C. LA RECHERCHE PARTENARIALE ET LA CRÉATION D'ENTREPRISES

Dans une perspective de valorisation, la plus forte interpénétration possible des sphères publiques et privées de la recherche est a priori souhaitable, pourvu qu'elle soit ordonnée. Nous ne mentionnerons qu'à ce stade le faible nombre de docteurs dans les entreprises et l' insuffisante mobilité des chercheurs entre le public et le privé , qui corroborent et entretiennent la faiblesse de la recherche contractuelle et la difficulté de constituer des entreprises performantes directement issues de la recherche .

1. L'essoufflement apparent de la recherche partenariale

a) Une inflexion de la recherche contractuelle

La recherche contractuelle constitue la relation la plus classique et la plus simple à mesurer et évaluer entre les laboratoires publics et le secteur privé. Elle prend la forme de contrats de recherche ou de prestations de service au terme desquels, pendant une durée déterminée, un laboratoire collabore avec une entreprise sur un sujet de recherche.

Après une importante augmentation au milieu des années 1990, les contrats de R&D de la recherche publique financés par les entreprises ont fortement diminué pour se stabiliser à un niveau comparable à celui observé il y a une quinzaine d'années : le financement par les entreprises de la recherche exécutée par les administrations (DIRDA 205 ( * ) ) atteint 4,8 % en 2007 contre 6,5 % en 1997 206 ( * ) . Ce reflux , qui confirme une position de retrait de la France par rapport à ses principaux partenaires 207 ( * ) , est difficile à interpréter .

Il dénote peut être une tendance des entreprises à se concentrer sur les activités les plus appliquées tout en se réservant la possibilité de négocier davantage de brevets auprès des organismes de recherche. Quoi qu'il en soit, on peut déplorer, par ailleurs, que « le pilotage de la politique contractuelle [soit] extrêmement variable selon les organismes de recherche » 208 ( * ) : seuls l'INRA et l'INRIA ont formalisé cette politique dans un « document stratégique ».

Un indicateur rattaché au projet annuel de performance du programme n° 172 de la MIRES mesure la « Part des contrats de recherche passés avec les entreprises dans les ressources des opérateurs ». Ses objectifs peuvent sembler modestes : entre 2007 et 2010, cette part devrait évoluer de 2 % à 3 % pour les EPST 209 ( * ) et de 9,9 % à 10 % pour les autres établissements.

Il est à noter que la recherche contractuelle se trouve au surplus très concentrée , notamment au profit du CEA, et au détriment du CNRS et des Universités : « en rapportant les montants des contrats à la dépense de recherche des établissements, un écart apparaît distinctement entre le CEA, qui obtient les résultats les plus élevés dans presque toutes les disciplines scientifiques où il est présent, et les universités et le CNRS, qui ne couvrent que 2 % en moyenne de leur dépense de recherche par des contrats avec les entreprises ».

b) Un diagnostic difficile pour l'ensemble de la recherche partenariale

Outre la recherche contractuelle, diverses formes de collaborations de recherche sont suscitées au travers de certains financements du PCRD, de l' ANR -un indicateur signalé supra donne d'ailleurs la proportion des aides de l'ANR attribuées aux entreprises- et du Fonds de compétitivité des entreprises (FCE) ou obtenus via les pôles de compétitivité .

LES PROGRAMMES DE RECHERCHE COLLABORATIVE

Concernant le PCRD ( supra ), on rappelle que le programme « collaboration » comporte l'essentiel des crédits. L' ANR , pour sa part, destine certains de ses appels aux collaborations de recherche. Enfin, un fonds unique interministériel des pôles de compétitivité, logé au sein du fonds de compétitivité des entreprises (FCE), participe aujourd'hui au financement de projets de recherche et développement collaboratifs, labellisés par un pôle de compétitivité, impliquant plusieurs entreprises et au moins un laboratoire ou centre de recherche (330 projets ont été sélectionnés au terme de quatre premiers appels, de 2006 et 2007).

En moyenne, chacun des pôles de compétitivité , qui assurent l'ancrage territorial de l'activité industrielle innovante en favorisant les interactions avec le potentiel local de R&D, réunit 15 organismes de recherche et 77 entreprises 210 ( * ) . Les pôles ont permis, dans une certaine mesure, de répondre à la complexité résultant de la diversité des situations et des instruments. Leur nombre (71) pose cependant le problème de la sélectivité et de la dilution du financement public : il n'est pas indifférent de constater que l'Etat finance à hauteur de seulement 16 % les « pôles mondiaux », à hauteur de 19 % les pôles « à vocation mondiale » et atteint 26 % pour les autres pôles...

Au total, ces collaborations de recherche entre laboratoires publics et entreprises correspondraient à « environ 40 % 211 ( * ) de ce qui est perçu au travers des contrats de recherche bilatéraux », mais ici, aucune donnée fiable ne permet d'établir une quelconque comparaison internationale. Cependant, pour ce qui concerne l'implication des laboratoires français dans l'« Europe de la recherche », le projet annuel de performance du programme « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire » de la MIRES ne compte pas moins de trois indicateurs.

Par ailleurs, bien que leur constitution soit particulièrement significative de la pérennité des relations entre laboratoires publics et entreprise -cf. l'exemple emblématique de Crolles II- les laboratoires communs ne donnent lieu à aucun chiffrage exhaustif.

Au total, le diagnostic sur l'évolution de la recherche partenariale est difficile à établir . Il pourrait même en aller ainsi de sa signification : dans la période récente, l'essor des programmes collaboratifs offrirait paradoxalement à certaines entreprises l'opportunité d'adopter une stratégie de désengagement. Selon certains observateurs, ces dernières préfèreraient, lorsqu'un programme peut correspondre à leurs attentes, répondre à un appel de l'ANR ou du PCRD afin de bénéficier de financements publics en lieu et place d'une recherche contractuelle, ces appels à projet étant donc susceptibles de créer de véritables « effets d'aubaine ».

2. La création d'entreprises issues de laboratoires publics

La loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a favorisé la valorisation de la recherche publique au travers de la création d'entreprise via :

- la possibilité pour les organismes de recherche et les universités d'aider les entreprises au titre de l'« incubation », en mettant à leur disposition locaux, équipements et matériels pour une durée limitée ;

- la création de services d'activités industrielles et commerciales (SAIC) afin d'assurer des fonctions de promotion et de valorisation ;

- l'encouragement à la création d'entreprises 212 ( * ) par les personnels de la recherche publique (« jeunes pousses ») avec l'autorisation préalable de l'établissement d'appartenance du chercheur.

Ces outils ont indubitablement fonctionné, au point de tripler le nombre d'entreprises issues directement de la recherche entre 1999 et 2002 213 ( * ) . Désormais, la France se situerait au dessus de la moyenne européenne en termes de nombre d'entreprises créées, rapporté à la dépense de recherche 214 ( * ) .

Cependant, l'objectif consiste non pas à créer le plus grand nombre d'entreprises, mais des entreprises viables, à fort potentiel de développement. Dans le cadre de la LOLF, un indicateur rattaché au programme n° 172 de la MIRES cherche à mesurer l'« Effet de levier des moyens incitatifs publics mobilisés en faveur de la création d'entreprise » 215 ( * ) .

Dans le PAP 2008 216 ( * ) , la valeur cible à l'horizon de 2010 a été ramené de 3,5 à 2,7 par rapport au PAP 2007. En réalité, les réussites sont loin d'être la règle : on observe que seule une entreprise créée sur 13 dépasse, au bout de 4 ans, le million d'euros de chiffre d'affaires ou un effectif de 20 salariés 217 ( * ) ...

Par ailleurs, un second indicateur, rattaché au programme n° 192 de la MIRES, cherche à mesurer l'« Ecart du taux de croissance sur 3 ans du CA des entreprises aidées par OSEO innovation rapporté à celui des entreprises similaires » ; non renseigné, il se donne pour cible « >0 » en 2008... L'évaluation est donc encore très parcellaire .

*

Le rôle des structures de valorisation, pour ce qui concerne les contrats de recherche et la propriété intellectuelle, semble orienté, à l'excès, vers les tâches de gestion (rédaction et suivis des contrats) au détriment de la prospection. Par ailleurs, concernant la création d'entreprises issues des laboratoires publics, la complexité du dispositif français d'aide à la création d'entreprise jointe au constat, relativement partagé, d'une faible croissance des start-up françaises, « plaide à présent pour une rationalisation plus énergique et une plus grande professionnalisation » 218 ( * ) .

La complexité et l'émiettement du dispositif français d' aide à la création d'entreprises et des services de valorisation font ainsi conclure à la nécessité de rationaliser et de professionnaliser ces fonctions .

On ajoutera que la bonne information des entreprises sur les technologies clés émergentes , les organismes actifs et les pôles de compétitivité concernés, pourrait constituer un élément important en vue de favoriser la diffusion de la connaissance vers l'économie . Cette information est une des principales ambitions de l'exercice « Technologies clés ».

* 205 Dépense intérieure de recherche et de développement des administrations.

* 206 Données FutuRIS 2007.

* 207 Voir supra «I. UNE RECHERCHE FRANÇAISE MARQUÉE PAR UNE DÉPENSE PRIVÉE PEU DYNAMIQUE »

* 208 Rapport n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éduction nationale et de la recherche.

* 209 Etablissements publics scientifiques et techniques. Les établissements publics de recherche se divisent en deux catégories : les EPST (CNRS, INRA, INRIA INSERM, IRD...) et EPIC -établissements publics à caractère industriel et commercial- (CEA, CIRAD, CNES, IFP, ONERA...).

* 210 Evaluation gouvernementale d'août 2006.

* 211 Estimation du rapport n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éduction nationale et de la recherche.

* 212 Plus généralement, la loi ouvre la possibilité aux chercheurs de créer leur entreprise, d'apporter leur concours scientifique ou de participer au capital social d'une société et d'être membre du conseil d'administration ou de surveillance d'une société anonyme.

* 213 D'après l'Observatoire des sciences et techniques.

* 214 Enquête de l'ASTP (Association européenne des professionnels des sciences et transfert de technologies), données 2004.

* 215 Cet indicateur est un ratio calculé annuellement du chiffre d'affaires de l'année n-2 des entreprises technologiques innovantes créées en n-5 rapporté aux crédits des dispositifs incitatifs (concours pour la création d'entreprises innovantes, incubateurs) dont ont bénéficié ces mêmes entreprises pendant les trois premières années de leur existence.

* 216 Projet annuel de performance associé au projet de loi de finances pour 2008.

* 217 Rapport n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.

* 218 Rapport n° 2006-M-016-01 sur la valorisation de la recherche de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection de l'administration de l'éduction nationale et de la recherche.

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