B. UNE ÉTUDE QUI CONFIRME LA DIVERGENCE DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES CONJONCTURELLES

Alors que sur longue période, la politique budgétaire apparaissait plus réactive en Allemagne qu'en France et au Royaume-Uni, les années récentes, après l'adoption de l'euro, ont vu l'Allemagne de plus en plus inerte face aux fluctuations conjoncturelles.

Alors que les deux pays continentaux semblent peu sensibles aux variations de la dette publique, le Royaume-Uni témoigne d'une attention plus grande à cette variable. Les caractéristiques du cycle outre-Manche, marqué par une croissance économique élevée et un fort endettement privé, conduisent à nuancer la comparaison avec l'Allemagne et la France.

1. Les résultats de l'étude à comportements constants

Le tableau ci-après synthétise les règles que semblent avoir suivies les politiques budgétaires en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, entre 1971 et 2005 , quand on évalue leur réactivité au rythme de l'activité économique et leur sensibilité à la dette publique sur la base de comportements moyens.

ESTIMATION DES RÈGLES DE POLITIQUES BUDGÉTAIRES À COEFFICIENTS CONSTANTS 1971-2005

Allemagne

France

Royaume-Uni

Réaction à l'écart de production

0,21**

(0,10)

0,09*

(0,11)

0,09

(0,10)

Réaction à la variation de la dette

0,05

(0,08)

0,06*

(0,04)

- 0,02

(0,06)

R-squared

0,15

0,30

0,14

Entre parenthèses : écart-type * significatif à 68 % ** significatif à 95 %

Source : CEPII

Sur très longue période (1971-2005), l'Allemagne apparaît légèrement plus réactive que la France et le Royaume-Uni aux variations du cycle économique . Le solde budgétaire structurel y varie de 0,2 point quand la production évolue de 1 % par rapport à la production potentielle, ces coefficients étant deux fois moindres en France et au Royaume-Uni. La réactivité de la politique budgétaire est toutefois toujours faible .

Pour autant, en Allemagne comme en France , la politique budgétaire discrétionnaire apparaît sensible à la situation de la dette publique, ce qu'elle ne paraît pas être au Royaume-Uni . Toutefois, cette sensibilité est faible : une hausse de la dette publique de 1 point de PIB entraîne un redressement du solde structurel limité, de 0,06 point de PIB en France, de 0,05 point de PIB en Allemagne.

2. Les résultats de l'étude quand on tient compte de l'évolution des comportements budgétaires

Les résultats présentés plus hauts, fondés sur des moyennes de longue période, ne rendent pas compte des changements de comportement, intervenus au fil du temps .

Or, a priori , il est probable que de telles évolutions se soient produites compte tenu des modifications de contexte qui sont apparues depuis le début des années 70.

A travers de méthodes économétriques tendant à « capturer » ces évolutions, l'étude du CEPII confirme ces modifications.

En conséquence, le panorama de la réactivité des politiques budgétaires aux inflexions du cycle économique et aux variations de la dette publique présente des différences notables par rapport à ce qu'enseigne une analyse à « comportements moyens ».


• L' activation de la politique budgétaire pour stabiliser la conjoncture , plus forte en Allemagne qu'en France et au Royaume-Uni, quand on raisonne à comportements moyens, apparaît , au contraire, plus marquée au Royaume-Uni et en France - à partir de 2000 pour notre pays - lorsqu'on tient compte des changements de comportements. En revanche, en Allemagne , après un regain d'intervention budgétaire entre 1995 et 2000, une sorte d'inertie apparaît qui conduit à qualifier la politique allemande d'a-cyclique , c'est-à-dire qu'elle ne réagit pas aux variations de l'activité économique, ni pour la soutenir, ni pour la modérer.


Quant aux réactions de la politique budgétaire aux variations de la dette publique, elles sont très différentes selon les pays.

La politique budgétaire allemande semble généralement indifférente aux variations de la dette publique alors que, pour la France et le Royaume-Uni, des évolutions notables de la sensibilité des orientations budgétaires aux évolutions de la dette publique interviennent .

Entre 1974 et 1985, la France paraît poursuivre un objectif de contention de la dette publique quand, au Royaume-Uni , le solde structurel s'améliore dans une période où pourtant la dette publique diminue, ce qui témoigne d'une orientation privilégiant la réduction de la dette publique .

Au-delà, jusqu'au milieu des années 90, l'augmentation de la dette publique que connaît la France n'entraîne aucune réaction visant à la contrecarrer ; au contraire, le solde public structurel reste négatif même s'il s'améliore avant la date de qualification à l'euro. Pendant cette période, le Royaume-Uni adopte une politique qui reste prudente mais moins volontariste .

La préoccupation de modérer la dette publique reprend au-delà du milieu des années 90 en France . Mais, l'amélioration du solde structurel n'apparaît pas beaucoup plus forte quand la dette publique s'alourdit que lorsqu'elle diminue.

Au total, les politiques budgétaires de trois des principaux pays de l'Union européenne ne réagissent pas de la même manière, ni dans le même tempo face à des évolutions analogues de l'activité économique.

Les divergences ne sont certes pas considérables. Mais, cette dernière réserve ne doit pas abuser :

- elle tient pour beaucoup au manque d'ampleur de la mobilisation conjoncturelle de la politique budgétaire en Allemagne et en France ;

- elle n'empêche pas qu'il existe un coût de l'incoordination des politiques budgétaires, dont le plus important est sans doute « caché » : le coût d'opportunité de l'inertie européenne.

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