B. EXERCER UNE POLITIQUE DE CHANGE

1. Une politique de change quasi inexistante dans la zone euro

En théorie, une Banque centrale peut orienter le taux de change de la monnaie. En tant que telle, la BCE peut intervenir de deux façons : directement, sur le marché des changes en utilisant ses réserves monétaires, et indirectement par la fixation de ses taux directeurs, qui ont une influence sur l'attractivité de l'euro et donc sur son cours. Dans la zone euro, il a été décidé que le régime de change applicable à l'euro serait un régime de flottement pur , comme pour les monnaies de nombreux autres grands pays industrialisés.

La BCE est pleinement chargée de la conduite de la politique de change , mais celle-ci est arrêtée par le Conseil de l'Union européenne (Conseil Ecofin), réunissant les ministres de l'économie et des finances de l'Union. Les instances politiques ont ainsi théoriquement la maîtrise de cette politique , même si les orientations adoptées ne doivent pas entrer en contradiction avec l'objectif de stabilité des prix.

Mais les autorités politiques ont jusqu'à présent adopté une attitude prudente . Ainsi, les ministres des finances de l'UE ont décidé, en décembre 1997, « de ne formuler des orientations générales en matière de change que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque le taux de change de l'euro subit des divergences manifestes et persistantes ». Concrètement, aucune orientation générale ne semble avoir été formulée jusqu'à présent.

De fait, la stratégie de politique monétaire de l'Eurosystème ne prévoit pas d'objectif de taux de change , au motif, très discutable techniquement, que les décisions de politique monétaire visant à maintenir un objectif de taux de change sont susceptibles de se révéler incompatibles avec l'objectif de la stabilité des prix.

Ce n'est que lorsque la BCE estime que l'évolution du taux de change constitue une menace pour le taux d'inflation qu'elle en vient à exercer une politique de change qui n'est, en réalité, qu'une autre manière de poursuivre l'objectif de stabilité des prix de la politique monétaire.

2. Le coût de l'euro fort

a) Une évolution pro-cyclique du cours de l'euro dans la zone euro

Depuis 1999, on observe que l'euro s'apprécie lorsque la croissance ralentit et se déprécie quand l'activité économique accélère, ce qui ne sert pas la croissance de la zone euro. L'OFCE 102 ( * ) relève que « [l'euro] dépend entièrement de l'option anti-inflationniste de la BCE : la stabilité des prix est parfaitement réalisée dans la zone euro depuis 2001 au prix d'une forte instabilité du taux de change ».

Le graphique suivant rend compte de l'évolution pro-cyclique du change dans l'Eurosystème :

GRAPHIQUE N° 2

LA PRO-CYCLICITÉ DU TAUX DE CHANGE DANS LA ZONE EURO

A l'inverse, les Etat-Unis mènent une politique de change soit neutre, soit contra-cyclique, ainsi que le graphique suivant le fait apparaître :

GRAPHIQUE N° 3

L'euro s'étant apprécié de près de 50 % par rapport au dollar entre 2000 et 2005, certaines voix se sont alors élevées, notamment en France, pour critiquer la force de l'euro qui provoquerait, selon toute vraisemblance, une perte de compétitivité des entreprises européennes. La France paraît néanmoins isolée au sein de la zone euro dans cette critique du taux de change.

Au motif que l'Allemagne s'en satisfait, plusieurs voix estiment que les problèmes de compétitivité de la France ne proviendraient pas du taux de change, mais seraient de nature essentiellement structurelle (voir chapitre V) .

Cette appréciation semble ignorer la singularité de la situation économique allemande. L'évolution de son commerce extérieur fait plutôt figure d'exception dans l'Union européenne. Elle peut être en grande partie attribuée à une politique de désinflation compétitive (modération salariale, diminution des cotisations sociales et renforcement de la fiscalité indirecte) qui se traduit par un appauvrissement relatif des ménages allemands et pèse sur les échanges extérieurs des partenaires.

Or, plutôt que de faire de l'Allemagne un modèle à suivre, il serait légitime de craindre, pour la croissance de l'ensemble de la zone euro, que la stratégie de compétitivité poursuivie unilatéralement par l'Allemagne soit imitée par les autres pays de la zone .

b) Le poids des conditions monétaires sur l'économie française

Dans les projections de votre Délégation, l'euro devrait continuer de s'apprécier pour culminer à 1,50 dollar au deuxième trimestre 2008 ; il s'établirait à 1,44 dollar en moyenne sur l'ensemble de l'année 2008, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2007. Au-delà, les parités de l'euro sont stabilisées par convention (1,40 dollar pour 1 euro).

En raison des délais de transmission d'une appréciation de la monnaie sur l'activité, le dernier ressaut du dollar ne deviendrait pleinement sensible qu'en 2009 103 ( * ) , mais il aurait tout de même un impact négatif sur la croissance française de près de 0,5 point l'année prochaine contre -0,2 point en 2007 et
-0,1 point en 2006. Certes, cette appréciation de l'euro permettrait de limiter l'impact négatif sur l'activité de la hausse du prix du brent (-0.2 point en 2008 contre -0,4 point en 2007 et -0,6 point en 2006). Libellé en euros, le prix du pétrole devrait baisser de près de 6 % en 2008 104 ( * ) .

Le tableau suivant retrace l'impact du choc des conditions monétaires sur l'économie française, observé et attendu pour 2007 et 2008 ; il montre que le niveau du change de l'euro devrait avoir amputé la croissance de 0,3 point en moyenne sur la période 2004-2008 :

IMPACT DES CONDITIONS MONÉTAIRES SUR LA CROISSANCE FRANÇAISE

2004

2005

2006

2007

2008

En points de PIB

-0,4

-0,3

-0,1

-0,2

-0,5

Source : donnée OFCE

Il est probable qu'à moyen terme, le dollar demeure vulnérable du fait de l'ampleur du déficit extérieur américain. Or, si le dollar venait à se déprécier fortement, la compétitivité-prix française vis-à-vis de l'extérieur de la zone euro connaîtrait un choc supplémentaire, même si le coût des approvisionnements hors zone euro, et notamment la facture pétrolière, diminuerait parallèlement.

La question de la politique de change dans la zone euro s'en poserait avec une acuité renforcée.

* 102 Revue de l'OFCE n°100, janvier 2007.

* 103 Avec un impact négatif sur la croissance française de l'ordre de -0,7 point de PIB.

* 104 Sous l'hypothèse d'une stabilisation du cours du pétrole à 67 dollars le baril.

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