2. Le poids des trente-cinq heures

La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, dans le cadre du protocole initial du 27 septembre 2001, constitue un des faits les plus marquants pour l'emploi hospitalier au cours des dernières années. Selon les analyses menées par la Dhos, le nombre de créations de postes programmées dans ce cadre peut être estimé à 37 000 pour les seuls établissements publics, 80 % de ces postes concernant des emplois de soignants. La mise en oeuvre des trente-cinq heures constituerait l'explication centrale de l'évolution des effectifs des établissements publics de santé au cours de la période récente.

Sept ans après sa mise en oeuvre, la question de l'application et du coût de la réduction du temps de travail demeure un sujet d'actualité peu documenté et source de tensions.

a) La prise en charge des heures supplémentaires : un problème non réglé

En 2002, les autorités de tutelle ont autorisé les personnels hospitaliers à alimenter leurs comptes épargne temps (CET) en heures supplémentaires et jours de congés non rémunérés et non récupérés afin de pallier les difficultés de recrutement rencontrées lors de la mise en oeuvre des trente-cinq heures, notamment pour les personnels médicaux.

Règles d'utilisation des comptes épargne temps

Pour les personnels médicaux

Le CET des personnels médicaux hospitaliers peut être alimenté à raison de trente jours par an pendant une période de dix ans et peut être utilisé sous plusieurs formes : congés annuels dans la limite de cinq jours, jours de RTT ou jours de récupération. Les praticiens peuvent utiliser les jours épargnés, sans condition de durée d'épargne ni de nombre de jours épargnés, en une seule fois ou progressivement

Pour les personnels non médicaux

Dans la fonction publique hospitalière, un CET peut être alimenté dans la limite de vingt-deux jours par an soit, par le report des congés annuels, sous réserve que le nombre de jours de congés pris dans l'année ne soit pas inférieur à vingt, soit par le report d'une partie des heures ou jours de réduction du temps de travail, dans la limite de quinze jours par an, soit par les heures supplémentaires qui n'auront fait l'objet ni d'une compensation horaire, ni d'une indemnisation, dans la limite annuelle maximale de la moitié desdites heures.

Au 31 décembre 2007, ce sont 4,2 millions de jours de congés non pris et non indemnisés ainsi que 23 millions d'heures supplémentaires impayées qui ont été stockés dans les CET. De facto , cette situation peut être considérée comme une mise en oeuvre différée de la réduction du temps de travail dont les conséquences financières globales ne peuvent toujours pas être évaluées.

Deux protocoles d'accord ont été signés les 15 janvier et 8 février 2008, d'une part avec les praticiens hospitaliers, d'autre part, avec les personnels non médicaux. Ces accords prévoient que les personnels concernés pourront bénéficier de l'indemnisation de 50 % des jours épargnés et de la totalité des heures supplémentaires restant dues avant le 31 décembre 2007.

Règles d'indemnisation

Jours de congés

Pour les praticiens hospitaliers

Indemnisation des jours de congés, 300 euros bruts par jour dans la limite de soixante jours.

Pour les personnels non médicaux

Indemnisation des jours de congés restant dus selon les modalités suivantes :

Pour les agents de catégorie C : 65 euros bruts

Pour les agents de catégorie B : 80 euros bruts

Pour les agents de catégorie A : 125 euros bruts

Ces chiffres correspondent au montant retenu, en 2007, dans la fonction publique de l'Etat pour le paiement des jours de congés non pris.

Indemnisation des heures supplémentaires

L'indemnisation des quatorze premières heures est valorisée sur la base d'un tarif tenant compte de l'indice majoré détenu par l'agent au 31 décembre 2007. Le solde des heures dues est valorisé sur la base d'un forfait de 13 euros bruts. Ce droit est ouvert jusqu'au 30 juin 2008.

En bonne logique, la prise en charge de ces dépenses aurai dû être assurée par les établissements de santé qui sont tenus de provisionner les sommes afférentes aux heures supplémentaires et jours de congés stockés dans les CET de leur personnel. Dans la réalité, les établissements ne disposent pas des sommes nécessaires et des versements complémentaires sont nécessaires pour leur permettre de faire face aux dépenses entraînées par les protocoles de janvier et février 2008.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 avait proposé, pour la période 2002-2004, que le coût de la montée en charge de la réduction du temps de travail, et notamment l'indemnisation des jours de congés, soit pris en charge grâce à une contribution du fonds pour l'emploi hospitalier (FEH). Une solution proche a été retenue à l'automne 2007. La loi de financement pour 2008 a procédé à une nouvelle extension des compétences du FEH afin de lui permettre de contribuer au financement des heures supplémentaires non payées effectuées avant le 31 décembre 2007.

Selon les estimations fournies par la ministre à l'occasion du débat parlementaire, 348,5 millions d'euros seraient ainsi prélevés sur les réserves du FEH, venant s'ajouter aux 324 millions provisionnés par les établissements de santé, pour une indemnisation dont le montant total avant négociation était donc évalué à 672,5 millions d'euros.

Selon les dernières estimations, le montant de cette indemnisation a été réévalué : la contribution du FEH s'élèverait dorénavant à 387 millions d'euros et celle des établissements à 415 millions . L'évolution de la part des établissements s'explique par l'existence d'un provisionnement plus élevé que prévu de la part de l'AP-HP.

Ce mode d'indemnisation des charges liées à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail soulève deux interrogations :

- tout d'abord sur la réalité du provisionnement réalisé par les établissements de santé. Cette question n'est d'ailleurs éludée ni par les autorités de tutelle, ni par les organisations représentatives de l'hospitalisation publique ou des directeurs d'établissements. Les directeurs des ARH seront chargés d'établir les droits de tirage des établissements sur la contribution versée par le FEH. Des aides complémentaires pourront être versées aux établissements n'ayant pas provisionné des montants suffisants pour faire face à leurs charges, mais cette démarche pénalise les établissements vertueux ;

- ensuite, sur le fait que les mesures prises à cette occasion ne permettent pas de liquider l'ensemble des droits acquis avant le 31 décembre 2007. Seule la moitié des jours de congés stockés dans les CET aura été indemnisée. Une seconde négociation sera donc nécessaire pour solder ces droits.

Ces indemnisations, légitimes au regard des droits acquis par les personnels hospitaliers, ne préjugent pas des droits acquis à compter du 1 er janvier 2008, dont l'indemnisation ne sera assurée, selon la Dhos, que par les provisionnements effectués par les établissements de santé .

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