C. RECENTRER LA DÉFISCALISATION SUR LE LOGEMENT SOCIAL : LE MOINS MAUVAIS CHOIX

L'ensemble des raisons évoquées ci-dessus conduisent votre rapporteur spécial , dans la lignée des préconisations qu'il avait formulées dans son rapport d'information sur le logement de 2006, à souhaiter une suppression du dispositif de la défiscalisation appliquée au logement libre . Le rapport précité de votre rapporteur spécial jugeait qu'il était préférable d'obtenir des « conclusions sur l'impact de la défiscalisation, avant d'en modifier le mécanisme ». Deux ans plus tard, votre rapporteur spécial est conduit à juger plus sévèrement encore ce dispositif puisqu'il constate que les outils permettant une meilleure évaluation sont toujours inexistants.

Par ailleurs, comme indiqué ci-avant, le coût de la défiscalisation appliquée au logement n'a cessé d'augmenter.

Ces éléments conduisent votre rapporteur spécial à souhaiter, sans plus attendre, que la défiscalisation ne s'applique plus au logement libre mais soit recentrée sur le logement social , qui, à l'heure actuelle, ne dispose d'aucun dispositif spécifique en matière de défiscalisation.

1. Des réticences de principe : la défiscalisation devrait cibler les investissements productifs

En préambule, votre rapporteur spécial tient à insister sur le fait que la mise en oeuvre de la défiscalisation sur le logement social, comme sur le logement libre, n'est pas économiquement satisfaisante .

En effet, le système de la défiscalisation ne se justifie, de manière générale, que par le fait qu'elle porte sur des investissements productifs, à même de créer des richesses et d'entraîner dans leur sillage un développement économique autonome et pérenne des régions visées. Or, la défiscalisation en matière de logement ne répond pas ces critères. En effet, le secteur de la construction, s'il est riche en main d'oeuvre, n'est pas susceptible de porter le développement économique des régions concernées, l'essentiel des matières premières utilisées pour les constructions d'habitations étant importées et non produites sur le territoire des collectivités territoriales d'outre-mer.

2. Deux avantages cumulés : l'aide au secteur de la construction et la réponse au besoin de logement social

Toutefois, en l'espèce, deux raisons conduisent votre rapporteur spécial à soutenir la défiscalisation appliquée au logement social, malgré ses réticences de principe.

a) L'aide au secteur de la construction

Les économies des collectivités territoriales ultramarines souffrent de manière générale de l'absence d'une base industrielle, agricole et touristique à même de soutenir un développement économique pérenne .

Dans ce contexte de faible activité industrielle, le secteur de la construction est d'une importance particulière . A La Réunion par exemple, en 2003 20 ( * ) , le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP) représentait 6,6 % du PIB. Bien que n'étant que d'un point supérieur au pourcentage de la métropole, il représente plus de 50 % du secteur secondaire, très faible sur l'île. En comparaison, le secteur BTP ne représentait en métropole à cette date que 34 % de la valeur ajoutée du secteur secondaire. Les économies ultramarines sont donc beaucoup plus sensibles à l'activité du secteur de la construction que l'économie métropolitaine .

Par ailleurs, le secteur du BTP présente l'avantage d'être très utilisateur de main d'oeuvre. A La Réunion, il représentait au 1 er janvier 2005 7,5 % 21 ( * ) de l'emploi salarié, dans un contexte où les taux de chômage sont importants, celui de La Réunion s'élevant à titre d'exemple à 24,2 % de la population active au deuxième trimestre 2007 22 ( * ) .

Ainsi, bien que les effets sur l'emploi de la défiscalisation appliquée au logement en outre-mer soient, comme indiqué ci-avant, relativement limités, il peut sembler pertinent, vue l'absence de base industrielle solide hors le secteur de la construction, d'encourager ce secteur, au travers notamment du dispositif de la défiscalisation en matière de logement social.

b) La nécessité de produire du logement social

Par ailleurs, le recentrage de la défiscalisation sur le logement social présente un intérêt social essentiel dans le contexte d'accroissement des besoins de logement dans les collectivités territoriales d'outre-mer . Le besoin de l'outre-mer en logement social, qui fera l'objet de développements ci-après, peut être illustré par ceux de l'île de La Réunion où, au vu des projections démographiques actuelles, une multiplication par trois du nombre de logements actuellement produits serait nécessaire pour répondre à la demande, selon les projections effectuées par l'Agence pour l'observation de La Réunion, l'aménagement et l'habitat (AGORAH) 23 ( * ) .

D'autre part, l'importante demande de logement social garantirait aux investisseurs que les logements produits pourraient sans difficulté trouver des locataires, ce qui n'est plus le cas à l'heure actuelle en matière de logements libres.

3. Les conditions nécessaires pour qu'une défiscalisation appliquée au logement social soit efficace

a) Lisser dans le temps le recentrage de la défiscalisation sur le logement social

Il est probable , au vu des propos tenus par les différents interlocuteurs que votre rapporteur spécial a eu l'occasion de rencontrer, que le recentrage de la défiscalisation sur le logement social produise une ou deux années creuses en termes de constructions de logements . En effet, ce changement nécessitera que les bailleurs sociaux se familiarisent avec ce nouveau mode de financement et que les entreprises de construction réorientent leur activité du logement libre vers le logement social.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial est favorable à ce que ce recentrage soit lissé dans le temps , afin qu'il pénalise le moins possible les entreprises de construction et que les effets négatifs de ce recentrage sur les économies ultramarines soient le plus limités possibles.

b) Simplifier le recours à la défiscalisation pour les bailleurs sociaux

Les bailleurs sociaux rencontrés par votre rapporteur spécial ont tous fait part de leur inquiétude quant à la complexité du système de la défiscalisation. En comparaison, ils ont estimé que l'utilisation de la LBU avait « le mérite de la simplicité ».

En effet, le système actuel de la défiscalisation est complexe, il nécessite la constitution d'un dossier, de trouver des investisseurs parfois éloignés, souvent en métropole, et fait donc nécessairement intervenir des intermédiaires financiers qui se rémunèrent pour les services qu'ils proposent. Votre rapporteur spécial souhaite que, dans le cadre de la réflexion actuellement menée sur le recentrage de la défiscalisation sur le logement social, le ministère en charge des finances soit à même de proposer aux bailleurs sociaux un système simple de mise en oeuvre qui garantisse à la fois l'attrait du dispositif pour les investisseurs et la faisabilité de sa mise en oeuvre par les bailleurs sociaux , ceux-ci n'étant pas familiarisés avec le montage d'opérations financières de défiscalisation.

L'application de la défiscalisation au logement social nécessite d'adapter son fonctionnement. Il serait, de ce point de vue, particulièrement utile que soit mis en place un guichet unique pour les bailleurs sociaux à la recherche de financements défiscalisés . Votre rapporteur spécial souhaite que soit étudiée la possibilité de confier à la Caisse des dépôts et consignations le rôle de centralisation des investissements destinés à la défiscalisation en matière de logement social. En tant qu'institution au service de l'intérêt général, l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations garantirait qu'aucun intermédiaire financier ne limite la rentabilité financière de l'investissement par son intermédiation. Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations détient une expertise unanimement reconnue en matière de financement du logement social et les bailleurs sociaux sont déjà habitués à travailler en partenariat avec elle.

c) Ne pas diminuer parallèlement les crédits de la ligne budgétaire unique

Faire bénéficier le logement social d'un dispositif de défiscalisation augmenterait la dépense fiscale consacrée à cette politique. Réduire, en parallèle, les crédits de la LBU présenterait pour l'Etat l'avantage de transformer la dépense budgétaire que représente la LBU en une moindre recette que constitue la défiscalisation. En affichage, cela permet donc de réduire les dépenses de l'Etat, puisque les dépenses fiscales ne sont pas considérées comme une dépense mais comme une moindre recette. Ainsi, de nombreux interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur spécial ont manifesté des craintes que, dans le contexte actuellement très contraint des finances publiques, la réorientation de la défiscalisation sur le logement social soit l'occasion pour l'Etat de diminuer les crédits affectés à la LBU .

Votre rapporteur spécial souhaite très clairement que le recentrage de la défiscalisation sur le logement social ne soit pas l'occasion de diminuer parallèlement les crédits de la LBU. En effet, les besoins en logement social outre-mer sont tels que les deux outils sont nécessaires pour tenter de parvenir à un niveau de construction satisfaisant .

d) Maintenir le nouveau système de défiscalisation pendant une durée minimale

Votre rapporteur spécial note que le système de défiscalisation prévu par la loi de programme précitée pour l'outre-mer de 2003 24 ( * ) doit s'appliquer pendant quinze ans, soit jusqu'en 2017, afin de fournir aux acteurs économiques la stabilité nécessaire pour profiter de ses dispositions et permettre ainsi, à l'issue de cette période, d'avoir une vision claire des effets de cette mesure.

Il apparaît toutefois qu'à l'issue des cinq années écoulées, des éléments probants permettent de proposer une réforme de ce dispositif, soutenue par votre rapporteur spécial .

Il est également souhaitable, dans l'hypothèse d'un recentrage de la défiscalisation sur le logement social, que le nouveau dispositif reste inchangé pendant un délai identique de cinq années. En effet, les opérations de construction de logements sociaux sont relativement complexes et nécessitent régulièrement une durée de trois années entre le début du projet et sa réalisation définitive. Par conséquent, une certaine stabilité sera nécessaire pour que les opérateurs s'approprient le nouveau dispositif et que l'on soit à même de juger de son efficacité et de sa pertinence .

Par ailleurs, il paraît souhaitable à votre rapporteur spécial de conserver la date de 2017 comme échéance à laquelle le dispositif de défiscalisation disparaîtra s'il n'est pas reconduit. Cela évitera la création d'une « niche fiscale » pérenne en rendant nécessaire la réévaluation périodique de son efficacité.

* 20 Dernier chiffres disponibles, INSEE, août 2007.

* 21 Source : Institut d'émission des départements d'outre-mer, « La Réunion en 2006 ».

* 22 Source : enquête emploi de l'INSEE, n° 72, novembre 2007.

* 23 « Réserves foncières des communes et des bailleurs sociaux à La Réunion », AGORAH, juillet 2007.

* 24 Loi de programme pour l'outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003.

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