c) Le modèle français de Polynésie
(1) Le CEA au coeur du dispositif d'alerte en Polynésie

L'instauration d'un centre national d'alerte aux tsunamis en Polynésie est directement liée aux activités nucléaires de la France dans le Pacifique.

Implanté par le CEA au début des années soixante, le laboratoire de géophysique (LDG) de Tahiti a été dès 1964 chargé de fournir des informations sur les tsunamis susceptibles d'affecter les côtes de la Polynésie française. Il a pour cela mis en place le réseau sismique polynésien et développé des méthodes de plus en plus perfectionnées pour évaluer le potentiel tsunamigène des séismes.

Aujourd'hui, les activités du laboratoire de géophysique de Pamatai sont triples.

D'abord, dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, le LDG/Pamatai participe au système de surveillance international des explosions nucléaires.

Ensuite, le réseau sismique polynésien du LGD/Pamatai est chargé de surveiller 24h sur 24 la sismicité de la Polynésie française : sont visés les séismes, mais également les volcans sous-marins, les éboulements ou encore les ondes de tempête. Dans ce cadre, le LGD/Pamatai exploite depuis 1962 9 stations sismiques réparties sur Tahiti, Rangiroa, Tubuai et Rikitea.

Enfin, le LGD/Pamatai gère le centre polynésien de prévention des tsunamis qui assure l'alerte opérationnelle aux tsunamis 24h sur 24 dans le Pacifique en relation avec le PTWC.

Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires

Ce traité, adopté le 10 septembre 1996 et signé par 71 membres, dont les 5 puissances nucléaires officielles, le 24 septembre 1996, interdit les essais nucléaires. Il complète le traité du 5 novembre 1963 qui avait prohibé les essais nucléaires sous l'eau, dans l'espace et dans l'atmosphère en étendant l'interdiction aux essais sous-terrains.

Ce traité instaure un système de surveillance international de l'air, de l'eau et des océans à travers des stations réparties dans le monde entier.

Des stations de détection des radionucléides (éléments radioactifs contenus dans l'air) et des infrasons sont utilisées pour l'atmosphère.

La détection des ondes sismiques générées par les tremblements de terre ou les explosions souterraines est faite à l'aide de sismomètres. Ces capteurs permettent également de surveiller le milieu marin en détectant et identifiant les ondes hydroacoustiques (ondes T) qui s'y propagent.

Le DASE 27 ( * ) , dont dépend le LDG/Pamatai, est responsable de la contribution française à l'exploitation du système de surveillance international (SSI) dans les différentes technologies (sismologique, radionucléides, infrason et hydroacoustique).

Le réseau géophysique polynésien comprend des stations du SSI dont les données sont envoyées au DASE et au centre international des données à Vienne.

La station sismique de Tahiti, du fait de sa situation centrale dans le Pacifique, est un site primordial pour la détection sismique et hydroacoustique. La station d'analyse des radionucléides est installée sur le site de Pamatai. Deux stations infrason sont installées à Taravao, dans la presqu'île de Tahiti, et dans l'archipel des Marquises.

Source : DASE

Lorsque le LGD/Pamatai détecte un séisme dont le foyer sous-marin est à moins de 60 km de profondeur et dont la magnitude est égale ou supérieure à 7, il en informe le Haut-Commissariat et le service de la protection civile.

A cet égard, il convient de mentionner que le LDG/Pamatai a développé un système automatique de détection et de localisation en temps réel des séismes tsunamigènes très performant appelé TREMORS® 28 ( * ) (Tsunami Risk Evaluation through seismic Moment from a Realtime System).

La magnitude d'un tremblement de terre mesure l'énergie libérée lors d'un séisme. Plus la magnitude est élevée, plus le séisme a libéré d'énergie. Il s'agit d'une échelle logarithmique, c'est-à-dire qu'un accroissement de magnitude de 1 correspond à une multiplication par 30 de l'énergie. Si l'échelle de Richter (Ms) est la plus connue, elle a l'inconvénient de saturer en cas de fort séisme : la magnitude rencontre un plafond qu'elle a du mal à dépasser alors que l'énergie des séismes continue de croître. Pour remédier à cet effet de saturation, une échelle d'énergie, nommée Mw, a été développée dans les années 80. Cette échelle, calée sur Ms, en est son prolongement pour les forts séismes afin d'éviter l'effet de saturation. Par exemple, le séisme du 22 mai 1960 du Chili avait une magnitude de 8,4 sur l'échelle de Richter et de 9,5 en magnitude Mw. Il était donc 30 fois plus puissant que ce que les instruments de mesure annonçaient.

Si l'échelle de Richter est utilisée en cas de fort séisme, les prévisions concernant les tsunamis provoqués peuvent se révéler très sous-évaluées. C'est la raison pour laquelle une connaissance précise de la magnitude du séisme est primordiale. Toutefois, selon les informations obtenues par votre rapporteur, la magnitude Mw exige de nombreuses stations sismiques et des moyens de calcul considérables.

Pour pallier ces difficultés, le LDG/Pamatai a introduit une nouvelle échelle de magnitude Mm (magnitude de manteau) qui évite l'effet de saturation connu de l'échelle de Richter et n'exige qu'une station sismique pour son utilisation. Au-delà d'un certain seuil de magnitude (fixé actuellement à 7), une alarme est émise par téléphone GMS au géophysicien de service.

Le LDG/Pamatai exploite en outre quatre marégraphes installés à Papeete (1), aux îles Gambier (1) et aux îles Marquises (2). Une seule de ces stations a été financée par la France via un projet FIDES (Fonds d'investissement pour le développement économique et social). Il reçoit également les données d'une vingtaine de marégraphes installés essentiellement dans le Pacifique Sud sur des îles situées entre les zones tsunamigènes et la Polynésie française.

Ces activités sont complétées par des études et simulations destinées à mieux évaluer l'aléa tsunami en Polynésie (cf. supra).

Aussi n'est-il pas étonnant que le CEA soit le représentant de la France au groupe intergouvernemental de coordination du système d'alerte aux tsunamis dans le Pacifique (GIC/Pacifique) dont il a assuré la vice-présidence puis la présidence et qu'il ait participé activement à la mise en place du plan de secours spécialisé en cas de tsunami (PSS) pour la Polynésie française 29 ( * ) .

* 27 Département Analyse, Surveillance, Environnement du CEA (centre de l'énergie atomique).

* 28 Cette marque a été déposée à l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) en 1994 et a été renouvelée en 2004 pour 10 ans.

* 29 Ce plan définit les missions et les responsabilités de tous les services concernés en cas d'alerte aux tsunamis et arrête les mesures à prendre pour, le cas échéant, évacuer la population.

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