CONTRIBUTION DE M. FRANÇOIS AUTAIN ET DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN

Depuis la création des agences régionales de l'hospitalisation en 1996, l'hôpital a fait l'objet de nombreuses réformes.

La mise en oeuvre d'une logique nouvelle financièrement contraignante, avec l'instauration successive de l'état de prévision de recettes et de dépenses (EPRD), de la tarification à l'activité (T2A) et de la structuration par pôles a profondément modifié les modalités de financement de l'hôpital.

Sans attendre l'évaluation de leurs effets, les pouvoirs publics se lancent dans de nouveaux projets.

Aujourd'hui, le plan « hôpital 2012 » est à peine engagé qu'une nouvelle organisation du secteur est annoncée pour l'automne avec la création des agences régionales de santé et la mise en oeuvre des propositions du rapport Larcher.

Sans vision d'ensemble, fondées sur un diagnostic souvent erroné, ces réformes qui font abstraction des missions spécifiques de l'hôpital ont contribué à aggraver la crise qu'il traverse.

*

* *

L'hôpital assure une mission de service public qui implique l'accueil de tous les patients sans discrimination aucune.

C'est en effet à l'hôpital que les pathologies les plus coûteuses et les plus complexes sont traitées, que les patients en situation de précarité sont accueillis.

De façon quasi exclusive, c'est l'hôpital qui assure la prise en charge des soins de longue durée.

Il est, à la différence du secteur privé commercial, le principal recours pour les actes urgents et non programmés. Il occupe désormais une place prédominante dans le maintien de la permanence des soins en raison des carences d'une médecine ambulatoire incapable de s'organiser. Les activités des services d'urgence ont ainsi véritablement explosé, devenant pour les pauvres une annexe de soins primaires gratuits.

Il est aux avant-postes dans la gestion des crises sanitaires.

Il assure la formation professionnelle des personnels médicaux et paramédicaux.

Il joue un rôle très important dans l'expertise médicale et la collaboration avec les agences sanitaires, ainsi que dans la recherche clinique, ces activités n'étant pas d'ailleurs rémunérées.

Si personne ne met en doute la spécificité des activités de l'hôpital public, il reste à trouver un mode de financement qui lui permette de les exercer.

UN MODE DE FINANCEMENT INADAPTÉ

Les réformes intervenues jusqu'alors se fondaient sur l'idée, fausse, que l'hôpital public est suffisamment financé pour assumer les missions qui lui sont propres et que les difficultés financières et budgétaires existantes ne sont imputables qu'à l'incurie de ses dirigeants. Si l'on suivait un tel raisonnement, sur les 31 directeurs généraux de centre hospitalier universitaire (CHU), 29 seraient incompétents au motif qu'ils n'auraient pas été capables de maintenir l'équilibre financier de leur établissement. L'hypothèse d'un sous financement est plus vraisemblable, même s'il faut reconnaître qu'il existe des dysfonctionnements dans la gestion de certains établissements.

On observe en effet que l'hôpital public, au cours des deux dernières décennies, a vu sa part relative dans les dépenses d'assurance maladie passer de 41 % à 34 % alors que les dépenses de la médecine de ville ont, au cours de la même période, progressé beaucoup plus vite ; ce qui tendrait à démontrer qu'il n'y a pas de fatalité dans la croissance des dépenses hospitalières. Le véritable problème est de leur trouver un financement adapté.

La réforme reposant sur le système EPRD/T2A/MIGAC n'a pas produit les effets escomptés.

La T2A était fondée sur des hypothèses qui se révèlent à l'usage inexactes :

- l'ensemble de l'activité médicale hospitalière n'est pas réductible aux 600 groupements homogènes de malades (GHM) utilisés en moyenne par les hôpitaux, d'autant que chaque groupe est hétérogène ;

- ce mode de financement a pour effet de sélectionner les patients les plus rentables ;

- les établissements dont les coûts sont supérieurs à la moyenne n'ont ni les moyens ni le temps d'agir sur les coûts et sont donc condamnés à la disparition ;

- si cette logique était poussée jusqu'à son terme, comme le préconisent les adeptes de la convergence intersectorielle, il ne resterait que des hôpitaux bien gérés, mais incapables de prendre en charge les patients non rentables ;

- enfin, la chasse aux surcoûts à laquelle conduit cette logique aurait nécessairement des conséquences néfastes sur la qualité des soins dispensés.

Cette réforme constitue à n'en pas douter une machine de guerre contre l'hôpital public et le statut de la fonction publique hospitalière. D'autant que la fixation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) voté chaque année par le parlement oscille entre 3,2 % et 3,8 %, alors que dans le même temps les charges en personnel, incompressibles, augmentent de 4 %.

La réforme a instauré en outre une concurrence déloyale en faveur du secteur privé commercial.

Pour assurer sa rentabilité, le secteur commercial s'est constitué aux dépens du service public des « niches » d'activité très lucratives. Les cliniques privées ont enregistré en 2005 un taux de croissance à deux chiffres de leur rentabilité financière, alors que 235 hôpitaux connaissent une situation préoccupante et que l'hospitalisation publique dans son ensemble, selon la Fédération hospitalière de France (FHF), accuserait un déficit de 800 millions d'euros. Un tel système revient en quelque sorte à socialiser les pertes et à privatiser les profits, comme on a pu l'observer dans d'autres secteurs de l'activité économique. Cette situation a été dénoncée par le président du conseil national de l'ordre des médecins et les responsables des quatre principaux syndicats de médecins libéraux qui soulignent dans un communiqué l'urgence de « protéger le secteur de la santé des appétits financiers ».

Les différences de rémunération entre les deux secteurs faussent aussi la concurrence et rendent beaucoup plus attractif pour les médecins le secteur privé en raison des dépassements d'honoraires qu'il autorise, au point que dans certaines spécialités l'hôpital connaît des difficultés de recrutement. Le problème risque de devenir particulièrement aigu dans les prochaines années où on attend un départ massif à la retraite de praticiens hospitaliers.

Les modalités de fixation de l'Ondam aggravent encore cette distorsion.

L'enveloppe T2A de l'Ondam relative aux établissements de santé n'intègre pas les honoraires des médecins des cliniques privées qu'on retrouve dans l'enveloppe « soins de ville ». Cette déconnexion permet de masquer l'avantage dont bénéficie le secteur privé commercial en matière d'allocation des ressources.

Les missions d'intérêt général, qui sont dans leur quasi-totalité assurées par les hôpitaux publics et qui font l'objet d'un financement distinct de la T2A, sont mal évaluées. Certaines sont insuffisamment prises en compte, d'autres ne le sont pas du tout. C'est la raison pour laquelle le coût de ces activités se retrouve dans la partie tarifaire (T2A) du financement, gonflant artificiellement le coût de l'hôpital par rapport aux cliniques privées qui sont exonérées, pour la plupart d'entre elles, de ces missions.

Les pathologies lourdes qui sont traitées à l'hôpital public requièrent l'utilisation de produits innovants et de plus en plus onéreux. Or, depuis qu'ils ont été retirés des tarifs des groupes homogènes de séjour (GHS) et qu'ils sont facturés en sus, on constate que leurs coûts augmentent de manière soutenue. Ils correspondaient en 2007 à la somme de 3,6 milliards d'euros, soit 15 % d'augmentation par rapport à l'année précédente. L'inscription annoncée sur la liste des produits facturés en sus d'un certain nombre de médicaments actuellement sous autorisation temporaire d'utilisation (ATU) ne fera qu'aggraver la tendance. Ces dépenses sur lesquelles l'hôpital public n'a aucune prise amplifient les différences de coûts avec le secteur privé commercial.

Dans un tel contexte, il est clair que la convergence intersectorielle est absurde, dès lors qu'il est avéré que les activités de soin du privé et du public ne sont pas les mêmes. Si elle arrivait cependant à se mettre en place, elle condamnerait à mort à brève échéance l'hôpital public et fermerait l'accès aux soins hospitaliers des patients les plus démunis.

LES VOIES DE LA RÉFORME

La santé n'est pas un bien de consommation comme les autres. Sa prise en charge ne doit pas dépendre des mécanismes marchands. Comme le rappelle le Comité consultatif national d'éthique dans son avis du 28 juin 2007, « le concept de rentabilité ne peut s'appliquer à l'hôpital de la même manière qu'une activité commerciale ordinaire ».

Le recours à la concurrence et la recherche intempestive de gains de productivité se révèlent à terme non seulement contreproductifs sur le plan économique, mais discriminatoires dans l'accès aux soins. L'exemple des Etats-Unis est à cet égard éclairant, puisque ce pays, tout en consacrant à la santé un taux record de son produit intérieur brut, laisse le quart de sa population privé de soins, faute de couverture sociale.

C'est pourquoi il faut préserver l'avenir de l'hôpital public, seul garant de l'égal accès de tous aux soins.

Il s'agit d'abord de mettre un terme à la fuite en avant en cessant de reconduire chaque année les déficits de l'hospitalisation publique, tout en se gardant d'aggraver le désordre et la confusion qui y règnent par de nouvelles réformes insuffisamment préparées. A cet égard, l'annonce par la ministre de la santé de la création d'une forme de T2A sociale à l'automne pour les hôpitaux permettant de financer la prise en charge de la précarité raisonne comme un aveu d'échec. Il est vain en effet d'espérer pouvoir, par petites touches, remettre sur pied un système de financement à bout de souffle, comme en témoigne par ailleurs l'inutilité des 300 millions d'aides de redressement versées aux hôpitaux ainsi qu'à des établissements privés à but non lucratif en juin 2004 révélée dans un récent rapport de l'Igas.

La réorganisation territoriale de l'hôpital est certes nécessaire, mais elle ne doit pas se faire au détriment des structures de proximité. Elle devrait au contraire les conforter et leur apporter la sécurité qui parfois leur manque. Elle ne doit pas non plus se substituer à la réforme du financement hospitalier.

Ce nouveau mode de financement doit prendre en compte la situation sociale des patients, les inégalités d'offre hospitalière à travers le territoire, les caractéristiques de la population prise en charge (nombre de personnes relevant de l'hôpital, âge, situation économique et sociale de cette population) dans le respect des objectifs quantifiés du schéma régional d'organisation sanitaire (Sros) et demain du plan régional de santé. La T2A en est incapable. C'est pourquoi notre opposition à ce système de tarification demeure.

Toutefois, nous considérons qu'il n'est pas possible de l'abandonner brutalement. C'est pourquoi nous proposons de :

- revenir sur le financement de l'hôpital à 100 % par la T2A ;

- limiter celui-ci à 50 %. Les 50 % restants seront consacrés à la rémunération des missions et des actions qui ne peuvent être facturées en T2A ;

- prendre en considération qu'hôpitaux et cliniques commerciales n'effectuent pas le même travail en abandonnant l'objectif de convergence pour restaurer deux modes de financement distincts, l'un destiné au secteur commercial, l'autre au secteur public correspondant dans l'Ondam à deux enveloppes distinctes ;

- privilégier l'alternative à l'hôpital public que doivent constituer les établissements privés sans but lucratif participant au service public hospitalier (PSPH).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page