II. LA VALORISATION : UNE FONCTION À RATIONALISER, UNE ÉVALUATION PERFECTIBLE

Les résultats de la recherche doivent parvenir à irriguer l'économie : là se situe la problématique du transfert de technologie .

Dans une certaine mesure, on peut considérer que cette problématique est abordée dès l'amont :

- lorsque la programmation de la recherche prend en compte la spécialisation du tissu industriel français pour en garantir les débouchés ;

- au travers d'un objectif d' excellence de la recherche (que favoriserait, par exemple, l'essor de la recherche sur projet) car il est un constat largement partagé : « la bonne recherche fait la bonne valorisation » 186 ( * ) .

Le Gouvernement a entendu oeuvrer spécifiquement en faveur de la valorisation de la recherche publique - et donc de l'innovation - au travers de nombreuses mesures prises dans la période récente.

LES PRINCIPALES MESURES PRISES SUR LA PÉRIODE RÉCENTE EN FAVEUR DE LA VALORISATION DE LA RECHERCHE PUBLIQUE

Les mesures prises dans le cadre de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche , puis du « Plan innovation » de 2003, constituent aujourd'hui les principales dispositions en faveur de la valorisation de la recherche publique. Elles ont été récemment complétées par la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche . Elles portent sur les thématiques suivantes :

1. Les coopérations entre la recherche publique et les entreprises

La loi de 1999 a permis aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) de créer des « services d'activités industrielles et commerciales » (SAIC) pour gérer les contrats de recherche avec leurs partenaires, notamment les entreprises. Ces services peuvent également regrouper des activités telles que la gestion des brevets et les prestations de service. Ils sont soumis à des règles budgétaires et comptables plus souples, permettant notamment le recrutement de personnels contractuels à durée déterminée ou indéterminée.

Sur le plan de la fiscalité, la loi de 2006 exonère d'impôt sur les sociétés les établissements publics de recherche et les établissements d'enseignement supérieur pour leurs revenus tirés des activités conduites dans le cadre des missions du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont les missions de valorisation .

Le soutien aux projets de recherche des entreprises en partenariat avec des laboratoires publics a été notamment renforcé via principalement la création des réseaux de recherche et d'innovation technologique ( RRIT ) en 1998, qui favorisent le couplage avec les laboratoires publics sur des domaines stratégiques où l'effort de recherche conduit par les acteurs en place est jugé insuffisant (audiovisuel et multimédia, micro- et nano-technologies, technologies pour la santé, etc.).

Le crédit d'impôt recherche (CIR) a été modifié à plusieurs reprises, notamment en 2004 avec l'introduction d'une part en volume pour les dépenses prises en compte, ainsi qu'un doublement du montant du crédit d'impôt pour les dépenses confiées aux établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur, dans le but d'inciter aux collaborations public-privé.

Plus récemment, le dispositif a été complété par la création de deux agences de moyens , en cohérence avec la logique de projet qui inspire la nouvelle gouvernance de la recherche résultant de la loi de 2006 :

- pour les projets de recherche fondamentale ou appliquée : l' Agence nationale de la recherche (ANR) attribue des financements sur projet à des équipes de recherche, notamment dans le cadre de projets de recherche partenariale public-privé ;

- pour les projets de développement technologique d'envergure conduits sous l'égide des grandes entreprises : l'Agence de l'innovation industrielle (AII), chargée de financer des grands projets de R&D industrielle se situant plus en aval, pouvant associer des laboratoires publics. L'AII a cependant été supprimée au 1 er janvier 2008 (refonte avec OSEO).

Enfin, la loi de 2006 a prévu de renforcer les pôles de compétitivité , qui permettent de concentrer des financements publics sur certains ressorts géographiques de façon à constituer une masse critique de R&D publique et privée dans un domaine technologique donné.

2. La création d'entreprises issues de la recherche publique

Le concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies innovantes, géré par Oséo Innovation , sélectionne chaque année, depuis 1999, environ 200 lauréats sur environ 1.500 participants, qui se voient attribuer des subventions qui, selon le degré de maturité du projet, peuvent aller jusqu'à 450.000 euros.

Ce dispositif est complété, d'une part, par la trentaine d' incubateurs émanant d'établissement de recherche ou d'enseignement supérieur mis en place dans le cadre d'un appel à projet effectué en 1999. D'autre part, ont été constitués des fonds d'amorçage destinés au financement d'entreprises innovantes en phase de création, avec des partenaires publics et privés.

En parallèle, une série de dispositifs a été introduite pour favoriser l' environnement fiscal des jeunes entreprises innovantes, issues ou non de la recherche publique, et d' orienter une partie de l'épargne vers ces entreprises : les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises (BSPCE), le statut de « jeune entreprise innovante » (JEI), la société unipersonnelle d'investissement à risque (SUIR) et les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI).

3. La mobilité des chercheurs

La loi de 1999 précitée permet aux personnels de recherche des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche de participer à titre d'associé ou de dirigeant d'une entreprise, de participer au capital social d'une entreprise ou de lui apporter leur concours scientifique, ou encore de participer à un conseil d'administration ou un conseil de surveillance. La loi permet également la prise en charge du salaire du créateur d'entreprise par son organisme d'origine dans la phase de démarrage de celle-ci.

D'après le rapport n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éduction nationale et de la recherche.

Dans une perspective d' évaluation , en admettant pour simplifier que l' objectif ultime de la dépense de recherche publique soit l' innovation -on peut considérer que même la recherche fondamentale obéit à cette logique, bien qu'à très long terme-, il n'existe pas d'instrument de mesure général et infaillible, susceptible de rétroagir rapidement sur l'allocation des ressources. Il faut donc se contenter d'une approche indirecte .

Les indicateurs portant sur les publications scientifiques 187 ( * ) sont plutôt directement corrélés à la qualité de la recherche fondamentale qu'à la propension à innover.

Cette dernière est plus significativement approchée par des indicateurs portant sur le financement par les entreprises de la recherche exécutée par les administrations, la propriété intellectuelle ainsi que la création d'entreprises innovantes .

Il est à noter que la loi du 18 avril 2006 retient explicitement la valorisation parmi les critères d'évaluation des activités de recherche (qui concerne désormais, en premier lieu, l'AERES 188 ( * ) ) et un bouclage vertueux « programmation ? financement ? recherche ? valorisation ? évaluation ? programmation » est recherché.

Remarquons que le défaut de cohérence des systèmes d'information relevé supra n'est pas moins préjudiciable à la qualité de la programmation qu'à celle de l'évaluation de la valorisation . Le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche précité est forcé de constater que « les lacunes constatées dans le système d'information du ministère sur l'enseignement supérieur et la recherche (...), qui concernent aussi bien les données sur les contrats de recherche que celles sur les brevets ou la création d'entreprise, nuisent à la qualité et à la crédibilité des indicateurs prévus pour la LOLF ». Ces derniers sont parfois, en effet, assez mal renseignés

Outre la propriété intellectuelle (valorisation de la recherche stricto sensu ) , la valorisation de la recherche emprunte essentiellement deux axes : la recherche partenariale et la création d'entreprises.

A. UN CONSTAT DU BIPE : DES ORGANISMES PUBLICS ENCORE EN RETRAIT POUR LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE

Les réponses apportés par les organismes publics de recherche au questionnaire du BIPE concernant leur politique de « transfert de technologie » en général (rapport infra , unité 3.7) suggère qu'au sein même de certains de ces organismes, « la politique de transfert de technologie n'a peut-être pas été rationalisée et centralisée (...), même si elle existe dans les faits ».

Le BIPE poursuit et conclut : « alors que la question du transfert de technologie a été abordée à plusieurs reprises dans le questionnaire, près d'un acteur sur deux a déclaré ne pas être actif sur le transfert de technologie . Le croisement avec d'autres informations, qu'elles soient issues du questionnaire, des entretiens ou bien d'autres rapports, confirment que le transfert de technologie n'est pas traité comme un objectif stratégique par les organismes publics de recherche ».

Ce constat se pose en relais de ceux formulés par de nombreux rapports, en particulier par le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éduction nationale et de la recherche n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche , qui en déplore la stagnation : « les progrès accomplis depuis 1999 ne suffisent pas à faire progresser la position de la France au niveau international. Les contrats avec les entreprises financent 13 % de recherche académique en Allemagne, 6 % au Royaume-Uni et 5 % aux États-Unis, mais seulement 3 % en France. La valorisation de la propriété intellectuelle représente, selon les années, entre 3 % et 5 % du budget de la recherche aux États-Unis, contre 1 % en France ».

* 186 Le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éduction nationale et de la recherche n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche a établi ce constat pour la France (à la suite d'études économétriques portant sur la recherche américaine) sur la base d'une corrélation entre ressources contractuelles privées (elles-mêmes corrélées à l'intensité de la valorisation) et publiques (elles-mêmes corrélées à la qualité de la recherche) sur un échantillon de laboratoires.

* 187 Le projet annuel de performance du programme budgétaire « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire » de la MIRES en comporte deux (cf. supra encadré « Une approche nécessairement impressionniste de l'efficacité de la dépense publique de recherche »).

* 188 Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, mise en place par la loi de 2006.

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