B. LE RISQUE D'UNE CRISE DE CONFIANCE GÉNÉRALISÉE

Des risques demeurent toutefois notamment en raison du caractère mondial du marché du refinancement du crédit hypothécaire.

Dans le but de se prémunir des risques encourus, les banques américaines ont eu recours à la titrisation. Celle-ci qui consiste en la vente de leurs créances à des institutions qui prennent en charge le risque, ce qui permet aux banques de prêter sans que cela n'affecte leurs ratios prudentiels. Ce mécanisme de mutualisation et donc de dispersion des risques constitue un canal de transmission de la crise américaine. Une hausse du taux de défaut aux États-Unis est en effet susceptible d'affecter la distribution du crédit en Europe, si les investisseurs détenant des créances titrisées exigent des primes de risque plus élevées.

Plus largement, les asymétries d'information entraînent une incertitude quant à l'ampleur et la localisation des risques de perte, ce qui accroît les phénomènes de défiance.

En outre, le marché hypothécaire aux États-Unis bénéficie d'une garantie publique implicite sur des montants considérables d'engagements. Certaines évaluations conduisent à estimer que ces engagements représentent plus de la moitié du montant de la dette publique aux États-unis. Une montée des défauts et une contagion à des segments autres que le « subprime » pourraient provoquer un gonflement des besoins de financement publics aux États-Unis, qui représente un risque important pour le système financier international.

Enfin, on ne peut pas exclure que la crise immobilière soit le prélude à une récession aux Etats-Unis , par le biais d'une augmentation de l'épargne des ménages. Or, même si l'économie américaine devait ne plus conditionner, autant que par le passé, la croissance de l'économie mondiale, sa part dans le PIB mondial et son poids financier demeurent prédominants.

IMMOBILIER ET CROISSANCE : LES ENCHAÎNEMENTS MACROÉCONOMIQUES

Dans son étude précitée 75 ( * ) réalisée pour le Sénat, l'OFCE avait mis en évidence, sur la base de travaux empiriques, un « modèle immobilier », dans lequel l'évolution des prix de l'immobilier a un impact sur la croissance au travers de deux enchaînements :

- le premier est enclenché par les mouvements de taux d'intérêt : une baisse des taux (les effets sont symétriques en cas de hausse) entraîne une augmentation de l'endettement et donc une hausse des prix de l'immobilier. Celle-ci contribue elle-même à une accélération de l'endettement. Dans ce processus, de plus en plus de ménages concrétisent une plus-value immobilière, ce supplément de liquidité étant utilisé pour augmenter leur consommation.

C'est donc par le biais de l'endettement et du développement du crédit que se matérialiserait l'impact de la « richesse immobilière » des ménages sur leur consommation.

- le second enchaînement est déterminé par l' évolution du chômage et du revenu : la baisse du chômage et la progression du revenu entraînent une augmentation de l'endettement, une baisse des taux d'épargne, une accélération de la croissance et ainsi de suite.

Rétrospectivement, le « modèle immobilier » constitué par ces deux enchaînements explique de manière robuste une partie des écarts conjoncturels récents entre la France et les États-Unis (où l'endettement hypothécaire a constitué un soutien très significatif à la consommation), d'une part ; entre la France et l'Allemagne où la stagnation du revenu n'a pas permis à la baisse des taux d'intérêt de « mordre » (via le canal de l'endettement) sur la conjoncture, d'autre part.

Ce modèle permet donc de simuler les aléas qui conduiraient à diverger du scénario sous-jacent de stabilisation des prix de l'immobilier qui a été retenu dans les projections macroéconomiques présentées dans ce rapport :

- le premier aléa serait celui d'une hausse des taux d'intérêt à long terme qui pourrait être due à un choc inflationniste dans le monde (hausse des prix du pétrole, crise du dollar due au déficit extérieur américain...) ou à un krach immobilier. Cette hausse des taux d'intérêt aurait un impact sur l'endettement (du fait de la dégradation de la solvabilité des emprunteurs) et entraînerait une baisse des prix de l'immobilier.

Sous l'hypothèse d'une hausse des taux d'intérêt de 2 points et d'une baisse des prix de l'immobilier de 10 % , le niveau du PIB serait inférieur de 1,6 % en 2011 76 ( * ) et le taux de chômage supérieur de près de 1 point.

- le deuxième aléa résiderait dans une correction des prix de l'immobilier : le ralentissement des prix de nature cyclique observé actuellement serait amplifié par l'attentisme des ménages.

Si l'on retient l'hypothèse que cette « surréaction » se traduirait par une baisse de 15 % des prix de l'immobilier, le « modèle » élaboré par l'OFCE estime la perte de croissance à 5 ans à -0,3 % (+0,2 point pour le taux de chômage).

Une nette correction des prix de l'immobilier, si elle ne s'accompagne pas d'une hausse des taux d'intérêt , aurait donc un impact négatif sur l'activité, mais elle ne constituerait pas pour autant une menace de premier ordre pour la croissance à court/moyen terme .

Source : Perspectives économiques 2007-2011, rapport n° 89 (2006-2007) de M. Joël Bourdin

Face aux phénomènes de défiance cumulatifs et à leurs conséquences sur la croissance mondiale, la crise de l'été 2007 a montré que les banques centrales avaient un rôle très important à jouer. Ce rôle consiste à rétablir la confiance en assurant la liquidité du marché afin de limiter les effets de contagion d'une crise financière à l'économie « réelle ».

Certes, la crise récente a montré qu'une réaction appropriée des banques centrales pour rétablir la liquidité du marché interbancaire était susceptible de venir limiter la propagation des difficultés. Au cours des mois d'août et septembre 2007, la Fed et la BCE ont exercé leur rôle de « prêteur en dernier ressort ». Elles ont cependant réagi différemment. La Fed a baissé ses taux ; la BCE n'a que renoncé à augmenter les siens.

Néanmoins, la crise a aussi mis en lumière les lacunes de la supervision bancaire et suscité des interrogations sur le rôle qu'auraient dû jouer, a priori , les banques centrales et les agences de notation.

* 75 Cf. Rapport Sénat, n° 6, 2005-2006, de Monsieur Philippe MARINI, au nom de la Commission des Finances.

* 76 Ce qui signifie que le taux de croissance annuel serait inférieur de 0,3 point par an environ.

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