III. DISPOSITIONS APPELANT UNE ACTION COORDONNÉE DES  PARLEMENTS NATIONAUX

Le traité de Lisbonne reconnaît que le rôle des parlements nationaux comprend une dimension collective, à l'échelon de l'Union : le nouvel article 12 du TUE précise ainsi que la coopération interparlementaire « entre parlements nationaux et avec le Parlement européen » contribue « au bon fonctionnement de l'Union » .

Les dispositions du traité précisent les domaines où cette action coordonnée est particulièrement utile.

1. Le contrôle d'Europol

L'article 88 du TFUE mentionne ainsi l'association des parlements nationaux au contrôle des activités d'Europol.

L'idée de faire participer les parlements nationaux au contrôle d'Europol n'est pas nouvelle. Elle avait déjà fait l'objet de débats lors de la conférence parlementaire qui s'est tenue à La Haye les 7 et 8 juin 2001.


La conférence parlementaire de La Haye - 7 et 8 juin 2001

L'idée de mettre en place un contrôle parlementaire d'Europol a été évoquée lors d'une conférence parlementaire qui s'est tenue à La Haye les 7 et 8 juin 2001. A cette occasion, notre ancien collègue Paul Masson avait suggéré que ce contrôle parlementaire soit exercé par le biais de la désignation, dans chaque assemblée, d'une délégation nationale auprès d'Europol et qu'un comité plus restreint , composé de parlementaires nationaux spécialisés dans les questions de police puisse en outre se réunir plus fréquemment à La Haye pour suivre le développement des actions d'Europol. Le commissaire européen chargé des affaires de justice et de sécurité intérieure, Antonio Vitorino, s'était également prononcé pour « une forme d'association entre les parlementaires nationaux et les parlementaires européens » pour l'exercice de ce contrôle, d'abord dans un cadre informel qui pourrait ultérieurement être institutionnalisé. Ce « supercomité » parlementaire aurait pu se réunir deux fois par an avec une antenne plus restreinte qui assurerait le contact permanent avec Europol à La Haye. Il aurait pu notamment se saisir du rapport annuel d'Europol au conseil JAI ainsi que du budget de cet office européen. Le directeur d'Europol, M. Storbeck, avait soutenu la proposition du commissaire Vitorino en indiquant que son organisation voyait de manière positive un contrôle de ses activités par des parlementaires qui seuls pouvaient soutenir le développement futur d'Europol. Selon lui, un travail en réseau des parlementaires permettrait de raccourcir les délais du contrôle tout en le rendant plus opérationnel.

De plus, la participation des parlements nationaux au contrôle démocratique d'Europol a également été avancée par la Commission européenne en 2002 et débattue au sein du Conseil.


Les propositions déjà avancées

La Commission européenne a évoqué la participation des parlements nationaux dans une communication du 26 février 2002 relative au contrôle démocratique d'Europol . Cette idée a été ensuite traduite dans le projet de protocole modifiant la convention Europol proposé par le Danemark. Ce projet prévoyait la possibilité pour le Parlement européen de créer une commission mixte parlementaire, composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, chargée d'examiner les questions liées à Europol et de procéder à la « comparution » de son directeur. Cependant, au cours des négociations au Conseil, cette disposition a été modifiée et les parlements nationaux ont été écartés. Le service juridique du Conseil a, en effet, estimé qu'il n'existait pas de base juridique dans les traités en vigueur permettant d'associer les parlements nationaux au contrôle d'Europol. A la suite de cet avis, le groupe de travail du Conseil a considéré que l'idée novatrice d'une commission mixte parlementaire allait au-delà de l'article 39 du traité d'Amsterdam précisant les relations d'Europol avec le Parlement européen.

Non seulement le traité de Lisbonne ne s'oppose plus à l'idée d'une participation des parlements nationaux au contrôle d'Europol, mais il y invite puisqu'il prévoit que les règlements qui détermineront « la structure, le fonctionnement, le domaine d'action et les tâches d'Europol », devront également fixer « les modalités de contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen, contrôle auquel sont associés les parlements nationaux. ».

Dans la perspective de l'élaboration, par la Commission européenne, de cette proposition de règlement, il convient que les parlements nationaux débattent de la meilleure manière de mettre en place leur association au contrôle des activités d'Europol. En ce sens, il serait utile de réfléchir aux questions suivantes :

* La mise en oeuvre concrète de cette association devrait-elle prendre la forme, déjà envisagée, d'une commission mixte entre le Parlement européen et les parlements nationaux ?

* Quelle devrait être la fréquence des réunions de cette commission mixte ?

* Quelles devraient en être les prérogatives (examen du rapport annuel d'Europol, examen de son budget, audition de son directeur...) ?

* Serait-il nécessaire de mettre en place parallèlement, dans chaque assemblée, une délégation nationale auprès d'Europol ?

2. L'évaluation d'Eurojust

De même, l'article 85 du TFUE dispose que les parlements nationaux sont associés à l'évaluation des activités d'Eurojust.

Actuellement, la décision du Conseil instituant Eurojust a seulement prévu une information du Conseil et du Parlement européen sur les activités et la gestion d'Eurojust.


Article 32 de la décision du
Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust

« 1. Le président, au nom du collège, rend compte au Conseil, par écrit et tous les ans, des activités et de la gestion , y compris budgétaire, d'Eurojust.

« À cette fin, le collège prépare un rapport annuel sur les activités d'Eurojust et sur les problèmes de politique criminelle au sein de l'Union qui auraient été mis en évidence à la suite des activités d'Eurojust. Dans ce rapport, Eurojust peut également formuler des propositions pour améliorer la coopération judiciaire en matière pénale.

« Le président fournit également tout rapport ou toute autre information sur le fonctionnement d'Eurojust que le Conseil pourrait lui demander.

« 2. La présidence du Conseil adresse chaque année au Parlement européen un rapport sur les travaux menés par Eurojust ainsi que sur les activités de l'organe de contrôle commun. »

Là encore, l'association des parlements nationaux à ce mécanisme amènera à examiner un certain nombre de questions :

* Une extension aux parlements nationaux des dispositions de l'article 32 de la décision du 28 février 2002 suffirait-elle à leur permettre d'exercer une évaluation effective des activités d'Eurojust?

* Ces dispositions ne devraient-elles pas être renforcées, d'une part, pour permettre une relation directe entre Eurojust et les parlements nationaux, d'autre part, pour prévoir expressément un examen par les parlements nationaux des questions liées à Eurojust ?

* Dans ce cadre, les parlements nationaux ne devraient-ils pas se voir reconnaître la faculté d'auditionner le directeur d'Eurojust ?

* Le Parlement européen et les parlements nationaux devant être associés à l'évaluation des activités d'Eurojust, serait-il nécessaire de mettre en place une structure commune sous la forme d'une commission mixte ?

3. Le suivi de la politique de sécurité et de défense commune

Le protocole sur les parlements nationaux précise que la COSAC peut organiser des conférences interparlementaires, « notamment pour débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune » .

Ne conviendrait-il pas de réfléchir aux meilleures modalités du suivi de la politique de sécurité et de défense commune par les parlements nationaux ?

Au moment où la présidence française entend faire du renforcement de la politique de sécurité et de défense commune une de ses priorités, il paraît nécessaire que s'engage une réflexion sur le suivi interparlementaire de cette politique. En effet, on ne peut espérer avancer dans un domaine aussi sensible sans un suivi parlementaire approprié à tous les échelons. Aujourd'hui, un suivi interparlementaire est certes assuré par l'Assemblée de l'UEO, mais le statut de cette Assemblée apparaît fragile, puisque le traité de l'UEO est arrivé à échéance en 2004 et peut donc être dénoncé à tout moment. On risque ainsi d'arriver à une situation où le Parlement européen serait, à l'échelon européen, le seul interlocuteur des gouvernements et utiliserait cette position pour renforcer progressivement ses pouvoirs. Une telle évolution serait paradoxale, car la défense est un domaine où le Parlement européen n'a guère de légitimité pour intervenir. Les décisions essentielles relèvent des gouvernements des États membres concernés, et le Parlement européen n'est pas en mesure de contrôler les gouvernements nationaux ; de plus, ce sont les parlements nationaux qui votent les budgets de défense et qui autorisent, le cas échéant, l'engagement des forces dans un conflit. Par ailleurs, la plupart des gouvernements - en tout cas ceux des pays les plus actifs - seraient probablement réticents à s'engager davantage dans le développement de la politique de sécurité et de défense commune, s'ils avaient le sentiment que ce développement implique, à terme, de partager le pouvoir de décision avec le Parlement européen.

Enfin, il ne faut pas oublier que la Conférence intergouvernementale qui a élaboré le traité de Lisbonne a clairement noté que ce nouveau traité n'accroissait pas le rôle du Parlement européen en matière de politique étrangère et de sécurité commune.


Extrait de la Déclaration n° 14
sur la politique étrangère et de sécurité commune

« La Conférence note par ailleurs que les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l'initiative de décisions ni n'accroissent le rôle du Parlement européen. »

Il serait donc utile d'encourager la réflexion sur ce que devrait être un suivi interparlementaire à l'échelon européen de la politique de sécurité et de défense commune, sous une forme associant de manière appropriée les parlements nationaux et le Parlement européen.

4. Le contrôle de subsidiarité

Enfin, bien que le contrôle de subsidiarité repose sur l'intervention de chaque parlement national, son efficacité repose sur un effort de concertation interparlementaire afin d'atteindre les seuils (suivant les cas, un quart, un tiers ou la moitié des parlements nationaux) nécessaires pour obtenir le réexamen d'une proposition, voire son retrait.

À cette fin, il importe également de dégager les pratiques les plus propices à une coopération optimale.

Au cours de sa dernière réunion, en Slovénie, la COSAC a décidé de lancer une réflexion sur ce point. Elle a, à cet effet, chargé la présidence française de mettre en place un groupe de travail dont le rapport servira de base à une discussion lors de la réunion de la COSAC à Paris en novembre 2008.

Extrait des conclusions adoptées par la XXXIXe COSAC
Brdo pri Kranju - 7-8 mai 2008

« La COSAC invite la Présidence française qui vient à répertorier les idées des parlements nationaux pour améliorer leur coopération en vue de la mise en oeuvre du Protocole 2 sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité. La COSAC invite la Présidence française à convier un groupe de travail composé des représentants des parlements nationaux auprès de l'UE, dont les discussions donneront lieu à un rapport qui établira les meilleures modalités d'application des nouvelles dispositions par les parlements nationaux et les conditions nécessaires à un arrangement collectif, tout en respectant le droit de chaque parlement national à définir ses propres méthodes de travail. Le rapport sera rédigé par le Secrétariat de la COSAC et servira de base à une discussion pendant la XLe réunion de la COSAC sous Présidence française ».

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