N° 488

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Annexe au procès-verbal de la séance

le 7 décembre 2007

du 7 décembre 2007

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

RAPPORT

sur

l' évaluation et la prévention du risque du tsunami sur les côtes françaises en métropole et outre-mer ,

Par M. Roland COURTEAU,

Sénateur.

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Henri REVOL

Président de l'Office .

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Henri REVOL

Premier Vice-Président

M. Claude BIRRAUX

Vice-Présidents

M. Pierre COHEN, député

M. Jean-Claude ETIENNE, sénateur

M. Claude GATIGNOL, député

M. Pierre LAFFITTE, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député

M. Claude SAUNIER, sénateur

Députés

Sénateurs

M. Christian BATAILLE

M. Philippe ARNAUD

M. Jean-Pierre BRARD

M. Paul BLANC

M. Alain CLAEYS

Mme Marie-Christine BLANDIN

M. Jean-Pierre DOOR

Mme Brigitte BOUT

Mme Geneviève FIORASO

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Alain GEST

M. Roland COURTEAU

M. François GOULARD

M. Christian GAUDIN

M. Christian KERT

M. Serge LAGAUCHE

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Jean-François LE GRAND

M. Michel LEJEUNE

Mme Catherine PROCACCIA

M. Claude LETEURTRE

M. Daniel RAOUL

Mme Bérengère POLETTI

M. Ivan RENAR

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Bruno SIDO

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Alain VASSELLE

INTRODUCTION

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques a déjà eu l'occasion d'examiner la question des risques naturels et de leur prévention, grâce aux travaux de notre collègue M. Christian Kert, député, auteur de deux rapports de référence consacrés, pour le premier 1 ( * ) , aux séismes et mouvements de terrain et, pour le second 2 ( * ) , aux autres risques : aléa météorologique, avalanches, inondations , sécheresse, incendies de forêts, volcanisme, effondrements miniers et de cavités souterraines.

Par ailleurs, après le dramatique tsunami indonésien du 26 décembre 2004, notre collègue M. Christian Kert a organisé des auditions publiques à l'Assemblée nationale, le 17 février 2005. Ces auditions se sont poursuivies le 18 mars 2005 à Port-la-Nouvelle (Aude), en coopération avec votre rapporteur et notre collègue Jacques Bascou, député. Ces travaux ont mis en évidence l'existence d'un risque qui était jusque là peu pris en compte en France. Ces auditions ont également permis de faire un point sur l'état de la recherche en matière de détection ainsi que sur la coopération internationale dans le domaine de la prévention et de l'alerte.

Le 22 mars 2005, l'Office a été saisi par le Bureau du Sénat, en application de l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, sur les risques sismiques et de raz-de-marée en Méditerranée. Votre rapporteur a alors été chargé de réaliser cette étude dont l'intitulé a été modifié à la suite de l'étude de faisabilité.

Après la présentation de l'étude de faisabilité, l'intitulé de l'étude a été modifié.

D'une part, le terme de raz-de-marée est apparu inadapté car il renvoie à un phénomène météorologique alors que le tsunami a toujours une origine sismique.

D'autre part, l'analyse du risque de tsunami en Méditerranée uniquement s'est avérée trop limitative dans la mesure où tous les bassins sont exposés au risque de tsunami et que la France, à travers ses départements et territoires Outre-mer, est présente dans tous les océans.

Le rapport final porte donc sur l'évaluation et la prévention du risque de tsunami dans les côtes françaises, en métropole et en Outre-mer.

Votre rapporteur a d'abord examiné en détail les caractéristiques de cet aléa et a constaté que la diminution de la vulnérabilité des sociétés au risque de tsunami dépendait de l'instauration d'un système d'alerte perfectionné.

En effet, les tsunamis sont des phénomènes relativement rares comparativement à d'autres aléas naturels comme les tempêtes ou les inondations, mais leur impact sur les populations du littoral est souvent dévastateur. En conséquence, leur prévention (ou tout au moins la limitation de leurs effets) exige un réseau dense d'instruments de mesure des tremblements de terre et du niveau de la mer, un système de transmission des données rapide et fiable et un schéma préétabli et opérationnel pour alerter la population. En dernier ressort, l'efficacité du système d'alerte dépend de l'information et de la sensibilisation de la population qui doit être capable d'adopter les bons réflexes.

Ces importantes contraintes à la fois budgétaires et logistiques associées à une concentration des tsunamis dans la zone pacifique ont conduit à une gestion de ce risque très variée selon les bassins : si un dispositif d'alerte international a été mis en place par les Etats du Pacifique dès la deuxième moitié du XXème siècle, la gestion du risque de tsunami dans les autres bassins est beaucoup plus récente et est directement lié au choc provoqué par le tsunami du 26 décembre 2004.

D'une part, il a fait prendre conscience de la vulnérabilité de tous les bassins. Statistiquement, l'océan Indien est considéré comme le bassin le plus sûr au regard du risque de tsunami puisqu'il ne comptabilise que 4 % des tsunamis générés au XXème siècle. Pourtant, le tsunami de 2004 a fait plus de victimes que l'ensemble des tsunamis connus depuis l'Antiquité.

D'autre part, il a fait comprendre aux gouvernements que même en cas de risque rare, l'opinion publique n'accepte plus de ne pas être protégée lorsqu'un dispositif d'alerte peut être instauré et sauver des vies humaines.

Sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, il a donc été décidé en 2005 de créer un système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien, dans les Caraïbes et dans la zone Méditerranée/Atlantique nord est.

Les résultats atteints deux ans après sont inégaux : si le bilan est globalement positif dans l'océan Indien, la mise en place d'un dispositif d'alerte aux tsunamis dans les Caraïbes et dans la zone Méditerranée/Atlantique nord est a pris beaucoup de retard en raison de l'attentisme des Etats impliqués.

En raison de son éparpillement territorial, la France est particulièrement sensible au risque de tsunami. Elle a d'ailleurs mis en place le dispositif d'alerte aux tsunamis en Polynésie française dès les années 60. Après le tsunami de Sumatra, elle s'est fortement mobilisée pour l'instauration d'un système d'alerte aux tsunamis dans les trois autres bassins, et en particulier dans l'océan Indien.

Néanmoins, force est de constater que l'émotion passée, cette dynamique s'est rapidement essoufflée faute de volonté politique et de moyens financiers adéquats. Si la dernière réunion consacrée à la mise en place d'un dispositif d'alerte en Méditerranée et dans l'Atlantique nord a constitué une rupture par rapport à l'attentisme dans lequel la France s'était réfugiée depuis plus d'un an, aucune décision concrète n'a encore été prise et de nombreuses interrogations planent sur l'architecture du système national d'alerte aux tsunamis, sa couverture géographique et surtout les moyens qui lui seront attribués.

Votre rapporteur fera donc des propositions structurelles concernant les quatre bassins ainsi que des recommandations par bassin afin que la France instaure rapidement un centre national chargé de l'alerte aux tsunamis en Méditerranée, dans les Caraïbes et dans l'océan Indien.

I. QU'EST-CE QU'UN TSUNAMI ?

Au préalable, votre rapporteur souhaite examiner en détail ce qu'est un tsunami, comment il peut être généré, quelles sont ses manifestations et pourquoi cet événement naturel peut devenir un risque majeur pour les populations du littoral.

A. DE L'ALÉA TSUNAMI...

Le tsunami est un phénomène d'origine géologique dont l'occurrence est inégalement répartie sur la terre.

1. Un phénomène d'origine géologique

Si l'on exclut les cas très particuliers de tsunamis qui seraient générés par une explosion d'origine humaine ou par l'impact d'une météorite, on peut dire que les tsunamis ont toujours une origine géologique . Ils sont provoqués par la pénétration ou la disparition (en ce qui concerne les séismes, on évoque plutôt le soulèvement ou/et affaissement) dans les fonds marins d'une quantité importante de matériel géologique, entraînant le déplacement d'une grande masse d'eau.

a) Les différentes sources

Trois types d'événement sont susceptibles d'engendrer un tsunami : les séismes sous-marins ou côtiers, les glissements de terrain et les explosions volcaniques.

(1) Les séismes sous-marins

Un séisme se traduit en surface par des vibrations du sol. Il provient de la fracturation des roches en profondeur. Cette fracturation est due à une grande accumulation d'énergie qui se libère, en créant ou en faisant rejouer des failles 3 ( * ) , au moment où le seuil de rupture mécanique des roches est atteint.

La partie superficielle du globe terrestre est constituée de plusieurs grandes plaques lithosphériques qui évoluent les unes par rapport aux autres. Alors que les plaques se déplacent régulièrement de quelques millimètres à quelques centimètres par an, dans les régions de frontière entre deux plaques, ce mouvement est discontinu. Les failles peuvent rester bloquées durant de longues périodes, tandis que le mouvement régulier des plaques (convergence, divergence ou décrochement) se poursuit. Ce blocage est à l'origine de déformations locales ou régionales des plaques, par exemple du bombement des plaques de chaque côté de la fosse océanique.

Schématiquement le scénario est le suivant : la région de la faille bloquée se déforme progressivement (déformation élastique lente) en accumulant de l'énergie, jusqu'à céder brutalement ; c'est la rupture sismique, les contraintes tectoniques se relâchent, la faille est à nouveau bloquée et le cycle sismique recommence.

Il existe trois sortes de faille :

- les failles normales : la composante horizontale du glissement correspond à un écartement (E) qui s'accompagne de l'affaissement d'un des blocs par rapport à l'autre ;

- les failles inverses : La composante horizontale du glissement correspond à un rapprochement (R) qui s'accompagne du chevauchement d'un des blocs sur l'autre.

- les failles coulissantes (ou décrochantes) : ce troisième type de faille correspond à un plan vertical sur lequel se produit un glissement horizontal.

Source : IPGP

Pour qu'un séisme sous-marin génère un tsunami, il faut qu'il entraîne le mouvement vertical du fond de la mer. L'hypocentre doit donc se situer à moins de 100 km de profondeur. Par ailleurs, il doit avoir une magnitude minimale de 6,5.

Les séismes de subduction (ou de faille inverse) sont particulièrement dangereux parce que les failles en jeu sont souvent très longues et que la magnitude est proportionnelle à cette longueur ainsi qu'au glissement du séisme sur la faille. Ainsi, le tsunami qui a ravagé l'Indonésie le 26 décembre 2004 a été provoqué par un séisme de magnitude 9,2 au large de la pointe Nord-Ouest de l'île de Sumatra. A cet endroit, la plaque indo-australienne s'enfonce sous la plaque eurasienne. La faille s'est rompue sur une longueur de 1.200 km. La rupture a duré 9 minutes et a occasionné des déplacements d'eau atteignant 15 à 25 mètres. Avec une vitesse de convergence des plaques dans cette région de l'ordre de 6 cm/ an, le laps de temps écoulé depuis le précédent séisme majeur est compris entre 400 et 600 ans.

Les séismes de faille normale concernent des failles de taille beaucoup plus réduite (200 à 300 km de long au maximum) et par conséquent de magnitude plus faible. Toutefois, les pentes sont généralement plus fortes (30 à 40 degrés contre 10 à 20 degrés pour les séismes de subduction), les risques de tsunami ne sont donc pas négligeables. Ainsi, le séisme sous-marin de magnitude 6,3 du 21 Novembre 2004, à une dizaine de kilomètres au sud des Îles des Saintes a provoqué un tsunami qui a touché la Guadeloupe et la Martinique.

On pourrait imaginer que les séismes de faille coulissante ne provoquent aucun tsunami puisque le glissement opéré est horizontal. En réalité, si le risque de tsunami est faible, il n'est pas toujours nul selon l'inclinaison de la faille sous-marine. Le séisme d'Izmit en Turquie en est une illustration, qui a induit un tsunami local.

(2) Les glissements de terrain

Si l'on reprend la définition du glissement de terrain par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), il s'agit du déplacement d'une masse de terrains meubles ou rocheux le long d'une surface de rupture par cisaillement qui correspond souvent à une discontinuité préexistante. L'apparition d'un glissement de terrain est le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs qui peuvent être :

- soit permanents, c'est-à-dire peu ou pas variables dans le temps (nature et propriétés mécaniques des matériaux, présence de plans de rupture préférentiels, pente des terrains, etc.),

- soit semi-permanents, c'est-à-dire évolutifs dans le temps (teneur en eau des matériaux, érosion en bas de pente, action anthropique, secousse sismique, effondrement d'un volcan etc.).

Les glissements de terrain sont à l'origine de nombreux tsunamis.

Le 16 octobre 1979, une partie de la plate-forme de remblaiement de l'aéroport de Nice disparaissait dans la mer. Quelques minutes plus tard, après une baisse relative du niveau de la mer, un tsunami submergeait le littoral et une vague estimée entre 2,5 et 3,5 m de haut déferlait sur la plage de la Salis à Antibes.

Les origines de ce tsunami restent très contestées. Deux thèses s'affrontent, mettant en cause soit les travaux réalisés dans le cadre de l'extension de l'aéroport de Nice, soit l'instabilité géologique naturelle de la côte aggravée par de fortes pluies qui s'étaient abattues sur la région quelques jours auparavant.

Les études les plus récentes évoquent deux glissements de terrain : un premier glissement de terrain (d'un volume de 10 millions de m 3 ) serait intervenu sur le talus de l'aéroport tandis qu'un deuxième, beaucoup plus important (150 millions de m 3 ) se serait produit au large de Nice.

Par ailleurs, le 13 septembre 1999, l'éboulement d'un pan de falaise basaltique (entre 2 et 5 millions de m 3 ) sur l'île Fatu Hiva aux Marquises provoquait un tsunami sur le village d'Omoa.

Les glissements de terrain peuvent également résulter de l'effondrement d'un volcan : le 30 décembre 2002, deux glissements de terrain de plusieurs millions de m 3 de blocs et de cendres se produisirent au Stromboli qui emportèrent la coulée émise depuis le 28 décembre. Après un retrait de la mer, des vagues de plusieurs mètres de haut blessèrent 6 personnes sur l'île tout en provoquant des dégâts matériels.

Les tsunamis résultant de glissements de terrain peuvent être très destructeurs, mais ils sont limités géographiquement. En effet, si la déformation verticale peut dépasser quelques dizaines de mètres, les dimensions horizontales impliquées (de quelques centaines de mètres en général) excèdent rarement la dizaine de kilomètres, et de ce fait les vagues du tsunami sont relativement de courte longueur d'onde.

(3) Les explosions volcaniques

Les explosions volcaniques sont également responsables du développement de tsunami puisqu'elles provoquent l'entrée brutale dans la mer de volumes immenses de roches.

L'explosion volcanique à Santorin vers 1650 avant Jésus-Christ a ainsi provoqué un tsunami dévastateur qui aurait conduit à l'extinction de la civilisation minoenne. Il aurait balayé les côtes de la Méditerranée orientale avec de vagues estimées à une quarantaine de mètres au voisinage de l'île.

De même, l'explosion volcanique de Krakatoa en Indonésie le 27 août 1883 a créé des vagues de 41 mètres de haut qui ont détruit des villages situés le long du détroit de Sunda entre l'île de Java et l'île de Sumatra et causé la mort de quelque 36.000 personnes.

b) La description du phénomène de tsunami

Suite à un séisme, un glissement de terrain ou une éruption volcanique, la couche océanique est ébranlée, avec un soulèvement, et parfois un affaissement qui peut avoir plusieurs mètres. La surface de l'eau commence à osciller sous l'action des forces de gravité et les vagues se propagent dans toutes les directions à partir de la source.

En eau profonde, le tsunami se propage très rapidement (entre 700 et 900 km/h lorsque les fonds marins sont compris entre 4.000 et 7.000 mètres), avec une longueur d'onde 4 ( * ) très importante (de 100 à plus de 200 km). Soulignons à titre comparatif qu'une vague générée par le vent a une période de 10 secondes environ et une longueur d'onde de 150 m.

L'énergie des vagues de tsunami va de la surface au fond de la mer, même dans les eaux les plus profondes. Cette énergie correspond à l'énergie mécanique (ou énergie totale) qui est la somme de l'énergie cinétique (de vitesse) et de l'énergie potentielle (liée à la hauteur des vagues).

En haute mer, la vitesse est très importante, donc l'énergie cinétique est très grande et l'énergie potentielle très faible. De ce fait et parce que la période des vagues est très longue (entre quelques minutes et plusieurs dizaines de minutes), les vagues de tsunami ne sont pas détectées par les bateaux au large.

A l'approche des côtes, les vagues sont ralenties par les effets de fond et il se produit un échange entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle. L'énergie cinétique diminue (la vitesse de propagation descend jusqu'à 36km/h) et en contrepartie l'énergie potentielle augmente, les hauteurs de vague s'amplifient pour finalement provoquer une remontée rapide de la mer dans les ports et les baies ou un débordement de la mer sur le littoral : le tsunami.

c) Des manifestations variables

Lorsqu'il atteint le littoral, le tsunami peut avoir des manifestations variables en fonction des sources mises en jeu. Ainsi, plus le volume d'eau déplacé est grand, plus la distance parcourue par les tsunamis sera longue, plus le nombre de pays concernés sera élevé et plus les dégâts risquent d'être importants. Les scientifiques distinguent trois types de tsunamis :

- les tsunamis locaux qui ne sont pas observables au-delà d'une centaine de kilomètres : ils sont généralement provoquées par des séismes de magnitude comprises entre 6,5 et 7,5, des glissements de terrain ou des éruptions volcaniques ;

- les tsunamis régionaux qui se propagent sur une distance comprise entre 100 et 1000 km et sont générés presque uniquement par des séismes de subduction (à l'exception de l'explosion du volcan Santorin en 1650 avant Jésus-Christ);

- les tsunamis capables de détruire les côtes à des milliers de kilomètres de la source, appelés télétsunamis et également provoqués presque uniquement par des séismes de subduction (à l'exception du volcan Krakatoa en 1883) : le plus récent a touché l'océan Indien le 26 décembre 2004, mais on peut également citer le tsunami du 1 er novembre 1755 après le tremblement de terre au large de Lisbonne qui traversa l'océan Atlantique, ou encore le tsunami du 22 mai 1960 lié à un séisme au Chili qui parcourut tout l'océan Pacifique et provoqua des vagues de 5 mètres au Japon 24 heures après.

Les tsunamis dépendent en outre du relief des côtes. Alors que les pentes fortes réfléchissent les vagues, dans les pentes douces, l'amplitude des vagues augmente. De même, un îlot sera protégé par la barrière de corail qui « casse » les vagues. Ces « effets de site » expliquent pourquoi les îles de Tuamotu sont bien protégées alors que les îles Marquises sont particulièrement vulnérables ou encore pourquoi les effets d'un tsunami sont amplifiés dans les ports et les embouchures de rivière.

Quelles sont les manifestations concrètes d'un tsunami ?

Tout d'abord, un tsunami peut se caractériser par un retrait de la mer loin de la côte puis par sa remontée très rapide qui engendre des courants violents et destructeurs. Quand l'eau se retire, l'effet du reflux est aussi très dommageable aussi bien pour les installations légères que pour les personnes qui se trouvent « aspirées ».

Selon le relief du littoral, l'effet de la vague est amplifié. C'est le cas dans les rivières qui s'enfoncent à l'intérieur des terres en formant un goulet étroit dans lequel l'eau va s'engouffrer et créer un mascaret.

De même, dans les ports et les baies qui constituent un espace fermé, les vagues vont se succéder les unes après les autres à un intervalle de 10 à 20 minutes, générant un effet de vidage-remplissage successif, avec des courants importants et des tourbillons.

La vulnérabilité particulière des ports explique que plusieurs bateaux ont été endommagés dans certains ports sur la Côte d'Azur après le séisme de Boumerdes en Algérie le 21 janvier 2003, alors que les médias avaient communiqué sur l'absence d'impact de ce tsunami sur les côtes françaises. Dans le port de Théoule-sur-Mer par exemple, il a été observé une montée rapide et importante du niveau de l'eau avec ensuite un retrait provoquant par "effet de pompe" un assèchement partiel du port. Dans le port de la Figueirette, le niveau de l'eau est descendu d'environ 1,5 m dans l'ensemble des bassins, avec de très forts courants entrants et sortants.

Enfin, dans les situations extrêmes, le tsunami se manifeste par une série de vagues géantes pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres de haut. Leur espacement dans le temps (entre 20 et 40 minutes) les rend particulièrement dangereuses car les populations qui ont échappé à la première vague pensent souvent que la catastrophe est terminée et se rendent près des rivages pour constater les dégâts et porter secours.

En outre, la plus grosse vague est rarement la première, mais plutôt l'une des vagues suivantes qui, outre sa propre énergie potentielle, récupère l'énergie d'une vague qui s'est déjà brisée et retourne vers la mer. Ainsi, à Banda Aceh, lors du tsunami de Sumatra en 2004, la première vague a mesuré entre 1,5 et 2 mètres tandis que la deuxième a atteint une hauteur de l'ordre de plus de 30 mètres en certains endroits de la côte.

Dans la conscience collective, les tsunamis sont dangereux parce qu'ils sont assimilés à des vagues de plusieurs mètres de hauteur s'abattant sur le littoral en détruisant tout sur leur passage. En réalité, la force destructrice d'un tsunami est moins directement corrélée à la hauteur de la vague (ou des vagues) qu'à la vitesse (30 à 40 km/h) et la quantité d'eau qu'il transporte et qui lui permet de déferler jusqu'à plusieurs centaines de mètres à l'intérieur des terres si le relief est plat et sans obstacles naturels (jusqu'à 5 km à Banda Aceh). Alors qu'une vague classique, d'une période d'au plus une minute, n'élève pas le niveau de l'eau suffisamment longtemps pour qu'elle pénètre profondément, une vague de tsunami entraîne une augmentation du niveau des eaux pendant 5 à 30 minutes.

C'est donc la quantité d'eau qui déterminera l'étendue de l'inondation des terres et la hauteur de « run-up » c'est-à-dire le niveau de montée des eaux par rapport au niveau de la mer.

Propagation des tsunamis sur le littoral

2. Un phénomène inégalement réparti sur la terre

Les zones les plus dangereuses sont les zones de forte sismicité, c'est-à-dire les zones de convergence des plaques tectoniques, par subduction (plongée d'une plaque sous une autre) ou par collision.

Depuis le début du XXème siècle, 911 tsunamis ont été répertoriés dans le monde, soit 9 événements par an. 98 tsunamis se caractérisent par une hauteur de vague comprise entre 1 et 5 mètres, soit 1 événement par an. 6 télétsunamis se sont produits avec des hauteurs de vague de plus de 5 mètres et ayant parcouru une distance supérieure à 5.000 km.

a) Une fréquence plus grande dans le Pacifique

D'après les informations fournies à votre rapporteur lors de ses auditions, sur les 2180 tsunamis répertoriés dans le monde entre - 1650 (date supposée de l'éruption du volcan Théra de Santorin) et 2005, 59 % ont eu lieu dans le Pacifique, 25 % en mer Méditerranée, 12 % dans l'océan Atlantique et 4 % dans l'océan Indien.

Toutefois, la distribution géographique des tsunamis répertoriés sur une longue période n'est pas forcément une donnée pertinente, dans la mesure où les données historiques ne sont pas homogènes selon les régions. La connaissance des événements passés est bien meilleure en Méditerranée que dans les Antilles ou dans le Pacifique.

Il convient donc de regarder la distribution des événements au XX ème siècle, même si cette période de temps est trop courte pour en tirer des conclusions définitives.

Il apparaît alors que 77% des tsunamis ont été générés dans le Pacifique contre 9 % en Méditerranée, 10 % dans l'océan Atlantique et 4 % dans l'océan Indien.

Par ailleurs, les 5 télétsunamis les plus importants du XX ème siècle ont eu lieu dans le Pacifique :

- le 1 er avril 1946, un tremblement de terre de magnitude 8,6 dans les îles Aléoutiennes (Alaska) a provoqué un tsunami qui a tué 165 personnes et a fait plus de 26 millions de dollars (de 1946) de dommages ;

- le 4 novembre 1952, un tremblement de terre de magnitude 9,0 au large de la péninsule du Kamchatka (Russie) a déclenché un tsunami qui n'a pas causé de pertes humaines ;

- le 9 mars 1957, un séisme de magnitude 9,1 dans les îles Aléoutiennes a provoqué un tsunami qui a fait 5 morts à Hawaï, pourtant situé à 3.600 km ;

- le 22 mai 1960, un séisme de magnitude 9,5 au large du Chili a déclenché un tsunami qui a fait 2.000 victimes ;

- enfin, le 28 mars 1964, un tremblement de terre de magnitude 9,2 dans le Prince William Sound de l'Alaska a entraîné un tsunami qui a tué 122 personnes et provoqué des dégâts estimés à plus de 106 millions de dollars.

Les tsunamis se produisent surtout dans l'océan Pacifique à cause de la sismicité intense de la croûte terrestre dans cette région du monde. Comme l'indique le schéma ci-dessous, c'est sur la « ceinture de feu », chaînes de volcans dont l'origine est directement due aux plaques plongeantes dans les zones de subduction, qu'on observe les séismes de magnitude élevée ainsi que les éruptions volcaniques les plus actives.

Sources des tsunamis dans le Monde

(2 180 événements de 1628 AC à 2005)

Pour autant, les autres bassins ne sont pas à l'abri.

b) Aucun bassin n'est à l'abri d'un tsunami

La collision des plaques africaine et eurasiatique fait de la Méditerranée une région particulièrement marquée par les risques de séisme et de tsunami. Les grands tsunamis historiques y sont relativement bien connus (cf. tableau ci-dessous). Il apparaît que la source historiquement la plus destructrice fut celle de la subduction sous l'arc hellénique (Crête en 365 et Rhodes en 1303). Actuellement, la Méditerranée orientale est encore considérée comme la zone la plus dangereuse.

Les principaux tsunamis historiques en Méditerranée

Date

Lieu d'origine

Observations

Vers - 1650

Santorin

Tsunami généré suite à une éruption du volcan Théra, vague estimée à 40 m de haut

365

Crête

Tsunami généré suite à un séisme de magnitude environ 8,5, vague estimée à 10 m

373

Helike

Tsunami généré suite à un séisme de magnitude environ 7, vague estimée à 10 m

1303

Rhodes

Tsunami généré suite à un séisme de magnitude 8 environ

1365

Alger

Tsunami généré suite à un séisme de magnitude 7 environ

1755

Lisbonne

Tsunami généré suite à un séisme de magnitude 8 environ, vague estimée à 4 m

1908

Messine

Tsunami généré suite à un séisme de magnitude 7 environ, vague de 8 m

L'océan Atlantique Nord-Est semble moins concerné par les tsunamis même si celui du 1 er novembre 1755 au large de Lisbonne a été l'un des plus destructeurs au monde, avec des vagues de 5 mètres déferlant sur le port et causant la mort de 20 000 personnes.

Le risque de tsunami existe également aux Antilles qui se caractérisent par une activité volcanique et sismique importante. Les Antilles sont concernées par des tsunamis générés soit dans la Caraïbe, soit dans l'Atlantique (séisme de subduction ou télétsunami).

Selon une étude de Narcisse Zahibo et Efim Pelinovsky de 2001, il y a eu environ 24 tsunamis répertoriés depuis 400 ans aux Petites Antilles 5 ( * ) .

Enfin, l'océan Indien n'est pas à l'abri des tsunamis. Certes, statistiquement, il ne concentre que 4 % des tsunamis recencés. Pour autant, après la catastrophe de Sumatra, le risque de tsunami dans cette région ne peut plus être ignoré. D'ailleurs, 3 tsunamis importants ont depuis été induits par des forts séismes le 28 mars 2005, le 17 juillet 2006 et le 12 septembre 2007.

* 1 « Les techniques de prévision et de prévention des risques naturels : séismes et mouvements de terrain », rapport n° 261 (Sénat) et n° 2017 (Assemblée nationale) de M. Christian Kert, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (1995).

* 2 « Les techniques de prévision et de prévention des risques naturels en France », rapport n° 312 (Sénat) et n° 1540 (Assemblée nationale) de M. Christian Kert, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (1999).

* 3 C'est une discontinuité ou fracture affectant l'écorce terrestre montrant un mouvement relatif des deux blocs séparés par la faille.

* 4 La longueur d'onde est la distance séparant deux crêtes successives d'une onde périodique

* 5 Les petites Antilles sont constituées d'un chapelet de petites îles d'origine volcanique ou calcaire qui s'étendent en arc de cercle depuis les îles Vierges à l'Est de Porto Rico jusqu'à la Grenade au sud.

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