II. L'IMMOBILIER FAIT-IL PESER UN RISQUE SUR LA CROISSANCE ?

Les marchés immobiliers sont par essence nationaux (voire même locaux). Ils s'influencent assez peu entre eux. La crise immobilière américaine pourrait néanmoins faire peser un risque sur l'Europe par le biais de son impact sur le secteur bancaire ; et, le cas échéant, par le biais de ses répercussions sur la croissance des États-Unis.

A. LA CRISE DU CRÉDIT IMMOBILIER AMÉRICAIN : UN PHÉNOMÈNE NON TRANSPOSABLE

De façon générale, les marchés immobiliers sont avant tout des marchés locaux animés par des acteurs nationaux. Il en résulte une désynchronisation des cycles immobiliers.

La situation du marché immobilier américain résulte de circonstances particulières propres à ce pays. De 1995 à 2006, le nombre de ménages américains propriétaires a augmenté d'environ 15 millions, atteignant 69 % de l'ensemble des ménages américains. Pendant, cette période, l'augmentation des prix fut sans précédent. Entre 1995 et 2006, l'indice de l'OFHEO (Office of Federal Housing Enterprise Oversight) a augmenté de 4,6 % en moyenne annuelle avec une accélération en 2004 et 2005 (+ 10,1 % en 2005). Certes, cette augmentation des prix était cohérente avec les fondamentaux de l'économie américaine (accroissement des revenus des ménages, diminution des taux d'intérêt). Par ailleurs, l'effet qualité a joué un rôle important dans cette évolution, en raison de l'ampleur des travaux d'entretien et d'amélioration de l'habitat réalisés au cours de la période (MacCarthy et Peach, 2004). Néanmoins, à partir de 2002-2003, la hausse des prix s'est accompagnée d'une prise de risques croissante. Le maintien de taux d'intérêt à un niveau bas et une concurrence exacerbée entre banques ont permis à des ménages autrefois exclus des circuits de financement d'accéder à la propriété immobilière. Des crédits dits « subprime » (c'est-à-dire de qualité inférieure) ont été consentis à des emprunteurs pour lesquels le ratio dette/revenu dépassait 55 % et/ou le ratio prêt/valeur du bien excédait 85 %. Ce segment « subprime » représentait 13 % de l'encours total de crédit hypothécaire en 2006. Les deux tiers de ces prêts ont été consentis à taux ajustables, c'est-à-dire des taux fixes transformables en taux variables à l'issue d'une période prédéterminée (en général 2 ans). Ces prêts, consentis sur la base d'une anticipation de hausse des prix immobiliers entraînent une augmentation de la charge de la dette au cours du temps, qui accroît le risque de défaut quand les taux d'intérêt se tendent et que la situation économique devient plus hésitante.

Cette catégorie de prêts à risques n'a pas d'équivalent en France , où les ménages apparaissent « sous-endettés » en comparaison avec leurs homologues des pays développés 73 ( * ) . Les ménages français sont principalement endettés à long terme et à taux fixes (ou à taux variables capés), ce qui atténue les effets d'une tension sur les taux d'intérêt. La préférence pour les mécanismes de caution, plutôt que pour les garanties hypothécaires, ainsi qu'une grande sélectivité du crédit de la part des banques, ont contribué à exclure un assez grand nombre des ménages de l'accès à la propriété. Ces caractéristiques du marché français du crédit immobilier, qui limitent la capacité d'endettement des ménages, atténuent la réactivité de l'économie aux évolutions de taux d'intérêt, ce qui constitue usuellement un frein à la croissance mais amoindrit par ailleurs les risques.

Les différences structurelles entre pays, telles que celles existant entre la France et les Etats-Unis, entraînent un fonctionnement différencié des effets de patrimoine , c'est-à-dire de la propension marginale à consommer la richesse immobilière. Des travaux de l'OCDE ont montré que ces effets étaient d'autant plus importants que le marché hypothécaire national était de grande taille, efficient et réactif 74 ( * ) .

* 73 A ce sujet voir le rapport d'information sur « L'accès des ménages au crédit en France » (op. cit.)

* 74 « Housing markets, wealth and the business cycle », Document de travail du département des affaires économiques de l'OCDE, n° 394 (2004).

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