N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) , sur le bilan des actions européennes de la commission et le suivi des dossiers européens dans la perspective de la présidence française de l' Union européenne ,

Par M. Jean-Jacques HYEST,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Jacques Gautier, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La France assurera, à compter du 1 er juillet 2008, la présidence semestrielle de l'Union européenne.

A ce titre, elle interviendra à une date charnière, puisque ce devrait être la dernière présidence avant l'entrée en vigueur du Traité modificatif signé à Lisbonne par les chefs d'Etat et de Gouvernement le 13 décembre 2007, sous réserve de sa ratification par les vingt-sept Etats membres de l'Union européenne.

Cette situation implique que la France devra proposer à ses partenaires des instruments juridiques trouvant leur fondement dans les dispositions actuelles du traité sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne, tout en se projetant vers l'avenir en tenant compte des nouvelles modalités d'intervention de l'Union européenne prévues par le Traité de Lisbonne.

Dans cette entreprise, le Parlement français, et en particulier le Sénat, doit prendre toute sa place, avant même que son implication institutionnelle renforcée par le nouveau traité puisse être effectivement mise en oeuvre. La participation du Sénat à la présidence française de l'Union européenne passe notamment par une meilleure implication de ses commissions permanentes dans le suivi des dossiers européens.

Trop souvent, en effet, les commissions voient leur implication se limiter à la transposition de directives ou à l'adaptation du droit français aux exigences des règlements communautaires. Or, même si certains textes communautaires laissent quelques options ouvertes aux Parlements des Etats membres, pour la plupart ils n'autorisent les commissions qu'à proposer des modifications de notre législation qui, si elles ne sauraient s'apparenter à une copie servile des dispositifs européens, ne laissent guère de marge de manoeuvre.

Si le Sénat et le Parlement dans son entier veulent réellement peser sur la politique communautaire, il importe que les commissions permanentes interviennent, à l'instar des délégations pour l'Union européenne de chaque assemblée, en amont du processus décisionnel européen, avant même que la Commission européenne adopte ses communications.

Il incombe ainsi aux commissions permanentes du Sénat de s'investir, chacune selon le rythme lié à ses propres travaux, sur les dossiers européens qui relèvent de leur champ de compétence. Les commissions ont d'ailleurs déjà intensifié leurs travaux de suivi des négociations en cours au niveau européen : depuis plusieurs années, le rapporteur général de votre commission des finances se rend à Bruxelles afin de faire le point avec les services de la Commission européenne sur les principaux dossiers en cours en matière de fiscalité, de concurrence et de législation financière 1 ( * ) ; des groupes de travail, d'étude 2 ( * ) ou de suivi 3 ( * ) portant sur des sujets européens d'actualité ont par ailleurs été constitués au sein de plusieurs commissions.

Votre commission des lois a souhaité elle aussi s'engager dans ce mouvement. Si les compétences régaliennes qui intéressent votre commission n'ont été, jusqu'à récemment, que peu affectées par la construction européenne, le développement considérable des actions des institutions de l'Union européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures justifie désormais que le suivi des dossiers européens dans ces matières soit davantage au coeur de ses travaux d'étude et d'information.

Cette nécessité est renforcée par la perspective prochaine de la présidence française de l'Union européenne, et en particulier, de l'organisation, par les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat de réunions de travail avec les commissions homologues des parlements des autres Etats membres. Au surplus, le traité de Lisbonne renforçant l'implication des Parlements nationaux dans le processus de décision européen en consacrant un droit d'opposition à l'adoption d'actes législatifs -notamment dans le domaine de la justice et des affaires intérieures-, il importe que votre commission puisse, dans les délais requis et pour les questions relevant de sa compétence, soumettre une proposition de position à la décision du Sénat tout entier.

Dans ce contexte, votre commission des lois a, depuis plusieurs mois, établi des contacts directs avec les organismes ministériels et interministériels chargés du suivi des affaires européennes, les institutions européennes ainsi que les commissions homologues des parlements nationaux. Cette démarche lui a permis d'aborder les perspectives d'évolution à court terme de la législation communautaire ainsi que les priorités du Gouvernement pour la présidence française de l'Union européenne.

Ce premier travail, dont le présent rapport retrace les résultats, permettra à votre commission, conformément aux principes qu'elle avait dégagés en son sein en juin 2007 4 ( * ) et aux recommandations de sa mission d'information sur les Parlements nationaux de l'Union européenne 5 ( * ) , d'approfondir son intervention grâce à la nomination en son sein de co-rapporteurs issus tant de la majorité que de l'opposition -MM. Jean-René Lecerf, Pierre Fauchon et Jean-Claude Peyronnet- chargés de suivre l'évolution des dossiers européens dont l'objet relève de son champ de compétence .

I. L'ÉTABLISSEMENT DE CONTACTS DIRECTS DESTINÉS À FAVORISER LE SUIVI DU PROCESSUS D'ÉLABORATION DES NORMES COMMUNAUTAIRES

A. DES LIENS DIRECTS AVEC LES ORGANES MINISTÉRIELS ET INTERMINISTÉRIELS CHARGÉS DES DOSSIERS EUROPÉENS

1. Le Secrétariat général des affaires européennes

Votre commission a tout d'abord souhaité établir un contact direct avec le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui a succédé en 2005 au Secrétariat général du comité interministériel pour les questions européennes (SGCI). Placé sous l'autorité directe du Premier ministre, le SGAE couvre l'ensemble des domaines définis par le traité sur l'Union européenne, à l'exception de la politique étrangère européenne qui relève de la seule compétence du ministère des Affaires étrangères, pour autant que cette politique ne fasse pas appel à des instruments communautaires.

Le rôle du SGAE en amont du processus décisionnel européen est en effet essentiel dans la mesure où :

- il est chargé de rapprocher les positions des administrations françaises sur les dossiers européens en cours et, en cas de divergences, de rendre les arbitrages techniques nécessaires. En cas de désaccord interministériel sur les questions les plus sensibles sur le plan politique, il demande l'arbitrage du Premier ministre. C'est lui qui transmet les instructions du Gouvernement à la Représentation permanente de la France à Bruxelles. Il assure également un rôle d'information des ministres et des administrations concernées par des questions traitées au niveau communautaire ;

- il suit, au quotidien, les dossiers européens, apparaissant ainsi comme le conseiller privilégié du gouvernement en ce domaine.

Lors d'une audition tenue conjointement avec la délégation pour l'Union européenne 6 ( * ) le 19 septembre 2007 7 ( * ) , votre commission a pu, à l'occasion d'un dialogue riche avec M. Gilles Briatta, secrétaire général des affaires européennes, faire le point sur les dossiers en cours dans les domaines de la justice, des affaires intérieures et du droit des affaires .

Cette audition a permis à votre commission d'être informée des dossiers en cours au niveau européen pour, le cas échéant, se prononcer en amont sur les aspects techniques des propositions formulées par les institutions communautaires afin de mieux assumer un rôle complémentaire de celui mené de longue date par la délégation pour l'Union européenne.

A cette occasion, M. Gilles Briatta a estimé que si, de manière générale, les coopérations renforcées pouvaient jouer un rôle précurseur pour initier de nouvelles actions communautaires dans le domaine de la justice et des affaires intérieures -comme l'ont montré les accords de Schengen et de Prüm- il convenait de recourir autant que possible à des instruments englobant l'ensemble des Etats membres. Il a insisté sur les difficultés que suscite l'application, dans les différents Etats membres, de réglementations différenciées qui pouvaient être aggravées par la formation parfois incomplète des magistrats des Etats membres aux procédures de coopération pénale instituées par le droit communautaire.

L'évolution du processus de révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs a été abordée. M. Gilles Briatta a souhaité que la démarche de simplification envisagée par la Commission ne se traduise pas par une approche caractérisée par une harmonisation minimale et la généralisation du principe de reconnaissance mutuelle. Il a cependant estimé que les négociations actuelles sur le règlement « Rome I » relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles permettraient d'éviter une telle évolution, soulignant que cette dernière lui paraissait politiquement sans issue, comme l'avait montré la polémique née de la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur. Il a noté que, souvent, les négociations pouvaient aboutir à des dispositions plus protectrices que celles initialement envisagées, soulignant que les modifications introduites par le Parlement européen étaient souvent très favorables aux intérêts des consommateurs.

Sur la question de la situation au regard de l'Union européenne de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, devenues des collectivités d'outre-mer en vertu de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, M. Gilles Briatta a indiqué que la France cherchait à convaincre la Commission de la nécessité de maintenir pour ces deux collectivités le bénéfice des fonds structurels et défendait l'interprétation selon laquelle ces deux îles demeurent des régions ultrapériphériques, car elles appartiennent géographiquement à la Guadeloupe.

De fait, le traité de Lisbonne confirme cette position en ajoutant formellement Saint-Martin et Saint-Barthélemy à la liste des régions ultrapériphériques de l'Union européenne.

Ultérieurement, dans un courrier adressé à votre président, M. Gilles Briatta a apporté une réponse à l'interrogation formulée lors de son audition concernant le refus de soumettre à la ratification du Parlement , comme le prévoit l'article 24 du traité sur l'Union européenne, l'accord conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur le traitement et le transfert des données des dossiers passagers, dites « PNR » ( Passenger name record ).

Il a confirmé que le Gouvernement ne soumettrait pas à ratification cet accord, en se fondant sur l'avis de l'Assemblée générale du Conseil d'Etat du 7 mai 2003 aux termes duquel ne peuvent être soumis à la ratification du Parlement que les accords ou conventions auxquels la République française est partie, ce qui n'est effectivement pas le cas de l'accord PNR.

2. La Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

Lors d'un déplacement à Bruxelles les 11 et 12 octobre 2007, une délégation de votre commission conduite par votre rapporteur a pu s'entretenir avec plusieurs responsables de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne 8 ( * ) .

Structure interministérielle composée d'une centaine de conseillers issus de tous les ministères concernés, la Représentation permanente joue le rôle de point de contact entre les autorités françaises et les institutions de l'Union européenne. Elle conduit les négociations au sein des instances du Conseil de l'Union européenne 9 ( * ) et défend les positions du Gouvernement français auprès des autres institutions, en particulier le Parlement européen et la Commission européenne. Ses instructions lui sont transmises notamment par le SGAE.

Elle est également en contact avec les autres intervenants : les parlementaires nationaux, les collectivités locales, les représentants des entreprises, les organisations syndicales, des associations et ONG ainsi qu'avec les chercheurs, les « think tanks » et les médias.

La délégation de la commission a en particulier rencontré M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne depuis 2002.

Sur la situation générale de l'Union européenne, il a battu en brèche la critique consistant à dénoncer son opacité. Au contraire, le système européen, certes complexe, est très transparent, les échanges entre les institutions européennes et entre les Etats membres étant connus de tous. Depuis 1995, l'ensemble des propositions de la Commission européenne sont ainsi précédées de forums, livres verts et communications. Il a jugé qu'il revenait aux autorités françaises, mais aussi aux différents intervenants issus de la société civile, de participer le plus en amont possible à l'élaboration des politiques et des normes européennes.

A cet égard, il a remarqué que si l'influence française dans les institutions européennes était satisfaisante, y compris au Parlement européen, en revanche son poids dans le débat d'idées était en retrait. En effet, la Commission européenne forge une partie de sa doctrine au contact de la presse, des centres de recherche et des « think tanks » qui s'activent autour des institutions européennes.

Or, ces méthodes de travail ne sont pas dans notre culture :

- la presse et les médias français ne sont pratiquement pas représentés à Bruxelles et n'y constituent pas une référence ;

- la haute fonction publique française est plus habituée à élaborer des textes au sein des ministères qu'à la suite d'un large débat public ;

- des centres et instituts de recherche français commencent seulement à se développer 10 ( * ) .

L'offre intellectuelle française ne nourrit pas suffisamment la réflexion des institutions européennes. En revanche, M. Pierre Sellal a jugé que le système européen freinait le déclin de la francophonie et n'en était nullement la cause. Il a rappelé que, d'une part, les institutions européennes évoluaient par la force des choses dans l'environnement francophone de la région de Bruxelles et, d'autre part, que le système européen contraignait à un minimum de connaissance du français, ne serait-ce qu'à l'occasion de la présidence française.

M. Pierre Sellal est également revenu sur les raisons du rejet du projet de traité constitutionnel lors du référendum français de 2005. Parmi celles-ci, il a relevé trois reproches faits à la construction européenne :

- son manque de résultats et son inefficacité, en particulier en matière économique. Or, l'Europe s'est construite sur l'idée que l'union des Etats membres les rendait chacun plus fort et justifiait des sacrifices en matière de souveraineté ;

- son manque de lisibilité et sa trop grande complexité ;

- l'absence d'objectifs et de buts. L'élargissement de l'Union européenne en mai 2004 à dix nouveaux Etats membres n'aurait pas été suffisamment assumé et aurait instillé un doute sur un possible élargissement sans fin vidant de son sens le projet politique de l'Europe.

Pour sortir de cette impasse, la réflexion fondamentale devrait se concentrer sur le sens du projet européen dans le monde d'aujourd'hui. Il a rappelé la proposition du président de la République en septembre 2007 de créer un comité des sages chargé de réfléchir à l'avenir de l'Union à l'horizon 2030.

Les chefs d'Etat et de gouvernement ont approuvé cette proposition le 14 décembre 2007. Composé d'une dizaine de personnes, ce comité devrait néanmoins avoir un champ de réflexion plus réduit que celui imaginé initialement. Le groupe sera présidé par M. Felipe Gonzalez Marquez.

M. Pierre Sellal a considéré que les coopérations renforcées ne pouvaient constituer une solution pérenne pour approfondir la construction européenne celles-ci étant porteuses d'une contradiction intrinsèque : agir à quelques uns dans le cadre d'institutions associant l'ensemble des Etats membres. Il a relevé que les coopérations renforcées étaient rarement mises en oeuvre et que les expérimentations à quelques uns en dehors du cadre communautaire étaient plus efficaces. 11 ( * )

La délégation de la commission a pu rencontrer également M. Daniel Lecrubier, chef du service Justice et affaires intérieures (JAI) à la Représentation permanente, ainsi que plusieurs de ses collaborateurs.

Décrivant le contexte général, il a rappelé que la Commission européenne s'approchait du terme de son mandat en 2009 et que sa priorité était de faire aboutir les projets de texte déjà déposés plutôt que de lancer de nouvelles initiatives.

Il a jugé que la présidence française de l'Union européenne sera d'autant plus délicate qu'elle interviendra juste avant l'entrée en vigueur prévue du traité modificatif de Lisbonne, prévue le 1 er janvier 2009. Cette phase de transition sera complexe puisqu'il faudra proposer des initiatives pour l'avenir avec des règles d'adoption appartenant de plus en plus au passé. Or, le traité ne prévoit pas de règles transitoires.

Concernant la coopération en matière pénale, il a indiqué que la règle en vigueur de l'unanimité avait pour effet de bloquer la plupart des initiatives ou, dans le meilleur des cas, de n'aboutir qu'à un alignement sur le moins disant. En outre, en raison de l'absence de contrôle de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), les textes adoptés ne font pas toujours l'objet d'une transposition correcte.

Le traité de Lisbonne bouleverse ces règles en passant à la majorité qualifiée et à la co-décision. Le Parlement européen apportera un autre regard. En outre, la compétence de la CJCE sera progressivement reconnue. 12 ( * )

Toutefois, même avec ces nouvelles règles, les responsables entendus ont estimé qu'il sera toujours difficile d'avancer en matière de justice et affaires intérieures, de nombreux Etats conservant des positions diamétralement opposées. Le Royaume-Uni est contre l'harmonisation alors que l'Allemagne est attachée à un minimum d'harmonisation du fait de l'arrivée de nouveaux Etats membres. Même sur le principe de la reconnaissance mutuelle, des Etats restent réticents, notamment les Pays-Bas.

M. Daniel Lecrubier a constaté que l'état d'esprit n'était pas bon et qu'il convenait de recréer une dynamique en développant les échanges et les formations communes.

A cet égard, l'initiative de la présidence allemande de constituer un groupe de travail réunissant les six présidences appelées à lui succéder afin d'élaborer un programme d'action dans le domaine JAI pourrait permettre de dégager de grandes orientations avant la présidence française. Cette solution présente l'avantage de travailler en groupes restreints sans frustrer les petits pays qui se sentent parfois négligés.

S'agissant des questions de droit civil et de droit commercial , M. Jean Alègre, conseiller à la Représentation permanente, a souligné les difficultés posées par la diversité des cultures et traditions juridiques nationales qui rendait difficile la négociation de certains dossiers, en particulier ceux relatifs au droit de la famille et au droit des obligations.

Cette situation semble conduire actuellement à une perte de volonté des institutions communautaires d'harmoniser les législations nationales pour favoriser à l'inverse une approche plus anglo-saxonne consistant à recommander l'adoption de simples instruments de soft law , c'est-à-dire non juridiquement contraignants, tels que des chartes, des codes de conduite ou des cadres communs de référence.

3. Les services des ministères dédiés aux questions européennes

Dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, les ministères ont mis en place, tant au niveau de leur cabinet que des services de leur administration centrale, des « cellules » chargée plus particulièrement des questions européennes. Au cours des derniers mois, votre commission a établi des contacts avec les cellules du ministère de la justice ainsi que du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Une réunion de travail avec Mme Elisabeth Pelsez, conseiller pour la préparation de la présidence française de l'Union européenne et pour les questions européennes au cabinet du garde des Sceaux, ainsi qu'avec les services de l'administration centrale du ministère de la justice, a permis d'évoquer tant les dossiers en cours que les questions figurant au titre des priorités de la présidence française de l'Union européenne. A cet égard, les représentants de la Chancellerie ont indiqué que, dans le domaine de la justice, six manifestations sous label « présidence française » devraient être organisées, vraisemblablement avec présence ministérielle.

Il convient surtout d'insister sur le fait que la présidence française interviendra au terme de l'exécution du programme de La Haye en matière de justice et qu'il lui incombera en conséquence de faire aboutir les négociations sur un nouveau programme pluriannuel 2009-2013. A cet effet, un groupe de travail au niveau ministériel a déjà été lancé regroupant six Etats membres (Allemagne, Portugal, Slovénie, France, République tchèque, Suède).

Le programme de La Haye (2005-2009)

L'objectif du programme de La Haye, adopté le 5 novembre 2004 par le Conseil européen, est d'améliorer les capacités communes de l'Union et de ses États membres afin :

- d'assurer le respect des droits fondamentaux, des garanties procédurales minimales et l'accès à la justice ;

- d'offrir aux personnes qui en ont besoin la protection prévue par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et d'autres traités internationaux ;

- de réguler les flux migratoires et de contrôler les frontières extérieures de l'Union européenne ;

- de lutter contre la criminalité organisée transfrontière et de réprimer la menace terroriste, d'exploiter le potentiel d'Europol et d'Eurojust ;

- de faire progresser la reconnaissance mutuelle des décisions et des certificats judiciaires en matière tant civile que pénale ;

- de supprimer les obstacles législatifs et judiciaires au règlement des litiges relevant du droit civil ou familial qui présentent des éléments transfrontières.

La mise en oeuvre de cet objectif passe par la création d'un régime d'asile commun, par l'amélioration de l'accès aux tribunaux et de la coopération policière et judiciaire pratique, par le rapprochement des législations et par la mise en oeuvre de politiques communes.

Le programme se fonde sur les principes généraux de subsidiarité, de proportionnalité, de solidarité et sur le respect des différents systèmes et traditions juridiques des Etats membres.

Sur cette base, la Commission a adopté le 10 mai 2005 un plan d'action destiné à mettre en oeuvre les priorités dégagées pat le Conseil européen.

Au ministère de l'intérieur, une mission de préparation de la présidence française de l'Union européenne a été mise en place. Cette équipe d'une douzaine de personnes dirigée par M. Nicolas Quillet, ancien secrétaire général adjoint du SGAE, a pour mission :

- de jouer un rôle de sas entre les services du ministère et le ministre, afin d'assurer la cohérence des notes remontant des services ;

- d'anticiper le calendrier des textes qui arriveront en discussion lors de la présidence française ;

- de porter les priorités du ministère.

M. Nicolas Quillet, entendu par notre collègue Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008, a estimé qu'une présidence de l'Union européenne devait se préparer avant tout en amont dans les ministères.

Il a indiqué que les priorités de la présidence française seraient :

- en matière de police, de rationaliser les outils de coopération policière existants ;

- en matière de protection civile, de mettre en place une force d'intervention rapide en cas d'accident ou d'attentat NRBC ;

- de mieux garantir les libertés individuelles, notamment au regard du développement des fichiers de police et de la protection des données. Il a estimé que la France avait une expérience et un héritage importants sur ces sujets.

* 1 Voir le rapport d'information n° 302 (Sénat, 2006-2007) de M.  Philippe Marini au nom de la commission des finances, « Maîtriser le `droit mou' : les principaux dossiers en cours de la Commission européenne en matière de législation financière et fiscale ».

* 2 Voir, par exemple, pour la commission des affaires économiques, le rapport d'information n° 348 (Sénat, 2006-2007) de M. Gérard César sur la réforme de l'organisation commune de marché vitivinicole.

* 3 Lors de sa séance du 6 juin 2007, la commission des affaires étrangères a ainsi décidé la constitution de groupes de suivi sur quatre questions européennes : le projet de traité institutionnel européen, le projet d'Union méditerranéenne, la politique européenne de défense et la politique étrangère européenne.

* 4 Communication du 27 juin 2007 de M. Jean-Jacques Hyest, président, à la commission des lois, Bulletin des commissions n° 23 (2006-2007).

* 5 Voir les recommandations du rapport de nos collègues Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, « L'expérience des parlements nationaux au sein de l'Union européenne : une source d'inspiration pour le Sénat », n° 418 (Sénat, 2006-2007).

* 6 Cette audition s'inscrit dans une suite d'auditions communes avec la délégation pour l'Union européenne depuis plusieurs années : audition le 20 février 2006 de MM. Philippe Léger, avocat général, et Jean-Pierre Puissochet, juge, à la Cour de justice des Communautés européennes (http://www.senat.fr/bulletin/20060220/lois.html#toc5) ; audition le 23 mars 2005 de M. Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne ( http://www.senat.fr/commission /loi/lois050329.html#toc4).

* 7 Le compte rendu complet de cette audition est disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/bulletin/20070917/lois.html#toc5.

* 8 La composition de la délégation de la commission des lois ainsi que le programme du déplacement à Bruxelles figurent en annexe du présent rapport.

* 9 En particulier dans les instances préparant les réunions du Conseil des Ministres. Les travaux du Conseil sont préparés par le Comité des Représentants permanents (Coreper) qui se réunit chaque semaine. Ce comité surveille et coordonne également les travaux des dizaines de comités et groupes de travail composés de fonctionnaires des Etats membres qui préparent au niveau technique les dossiers qui sont soumis au Coreper puis au Conseil.

* 10 Notamment la Fondation Robert Schuman ou l'Institut français des relations internationales. La situation s'améliore toutefois depuis quelques années.

* 11 L'espace Schengen a ainsi été créé initialement dans le cadre d'un traité international distinct avant d'être intégré dans l'acquis communautaire. Plus récemment, le traité de Prüm a été signé le 27 mai 2005 entre sept Etats membres seulement. Ce traité relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale prévoit notamment la mise en liaison des fichiers des empreintes digitales et des empreintes génétiques des Etats parties.

* 12 Le Royaume-Uni a obtenu un système très complexe d' « opt in-opt out ».

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