de TVA, qui passerait ainsi de 19,6 % à 21,1 %, ou de un point de tous les taux existants, soit un transfert d'assiette d'environ 9 milliards d'euros.

Les conclusions du rapport sont :

- pour obtenir un effet favorable sur l'emploi, le supplément de TVA devrait être prioritairement affecté à des allégements de charges ciblés sur les bas salaires ; dans le meilleur des cas, le gain net pourrait alors aller jusqu'à 300 000 emplois créés ;

- pour éviter la mise en place de « cotisations négatives », le ciblage des baisses de charges pourrait prendre la forme d'une extension au-delà du Smic de l'allégement Fillon de vingt-huit points existant au niveau du Smic ;

- pour atténuer l'impact conjoncturel, la mise en place de la TVA sociale devrait s'accompagner d'une politique économique active de modération des prix ;

- différents mécanismes d'indexation viendraient protéger le pouvoir d'achat des salariés et des inactifs (Smic, pensions de retraite, minima sociaux), mais ces mécanismes auraient pour corollaire une diminution du rendement économique et financier de la TVA sociale ;

- du fait des règles de bon fonctionnement du marché unique européen et de la réglementation communautaire, aucun terrain réaliste d'expérimentation sectorielle ou géographique n'a pu être identifié ;

- cette mesure ne pourrait jouer qu'un rôle d'appoint pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises ; elle ne constituerait qu'un levier parmi d'autres pour obtenir une baisse du coût du travail ;

- une des leçons importantes que l'on peut tirer des expériences passées ou étrangères de hausse de TVA est que les conditions initiales jouent un rôle important.

En définitive, la ministre indique que « le débat sur la TVA sociale s'inscrit dans une problématique beaucoup plus large, celle du coût du travail et de l'assiette de financement de la protection sociale ».


Le rapport Besson sur la TVA sociale

Ce rapport fait un quadruple constat :

- le transfert de cotisations pesant sur les salaires vers la TVA réduirait les coûts de production en France et augmenterait le prix des importations ; il apparaît donc favorable à la compétitivité de l'économie française ;

- une telle réforme créerait des emplois et ce, d'autant plus que les baisses de charges seraient ciblées sur les bas salaires ; l'ampleur des effets de la réforme dépendrait fortement de la vitesse à laquelle les entreprises choisiraient de répercuter les baisses de charges dans leurs prix et donc de l'intensité de la concurrence sur les marchés des entreprises concernées ;

- les prix des produits français devraient rester globalement stables si les entreprises ne « captent » pas à leur profit les baisses de charges ; les prix des produits importés augmenteraient, ce qui devrait conduire les consommateurs à substituer une consommation de produits français à une partie de leur consommation de produits importés ; des mesures « anti-inflation » pourraient être mises en place pour les produits français ;

- s'agissant d'une réforme sur un sujet complexe, il est nécessaire de recourir à une méthode associant les partenaires sociaux à chaque étape du raisonnement ; il conviendrait donc de soumettre trois questions aux partenaires sociaux :

1/ quelles dispositions pouvons-nous prendre pour réduire le poids de la taxation du travail ?

2/ le financement de la protection sociale doit-il reposer autant sur les salaires, alors que nos partenaires européens et mondiaux font un choix différent et que nos salariés sont de plus en plus mis en concurrence ?

3/ dans quelle proportion faut-il mettre à contribution différents types d'impôts pour réaliser cet élargissement ?

En tout état de cause « le débat a été mal engagé, le problème mal posé ». La bonne question est en effet « celle de notre capacité à maintenir un niveau élevé de protection sociale dans une économie mondialisée où les travailleurs du monde entier sont en concurrence les uns avec les autres ».

Pour autant, le rapport souligne, en plusieurs endroits, la difficulté pratique posée par l'impossibilité de substituer la TVA à des cotisations qui n'existent plus, ou pratiquement plus, au niveau du Smic, tout en relevant que c'est pourtant bien à ce niveau qu'il convient d'agir.

Aujourd'hui, le débat n'est pas clos. Après avoir reçu les rapports Besson et Lagarde, le Premier ministre a décidé de saisir le Conseil économique et social qui devra, à son tour, se prononcer avant la fin de l'année sur les conditions nécessaires « pour pérenniser notre modèle de protection sociale sans peser sur l'emploi, le pouvoir d'achat et la compétitivité de notre économie, (...) sur les possibilités de diversification du financement de la protection sociale et d'allégement des charges qui pèsent sur le travail, sans perdre de vue le lien entre les différents modes de financement et les prestations, seul susceptible de favoriser la maîtrise des dépenses ».

Par ailleurs, par lettre du 9 octobre dernier, le Président de la République et le Premier ministre ont donné mission à Christine Lagarde d'engager une revue générale des prélèvements obligatoires : « Nous vous demandons d'engager une remise à plat des prélèvements obligatoires, avec des propositions concrètes pour améliorer la compétitivité de l'économie. Un document d'orientation identifiant les forces et les faiblesses du système actuel sera discuté début 2008. Le Gouvernement devra ainsi disposer avant l'été prochain d'une véritable stratégie pluriannuelle ».

* 12 Avis du conseil d'analyse économique sur le projet d'élargissement de l'assiette des cotisations sociales employeur - 27 juillet 2006.

* 13 Avis du conseil d'orientation pour l'emploi sur l'élargissement de l'assiette des cotisations de sécurité sociale - 20 juillet 2006.

* 14 Les tendances ainsi décrites apparaissent dans l'ensemble des modèles utilisés, même si l'on relève quelques variations selon les simulations effectuées.

* 15 « Etude sur la possibilité d'affecter une partie de la TVA au financement de la protection sociale en contrepartie d'une baisse des charges sociales pesant sur le travail ». Note d'étape - 11 septembre 2007.

* 16 « TVA sociale » - septembre 2007.

* 17 Cf. rapport n° 403 (2006-2007) fait au nom de la commission des affaires sociales par Alain Vasselle, président de la Mecss : « Finances sociales : après la rechute, la guérison ? » - pp. 79 à 83.

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