Rapport d'information n° 404 (2007-2008) de Mme Gisèle GAUTIER , fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 18 juin 2008

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N° 404

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 2008

RAPPORT D'ACTIVITÉ

FAIT

pour l' année 2007-2008 au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) et compte-rendu des travaux de cette délégation sur le thème « Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers » déposé en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires,

Par Mme Gisèle GAUTIER,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Gisèle Gautier, présidente ; Mme Paulette Brisepierre, M. Yvon Collin, Mme Annie David, M. Patrice Gélard, Mmes Gisèle Printz, Janine Rozier, vice-présidents ; M. Yannick Bodin, Mme Yolande Boyer, M. Jean-Guy Branger, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. David Assouline, Mmes Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, Monique Cerisier-ben Guiga, M. Gérard Cornu, Mmes Isabelle Debré, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, Josette Durrieu, M. Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Christiane Hummel, Christiane Kammermann, Bariza Khiari, M. Serge Lagauche, Mme Elisabeth Lamure, MM. Philippe Nachbar, Georges Othily, Mmes  Anne-Marie Payet, Catherine Procaccia, Esther Sittler, Odette Terrade, Catherine Troendle, M. André Vallet.

La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été créée en application de la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999. Elle présente aujourd'hui son huitième rapport d'activité.

Ce rapport s'articule en deux parties.

La première retrace l'examen des textes, projets ou propositions de loi dont elle a été saisie et mentionne les activités internationales, ainsi que les activités diverses de la délégation.

La seconde partie rend compte d'une réflexion sur un thème spécifique, la loi du 12 juillet 1999 précitée ayant invité les délégations parlementaires aux droits des femmes à inclure, le cas échéant, dans leur rapport annuel « des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence » .

Pour l'année parlementaire 2007-2008, la délégation a retenu le thème « Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers » .

PREMIÈRE PARTIE : COMPTE RENDU D'ACTIVITÉ DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE 2007-2008

I. L'EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI FACILITANT L'ÉGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES AU MANDAT DE CONSEILLER GÉNÉRAL

La commission des lois, au cours de sa réunion du 17 janvier 2008, a décidé de saisir la délégation, sur sa demande, de la proposition de loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général, présentée par M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale 1 ( * ) .

Cette proposition de loi avait pour objet de compléter la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, en étendant aux parlementaires la portée de la disposition prévoyant le remplacement du conseiller général par son suppléant de l'autre sexe en cas de démission intervenue en application de la limitation du cumul des mandats. Elle contribuait ainsi à la mise en oeuvre de l'une des recommandations formulées par la délégation dans le cadre de son rapport d'information intitulé « Une étape nouvelle pour la parité » 2 ( * ) , présenté par Mme Catherine Troendle en décembre 2006. Cette disposition de la loi du 31 janvier 2007 avait d'ailleurs pour origine un sous-amendement déposé conjointement par Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, et Mme Catherine Troendle, rapporteur de la délégation sur ce texte.

Adoptée sans modification par l'Assemblée nationale le 5 février 2008, la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann a été inscrite à l'ordre du jour du Sénat le lendemain 6 février 2008.

Compte tenu de la brièveté des délais, la délégation a adopté, le 5 février 2008, un rapport d'information oral, qui a été présenté par sa présidente, Mme Gisèle Gautier.

Tout en regrettant que la proposition de loi ne s'applique pas aux parlementaires membres d'un conseil général nouvellement élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat, mais seulement aux parlementaires venant d'être élus à un conseil général, la présidente de la délégation a estimé que compte tenu de l'urgence qui s'attachait à une adoption rapide de la proposition de loi pour permettre son application dès les élections cantonales de mars 2008, il ne paraissait pas possible d'envisager que la délégation puisse recommander d'y apporter des modifications.

Suivant la proposition de Mme Gisèle Gautier, présidente, la délégation a adopté la recommandation suivante :

Constatant que la proposition de loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général contribue à mettre en oeuvre l'une des recommandations qu'elle avait adoptées en décembre 2006 dans son rapport d'information intitulé « Une étape nouvelle pour la parité » , la délégation se félicite de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour du Sénat et recommande son adoption sans modification.

Au cours de sa séance du 6 février 2008, le Sénat a adopté sans modification le texte de la proposition de loi, devenue la loi n° 2008-175 du 26 février 2008 facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général.

II. L'EXAMEN DU PROJET DE LOI PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D'ADAPTATION AU DROIT COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

La commission des affaires sociales, au cours de sa réunion du mercredi 26 mars 2008, a décidé de saisir la délégation, sur sa demande, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations 3 ( * ) .

Ce texte tendait en effet à compléter la transposition en droit français de plusieurs directives concernant la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, notamment en matière d'emploi et de travail, ainsi que d'accès à des biens et services.

Après avoir procédé à l'audition de M. Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), le 25 mars 2008, la délégation a adopté, le 1 er avril 2008, un rapport d'information présenté par Mme Christiane Hummel 4 ( * ) .

La délégation s'est montrée favorable à l'approbation du projet de loi, qui assurait une transposition plus littérale des directives européennes et apportait quelques compléments utiles à l'arsenal juridique de lutte contre les discriminations, notamment celles fondées sur le sexe.

Cette approbation globale était assortie des six recommandations suivantes , inspirées principalement par le souci de rendre plus cohérent et plus intelligible notre dispositif juridique, et d'éviter que les avancées contenues dans le projet de loi s'accompagnent de régressions qui brouilleraient un signal que l'on veut positif en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes :

1.  La délégation déplore que le dispositif proposé par le projet de loi risque d'ajouter à la complexité du droit français dans un domaine où il est pourtant indispensable que le droit puisse être bien compris par les justiciables. Elle invite donc le Gouvernement à améliorer la cohérence des régimes juridiques applicables et, notamment, à rechercher une meilleure harmonisation des différents critères de discrimination utilisés dans le droit français, qu'ils soient ou non issus du droit européen.

2.  Préoccupée par la persistance manifeste des inégalités, notamment professionnelles et salariales, entre les femmes et les hommes, la délégation considère que les pouvoirs publics ne doivent pas borner leur ambition au perfectionnement d'un arsenal juridique de lutte contre les discriminations déjà très conséquent, mais s'attacher dorénavant à en améliorer l'application concrète.

3.  La délégation estime que les notions de discrimination directe et de discrimination indirecte, telles que les définissent les directives européennes et le projet de loi, constituent un instrument juridique efficace pour la promotion d'une égalité plus réelle entre les hommes et les femmes. Elle invite cependant les pouvoirs publics à se montrer vigilants dans leur traduction concrète, de façon à conjurer certaines dérives toujours possibles, et à éviter, notamment, que les termes très généraux dans lesquels elles sont rédigées ne puissent paraître légitimer des procès d'intention.

4.  La délégation considère que le dispositif actuel du code du travail, qui limite à certaines professions limitativement énumérées la possibilité d'opérer des distinctions en matière d'emploi sur le fondement de l'appartenance à l'un ou l'autre sexe, ne correspond pas bien aux réalités. Elle juge préférable de s'appuyer sur les principes généraux posés dans le projet de loi, en s'assurant que leur application sera bien circonscrite, sous le contrôle des tribunaux, et invite donc à abroger l'article R. 123-1 du code du travail et à modifier en conséquence l'article L. 123-1 qui y renvoie.

5.  La délégation souhaite que l'application pratique qui sera donnée de la disposition autorisant l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ne remette pas en question l'objectif de mixité consacré par l'article L. 121-1 du code de l'éducation. Elle insiste en particulier pour que celle-ci n'ait pas pour effet de compromettre, au nom de considérations religieuses ou culturelles, la bonne intégration des jeunes filles dans la vie des établissements d'enseignement, ni de paraître légitimer l'organisation d'enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués contre lesquels il convient au contraire de lutter.

6.  La délégation demande la suppression de la disposition qui dispense le contenu des médias et de la publicité de respecter le principe de l'égalité d'accès aux biens et services. Elle considère, en effet, que cette disposition, dont le sens et la portée ne sont pas clairs, pourrait avoir pour objet ou pour effet d'autoriser des représentations de la femme discriminatoires.

Le Sénat a examiné le projet de loi en séance publique le 9 avril 2008. Il a notamment adopté un amendement présenté par Mmes Christiane Hummel, Gisèle Gautier et neuf autres membres de la délégation 5 ( * ) , tendant à mettre en oeuvre la sixième et dernière de ces recommandations.

La commission mixte paritaire, réunie le 13 mai 2008, n'est pas revenue sur cet amendement. L'Assemblée nationale, le 14 mai 2008, puis le Sénat, le 15 mai 2008, ont ensuite adopté définitivement le texte issu de ses travaux.

Le texte définitif de la loi a donc pris en compte la recommandation de la délégation tendant à supprimer la disposition qui semblait autoriser des représentations de la femme discriminatoires dans les médias.

III. L'ACTIVITÉ INTERNATIONALE DE LA DÉLÉGATION

A. LES RENCONTRES INTERNATIONALES

La présidente de la délégation, Mme Gisèle Gautier, ainsi que plusieurs autres de ses membres, ont participé à diverses réunions internationales concernant les questions relatives aux droits des femmes.

1. Les travaux du Comité de coordination des femmes parlementaires de l'Union interparlementaire (UIP), à l'occasion de la 117e Assemblée de l'UIP (Genève - 8 au 10 octobre 2007)

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, a participé aux travaux du Comité de coordination des femmes parlementaires de l'Union interparlementaire (UIP), à l'occasion de la 117 e Assemblée de l'UIP tenue à Genève du 8 au 10 octobre 2007.

À la suite de ce déplacement, elle a effectué une communication devant la délégation, le 7 novembre 2007, dont le compte rendu, publié au Bulletin des commissions , figure ci-dessous :

Compte rendu

de la communication en délégation

de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé, en introduction, que l'Union interparlementaire, dont la création remonte à 1889, était aujourd'hui la plus ancienne organisation interparlementaire, qu'elle constituait en outre le premier réseau mondial de parlements et qu'elle avait d'ailleurs un statut d'observateur auprès de l'Organisation des Nations unies et, participerait, à ce titre, à une prochaine réunion à New York, les 21 et 22 novembre prochain. Elle a précisé que l'UIP comptait aujourd'hui 146 membres, répartis sur les cinq continents, et que son siège était à Genève.

Elle a rappelé que l'UIP avait pour mission d'oeuvrer pour la paix et la coopération entre les peuples et de contribuer au développement de la démocratie parlementaire à travers le monde.

Elle a précisé que l'Union s'était dotée de trois commissions qui l'assistaient dans ses travaux : une commission permanente de la paix et de la sécurité internationale, une commission permanente du développement durable, du financement et du commerce et, enfin, une commission permanente de la démocratie et de droits de l'homme.

Elle s'est réjouie qu'une Réunion des femmes parlementaires fasse, depuis 1999, partie de la structure officielle de l'Union, et siège comme organe subsidiaire aux côtés des principaux organes dirigeants que sont le Conseil directeur et le Comité exécutif. Elle a noté que cette réunion regroupait, à l'occasion des assemblées statutaires, quelque 150 femmes provenant d'une centaine de pays. Elle a jugé très positive la mise en place, par l'UIP, d'une base de données relative aux questions qui intéressent les femmes. Elle a indiqué que, conformément à sa vocation, la Réunion des femmes parlementaires avait abordé ces dernières années plusieurs thèmes relatifs à la situation des femmes : celui de la parité en politique, bien sûr, mais aussi celui de la violence faite aux femmes, celui des mutilations génitales, celui de l'impact des conflits armés sur les femmes et les enfants, ou encore celui de l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite plus particulièrement évoqué les travaux du Comité de coordination des femmes parlementaires, notant qu'il s'était réuni le dimanche 7 octobre, de façon à ce que ses recommandations puissent être intégrées dans les travaux de la 117 e Assemblée qui débutaient le lendemain. Elle a indiqué que cette réunion avait permis d'analyser les suites de la précédente Réunion des femmes parlementaires, qui s'est tenue en 2007 en Indonésie, et de préparer la suivante, qui se déroulera en 2008, au Cap, en Afrique du Sud, et consacrera une partie de ses travaux au thème « Les femmes et les médias » . Elle a précisé qu'elle avait été pressentie comme rapporteur sur ce dernier thème, qui avait d'ailleurs fait l'objet du dernier rapport d'activité de la délégation.

Elle a rappelé que le comité avait en outre relevé avec intérêt que, sur l'ensemble des parlementaires participant à cette 117 e assemblée générale, 159 étaient des femmes, soit un peu plus de 31 %, et que ce pourcentage n'avait été jusqu'alors dépassé qu'une seule fois. Elle a précisé que sur les 125 délégations présentes, 19 n'étaient constituées que d'hommes, et 2 que de femmes. Elle a ajouté que le groupe du partenariat entre hommes et femmes constitué au sein de l'UIP avait fixé, pour la 118 e assemblée générale, l'objectif d'un taux de 30 % de participantes.

Elle a également indiqué que ce groupe avait analysé le budget de l'Union dans la perspective de l'égalité entre hommes et femmes et souhaité disposer, pour l'avenir, d'informations permettant de mieux cerner l'évolution sur plusieurs années des fonds consacrés à des activités relatives à l'égalité entre les sexes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite rappelé que l'article 23.2 des statuts de l'UIP disposait qu'au moins trois membres élus du Comité exécutif devaient être des femmes. Deux de ces femmes quittant le comité l'année prochaine, elle a jugé indispensable de pourvoir à leur remplacement, regrettant que l'information n'ait pas été diffusée plus tôt pour favoriser le dépôt de candidatures, compte tenu des procédures de désignation qui font intervenir successivement les groupes géopolitiques et le Conseil directeur.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite présenté un bilan de la présence des femmes dans les parlements et les gouvernements des États membres. Elle a salué la progression de la place des femmes en Finlande, aux Philippines et au Kazakhstan, et relevé qu'au Maroc, le quota de 30 sièges réservés aux femmes au parlement sur un total de 325, quoique demandé par les partis, n'était toujours pas respecté. Elle a déploré en revanche la faible place des femmes dans les institutions politiques du Kenya, ou encore de Bahreïn, où seule une femme est parvenue à se faire élire. Elle a noté que la Suisse ne s'était dotée d'aucun dispositif législatif en faveur de la parité et que la présence de 25 % de femmes au parlement relevait de la seule initiative des partis. Elle a indiqué qu'elle avait en revanche rappelé devant le Comité de coordination des femmes parlementaires les dispositions législatives adoptées par la France en 2000 et 2007, ainsi que l'engagement pris par le Président de la République de respecter la parité au sein du gouvernement.

Évoquant ensuite le thème des femmes migrantes, elle a indiqué qu'elle avait présenté un exposé sur ce sujet, dont le contenu avait été approuvé et commenté, en particulier par les délégués du Maroc et des Philippines. Elle s'était efforcée d'y traiter à la fois les aspects positifs de ces migrations qui permettent aux femmes d'envoyer une aide à leur famille restée dans leur pays d'origine, ainsi que les aspects négatifs liés à la fuite des cerveaux.

Abordant ensuite le thème de la mortalité infantile, elle a souligné que celle-ci était fortement concentrée dans certains pays, en particulier ceux de l'Afrique subsaharienne.

Par ailleurs, elle a indiqué que l'ordre du jour du « point d'urgence » avait été consacré en majeure partie à la situation des droits de l'homme en Birmanie.

2. Le séminaire d'information organisé par l'UIP sur l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) (Genève - 11 octobre 2007) et l'audition par la délégation de Mme Françoise Gaspard, experte du comité chargé de surveiller l'application de la CEDAW

Dans le prolongement de la 117 e Assemblée de l'UIP, Mme Gisèle Gautier, présidente, a participé, le 11 octobre 2007, à Genève, à un séminaire d'information organisé par l'UIP sur l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW).

À la suite de ce séminaire, elle a présenté devant la délégation, le 9 janvier 2008, une communication dont le compte rendu, publié au Bulletin des commissions , figure ci-après :

Compte rendu

de la communication en délégation

de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a tout d'abord rappelé qu'elle s'était rendue à Genève, en octobre 2007, pour la 117 e Assemblée de l'Union interparlementaire (UIP) et qu'elle avait participé aux travaux du séminaire d'information sur l'application de la CEDAW organisé par l'UIP à cette occasion.

Retraçant les grandes lignes de son intervention au cours de ce séminaire, elle a rappelé que la France avait ratifié, en émettant certaines réserves, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF ou CEDAW), le 14 décembre 1983, puis son Protocole facultatif, en juin 2000. Elle a précisé que le Comité des Nations Unies pour l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes, en charge du suivi de l'application de cette convention, avait mis en exergue plusieurs domaines dans lesquels la France était appelée à progresser, notamment en comblant son retard relatif à la production de statistiques sur la condition de la femme, à l'accès des femmes aux postes de responsabilité, à l'accès à l'emploi à plein temps et à l'égalité salariale, ainsi qu'en rehaussant l'âge minimum du mariage pour les filles, alors fixé à quinze ans.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a précisé qu'elle avait mentionné, lors de son intervention à Genève, l'existence et les travaux de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, présidé par une parlementaire et composé de 33 membres, sociologues, chercheurs, journalistes, ou élus, qui s'attachent à mesurer et à réduire les discriminations.

En ce qui concerne le travail des femmes et leur accès aux postes de direction, elle a déclaré avoir signalé l'adoption par la France de la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, en rappelant que subsistait un écart salarial de l'ordre de 20 % en moyenne entre hommes et femmes. Elle a ensuite rappelé que le dispositif adopté par le Parlement, dans le cadre de cette loi, pour améliorer la représentation des femmes dans les conseils d'administration des entreprises avait été censuré par le Conseil constitutionnel, et espéré que la réflexion engagée en vue de la modernisation des institutions permette de progresser dans ce domaine.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite indiqué qu'elle avait évoqué, lors de cette réunion internationale, le problème essentiel de l'accès des femmes à l'emploi à plein temps, en faisant observer que l'emploi à temps partiel, qui demeure essentiellement féminin, s'accompagnait pour les femmes de salaires moindres et se prolongeait par des retraites plus faibles.

Puis elle a précisé avoir rappelé, au cours de cette conférence internationale, que depuis l'adoption de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, l'âge légal du mariage pour les femmes avait été porté à 18 ans, soit le même âge que pour les hommes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a également indiqué avoir évoqué la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) compétente en matière d'égalité entre les genres, et souligné les mesures prises pour améliorer la condition de la femme dans les secteurs de l'agriculture et de l'artisanat, en insistant sur la possibilité donnée aux femmes travaillant pour des entreprises familiales de bénéficier d'un statut et d'une pension de retraite.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a précisé qu'elle avait également évoqué à Genève les récents travaux de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (sur la violence au sein des couples, les familles monoparentales ou l'image des femmes dans les médias), tout en faisant observer que les parlementaires hommes y étaient moins actifs et présents que les femmes.

Elle a souligné qu'elle avait insisté sur les efforts à faire pour favoriser l'évolution des mentalités, notamment à travers l'éducation et l'attention portée au langage employé. A cet égard, elle a souhaité que soit développée la féminisation des titres, lorsque les langues nationales le permettent.

Puis Mme Gisèle Gautier, présidente , a indiqué avoir insisté sur l'importance du rôle à jouer par les femmes parlementaires dans le contrôle de l'action gouvernementale. Signalant que Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge de la solidarité, présenterait le nouveau rapport de la France sur l'application de la CEDAW au Comité des Nations Unies pour l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes lors de sa prochaine session en janvier 2008, elle a souhaité que les parlementaires veillent à ce que le gouvernement respecte ses engagements en matière de parité et participent à l'élaboration des rapports soumis au comité, ainsi qu'aux initiatives tendant à parfaire l'application de la convention.

Par ailleurs, à la suite de cette communication, la délégation a procédé, le 9 janvier 2008, à l'audition de Mme Françoise Gaspard, experte du comité chargé de surveiller l'application de la CEDAW.

Le compte rendu de cette audition, publié au Bulletin des commissions , est reproduit ci-après :

Compte rendu

de l'audition de Mme Françoise Gaspard,

experte du comité chargé de surveiller l'application de la CEDAW

Mme Françoise Gaspard a tout d'abord indiqué qu'outre sa participation en qualité d'experte aux travaux du comité, elle jouait également le rôle de correspondante de l'Union interparlementaire sur l'application de la CEDAW, rappelant qu'elle avait rencontré à plusieurs reprises Mme Gisèle Gautier à l'occasion de réunions organisées par l'UIP. Elle a également précisé qu'elle apportait ponctuellement une assistance juridique à certains pays désireux de mettre en conformité leur constitution ou leur législation avec les exigences de cette convention, comme par exemple le Rwanda.

À titre historique, elle a rappelé qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lors des débats relatifs à la mise en place de l'Organisation des Nations Unies (O.N.U.), un certain nombre de femmes, originaires notamment du Tiers Monde, avaient suggéré, à l'occasion de la création de la commission des droits de l'homme, l'institution d'une commission spécifique des droits de la femme. Après avoir évoqué la conversion de Mme Eléonore Roosevelt à cette idée, elle a indiqué qu'une commission de la condition de la femme avait été créée en 1946 dans le cadre de l'ONU et qu'elle siégeait pendant quinze jours chaque année.

Rappelant qu'elle avait été pendant quatre ans représentante de la France à cette commission au sein de laquelle avaient autrefois siégé les sénatrices Marie-Hélène Lefaucheux et Marcelle Devaud, Mme Françoise Gaspard a souligné que la mission essentielle de cet organisme avait été, dès son origine, de travailler à l'harmonisation des droits de la femme dans le monde et que ce travail avait d'abord débouché sur l'élaboration d'une convention spécifique sur les droits civils et politiques (alors que les femmes, après la Seconde Guerre mondiale, étaient encore exclues du suffrage universel dans de nombreux États), ainsi que d'une convention relative à l'âge et au consentement au mariage.

Dans le prolongement de ces conventions spécifiques, elle a évoqué le processus qui a abouti en 1975 à la rédaction d'une convention de portée globale : la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). Elle a précisé que 185 États sur 192 avaient ratifié cette convention, dont la France en 1983, en faisant observer que la CEDAW constituait, avec la convention relative aux droits de l'enfant, l'accord international le plus unanimement ratifié, mais qu'elle demeurait paradoxalement peu connue en France et peu enseignée dans les universités ou les grandes écoles préparant aux carrières administratives.

Elle a ensuite insisté sur la dimension à la fois normative et « programmatique » de la CEDAW, en citant à cet égard l'article 4 de cette convention, qui prévoit la possibilité d'instituer des « mesures spéciales temporaires » - c'est-à-dire des « actions positives », désignées à tort sous les termes de « discrimination positive » - pour favoriser le comblement des retards en matière de droits des femmes, sans que ces mesures soient considérées comme constituant des discriminations. Elle a regretté que le législateur français ne fasse pas suffisamment référence à cette convention à l'occasion de l'adoption des lois qui tendent à la mettre en oeuvre, en évoquant notamment le récent alignement de l'âge minimum du mariage pour les femmes et les hommes. Elle a noté que la France avait ratifié la CEDAW avec plusieurs réserves, dont une réserve encore maintenue relative à la transmission du nom, le père ayant, en droit français, le dernier mot en cas de désaccord entre les parents sur ce sujet.

Mme Françoise Gaspard a ensuite indiqué que les États parties à cette convention s'engageaient à remettre dans l'année qui suit sa ratification, puis tous les quatre ans, un rapport sur la mise en conformité de leur législation avec les exigences de cet accord. Elle a précisé qu'un comité d'experts indépendants, dont elle est actuellement membre, examinait à huis clos ces rapports et formulait, le cas échéant, des recommandations aux États. Elle a noté que la France n'avait pas toujours été parfaitement rigoureuse dans le respect des délais relatifs à la remise de ces rapports dans le passé. Après avoir évoqué la présentation, en 2001, par Mme Nicole Ameline, alors ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, du 5 e rapport sur la situation française, elle a précisé que le comité, qui siégera dorénavant la plupart du temps à Genève et non plus à New York, examinerait le 18 janvier 2008 le 6 e rapport de la France, présenté par Mme Valérie Létard, secrétaire d'État auprès de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, chargée de la solidarité.

En conclusion, Mme Françoise Gaspard a regretté que les rapports présentés par la France ne soient pas examinés par les parlementaires et qu'ils ne leur soient pas même adressés. Elle a estimé qu'à tout le moins, les délégations parlementaires en charge de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes devraient pouvoir débattre du contenu de ces documents, ainsi que des remarques du comité d'experts. Elle a précisé qu'un certain nombre de pays de l'Union Européenne se trouvaient à cet égard dans la même situation que la France. Elle a enfin signalé la publication par l'UIP d'un très utile « Guide pratique à l'usage des parlementaires sur la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son Protocole facultatif ».

Un débat a suivi cet exposé.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a remercié Mme Françoise Gaspard pour la qualité de son propos. Elle a regretté que le rapport que le gouvernement français doit présenter devant le comité des experts de la CEDAW sur la situation des femmes en France ne soit pas systématiquement communiqué au Parlement et à ses délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle a précisé s'en être déjà ouverte au cabinet de la secrétaire d'État chargée de la solidarité, qui s'était engagé à la tenir mieux informée, à l'avenir, de la préparation de ce rapport.

Mme Françoise Gaspard a précisé que le dernier rapport rendu par la France était déjà parvenu au comité d'experts de la CEDAW et que celui-ci, suivant son usage, lui avait adressé en retour une liste de questions complémentaires. Elle a déploré le caractère très tardif des réponses qui ont été apportées, estimant qu'il rendrait problématique leur traduction dans les délais requis.

Ajoutant que les organisations non gouvernementales des pays concernés avaient la possibilité d'être entendues par le comité, préalablement à la présentation du rapport par la délégation nationale, et de lui adresser un rapport alternatif, elle a indiqué que la commission nationale consultative des droits de l'homme portait un regard critique sur les réponses apportées par le gouvernement français, qu'elle jugeait lacunaires, en particulier sur la situation des femmes outre-mer, et parfois inexactes.

Mme Françoise Gaspard a estimé que l'examen du rapport devant le comité des experts de la CEDAW constituait, pour le ministre chargé de le défendre, un exercice difficile et éprouvant, compte tenu des échanges très précis et très suivis auxquels il donnait lieu avec les 23 experts réunis.

En réponse à une suggestion formulée par Mme Gisèle Gautier, présidente , elle a précisé que, n'ayant pas vocation, du fait de sa nationalité, à participer à l'examen du rapport français par le comité d'experts, elle avait en effet proposé à la délégation française de lui apporter son concours, sur les questions de forme, pour la présentation de ce rapport.

En réponse à Mme Christiane Kammermann , qui souhaitait disposer du guide pratique précédemment évoqué, Mme Françoise Gaspard a indiqué qu'il pouvait être obtenu auprès du secrétariat de l'Union interparlementaire.

Mme Yolande Boyer a souhaité avoir des précisions sur la nature du comité des experts et sur la périodicité des rapports que les États membres sont tenus de lui présenter.

Mme Françoise Gaspard a indiqué que, contrairement à la commission de la condition de la femme de l'ONU, qui constituait un organisme intergouvernemental, le comité des experts était un organe indépendant des États, constitué d'experts eux-mêmes indépendants. Quant aux rapports, ils doivent être présentés dans l'année qui suit l'adhésion à la convention, puis tous les quatre ans.

En réponse à Mme Gisèle Gautier, présidente , qui souhaitait savoir si les rapports déposés par les autres pays européens parties à la convention présentaient, eux aussi, des insuffisances, Mme Françoise Gaspard a indiqué que les rapports reçus par le comité des experts pouvaient se répartir en deux catégories : d'une part, des rapports « sincères », émanant par exemple des pays nordiques, qui reconnaissent l'insuffisance des résultats obtenus, notamment en matière d'écarts salariaux entre les hommes et les femmes, ou de violence ou de prostitution, et d'autre part, des rapports qui présentent la situation nationale sous un jour résolument optimiste. Elle a estimé que les rapports français se rattachaient plutôt à cette seconde catégorie.

M. Yannick Bodin a regretté que les propos tenus par Mme Françoise Gaspard apportent une nouvelle confirmation du caractère souvent peu satisfaisant de la façon dont la France participe aux travaux des organisations internationales auxquelles elle appartient. Il a estimé que, par-delà une tendance française à l'autosatisfaction, le fonctionnement de nos institutions avait sa part de responsabilité dans cet état de choses, notant que les Parlements des pays nordiques avaient la possibilité de consacrer une place significative à ces questions dans leur ordre du jour, contrairement au Parlement français, qui est tenu d'examiner en priorité le programme législatif du gouvernement.

Il a ensuite plus particulièrement souhaité connaître les points sur lesquels la France était, en matière de discrimination entre hommes et femmes, en retard sur les pays qui lui sont comparables. Il a enfin interrogé Mme Françoise Gaspard sur l'évolution globale de la situation faite aux femmes dans le monde, dont certains aspects lui sont apparus encourageants et d'autres, plus inquiétants.

Convenant que le comité des experts constituait, en effet, un remarquable observatoire de la situation des femmes dans le monde, Mme Françoise Gaspard a d'abord insisté sur un élément très positif : la progression globale de l'accès des femmes à l'éducation, malgré certains risques de recul, notamment dans les pays en guerre. Elle a en revanche estimé que les violences faites aux femmes, y compris sous les formes les plus graves, comme le trafic d'êtres humains en vue de leur exploitation domestique ou sexuelle, constituaient aujourd'hui le problème le plus préoccupant. Citant un rapport de l'ONU, elle a relevé qu'aujourd'hui la prostitution représentait, avec les ventes d'armes et le trafic de drogue, l'une des trois principales sources de revenus illicites dans le monde. Elle a également dénoncé les violences faites aux femmes dans les contextes de guerre, notant que les viols systématiques, considérés comme un moyen d'intimidation des populations et utilisés comme une véritable arme de guerre, étaient aujourd'hui à l'origine de l'augmentation du nombre de femmes séropositives, notamment en Afrique.

Tout en soulignant les progrès de la régulation des naissances, elle a cependant dénoncé les effets pervers de processus qui aboutissent, dans certaines parties de l'Asie, à un important déséquilibre des naissances entre les garçons et les filles, au détriment de ces dernières.

Quant à la situation des femmes en France, elle a estimé qu'elle suscitait, à juste titre, l'envie de beaucoup de femmes dans le reste du monde, mais que des progrès importants restaient cependant à réaliser, notamment en matière de lutte contre les violences - pour laquelle les moyens restent insuffisants - et d'amélioration de la situation des femmes migrantes.

Parmi les autres problèmes rencontrés en France, elle a pointé :

- les insuffisances de la politique de lutte contre la prostitution ;

- les inégalités salariales, qui se doublent, au moment de la cessation d'activité, d'inégalités des retraites, posant le problème de la pauvreté des femmes âgées qui n'auront travaillé qu'à temps partiel, ou qu'une partie de leur vie, et se retrouvent de plus en plus fréquemment seules ;

- les formes de discrimination discrète, et parfois inconsciente, qui interdisent en pratique aux femmes l'accès aux postes de haute responsabilité, dans la fonction publique et notamment à l'université, sauf quelques rares exceptions ;

Évoquant ensuite les problèmes posés par l'application de la « Charia » dans certains pays, elle a relevé que l'Arabie Saoudite avait, en effet, au moment où elle avait ratifié la CEDAW, assorti son adhésion d'une réserve générale garantissant le respect de cette loi islamique. Elle a cependant indiqué que la proportion des femmes accédant à l'université était très élevée dans ce pays, et que la société civile y comptait des femmes très actives et dynamiques, soucieuses d'améliorer la situation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a jugé très positif le rôle joué par les rencontres internationales de parlementaires, estimant que le fait de se trouver sous le regard de leurs partenaires contribuait à faire évoluer la situation dans certains pays.

Mme Françoise Gaspard a insisté à son tour sur l'importance du rôle des Parlements, soulignant que le comité des experts était très sensible à la présence de parlementaires dans les délégations nationales chargées de représenter les États pour l'examen des rapports sur l'application de la CEDAW.

Évoquant ensuite le problème des langues utilisées au sein du comité, elle a indiqué que si les séances plénières faisaient systématiquement l'objet d'une traduction, tel n'était cependant pas le cas des réunions de travail informelles, qui se déroulent presque toujours en anglais. Convaincue du bien-fondé du combat en faveur de la francophonie, elle a cependant jugé que les délégations françaises se devaient aujourd'hui d'être bilingues, si elles voulaient se faire entendre au plan international.

Revenant sur l'organisation administrative française, Mme Françoise Gaspard a estimé que le service des droits des femmes devrait être érigé en direction. Elle a indiqué que dans de nombreux pays, y compris dans les pays en développement, chaque ministère s'était doté d'un correspondant ou d'une cellule consacrée à ces questions, pour évaluer tout projet de réforme à l'aune de la lutte contre les discriminations, et a souhaité que ce système soit transposé en France.

En réponse à Mme Gisèle Gautier, présidente , elle a indiqué que, dans la plupart des Parlements, il existait une commission chargée des droits de la femme, ou plus généralement des droits de la personne. Elle a précisé que dans un nombre croissant de pays, les droits de la femme faisaient désormais l'objet d'une commission parlementaire à part entière, estimant que la création au Parlement européen d'une commission des droits de la femme et de l'égalité des genres s'était par exemple révélée fort utile.

3. La réunion, organisée par M. Jean-Guy Branger et ouverte aux membres de la délégation, du groupe régional B des parlementaires de référence de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans le cadre de la campagne de lutte contre les violences à l'égard des femmes (Paris - 28 novembre 2007)

Mme Gisèle Gautier, présidente, M. Yannick Bodin, Mme Brigitte Bout et Mme Christiane Kammermann ont participé, le 28 novembre 2007, au Bureau du Conseil de l'Europe à Paris, à une réunion organisée par M. Jean-Guy Branger, en sa qualité de parlementaire de référence du Sénat français et coordonnateur du groupe régional B des parlementaires de référence de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans le cadre de la campagne de lutte contre les violences à l'égard des femmes.

Cette réunion, ouverte par M. Jean-Guy Branger, et au cours de laquelle sont intervenus Mme Gisèle Gautier, M. Yannick Bodin et Mme Christiane Kammermann, a été l'occasion de faire le bilan des mesures prises en France pour lutter contre les violences faites aux femmes et de comparer les mesures législatives et les bonnes pratiques mises en oeuvre en matière de lutte contre les violences domestiques par différents États membres du Conseil de l'Europe, comme Monaco, la Belgique, le Royaume-Uni ou l'Irlande.

4. Le séminaire organisé par l'UIP à l'intention des membres d'instances parlementaires traitant de la condition de la femme et de l'égalité entre les sexes, sur le thème « Les femmes et le travail » (Genève - 6 au 8 décembre 2007)

Mme Catherine Procaccia a représenté la délégation à un séminaire organisé par l'UIP, à Genève, du 6 au 8 décembre 2007, à l'intention des membres d'instances parlementaires traitant de la condition de la femme et de l'égalité entre les sexes, sur le thème « Les femmes et le travail » .

À la suite de ce déplacement, elle a présenté une communication devant la délégation, le 16 janvier 2008, dont le compte rendu, publié au Bulletin des commissions , figure ci-après :

Compte rendu

de la communication en délégation

de Mme Catherine Procaccia

Mme Catherine Procaccia s'est réjouie d'avoir pu participer à cette manifestation dont le thème était au coeur des préoccupations de la délégation et répondait à ses propres centres d'intérêt, et a remercié Mme Gisèle Gautier, présidente, de lui avoir permis d'y représenter le Sénat.

Elle a indiqué que le séminaire avait rassemblé les délégations parlementaires d'une cinquantaine de pays, tout en relevant le caractère quelque peu déséquilibré de leur répartition géographique : les pays européens et africains y étaient très largement présents, mais les continents asiatiques et américains étaient faiblement représentés, ce qui pouvait certes aussi s'expliquer par la brièveté de ce colloque, de nature à dissuader les délégations des pays les plus lointains.

Évoquant la teneur générale des débats qui ont permis de comparer les expériences nationales et de définir un certain nombre de domaines d'action prioritaires, Mme Catherine Procaccia s'est déclarée surprise de la convergence qu'elle avait pu constater sur la problématique générale de l'égalité des hommes et des femmes, et plus particulièrement sur le thème de la situation des femmes dans le monde du travail, entre des pays cependant très différents par leur aire géographique et leur développement économique.

Elle a indiqué que le séminaire avait permis de dresser un bilan général de l'évolution récente de la situation des femmes au plan mondial : globalement, on constatait une arrivée massive des femmes sur le marché du travail salarié, et une amélioration de la place des femmes dans le monde du travail, même s'il restait, bien entendu, des écarts significatifs entre les régions ; en outre, il était largement admis que la promotion des femmes au travail devait se faire dans tous les domaines de la société, et notamment au sein de sa représentation politique.

Elle a cependant relevé qu'en dépit de progrès indéniables en matière d'éducation et d'accès à certains postes de responsabilité, le statut des femmes sur le marché du travail ne correspondait pas encore à leur qualification.

Insistant sur la nécessité d'un cadre juridique solide et efficace pour garantir l'égalité des genres dans le monde du travail, Mme Catherine Procaccia a jugé que celui-ci devait résulter à la fois de l'adhésion aux traités internationaux existants, comme la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) ou les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), et de l'adoption de législations nationales adaptées. Elle a cependant regretté qu'il existe souvent un décalage entre égalité de droit et égalité de fait, les textes n'étant pas toujours effectivement appliqués, et qu'un trop grand nombre de pays s'attachent à donner une vision sans doute trop optimiste de la situation qu'ils font aux femmes.

Évoquant les différents thèmes abordés au cours de ces journées, Mme Catherine Procaccia a indiqué que l'importance de l'éducation avait fait l'objet d'un consensus global, y compris chez les pays en voie de développement, même s'il était couramment reconnu que l'égalité d'accès à l'éducation ne suffisait pas, puisque l'on constate souvent une dévalorisation des professions qui se sont féminisées, comme tel est le cas, par exemple, de la médecine en Égypte.

Elle a ajouté que les autres sujets de discussion avaient porté sur l'emploi non rémunéré, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, les violences sur le lieu de travail, notamment liées au harcèlement sexuel ou moral, et enfin sur les obstacles que rencontrent les femmes qui souhaitent créer ou diriger des entreprises, alors que l'entreprenariat de petite taille constitue dans un certain nombre de pays en développement une voie privilégiée pour l'accession à l'indépendance financière des femmes.

En conclusion, Mme Catherine Procaccia a estimé que l'intérêt essentiel d'une telle réunion était de découvrir des préoccupations transversales communes à de nombreux pays, voire universelles, tout en considérant cependant que des comparaisons pertinentes ne pouvaient être effectuées qu'entre pays de niveau de développement équivalent.

5. La conférence internationale sur le thème « Le rôle des femmes dans le dialogue interculturel », suivie d'un séminaire sur « L'égalité entre les femmes et les hommes dans les travaux parlementaires », organisés par le Parlement européen à l'occasion de la Journée internationale de la femme (Bruxelles, 6 mars 2008)

Mmes Gisèle Gautier, présidente, Jacqueline Alquier et Brigitte Bout ont représenté la délégation à une conférence internationale sur le thème « Le rôle des femmes dans le dialogue interculturel » , suivie d'un séminaire sur « L'égalité entre les femmes et les hommes dans les travaux parlementaires » , organisés par la Commission des droits des femmes et de l'égalité des genres du Parlement européen, le 6 mars 2008, à Bruxelles, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, et auxquels avaient été conviés des représentants de l'ensemble des organes parlementaires membres de la Conférence des Commissions parlementaires pour l'Égalité des chances des femmes et des hommes de l'Union européenne (CCEC).

Sous la présidence de Mme Anna Záborská, présidente de la commission des doits des femmes et de l'égalité des genres du Parlement européen, la première partie de la matinée a été consacrée à une conférence sur « Le rôle des femmes dans le dialogue interculturel » , le choix de ce thème s'expliquant par le fait que 2008 a été proclamée « Année européenne du dialogue interculturel » par le Parlement européen et le Conseil.

Après les allocutions d'ouverture de M. Hans-Gert Pöttering, président du Parlement européen, et de Mme Gertrude I. Mongella, présidente du Parlement panafricain, les personnalités suivantes sont successivement intervenues :

- Mme Nimet Çubukçu, ministre d'État en charge des services sociaux (Turquie) ;

- M. Ján Figel, membre de la Commission européenne, responsable de l'éducation, la formation, la culture et la jeunesse ;

- Mme le Professeur Naomi Chazan (Israël), membre de la Commission internationale des Femmes ;

- Mme Amal Khreisheh (Territoires palestiniens), membre de la Commission internationale des Femmes ;

- Mme Erna Hennicot-Schoepges, membre du Parlement européen, rapporteur pour l'Année européenne du dialogue interculturel.

Ces interventions ont été suivies d'un bref débat.

Puis un séminaire sur « L'égalité entre les femmes et les hommes dans les travaux parlementaires » s'est déroulé dans la deuxième partie de la matinée et l'après-midi, toujours sous la présidence de Mme Anna Záborská.

Après une introduction de la présidente, sont intervenues les personnalités suivantes :

- Mme Marjeta Cotman, ministre slovène du travail, de la famille et des affaires sociales (la République de Slovénie présidait alors le Conseil européen) ;

- Mme Rodi Kratsa-Tsagaropoulou, vice-présidente du Parlement européen, présidente du Groupe de haut niveau sur l'égalité des genres et la diversité ;

- M. Vladimir pidla, membre de la Commission européenne, responsable de l'emploi, des affaires sociales et de l'égalité des chances.

Un large débat a ensuite donné lieu à de multiples interventions des membres des parlements nationaux et européen.

Mme Gisèle Gautier, présidente, est intervenue pour présenter les travaux de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et évoquer la législation française récente dans ce domaine. Elle a conclu en annonçant la tenue à Paris, au Sénat, le 3 juillet 2008, de la Conférence des Commissions parlementaires pour l'égalité des chances des femmes et des hommes de l'Union européenne (CCEC), dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2008.

6. Les travaux du Comité de coordination des femmes parlementaires de l'Union interparlementaire (UIP), à l'occasion de la 118e Assemblée de l'UIP au Cap (Afrique du Sud - 13 au 18 avril 2008)

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est rendue en Afrique du Sud, au Cap, du 13 au 18 avril 2008, pour assister à la 118 e Assemblée statutaire de l'UIP, à l'occasion de laquelle elle a notamment participé aux travaux du Comité de coordination des femmes parlementaires.

7. Le colloque organisé par la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sur les violences faites aux femmes au sein du couple (Paris, Assemblée nationale -15 mai 2008)

Le 15 mai 2008, Mme Gisèle Gautier, présidente, a participé à un colloque organisé conjointement par la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) et la Sous-commission sur la violence à l'égard des femmes de cette assemblée, sur le thème « Violences faites aux femmes au sein du couple : Mieux prévenir pour mieux agir » , à Paris, dans les locaux de l'Assemblée nationale.

Après l'ouverture du colloque par Mme Claude Greff, député, parlementaire de référence pour l'Assemblée nationale, représentant M. Jean-Claude Mignon, président de la délégation française à l'APCE, empêché, et par M. José Mendes Bota, rapporteur et premier vice-président de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes de l'APCE, Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, et Mme Maud de Boer-Buquicchio, secrétaire générale adjointe du Conseil de l'Europe, ont prononcé des allocutions.

Puis Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a présidé une première table ronde sur « L'accueil et la prise en charge des femmes victimes de violences au sein du couple : situation en France et bonnes pratiques en Europe » , au cours de laquelle sont notamment intervenus M. Jean-Guy Branger, sénateur, parlementaire de référence pour le Sénat français, ainsi que Mme Aicha Sissoko, présidente de l'Association des femmes africaines du Val-d'Oise (AFAVO), Mme Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol et M. José Mendes Bota qui a présenté les résultats de la dimension parlementaire de la campagne du Conseil de l'Europe contre la violence domestique.

À l'issue de ce premier débat, Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, a présidé une seconde table ronde sur « La prévention et la formation : situation en France et bonnes pratiques en Europe », au cours de laquelle sont notamment intervenues Mmes Maryvonne Chapalain, commandant fonctionnel à la délégation aux victimes de la direction générale de la police nationale, Franca Sieffert, membre de la commission prévention de SOS Femmes Solidarité et Annie Soussy, chef du service de consultation judiciaire au Centre hospitalier intercommunal de Créteil.

Les travaux du colloque ont été conclus par Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des Affaires étrangères et des droits de l'homme auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes.

8. La réunion constitutive du Réseau européen de femmes dans les postes décisionnels mis en place par la Commission européenne (Bruxelles - 2 juin 2008)

Mme Gisèle Gautier, présidente, a participé, le 2 juin 2008 à Bruxelles, à la réunion constitutive du « Réseau européen de femmes dans les postes décisionnels dans la politique et l'économie » mis en place par la Commission européenne, en présence de M. Vladimir pidla, commissaire européen à l'emploi, aux affaires sociales et à l'égalité des chances.

*

Par ailleurs, de même que lors de la session 2006-2007, Mme Gisèle Gautier, présidente, a été invitée à deux reprises au cours de la session parlementaire 2007-2008 à des réunions de la Commission ad hoc pour les droits de la femme de l'Assemblée parlementaire euroméditerranéenne (APEM) , en qualité d'observatrice. Cependant, les contraintes de son emploi du temps ne lui ont pas permis d'assister à ces réunions.

La première de ces réunions s'est tenue, à Bruxelles, le 17 octobre 2007, et a été consacrée aux thèmes « Femmes et immigration » et « Femmes et science » . La seconde de ces réunions, également consacrée à ces thèmes, s'est tenue à Athènes le 27 mars 2008, à l'occasion de la réunion de l'Assemblée plénière de l'APEM, au cours de laquelle il a été décidé de pérenniser la commission pour les droits de la femme.

B. L'ACCUEIL DE DÉLÉGATIONS ET DE PERSONNALITÉS ÉTRANGÈRES

Mme Gisèle Gautier, présidente, et les membres du bureau de la délégation ont assuré l'accueil de délégations de parlementaires étrangers désireux d'avoir un entretien sur les questions relatives aux droits des femmes au cours de leur visite du Sénat.

1. La visite d'étude d'une délégation de parlementaires haïtiennes (22 novembre 2007)

Une réunion de travail, présidée par Mme Annie David, vice-présidente de la délégation, a été organisée, le 22 novembre 2007, avec une délégation de femmes parlementaires haïtiennes composée de :

- Mme Edmonde Beauzile, vice-présidente du Sénat, membre des commissions des finances, de l'éducation et des affaires étrangères ;

- Mme Céméphise Gilles, sénatrice, présidente de la commission des affaires sociales et des droits des femmes ;

- Mme Gérandale Thelusma, députée, secrétaire et rapporteur de la commission de la protection des droits de l'enfant, membre des commissions de la condition féminine, de la justice et de la sécurité ;

- Mme Marie-Jossie Étienne, députée, présidente de la commission de la condition féminine et des droits des femmes, membre des commissions du tourisme et des collectivités territoriales.

Les échanges ont porté sur la situation des femmes en Haïti. Ont plus particulièrement été évoquées les questions relatives à la parité en politique, à l'image de la femme dans la publicité et aux familles monoparentales.

2. La visite d'étude de Mme Birgitta Ohlsson, députée suédoise (19 décembre 2007)

Le 19 décembre 2007, Mme Gisèle Gautier, présidente, a reçu Mme Birgitta Ohlsson, députée suédoise du Parti libéral, porte-parole de ce parti pour les Affaires étrangères et responsable de l'Association des femmes de ce parti, dans le cadre du « Programme d'invitation des personnalités d'avenir » du ministère des Affaires étrangères français.

Cet entretien a permis d'évoquer les travaux de la délégation du Sénat aux droits des femmes et de comparer la situation des femmes dans la vie politique en France et en Suède.

3. La visite d'étude d'une délégation de parlementaires sénégalaises (23 janvier 2008)

Dans le cadre de la visite d'étude du Sénat d'une délégation de parlementaires du Sénat du Sénégal, une rencontre a été organisée, le 23 janvier 2008, entre Mme Gisèle Gautier, présidente, et les deux femmes qui faisaient partie de la délégation de parlementaires sénégalais :

- Mme Sokhna Dieng Mbacke, vice-présidente du Sénat, ancienne directrice de la télévision nationale ;

- et Mme Safietou Ndiaye, vice-présidente de la commission des Finances du Sénat, ancienne ministre.

Au cours de cette réunion de travail, ont notamment été abordées les questions de la parité en politique, des violences à l'égard des femmes, de l'autorité parentale, du divorce et des mariages forcés.

IV. LES ACTIVITÉS DIVERSES

A. LE DÉPLACEMENT EFFECTUÉ PAR MME GISÈLE GAUTIER, PRÉSIDENTE, À LA RÉUNION, DU 18 AU 20 OCTOBRE 2007

À l'invitation de Mme Anne-Marie Payet, sénatrice de La Réunion et membre de la délégation, Mme Gisèle Gautier, présidente, a effectué un déplacement dans le département d'outre-mer de La Réunion, du 18 au 20 octobre 2007.

Ce déplacement avait initialement été prévu pour permettre à Mme Gisèle Gautier de participer à un colloque international sur le thème « Alcool et grossesse » , qui devait être organisé par l'association Réunisaf, du 18 au 20 octobre 2007, à La Réunion, et a finalement été annulé pour des raisons financières.

Mme Gisèle Gautier ayant projeté de rencontrer à cette occasion les responsables des associations réunionnaises de défense des droits des femmes, elle a souhaité maintenir ce déplacement, en dépit de l'annulation du colloque, afin d'honorer ses engagements à leur égard.

Organisé par la délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité, le programme du déplacement a permis à Mme Gisèle Gautier de rencontrer de nombreux responsables d'associations, ainsi que d'effectuer plusieurs visites de terrain. Elle a ainsi pu rendre visite à une famille d'accueil hébergeant à titre temporaire une femme victime de violences conjugales, entendre des témoignages de mères d'enfants victimes du syndrome d'alcoolisation foetale (SAF) et participer à un groupe de parole réunissant des auteurs de violences conjugales.

Au cours de ces différentes réunions et visites, la présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes était accompagnée de sa collègue Mme Anne-Marie Payet, sénatrice de La Réunion , ainsi que de Mme Sophie Elizéon, déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité .

1. L'expérimentation d'accueil familial temporaire de victimes de violences conjugales

Le jeudi 18 octobre 2007, Mme Gisèle Gautier a tout d'abord rencontré, au cours d'un déjeuner de travail offert par la délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité, les responsables de l' Association réunionnaise d'éducation populaire (AREP) .

Cette association, créée en 1963, mène différentes activités d'accompagnement social en faveur des familles , par exemple l'animation d' « ateliers parents/enfants » de soutien à la fonction parentale, ou des actions de lutte contre l'illettrisme.

En particulier, elle met actuellement en oeuvre une expérimentation de Réseau d'Accueil Familial Temporaire (RAFT) , consistant en l'accueil temporaire dans des familles, à titre onéreux, de personnes en situation de rupture familiale, notamment des femmes victimes de violences conjugales ou des jeunes en errance, ayant besoin d'un hébergement temporaire.

Cette formule d'accueil très souple et peu coûteuse permet de remédier à l'insuffisance de places dans les structures d'hébergement temporaire classiques, comme les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou les hôtels, et d'offrir aux intéressé(e)s un accueil dans une ambiance chaleureuse et conviviale, qui leur permet de se reconstruire. Elle permet en même temps de proposer des emplois d'accueillant à des personnes au chômage ayant des difficultés à trouver un emploi sur le marché du travail.

Depuis septembre 2006, vingt-deux personnes ont été accueillies dans ce cadre, pour une durée maximum de six mois. Dix-huit d'entre elles ont pu se réinsérer de manière satisfaisante à la sortie du dispositif, en retrouvant un emploi et un logement. Huit emplois d'accueillants ont été créés, dont sept pour des femmes.

L'AREP a mis au point un dispositif de recrutement et de formation des accueillants, ainsi que de suivi de l'accueil, qui fait l'objet d'un contrat entre la personne accueillie, la personne accueillante et un travailleur social référent.

L'expérimentation est financée par le programme européen « Equal » . Ce projet avait été choisi comme projet pilote, au niveau national, par Mme Catherine Vautrin, lorsqu'elle était ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. La phase d'expérimentation s'achève en décembre 2007 et devrait être suivie d'une phase de diffusion en 2008, si toutefois le financement peut être assuré.

Dans la perspective d'une pérennisation du dispositif, les responsables de l'AREP ont suggéré qu'une disposition législative soit adoptée pour prévoir une procédure d'agrément de familles pour accueillir des personnes en rupture familiale, comme il en existe déjà pour l'accueil de mineurs ou de personnes handicapées ou dépendantes.

Dans l'après-midi, Mme Gisèle Gautier a ensuite rendu visite à une accueillante hébergeant à son domicile une femme victime de violences conjugales, dans le cadre de la mise en oeuvre concrète de cette expérience.

2. L'entretien avec le préfet de La Réunion

Mme Gisèle Gautier a ensuite rencontré M. Pierre-Henry Maccioni, préfet de La Réunion , au cours d'un entretien à la préfecture.

Le préfet a souligné que les violences intrafamiliales constituaient le sujet le plus préoccupant en matière de délinquance à La Réunion. L' indice global de violence conjugale , établi à la suite de l'enquête ENVEFF sur les violences envers les femmes réalisée en 2003, y est en effet presque deux fois plus élevé qu'en métropole (15 % contre 9 %).

M. Pierre-Henry Maccioni a indiqué qu'un groupe de travail réunissant des représentants des associations et des services de police et de gendarmerie avait été constitué et qu'une convention avait été conclue avec le conseil général sur ce sujet.

Il a présenté les différentes actions menées pour lutter contre les violences familiales : mise en place d'un numéro unique d'appel d'urgence, formation des personnels chargés d'accueillir les victimes, expérimentation de l'accueil familial temporaire d'urgence.

Il a cependant fait observer que le problème des violences conjugales était aggravé par l'insularité ; en effet, il est très difficile pour les victimes de se mettre définitivement à l'abri des menaces de leur ancien compagnon, sauf à partir en métropole.

Le préfet a marqué sa volonté de faire appliquer avec fermeté les textes législatifs et réglementaires existants pour sanctionner les violences, tout en insistant sur l'importance des actions de prévention et d'éducation, dès l'école. Sur ce point, la déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité a indiqué que l'association Chancégal menait des actions d'éducation au respect mutuel entre les sexes dans les établissements scolaires, tout en regrettant que de telles actions demeurent sporadiques.

Enfin, le préfet a évoqué la lutte contre l'illettrisme, constatant que 20 % des jeunes réunionnais quittaient l'école sans avoir la maîtrise du français.

D'une manière générale, il a insisté sur la nécessité d'évaluer régulièrement les activités menées par les associations, avant de renouveler les subventions qui leur sont allouées.

3. La réunion avec les représentants de diverses associations de défense des droits des femmes

Le vendredi 19 octobre 2007, dans la matinée, une réunion de travail organisée par la délégation régionale aux droits des femmes, dans les locaux de l'association Réunisaf, a permis à Mme Gisèle Gautier de rencontrer des représentants de diverses associations réunionnaises de défense des droits des femmes, qui ont successivement présenté leurs activités.

- L'association EFOIR (Entreprendre au Féminin Océan Indien Réunion) , née en 2002, a pour vocation d'encourager l'accès des femmes à la création d'entreprise, ainsi que d'augmenter leur place dans l'activité économique, aujourd'hui encore insuffisante. En effet, à La Réunion, peu de femmes sont chefs d'entreprise : leur part n'est que de 22 % dans le secteur commercial et 17 % dans le secteur artisanal.

L'association regroupe 70 adhérentes chefs d'entreprise, représentant 12 secteurs d'activités, essentiellement dans le commerce et les services.

Son action s'oriente autour de trois axes :

- la constitution d'un réseau d'entreprises, par la mise en place de réunions mensuelles, d'un site Internet et d'un annuaire de l'entreprenariat féminin à La Réunion ;

- le développement de compétences entrepreneuriales, à travers l'organisation de tables rondes semestrielles, avec le soutien de différents partenaires ;

- la promotion de l'esprit d'entreprendre et l' accueil de femmes porteuses de projets pour les aider à créer leur entreprise , notamment grâce à l'organisation d'ateliers « coup de pouce pour entreprendre au féminin » .

Par exemple, l'association peut les aider à obtenir le bénéfice du Fonds de garantie pour l'initiative des femmes (FGIF), dispositif dont l'application semble poser des problèmes à La Réunion. Sur ce point, la déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité a reconnu que les femmes bénéficiaires du FGIF n'arrivaient pas toujours à obtenir un crédit auprès d'une banque et que la garantie « SOFARIS » était mieux connue des banques que le FGIF.

L'association EFOIR a également créé le « prix Julie Mas » , concours de projets au féminin ouvert à toutes les femmes ayant un projet de création d'entreprise.

Enfin, elle développe une action de coopération régionale dans l'Océan Indien sous la forme du « réseau EFOI » .

- L'association AMAFAR-EPE (Association des Maisons de la Famille de La Réunion - École des Parents et des Éducateurs) mène différentes activités d'accompagnement de proximité en faveur des familles : accueil de personnes en difficulté, et notamment de femmes victimes de violences, mise en place d'un « Point Info Famille » , animation de groupes de parole dans les quartiers et de groupes de parole de parents d'élèves dans les établissements scolaires, création de « cafés des parents » , médiation familiale et médiation pénale, interventions dans des établissements scolaires pour des actions d'éducation et de prévention, accompagnement et suivi scolaire, alphabétisation ...

Près de 550 femmes en situation de détresse ont été accueillies par l'association en 2006.

La médiation familiale a pour objet de résoudre les conflits familiaux par un accord amiable ; l'association est habilitée par le Procureur de la République pour intervenir à cet effet dans les Maisons de justice et du droit. La médiation pénale s'adresse aux auteurs de violences conjugales et a pour objet d'éviter la réitération des actes violents ; elle fait l'objet d'une convention avec le tribunal de grande instance de Saint-Denis. 21 médiations familiales et 23 médiations pénales ont été effectuées en 2006.

À l'occasion de la journée du 8 mars 2006, l'association a distingué huit femmes pour leur courage et leur accession aux postes de responsabilité, en leur attribuant un « Huit d'Or » .

- Animarun est une petite association de quartier ayant pour objet l'accompagnement de la famille dans son ensemble à travers les femmes et l'amélioration de leur environnement par le biais de programmes de sensibilisation, d'éducation, de communication, de médiation et d'entraide. Elle développe notamment des activités de lutte contre l'illettrisme (alphabétisation, bibliothèque de quartier), d' information sur les métiers et d' aide à l'orientation (découverte de nouveaux métiers, par exemple).

- L'association Femmes Solid'Air est née en 2004 de la rencontre de femmes ayant connu des difficultés personnelles et a pour objet d'apporter une aide aux femmes victimes de violences conjugales en leur offrant une écoute, en les informant sur leurs droits et en les accompagnant dans leurs démarches administratives et judiciaires. Elle projette la création d'un « Café femmes » , structure qui permettrait aux femmes en difficulté de se retrouver autour d'activités variées. Elle mène également des actions de prévention dans les collèges et les lycées, à titre bénévole comme le reste de ses activités.

- L'association Chancégal (Agence pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes) a été créée en 2001 dans le but de promouvoir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes à La Réunion.

Son action se fonde sur deux constats :

- la mixité conduit à une amélioration de la qualité et de l'efficacité du travail ;

- le niveau de développement économique est corrélé avec le niveau d'égalité entre hommes et femmes.

Elle est essentiellement axée sur le développement de l'égalité à travers la complémentarité et la mixité professionnelle , à travers l'exercice de trois missions :

- une mission d'information sur les principes et pratiques en matière d'égalité entre les femmes et les hommes (mise à disposition de documents d'information) ;

- une mission de communication (réalisation de campagnes publicitaires, organisation de réunions thématiques et d'événements) ;

- une mission de formation à l'intégration des principes d'égalité dans les pratiques professionnelles et de sensibilisation à la persistance des inégalités.

L'association travaille en partenariat au niveau local (notamment avec la délégation régionale aux droits des femmes et le rectorat), au niveau de la zone Océan Indien (dans le cadre d'un projet de coopération régionale) et au niveau européen (mise en oeuvre d'un projet européen « Equal » intitulé « Femmes plus » pour l'orientation et l'insertion des jeunes femmes dans des métiers traditionnellement masculins , porté par la Chambre des métiers de La Réunion).

Elle intervient dans les collèges et les lycées en vue de diversifier les filières d'orientation, mais aussi de prévenir les violences sexistes. Par ailleurs, elle agit auprès des entreprises pour promouvoir le « label égalité » .

Enfin, elle a créé un concours de la publicité antisexiste à La Réunion : le prix « Faham » récompense la publicité la moins sexiste et le prix « Infâme » sanctionne la publicité la plus sexiste.

- L'association AMARE (Accueil de la Mère et de l'Enfant à La Réunion) , créée en 1983, se consacre à l' accompagnement des jeunes mères en difficultés .

Elle gère trois établissements d'hébergement qui accueillent, pour une durée maximum d'un an, des mineures ou des jeunes majeures enceintes et des jeunes mères isolées accompagnées d'enfants de moins de trois ans, sans ressources et sans soutien familial et en situation de détresse ou d'exclusion. Environ 50 mères sont prises en charge chaque année et accompagnées en vue de la construction d'un projet de vie autonome. Le problème posé par les mères adolescentes est particulièrement aigu, car les grossesses précoces sont très fréquentes et les mineures enceintes sont souvent confrontées à un rejet violent de la part de leur famille.

- Enfin, l'association Réunisaf (Réseau de prévention de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale) , née en 2001, a pour objet de lutter contre les effets de l'alcool sur le foetus.

La toxicité de l'alcool sur le foetus se traduit dans sa forme grave par le syndrome d'alcoolisation foetale (SAF) , comportant un retard de croissance, des malformations, et surtout une atteinte cérébrale qui entraîne des troubles cognitifs majeurs et des troubles comportementaux. Sous des formes moins sévères, les effets de l'alcool sur le foetus peuvent avoir pour conséquences des altérations de développement, des difficultés dans les apprentissages scolaires, des troubles du caractère et du comportement générateurs de conduites d'exclusion sociale.

Il est aujourd'hui reconnu que l'exposition prénatale à l'alcool représente un facteur de risque pour le bébé à naître à tous les stades de la grossesse et notamment à son début, même en cas de consommation ponctuelle et quelle que soit la nature de la boisson alcoolique absorbée.

À La Réunion, le SAF, première cause de retard mental non génétique, touche 10 % des enfants accueillis en institutions spécialisées. Ce phénomène est toutefois aujourd'hui en régression, grâce à l'action menée par Réunisaf.

L'association agit sous la forme d'un « coeur de réseau » , afin de coordonner l'action pluridisciplinaire des différents professionnels (médecins, travailleurs sociaux...) amenés à accompagner des femmes enceintes ou des mères en difficulté avec l'alcool.

Elle mène également des actions de prévention dans les écoles , notamment grâce à des témoignages de mères d'enfants atteints par le SAF, ainsi que des actions de formation de personnels paramédicaux , de recherche médicale et de coopération régionale, nationale et internationale. Elle est malheureusement confrontée à une diminution de ses ressources financières, qui l'a conduite à annuler le colloque projeté en octobre 2007 et risque de compromettre la poursuite d'une partie de ses activités l'année prochaine.

Un livre réunissant des témoignages d'une dizaine de femmes qui se sont alcoolisées pendant leur grossesse, à La Réunion et dans le Nord-Pas-de Calais, est en préparation ; il a pour objet d'adresser un message d'espoir aux autres femmes concernées, un message d'information à l'intention des professionnels de santé et un message de sensibilisation envers l'ensemble de la société.

4. La rencontre avec des mères d'enfants victimes du syndrome d'alcoolisation foetale (SAF)

Dans l'après-midi du vendredi 19 octobre, une rencontre avec des mères d'enfants victimes du SAF a été organisée par l'association Réunisaf.

Plusieurs femmes ayant consommé de l'alcool pendant leur grossesse, parfois en quantités très importantes (jusqu'à deux litres de rhum par jour), aujourd'hui sorties de l'alcoolisme grâce à Réunisaf, ont ainsi pu exprimer leurs témoignages. Elles ont toutes remercié l'association de l'aide apportée pour arrêter la consommation d'alcool et manifesté leur volonté d'aider à leur tour les femmes consommatrices d'alcool en les informant des dangers de l'alcool pendant la grossesse.

Le Dr Denis Lamblin, médecin pédiatre à l'initiative de la création de l'association, a insisté sur l'exemplarité des témoignages de ces femmes qui s'en sont sorties et veulent aider les autres. Il a estimé que la méthode employée par Réunisaf, consistant en un suivi en réseau réunissant les différents professionnels concernés, pourrait être utilement transposée partout où se pose ce problème.

Il a salué la « révolution » résultant d'une disposition législative adoptée à l'initiative de Mme Anne-Marie Payet , qui prévoit désormais l'obligation de faire figurer sur les étiquettes des bouteilles de boissons alcoolisées un pictogramme ou un message d'information sur les dangers de la consommation d'alcool pendant la grossesse. Il a cependant estimé que beaucoup restait à faire pour développer l'information et la prévention. À cet égard, il a fait notamment fait valoir que le coût de telles actions serait à terme largement compensé par les importantes économies qui pourraient être réalisées en termes de dépenses publiques, le coût de prise en charge par la collectivité d'un enfant handicapé par le SAF pouvant atteindre plusieurs millions d'euros.

Des actions de coopération ont été entreprises par Réunisaf pour développer la prévention dans certaines régions françaises (Nord-Pas-de-Calais, Bretagne, région lyonnaise ...). En outre, des contacts ont été pris avec des pays étrangers (Canada, États-Unis, Irlande ...).

Les autres médecins et représentants des professions de santé présents ont cependant souligné le manque de formation du corps médical et les difficultés rencontrées pour faire travailler en réseau les différents professionnels concernés.

Dans la soirée du vendredi 19 octobre, un cocktail offert par la délégation régionale aux droits des femmes a réuni de nombreuses femmes occupant des fonctions de responsabilité à La Réunion.

5. L'expérimentation d'un groupe de parole à l'intention d'auteurs de violences conjugales

La matinée du samedi 20 octobre a été consacrée à la participation à un groupe de parole à l'intention d'auteurs de violences conjugales, organisé par l' Association Familiale de Prévention Développement et Santé (AFPDS) , suivie d'une réunion de travail avec les responsables et partenaires de cette association, auxquels s'était jointe une représentante du Parquet du tribunal de grande instance de Saint-Pierre.

La délégation du Sénat a ainsi pu assister très concrètement à une séance de ce groupe de parole au cours de laquelle l'ensemble des participants - les auteurs de violences, pour certains d'entre eux accompagnés de leur conjoint, comme les invités extérieurs - ont été appelés à se présenter et à raconter leur première expérience de confrontation à la violence.

Au cours de la réunion de travail qui a suivi, le président de l'AFPDS a présenté le bilan de l'expérimentation de groupes de parole actuellement menée par son association.

Un premier groupe de parole avait été mis en place à l'intention de conducteurs interpellés en état alcoolique au volant, ou présentant des problèmes de comportement dangereux en état alcoolique, à la demande du Parquet. Ce « programme de prévention des violences en état alcoolique ou sous l'effet de drogues » ayant permis de réduire la récidive parmi les participants, un autre programme, baptisé « programme familial de prévention des violences conjugales » , a été engagé depuis juin 2007, à l'intention d'auteurs de violences conjugales. Sur 15 personnes inscrites, 13 ont participé aux réunions.

L'injonction de participer à ce groupe de parole est actuellement prononcée par le Parquet au titre d'alternative aux poursuites judiciaires. A terme, cette mesure pourrait également être mise en oeuvre à la sortie de prison, dans le cadre des aménagements de peine.

Mme Catherine Séry-Baudry, vice-procureur de la République, a souligné l'acuité du problème des violences conjugales à La Réunion, où l'indice global de violence conjugale est presque deux fois plus élevé qu'en métropole. La consommation d'alcool constitue un facteur aggravant ; selon la représentante du Parquet, elle serait à l'origine d'environ 70 % des infractions au total.

Mme Catherine Séry-Baudry a fait part de son inquiétude au sujet du comportement des hommes condamnés pour violences conjugales, qui souvent sortent de prison en ayant comme seule idée en tête celle de « massacrer » leur ex-compagne.

Elle a ainsi cité le cas d'un détenu au comportement exemplaire en détention, qui a assassiné son ancienne compagne dès sa sortie de prison.

Après avoir rappelé que la justice ne pouvait pas enfermer définitivement ces hommes et n'était malheureusement pas en mesure de garantir la sécurité de toutes les femmes menacées, elle a souhaité que des groupes de parole puissent aussi être mis en place au cours de l'incarcération et qu'un suivi des hommes violents puisse être réalisé à leur sortie de prison, afin de prévenir la récidive, tout en reconnaissant la difficulté pratique d'organiser des groupes de parole dans des prisons souvent vétustes.

Elle a néanmoins exprimé son souci de veiller à ce que la justice ne soit pas instrumentalisée par les femmes dans ces affaires de violences conjugales.

Par ailleurs, elle a fait part de sa préoccupation à l'égard du nombre élevé de grossesses de femmes mineures ; environ 600 enfants naissent chaque année de mères mineures (dont une centaine de moins de 16 ans) et ce nombre reste stable, en dépit de l'augmentation de celui des IVG.

Enfin, le responsable de l' EMAP (École des Métiers d'Accompagnement à la Personne) , association partenaire de l'AFPDS, a présenté les programmes de formation mis en place par cette association afin de former les personnes susceptibles d'apporter leur aide à des personnes en situation d'exclusion, ou à des personnes âgées atteintes par la maladie d'Alzheimer, par exemple.

À ce sujet, Mme Anne-Marie Payet a souligné l'importance des besoins existant dans le secteur des services à la personne dans les départements d'outre-mer et souhaité que ce secteur puisse bénéficier d'une mesure de défiscalisation dans le cadre de la prochaine loi de programme sur l'outre-mer.

Ce déplacement, qui a fait l'objet d'une communication présentée à la délégation le 21 novembre 2007, a permis de constater que de nombreuses actions, souvent originales, étaient menées avec beaucoup de dynamisme par le monde associatif en faveur des droits des femmes à La Réunion, en particulier en matière de lutte contre les violences conjugales. Ces expériences pourraient utilement servir d'inspiration pour des actions à mener en métropole.

B. LA PARTICIPATION DE MME GISÈLE GAUTIER, PRÉSIDENTE, EN QUALITÉ D'OBSERVATRICE, À LA CONFÉRENCE SOCIALE SUR L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE, LE 26 NOVEMBRE 2007

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, a convié Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, à assister en qualité d'observatrice à la Conférence sociale sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qu'il a organisée le 26 novembre 2007.

Sous la présidence de M. Xavier Bertrand, accompagné de Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, cette conférence a rassemblé des représentants des organisations syndicales et des organisations patronales, des représentants des ministères du travail, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que, en qualité d'observateurs, des parlementaires représentant les délégations aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Après les interventions liminaires de M. Xavier Bertrand et de Mme Valérie Létard, Mme Odile Quintin, directeur général à la Direction générale Éducation et Culture de la Commission européenne, a présenté les conclusions des deux groupes de travail préparatoires mis en place par le Gouvernement, dont elle était rapporteur général, et qui étaient consacrés respectivement, pour le premier d'entre eux, à l'égalité salariale proprement dite et, pour le second, aux facteurs structurels constituant des freins à l'égalité professionnelle, comme la formation, la mixité des métiers et les filières de formation, ou encore l'articulation des temps de vie personnelle et de vie professionnelle.

Puis un tour de table a permis à l'ensemble des participants d'exprimer leur point de vue.

Mme Gisèle Gautier, présidente, est intervenue pour rappeler les nombreux travaux menés par la délégation du Sénat aux droits des femmes sur le thème de l'égalité professionnelle et, en particulier, le sondage téléphonique commandé à l'IFOP sur l'application de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite « loi Génisson ». Elle s'est déclarée favorable à la mise en place de sanctions financières à l'égard des entreprises qui ne respecteraient pas les obligations prévues par les lois en faveur de l'égalité salariale.

Par ailleurs, elle a déploré la ségrégation professionnelle des femmes dans un nombre limité de filières, qui résulte largement d'une orientation stéréotypée et sexuée, en précisant que la délégation avait retenu ce sujet comme thème d'étude cette année. Afin de remédier à cette situation, elle a notamment souhaité un rapprochement entre le monde économique et le monde de l'enseignement, ainsi qu'une amélioration de la formation du corps enseignant sur ces questions.

À l'issue de la Conférence, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, a annoncé que le Gouvernement présenterait un projet de loi tendant à instituer des sanctions financières applicables aux entreprises de plus de 50 salariés qui n'auraient pas mis en place d'ici au 31 décembre 2009, sur la base d'un rapport de situation comparée, un plan de résorption des écarts salariaux entre les hommes et les femmes.

C. LA PARTICIPATION DE MME GISÈLE GAUTIER, PRÉSIDENTE, À L'HOMMAGE RENDU À MME MARCELLE DEVAUD À L'OCCASION DE SON CENTIÈME ANNIVERSAIRE, LE 22 JANVIER 2008

Le 22 janvier 2008, Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, a participé à la réception donnée à la présidence du Sénat en l'honneur de Mme Marcelle Devaud à l'occasion de son centième anniversaire, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président du Sénat, et en présence de Mme Michèle André, vice-présidente du Sénat.

Au cours de cette réception, M. Christian Poncelet, président du Sénat, Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes, et Mme Monique Halpern, présidente de la Coordination du lobby européen des femmes (CLEF), ont successivement rendu hommage à Mme Marcelle Devaud qui, au cours d'une longue carrière politique, a notamment siégé au Conseil de la République 6 ( * ) , dont elle fut vice-présidente de 1948 à 1951, à l'Assemblée nationale, au Conseil économique et social et à la Commission sur la condition de la femme de l'Organisation des Nations Unies (ONU).

Mme Gisèle Gautier a salué l'exemplarité du rôle joué par Mme Marcelle Devaud en faveur de l'égalité et de la solidarité entre les hommes et les femmes, après avoir notamment évoqué sa participation à l'élaboration des grandes réformes législatives concernant les femmes et ses multiples engagements associatifs au niveau national et international.

D. L'AUDITION DE MME GISÈLE GAUTIER, PRÉSIDENTE, PAR LA COMMISSION DE RÉFLEXION SUR L'IMAGE DE LA FEMME DANS LES MÉDIAS, PRÉSIDÉE PAR MME MICHÈLE REISER, LE 26 MARS 2008

Le 26 mars 2008, Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, a été auditionnée par la Commission de réflexion sur l'image de la femme dans les médias, qui a été mise en place le 27 février 2008 par Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, et dont la présidence a été confiée à Mme Michèle Reiser, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Cette audition a permis à Mme Gisèle Gautier de présenter les travaux menés par la délégation sur ce sujet, qui ont fait l'objet de son rapport d'activité 7 ( * ) pour la session 2006-2007, intitulé « Quelle place pour les femmes dans les médias ? » .

Ce rapport a notamment mis en évidence qu'en dépit de l'existence d'un encadrement juridique précis et d'un système d'autorégulation, des dérives subsistaient dans l'utilisation de l'image de la femme, notamment dans la publicité, avec des atteintes à la dignité de la personne humaine, à travers des publicités choquantes ou dévalorisantes et des représentations de la femme trop souvent stéréotypées.

E. LA PARTICIPATION DE MME GISÈLE GAUTIER, PRÉSIDENTE, AUX « PREMIÈRES RENCONTRES PARLEMENTAIRES POUR L'ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES ET LE RESPECT DE LA DIVERSITÉ », LE 17 JUIN 2008

Le 17 juin 2008, Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, a participé aux « Premières rencontres parlementaires pour l'égalité hommes-femmes et le respect de la diversité » , coprésidées par Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et M. Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), à Paris, à la Maison de la Chimie.

Au cours de cette journée, Mme Gisèle Gautier a présidé une table ronde sur le thème « Favoriser l'égalité salariale », en sa qualité de présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

ANNEXES DE LA PREMIÈRE PARTIE

- Annexe 1 : Composition de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

- Annexe 2 : Activité de la délégation

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

La Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes comprend 25 sénatrices et 11 sénateurs.

Sa composition est la suivante :

Présidente

Mme

Gisèle

GAUTIER

Loire-Atlantique

UMP

Vice-présidents

Mme

Paulette

BRISEPIERRE

Français établis hors de France

UMP

Mme

Janine

ROZIER

Loiret

UMP

M.

Patrice

GÉLARD

Seine-Maritime

UMP

Mme

Gisèle

PRINTZ

Moselle

Soc.

Mme

Annie

DAVID

Isère

CRC

M.

Yvon

COLLIN

Tarn-et-Garonne

RDSE

Secrétaires

M.

Jean-Guy

BRANGER

Charente-Maritime

UMP

Mme

Joëlle

GARRIAUD-MAYLAM

Français établis hors de France

UMP

M.

Yannick

BODIN

Seine-et-Marne

Soc.

Mme

Yolande

BOYER

Finistère

Soc.

Membres

Mme

Jacqueline

ALQUIER

Tarn

Soc.

M.

David

ASSOULINE

Paris

Soc.

Mme

Brigitte

BOUT

Pas-de-Calais

UMP

Mme

Claire-Lise

CAMPION

Essonne

Soc.

Mme

Monique

CERISIER ben GUIGA

Français établis hors de France

Soc.

M.

Gérard

CORNU

Eure-et-Loir

UMP

Mme

Isabelle

DEBRÉ

Hauts-de-Seine

UMP

Mme

Sylvie

DESMARESCAUX

Nord

NI

Mme

Muguette

DINI

Rhône

UC-UDF

Mme

Josette

DURRIEU

Hautes-Pyrénées

Soc.

M.

Alain

GOURNAC

Yvelines

UMP

Mme

Françoise

HENNERON

Pas-de-Calais

UMP

Mme

Christiane

HUMMEL

Var

UMP

Mme

Christiane

KAMMERMANN

Français établis hors de France

UMP

Mme

Bariza

KHIARI

Paris

Soc.

M.

Serge

LAGAUCHE

Val-de-Marne

Soc.

Mme

Elisabeth

LAMURE

Rhône

UMP

M.

Philippe

NACHBAR

Meurthe-et-Moselle

UMP

M.

Georges

OTHILY

Guyane

RDSE

Mme

Anne-Marie

PAYET

La Réunion

UC-UCF

Mme

Catherine

PROCACCIA

Val-de-Marne

UMP

Mme

Esther

SITTLER

Bas-Rhin

UMP

Mme

Odette

TERRADE

Val-de-Marne

CRC

Mme

Catherine

TROENDLE

Haut-Rhin

UMP

M.

André

VALLET

Bouches-du-Rhône

UC-UDF

ANNEXE 2 : ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION

Au cours de la session 2007-2008, la délégation a tenu 21 réunions, d'une durée totale d'environ 30 heures.

Son activité est retracée dans le calendrier ci-après :

Mardi 25 septembre 2007

13 h 00

Déjeuner de travail du Bureau de la délégation.

Mardi 2 octobre 2007

16 h 30

Audition de Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Jeudi 11 octobre 2007

Déplacement de Mme Gisèle Gautier, présidente, à Genève : participation au séminaire de l'Union interparlementaire (UIP) sur l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW).

Mercredi 17 octobre 2007

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelles : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- Mme Christel Gilles, chargée de mission au département travail, emploi, formation du Centre d'analyse stratégique.

Du jeudi 18 au dimanche 21 octobre 2007

Déplacement de Mme Gisèle Gautier, présidente, à La Réunion : rencontres avec des responsables d'associations de défense des droits des femmes.

Mercredi 31 octobre 2007

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- M. Bernard Thomas, délégué interministériel à l'orientation.

Mercredi 7 novembre 2007

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- M. Michel Quéré, directeur du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), accompagné de Mme Dominique Epiphane et de M. Thomas Couppié, chargés d'études au département des entrées dans la vie active (DEVA) ;

- Communication de Mme Gisèle Gautier, présidente, à la suite de son déplacement à Genève à l'occasion de la 117 e Assemblée de l'Union interparlementaire (UIP), sur les travaux du Comité de coordination des femmes parlementaires de l'UIP.

Mercredi 21 novembre 2007

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au CNRS ;

- Communication de Mme Gisèle Gautier, présidente, à la suite de son déplacement à La Réunion, sur les actions menées par les associations de défense des droits des femmes dans ce département d'outre-mer.

Jeudi 22 novembre 2007

9 h 00

Entretien de Mme Annie David, vice-présidente, avec une délégation de parlementaires haïtiennes.

Lundi 26 novembre 2007

Participation de Mme Gisèle Gautier, présidente, en qualité d'observatrice, à la conférence sociale sur l'égalité professionnelle.

Mercredi 28 novembre 2007

Réunion, organisée par M. Jean-Guy Branger et ouverte aux membres de la délégation, du groupe régional des parlementaires de référence de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dans le cadre de la campagne de lutte contre les violences à l'égard des femmes.

Vendredi 30 novembre 2007

Intervention en séance publique de Mme Gisèle Gautier, présidente, sur les crédits en faveur des droits des femmes de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2008.

Mercredi 5 décembre 2007

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- Mme Irène Tharin, ancienne députée du Doubs, auteur d'un rapport au Gouvernement intitulé « Orientation, réussite scolaire : ensemble, relevons le défi ».

Vendredi 7 et samedi 8 décembre 2007

Déplacement de Mme Catherine Procaccia à Genève : participation au séminaire de l'UIP sur le thème « Les femmes et le travail ».

Mercredi 12 décembre 2007

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

Table ronde avec :

- Mme Marie-Jeanne Campana , présidente de l' Association française des femmes juristes , accompagnée de Mme Béatrice Castellane , vice-présidente ;

- Mme Marie-Dominique Ghnassia , présidente de l' Association française des femmes médecins , accompagnée du Dr. Cécile Renson , membre du conseil d'administration de l'association ;

- Mme Véronique Slovacek-Chauveau , vice-présidente de l' association « Femmes et mathématiques » ;

- Mme Nathalie Tournyol du Clos , présidente de l' Association des femmes haut fonctionnaires ;

- Mme Tita Valade , présidente de l' Association française des femmes diplômées d'université , accompagnée de Mme Evelyne d'Auzac de Lamartinie , trésorière nationale de l'association.

Mercredi 19 décembre 2007

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Mercredi 19 décembre 2007
16 h 00

Entretien de Mme Gisèle Gautier, présidente, avec Mme Birgitta Ohlsson, députée suédoise.

Mercredi 9 janvier 2008
14 h 15

- Audition de Mme Françoise Gaspard, experte du Comité chargé de surveiller l'application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes (CEDAW) ;

- Communication de Mme Gisèle Gautier, présidente , à la suite de son déplacement à Genève à l'occasion de la 117 e Assemblée de l'Union interparlementaire (UIP), sur les travaux du séminaire d'information sur l'application de la CEDAW.

Mercredi 16 janvier 2008
14 h 15

- Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- Mme Sylvie Cheula , vice-présidente de l' Association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation (AND-CIO), accompagnée de Mme Françoise Calvet , membre de l'AND-CIO ;

- Mme Odile Mallick , vice-présidente de l' Association des conseillers d'orientation psychologues (ACOP), accompagnée de Mme Sylvie Amici , membre du conseil d'administration de l'association ;

- Communication de Mme Catherine Procaccia, à la suite de son déplacement à Genève les 7 et 8 décembre 2007, sur les travaux du séminaire de l'Union interparlementaire (UIP) sur le thème : « Les femmes et le travail ».

Mercredi 22 janvier 2008

18 h 00

Participation de Mme Gisèle Gautier, présidente, à l'hommage rendu par le Sénat à Mme Marcelle Devaud, ancienne vice-présidente du Sénat sous la IV e République, à l'occasion de son 100 ème anniversaire.

Mercredi 23 janvier 2008
14 h 15

- Nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général ;

- Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

Table ronde avec les représentants des principaux syndicats d'enseignants :

- Fédération syndicale unitaire (FSU) : Mmes Marie-Caroline Guerin, Nina Charlier et Sophie Boniface, membres de la commission « droits des femmes » ;

- Syndicats généraux de l'éducation nationale -Confédération française démocratique du  travail (SGEN-CFDT) : M. Albert Ritzenthaler , secrétaire national et Fanchette Le Neuthiec , secrétaire fédérale ;

- Syndicat national des lycées et collèges (SNALC) : Mmes Michèle Houel , vice-présidente, Claire Mazeron , secrétaire nationale à la pédagogie, et M. Richard Piquet , administrateur général.

Mercredi 23 janvier 2008
16 h 30

Entretien de Mme Gisèle Gautier, présidente, avec une délégation de parlementaires sénégalaises.

Mercredi 30 janvier 2008

14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

Table ronde avec les représentants des principales associations de parents d'élèves :

- Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) : M. Faride Hamana , président, et Mme Dominique Padro , vice-présidente ;

- Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP) : Mme Corinne Tapiero , vice-présidente, accompagnée de Mme Bernadette Crenet-Held , trésorière-adjointe ;

- Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) : Mme Dominique Dhooge , membre du bureau national, accompagnée de M. Christophe Abraham , délégué aux relations extérieures ;

- Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (UNAAPE) : Mme Anna Ang , secrétaire générale et Mme Marie-Christine Buge-Longour , présidente de l'Union régionale des associations autonomes de parents d'élèves (URAAPE) Ile-de-France.

Mardi 5 février 2008

16 h 00

Examen du rapport d'information oral de Mme Gisèle Gautier sur la proposition de loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général.

Jeudi 6 mars 2008

Déplacement de Mme Gisèle Gautier, présidente, et de Mmes Jacqueline Alquier et Brigitte Bout à Bruxelles : participation à une conférence internationale organisée par le Parlement européen sur le thème « Le rôle des femmes dans le dialogue interculturel ».

Mardi 25 mars 2008

16 h 30

- Nomination d'un rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

- Audition de M. Louis Schweitzer, président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).

Mercredi 26 mars 2008

10 h 00

Audition de Mme Gisèle Gautier, présidente, par la commission de réflexion sur l'image de la femme dans les médias, présidée par Mme Michèle Reiser.

Mardi 1 er avril 2008

16 h 30

Examen du rapport d'information de Mme Christiane Hummel sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations .

Jeudi 3 avril 2008

Déplacement de Mmes Gisèle Gautier, présidente, Yolande Boyer, Christiane Kammermann et Anne-Marie Payet en Loire-Atlantique sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers .

Mardi 8 avril 2008

16 h 30

Auditions sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

16 h 30 - Mouvement des entreprises de France (MEDEF) : Mme Armelle Carminati, vice-présidente « engagement diversité » d'Accenture France, membre du bureau de la commission « nouvelles générations » du MEDEF ;

17 h 15 - Confédération générale des petites et   moyennes entreprises (CGPME) : Mme Geneviève Bel, vice-présidente déléguée à l'entrepreneuriat au féminin et M. Jean-Michel Pottier, président de la commission « formation ».

Mercredi 9 avril 2008
9 h 30

Entretien de Mme Gisèle Gautier, présidente, avec Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Mercredi 30 avril 2008
14 h 30

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

- Mme Marie-Jeanne Philippe , recteur de l'académie de Besançon, présidente du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif.

Mercredi 7 mai 2008
14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

Fédération française du bâtiment :

- M. Jean-Luc Sethi, entrepreneur, chef de file du projet « 30 000 femmes sur les chantiers à l'horizon 2009 » ;

- Mme Odette Repellin, chef du département formation.

Mercredi 14 mai 2008
14 h 15

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

Table ronde avec des représentants des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers et des chambres d'agriculture :

Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) :

- Mme Eveline Duhamel, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, secrétaire du bureau de l'ACFCI ;

Assemblée permanente des chambres des métiers (APCM) :

- Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre des métiers et de l'artisanat de la Meurthe-et-Moselle ;

Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) :

- M. Jean-Pierre Boisson, président de la chambre d'agriculture du Vaucluse, membre du bureau de l'APCA.

Jeudi 15 mai 2008
(9 h 00 - 12 h 30)

Participation de Mme Gisèle Gautier, présidente, à un colloque organisé à l'Assemblée nationale par la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sur les violences faites aux femmes au sein du couple (présidence d'une table ronde sur la prévention et la formation).

Mercredi 21 mai 2008
14 h 30

Audition sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers :

Union nationale des associations « Retravailler » :

- Mme Nathalie Le Breton, présidente ;

- Mme Françoise Fillon, déléguée générale.

Lundi 2 juin 2008
(10 h 00 - 16 h 00)

Déplacement de Mme Gisèle Gautier, présidente, à Bruxelles : participation à la réunion constitutive du « Réseau européen de femmes dans les postes décisionnels » mis en place par la Commission européenne.

Mardi 10 juin 2008
(18 h 00 - 21 h 00)

Introduction par Mme Gisèle Gautier, présidente, de la projection en avant-première du film « Sagan » organisée par la Présidence du Sénat.

Mardi 17 juin 2008
(9 h 00 - 16 h 30)

Participation de Mme Gisèle Gautier, présidente, aux « Premières rencontres parlementaires pour l'égalité hommes-femmes et le respect de la diversité » coprésidées par Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Louis Schweitzer (présidence d'une table ronde sur l'égalité salariale).

Mercredi 18 juin 2008
14 h 15

Examen du rapport annuel d'activité 2007-2008 portant, notamment, sur le thème Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers.

DEUXIÈME PARTIE - ORIENTATION ET INSERTION PROFESSIONNELLE : VERS UN RÉÉQUILIBRAGE ENTRE FEMMES ET HOMMES DANS TOUS LES MÉTIERS
AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Votre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a choisi cette année de s'intéresser plus particulièrement au thème de l'orientation et de l'insertion professionnelle, sous l'angle d'un nécessaire rééquilibrage entre femmes et hommes dans l'ensemble des métiers.

En effet, si les filles réussissent aujourd'hui dans leurs études aussi bien, voire mieux, que les garçons et sont souvent plus diplômées qu'eux, cette réussite ne trouve pas sa traduction logique dans la vie professionnelle. Les femmes restent majoritairement cantonnées dans quelques secteurs d'activité, comme le secteur social ou médical, l'enseignement, ou encore les services à la personne, où elles occupent des professions peu diversifiées et souvent peu qualifiées. A l'inverse, elles sont traditionnellement très peu présentes dans les filières scientifiques et techniques et les métiers de l'industrie et du bâtiment.

Cette ségrégation des emplois selon le genre constitue un facteur structurel d'inégalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que l'ont notamment montré les travaux de la Conférence sociale organisée par le Gouvernement sur ce thème le 26 novembre dernier.

Or, cette ségrégation professionnelle découle largement d'une orientation stéréotypée selon le sexe et mal adaptée aux besoins du marché du travail, alors qu'il apparaît souhaitable de parvenir à un équilibre entre hommes et femmes dans les différents métiers pour favoriser tant l'égalité professionnelle que l'efficacité économique.

*

La délégation a donc souhaité rechercher quelles améliorations pourraient être apportées en matière d'orientation et d'insertion professionnelle pour parvenir à ce rééquilibrage.

Elle a mené à bien un large programme d'auditions sur ce thème, d'octobre 2007 à mai 2008. Au cours de 15 réunions, d'une durée totale de 21 heures 30, elle a entendu 52 personnes, parmi lesquelles des représentants du Centre d'analyse stratégique (CAS) et du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), du monde de l'éducation (conseillers d'orientation-psychologues, enseignants, parents d'élèves), des entreprises (Mouvement des entreprises de France [MEDEF], Confédération générale des petites et moyennes entreprises [CGPME], Fédération française du bâtiment [FFB], chambres consulaires), du monde associatif et du service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE) du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, ainsi que diverses personnalités qualifiées, comme Mme Catherine Marry, sociologue, Mme Irène Tharin, ancienne députée, auteur d'un rapport au Gouvernement sur l'orientation, ou Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur, présidente du Comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif.

Elle a complété ce programme d'auditions par un déplacement sur le terrain dans la région nantaise, le 3 avril 2008, auquel ont participé Mmes Gisèle Gautier, présidente, Yolande Boyer, Christiane Kammermann et Anne-Marie Payet.

À l'occasion de ce déplacement, des représentants de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), du Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), de l'Institut catholique d'arts et métiers de Nantes (ICAM) et de la Maison de l'orientation et de l'emploi de Carquefou ont présenté aux membres de la délégation les actions menées par ces différents organismes en faveur de l'insertion professionnelle des femmes dans les métiers considérés traditionnellement comme masculins. Ce déplacement leur a également permis de rencontrer des jeunes femmes suivant ou ayant suivi des formations en vue d'une insertion dans les métiers du bâtiment ou de l'industrie, comme par exemple les métiers de « peintre en bâtiment » ou de « chaudronnière ».

*

Au terme de ces travaux, les constats et réflexions de la délégation s'articulent autour de trois axes :

- la réussite scolaire des femmes n'a pas encore eu raison de leur ségrégation professionnelle ;

- la contribution du système éducatif à l'égalité passe par une révision du système d'orientation et une complémentarité de tous les acteurs ;

- freinée par un déficit d'information, l'insertion professionnelle des femmes dans des métiers considérés traditionnellement comme masculins doit être facilitée.

I. LA RÉUSSITE SCOLAIRE DES FILLES N'A PAS ENCORE EU RAISON DE LA SÉGRÉGATION PROFESSIONNELLE

Depuis sa création, la délégation sénatoriale aux droits des femmes a mis en évidence, à de nombreuses reprises, un paradoxe : la réussite incontestable des filles dans leurs études ne trouve pas complètement sa traduction dans la vie professionnelle, puisque leurs carrières et leurs rémunérations restent en retrait par rapport à celles des hommes.

Le constat, ces dernières années, de l'essoufflement de la réduction des écarts de salaires, qui reste encore au voisinage de 20 %, a notamment justifié l'adoption de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Approuvant les mesures notamment destinées à renforcer l'arsenal juridique relatif à la négociation sociale, votre délégation avait cependant souligné l'importance des facteurs structurels qui expliquent cette inertie.

Deux années plus tard, le moment lui a paru particulièrement propice à cibler l'enjeu essentiel que constitue la lutte contre la ségrégation sexuée de l'emploi dans notre pays, ce qui implique, en particulier de remédier aux anomalies de l'orientation.

Depuis deux ans, la réussite scolaire et universitaire des jeunes femmes s'est poursuivie : leur taux de succès au baccalauréat est par exemple de 4 % supérieur à celui des garçons. Pourtant, les « bastions » d'emplois masculins, ainsi que les écarts de rémunération, ne se réduisent pas sensiblement, en France comme dans la plupart des pays de l'Union européenne.

Cette situation comporte le risque de dissuader les jeunes diplômées d'intensifier leur contribution à la production de biens et services à un moment de notre histoire économique où les besoins immédiats et prévisibles de main-d'oeuvre sont croissants. Dans ce contexte où les entreprises sont conduites à se livrer à une véritable « guerre des talents », un certain nombre de représentants de branches professionnelles et d'entreprises entendus par la délégation se sont d'ores et déjà mobilisés pour améliorer la mixité et l'harmonie de leur recrutement.

Votre délégation appelle à une généralisation de ce sursaut en faveur du rééquilibrage des genres dans le monde du travail. Elle estime qu'un des défis majeurs de notre pays est de promouvoir une orientation des élèves et un recrutement des personnes gouvernés par leurs aptitudes plus que par les préjugés sexistes.

A. L'INCONTESTABLE RÉUSSITE SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE DES FILLES

Depuis le début du XX e siècle, l'allongement général des études est le facteur central de l'évolution des destinées scolaires. Dans ce contexte, Mme Catherine Marry, sociologue et directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a souligné, lors de son audition par la délégation, le « fait social majeur » que constitue le renversement historique de la réussite scolaire et universitaire au profit des filles.

1. Le constat en France

« Les filles réussissent mieux scolairement que les garçons et ce quel que soit le niveau d'enseignement et quelle que soit la filière ou discipline considérée » ; tel est le diagnostic récurrent dressé depuis plusieurs années par la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère en charge de l'Education nationale. Cette réussite s'est propagée dans l'enseignement supérieur et débouche sur le constat d'une main d'oeuvre féminine plus diplômée que la moyenne.

a) Les meilleurs taux de succès au baccalauréat

À travers les batteries d'indicateurs, l'un des plus pertinents demeure le taux de réussite au baccalauréat. À cet égard, et comme l'a rappelé la délégation dans son rapport d'information n° 210 (2002-2003) présenté par Mme Gisèle Gautier, présidente, et consacré aux inégalités salariales entre les hommes et les femmes, c'est à partir des générations nées au début des années 1950 que la proportion de bachelières a dépassé régulièrement la proportion de bacheliers et à partir des générations nées en 1955 que les jeunes filles ont commencé à sortir plus fréquemment diplômées de l'enseignement supérieur que les jeunes hommes.

Se référant, en matière de réussite à la session 2004 du baccalauréat , aux chiffres publiés dans l'édition 2005 de la brochure « Repères et références statistiques » sur les enseignements, la formation et la recherche publiée par le ministère de l'Éducation nationale, Mme Catherine Marry a rappelé à la délégation, que toutes séries confondues et dans la grande majorité d'entre elles, les filles réussissaient mieux que les garçons (81,8 % contre 77,4 %).

L'écart des taux de réussite entre les sexes s'amenuise : 4,4 points en 2004 contre 5,2 en 2002. Selon les derniers chiffres publiés par l'INSEE en novembre 2007, 83,7 % des filles candidates au baccalauréat à la session 2006 ont réussi l'examen contre 80,2 % des garçons, soit un écart moyen de 3,5 %. Le taux de succès des filles est supérieur à celui des garçons dans toutes les filières : + 3,2 % au baccalauréat professionnel, + 4,9 % au baccalauréat technologique, et + 1,1 % au baccalauréat général.

La délégation note que, contrairement à une idée reçue, dans la filière générale, la réussite des filles dépasse celle des garçons non seulement dans les disciplines littéraires ou en sciences économiques et sociales, mais également dans les matières scientifiques avec 90,6 % de taux de succès pour les filles et 88 % pour les garçons. De façon encore plus détaillée, les données publiées par l'INSEE chiffrent l'avance des filles à 1,5 % en mathématiques, à 6 % en sciences de la vie et de la Terre et à 2,3 % en physique-chimie.

Résultats au baccalauréat par série

Session 2006

Session 2007 *

Session 1995

Présentés

Taux de réussite en pourcentage

Total

Filles

Ensemble

Garçons

Filles

Ensemble

Ensemble

Baccalauréat général

326 674

57,6

86,6

85,9

87,0

87,6

75,1

Littéraires

60 998

80,9

83,3

80,6

83,9

84,3

71,3

Sciences économiques et sociales

101 861

63,3

84,4

82,8

85,3

88,3

73,0

Scientifiques

163 815

45,4

89,1

88,0

90,6

88,4

78,5

dont

mathématiques

37 123

38,3

93,5

92,9

94,4

-

-

sciences de la vie et de la Terre

57 179

57,6

85,4

81,9

87,9

-

-

physique-chimie

57 008

44,1

90,9

89,9

92,2

-

-

Baccalauréat technologique

181 950

50,9

77,3

74,8

79,7

79,5

75,5

Baccalauréat professionnel

130 037

41,2

77,3

76,0

79,2

77,9

72,7

Ensemble

638 661

52,4

82,1

80,2

83,7

83,3

74,9

* Données provisoires France métropolitaine et Dom.

Source : ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Depp.

Aucun intervenant entendu par la délégation n'a tiré argument de ces écarts statistiques, finalement limités, pour préconiser des mesures générales de soutien scolaire en faveur des garçons. En revanche, l'un des indicateurs utilisé en application de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 (LOLF), est la « proportion de filles en classes terminales des filières scientifiques et techniques » (indicateur n° 10, objectif 1, programme 2), tandis que le rapport annexé à la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école fixe à l'Éducation nationale l'objectif suivant : « la proportion de jeunes filles dans les séries scientifiques générales et technologiques augmentera de 20 % » . Il est souhaitable que cet engagement solennel inspiré par les recommandations de l'Union européenne soit respecté : concrètement, il s'agit de passer de 39 % de filles en terminale scientifique et technique aujourd'hui à 45 % en 2010.

Toutefois, ces chiffres ne doivent pas faire oublier, comme l'ont signalé plusieurs personnes auditionnées par la délégation, deux phénomènes inquiétants et persistants depuis plusieurs années : celui de l'échec scolaire qui frappe tout particulièrement les garçons issus des minorités visibles , en amont du baccalauréat, et le recul en termes de mixité et d'égalité entre femmes et hommes qui menace de s'aggraver pour certaines jeunes filles des « quartiers » .

b) Une réussite qui se prolonge dans l'enseignement supérieur

Les jeunes filles poursuivent leurs études plus longtemps que les garçons, tout en redoublant plus rarement. Au-delà du baccalauréat, il y a aujourd'hui 127 filles pour 100 garçons dans l'enseignement supérieur . Au début des années 2000, les femmes représentaient 56,4 % des effectifs du premier cycle, 58 % des effectifs du second cycle et 50 % des effectifs du troisième cycle. À cet égard, Mme Myriam Pradet, psychologue et maître de conférences à l'université de Rennes II, observe, sur la base des effectifs d'étudiants de son établissement d'enseignement supérieur, que, compte tenu de leurs bonnes performances globales, la proportion de jeunes filles en maîtrise ou en troisième cycle reste anormalement faible.

Du point de vue de l'égalité des genres, la principale  anomalie, dans le panorama des étudiants de l'enseignement supérieur présenté dans le tableau ci-après, est la proportion de femmes dans les écoles d'ingénieurs : quoiqu'en progression régulière depuis 1990, elle demeure en 2007 limitée à 25,7 %.

Inversement, il conviendrait de favoriser l'orientation des hommes vers les écoles paramédicales et sociales en dehors de l'université, dont ils ne représentent que 16,7 % des effectifs , en inversant la tendance à la diminution de ce pourcentage.

De même, les femmes sont aujourd'hui largement majoritaires parmi les enseignants, en particulier à l'école primaire : on constate, à cet égard, que les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sont féminisés à 70 %. S'agissant de la filière juridique, et selon les données sociales 2006 8 ( * ) , la proportion de femmes engagées dans des études de droit à l'université est passée de 54,4 % en 1985 à 63,5 % en 2001, ce qui explique, en partie, la féminisation croissante de la profession de magistrat.

Les étudiants dans l'enseignement supérieur

Type d'établissement

Effectifs

Part des femmes en pourcentage

1990-1991

2000-2001

2006-2007

1990-1991

2000-2001

2006-2007

Universités (hors IUT et formations d'ingénieurs)

1 075 064

1 254 288

1 259 425

55,8

57,7

59,0

Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM)

80 184

74 161

69,5

69,9

Instituts universitaires de technologie (IUT)

74 328

119 244

113 769

36,9

39,7

38,4

Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE)

64 427

70 263

76 160

35,0

39,5

42,0

Sections de techniciens supérieurs (STS)

199 333

238 894

228 329

50,5

51,0

50,0

Écoles d'ingénieurs

57 653

96 487

108 846

19,9

22,2

25,7

Écoles de commerce

46 128

63 392

87 333

44,4

46,2

48,1

Écoles d'architecture

15 702

15 997

19 836

38,2

44,7

51,5

Écoles supérieures artistiques et culturelles

23 363

32 872

39 791

58,6

57,4

59,9

Écoles paramédicales et sociales hors université

74 435

93 386

131 654

81,4

81,2

83,3

Autres écoles

86 627

95 246

115 082

57,6

52,7

53,7

Ensemble du supérieur

1 717 060

2 160 253

2 254 386

53,2

54,6

55,9

Champ : France métropolitaine et Dom.

Source : ministère de l'Éducation nationale et ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Depp

Part des femmes dans le supérieur en 1985 et en 2001

Type d'établissement

Filière

1985

2001

Institut universitaire de technologie (IUT)

Production

Services

Total

17,5

56,1

38,4

19,8

61,3

40,1

Sections de techniciens (STS)

Services

Production

Total

71,0

15,8

52,0

70,8

21,3

51,1

Écoles d'ingénieurs

18,2

22,9

Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE)

Scientifique

Littéraire

Économique

Total

26,3

68,9

-

33,2

27,2

76,6

54,7

40,5

Université

Droit

Économie AES

Lettres et sciences humaines

Médecine et Odontologie

Pharmacie

Sciences

Staps

Total

54,4

45,3

69,1

44,6

62,0

33,9

44,8

53,2

63,5

52,5

71,3

56,6

66,7

36,9

32,2

57,6

Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM)

-

70,5

Écoles d'art

60,2

59,4

Autres écoles du supérieur

66,9

61,9

Total du supérieur

52,3

55,0

Source : données sociales 2006

c) Les femmes se présentent sur le marché du travail avec plus de diplômes que les hommes
(1) Des générations de femmes de plus en plus diplômées

Au final, selon la vue générale qui ressort du tableau ci-après publié par l'INSEE, les jeunes générations de femmes d'âge actif ont un « capital » universitaire de plus en plus élevé par rapport à celui des hommes : 25 % des femmes de 25 à 34 ans ont aujourd'hui un diplôme de niveau supérieur à bac + 2, contre 20% des hommes du même âge. En revanche, elles sont moins nombreuses à être diplômées de l'enseignement professionnel.

Diplôme le plus élevé obtenu selon l'âge et le sexe (en 2006, en %)

25-34 ans

35-44 ans

45-54 ans

55-64 ans

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Aucun diplôme ou CEP

11,0

12,4

19,0

19,8

29,7

27,1

42,7

36,1

BEPC seul

5,0

6,3

8,7

6,6

11,4

8,1

9,5

7,2

CAP, BEP ou équivalent

15,8

21,4

26,5

35,0

23,2

34,2

21,0

28,3

Baccalauréat ou brevet professionnel

21,6

22,8

17,1

12,4

15,2

11,8

11,6

11,4

Baccalauréat + 2 ans

21,5

17,2

14,5

11,9

10,9

7,5

7,9

5,9

Diplôme supérieur

25,0

19,9

14,3

14,3

9,6

11,2

7,3

11,1

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Pourcentage de bacheliers ou plus

68,2

59,9

45,8

38,6

35,6

30,5

26,8

28,4

Note : résultats en moyenne annuelle

Champ : France métropolitaine, individus de 25 à 54 ans

Source : Insee, enquêtes Emploi du premier au quatrième trimestre 2006.

(2) Un levier essentiel de la féminisation des professions qualifiées et du rééquilibrage des genres sur le marché du travail

Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a très justement remarqué, lors de son audition, que les diplômes jouaient un rôle essentiel comme levier de la féminisation des professions qualifiées, relevant qu' a contrario , les femmes étaient beaucoup moins présentes dans les métiers dont l'accès n'est pas conditionné par la possession d'un diplôme, comme par exemple la politique.

Historiquement, l'accès des femmes aux diplômes les plus élevés de l'enseignement supérieur a fait sauter un verrou essentiel de leur accès aux professions supérieures . La première ouverture fut celle de la profession d'enseignante agrégée de lycée dans le dernier quart du XIX e siècle, grâce à la création des Écoles normales supérieures de jeunes filles de Sèvres et de Fontenay, en 1882 et 1884. Vinrent ensuite la médecine, dès la fin du XIX e , puis les professions du droit au début du XX e siècle.

Les professions d'expertise et d'encadrement dans les entreprises privées - dans les fonctions d'ingénieurs plus encore que dans les fonctions administratives et commerciales - ont résisté plus longtemps et résistent toujours à une vraie mixité.

Par ailleurs, d'après Mme Catherine Marry, un des freins à la féminisation des professions « scientifiques et techniques » dans les entreprises réside dans le rôle moins exclusif d'un diplôme reconnu par l'État pour leur exercice. À la différence des professions libérales et de l'enseignement, les techniciens, ingénieurs ou cadres techniques peuvent, en effet, accéder à leur catégorie par promotion à partir d'une expérience professionnelle (et souvent de formations complémentaires) comme ouvriers qualifiés pour les premiers, comme techniciens ou agents de maîtrise pour les seconds. Cet accès coexiste depuis longtemps avec l'accès direct de débutants diplômés. Or cette voie est plus difficile d'accès pour les femmes, largement absentes de cet espace de qualifications industrielles. Cependant, Mme Catherine Marry estime que les professions scientifiques et techniques où les femmes sont les moins nombreuses ne paraissent pas plus hostiles à la progression des femmes que d'autres professions où elles sont présentes en grand nombre et depuis longtemps : il est plus facile à une femme de devenir ingénieur quand elle est technicienne que médecin quand elle est infirmière, voire cadre administratif quand elle est secrétaire.

Globalement, aujourd'hui, en France, à l'issue de l'enseignement supérieur, précise le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), femmes et hommes entrent sur les mêmes segments du marché du travail et accèdent aux mêmes types de profession. Des écarts entre sexes persistent, mais ils sont ténus. Pour ces jeunes diplômés, les modalités d'insertion des filles et des garçons se caractérisent plus par leur proximité que par leurs différences. Les jeunes femmes diplômées sont d'ailleurs un peu moins au chômage que les jeunes hommes.

Plus généralement, l'élévation de la qualification des femmes coïncide avec une phase dans laquelle les économies des pays de l'OCDE comptent , selon cet organisme, de plus en plus sur une offre stable de travailleurs instruits, et cette tendance va probablement s'intensifier. Alors que les populations vieillissent, l'élévation des niveaux de formation et l'allongement de la vie active contribueront à abaisser les taux de dépendance et à alléger la charge que représente le financement des pensions relevant des régimes publics. Selon la synthèse des « Regards sur l'éducation 2007 » , trois principales tendances se dégagent des indicateurs :

- les taux d'emploi augmentent en même temps que s'élèvent les niveaux de formation dans la plupart des pays de l'OCDE. À de rares exceptions près, le taux d'emploi des diplômés du supérieur est nettement plus élevé que celui des diplômés de fin d'études secondaires ;

- l'emploi des femmes joue un rôle primordial dans le taux d'emploi global. Les sept pays qui enregistrent le taux global d'emploi le plus élevé pour le groupe d'âge 25-64 ans - le Danemark, l'Islande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse - sont aussi ceux où le taux global d'emploi des femmes est le plus fort ;

- les écarts de taux d'emploi entre les hommes et les femmes sont les plus importants dans les groupes de population relativement moins instruits. Parmi les personnes sorties du secondaire sans diplôme, les hommes ont 23 % de chances de plus que les femmes de trouver un emploi. L'écart n'est plus que de 10 points de pourcentage pour les personnes les plus qualifiées.

d) Une réussite encore trop affaiblie par une orientation moins « rentable »

Lors de son audition, Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a tempéré l'optimisme de ce constat de la réussite scolaire et universitaire des femmes en soulignant que la dynamique de l'égalité entre les genres restait encore inaboutie. En particulier, les orientations scolaires des filles demeurent dans l'ensemble moins « rentables » en termes de carrière : même si les femmes ont, en partie, délaissé les filières des lettres et des arts d'agrément, au profit du droit, de l'économie, de la gestion, même si elles ont largement investi les écoles de commerce, elles restent très minoritaires dans les grandes écoles scientifiques, ou dans les filières professionnelles et techniques industrielles .

Après le bac, les filles s'orientent plus souvent que les garçons vers l'université (66 %, contre 62 %), et moins vers les filières sélectives comme les instituts universitaires technologiques (8 %, contre 12 %) ou les classes préparatoires aux grandes écoles (10 %, contre 13 %).

Dans les classes préparatoires , les jeunes filles sont globalement minoritaires, puisqu'elles ne représentaient, en 2005-2006, que 41,6 % de l'ensemble des effectifs. De plus, on constate d'importants déséquilibres entre les différentes filières, avec moins de 30 % de filles dans les effectifs des classes scientifiques 9 ( * ) .

Dans l'enseignement professionnel, malgré leurs bonnes performances scolaires, les filles ne diversifient pas assez leur choix d'orientation : 8 filles sur 10 se regroupent dans les quatre spécialités de services (secrétariat, comptabilité, commerce, sanitaire et social). Elles s'engagent très rarement dans les sections industrielles alors que les garçons font des choix beaucoup plus variés. À la rentrée 2006-2007, les jeunes filles représentaient globalement 45,6 % des 720 000 lycéens professionnels. Le déséquilibre le plus frappant entre les genres est celui de l'orientation dans les filières professionnelles, puisque les jeunes filles ne forment que 14 % des effectifs préparant un CAP, un BEP ou un baccalauréat professionnel du secteur de la production, alors qu'elles représentent 70 % des élèves qui visent l'obtention des mêmes diplômes dans le secteur des services.

En outre, la proportion de jeunes filles parmi les apprentis se limite globalement à 30 % . La moitié des filles en apprentissage se retrouvent dans deux spécialités : « commerce et vente » (27 % des jeunes filles apprentis) ainsi que « coiffure, esthétique et autres soins » (21 %). Il faut, en revanche, cinq spécialités pour regrouper la même proportion de garçons en apprentissage. Ces derniers se retrouvent principalement en « agroalimentaire, alimentation, cuisine » (15 %), « bâtiment : finitions » (9,8 %), « moteurs et mécanique auto » (9 %), ainsi que « bâtiment : construction  et couverture» (8,6 %).

Selon la brochure « Filles et garçons à l'École, sur le chemin de l'égalité » publiée en 2008 par le ministère de l'Education nationale, « ce constat met en évidence la persistance des préjugés et des stéréotypes dans la société et sans doute aussi dans l'école. L'insertion professionnelle des filles pâtit ensuite de l'étroitesse de ces choix de départ. ». Cependant, ces différences d'orientation peuvent, en même temps, être dues aux meilleurs résultats des filles et à la dévalorisation injustifiée de « l'intelligence de la main ».

Au total, les filles connaissent une meilleure réussite scolaire que les garçons mais elles sont, au moment de leur choix d'orientation, encore peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail et ce choix a des conséquences ultérieurement en termes d'inégalités professionnelles et salariales. L'orientation constitue donc le talon d'Achille de la réussite scolaire des femmes , ainsi qu'il sera expliqué dans le II de la deuxième partie du présent rapport.

2. Un phénomène universel

Même si ses raisons demeurent mal élucidées, la réussite scolaire et universitaire des femmes s'observe dans la plupart des pays. Cependant, l'analyse plus détaillée de cette performance scolaire et de ses prolongements sur le marché du travail fait apparaître des déséquilibres majeurs que la délégation s'est efforcée de mettre en évidence pour mieux les combattre.

a) Le constat établi par l'OCDE

Les meilleurs résultats scolaires des filles ne sont pas propres à la France. Dans l'ensemble des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les filles ont maintenant plus de chances que les garçons d'aller au terme du deuxième cycle de l'enseignement secondaire - ce qui représente une inversion de tendance par rapport au passé. « Le taux de réussite des femmes est inférieur à celui des hommes uniquement en Corée, en Suisse et en Turquie ; leur taux est égal à celui des hommes uniquement en Slovénie. » 10 ( * )

Dans l'enseignement supérieur, en moyenne OCDE, les femmes représentent 59 % des diplômés de l'université pour le premier cycle, 60 % pour le second et 44 % pour les doctorats.

b) Le cadrage des principaux défis à relever et le rôle pionnier à jouer par la France

Les analyses complémentaires de l'OCDE en matière d'éducation comparée démontrent, comme l'ont indiqué plusieurs intervenants à la délégation, l'absence de singularité du cas français et, en même temps la nécessité d'agir partout dans le monde pour plus de mixité scolaire et professionnelle. Elles appellent quatre principales remarques.

(1) Pour un partage plus équitable des retombées positives de l'amélioration du « capital humain »

Tout d'abord, comme le rappelle l'OCDE en introduction des divers travaux qu'elle consacre à l'éducation et au « capital humain », « les personnes aussi bien que les pays tirent avantage de l'instruction. Pour les personnes, les avantages potentiels résident dans la qualité de vie en général et dans la rentabilité économique d'un emploi durable et satisfaisant. Pour les pays, l'avantage potentiel est lié à la croissance économique et à l'instauration de valeurs communes qui cimentent la cohésion sociale. ». Approuvant pleinement cet axiome de principe, la délégation souhaite que les retombées positives de l'instruction soient partagées plus équitablement entre femmes et hommes et rappelle que l'OCDE indique que « pour un niveau donné de diplôme, les femmes perçoivent en moyenne une rémunération qui représente 60 % à 80 % de celle des hommes » , ce qui résume parfaitement le sentiment qui se dégage des auditions.

(2) La dépense d'éducation ne suffit pas à élever le niveau de performance ni l'efficacité de l'orientation

En second lieu, l'OCDE précise que les dépenses d'éducation publiques et privées pour l'ensemble des niveaux d'éducation représentent pour la France 6,3 % du PIB, soit un chiffre plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE (5,9 %). Cet organisme fait également observer que, dans l'ensemble, « les résultats scolaires des élèves donnent à penser que les dépenses d'éducation ne suffisent pas à elles seules à élever le niveau de performance, même si elles sont déterminantes pour la qualité de l'éducation » . En particulier, « bien que de nombreux facteurs rentrent en compte dans la relation, des dépenses unitaires plus faibles ne vont pas forcément de pair avec des niveaux de performance en mathématiques moins élevés chez les élèves » . Prolongeant cette remarque, la délégation tire de l'ensemble de ses travaux la conviction que l'orientation stéréotypée des filles et des garçons, ainsi que la ségrégation professionnelle, sont beaucoup plus une affaire de représentations et de préjugés sexistes que de « moyens ».

(3) La France est en mesure de jouer un rôle de « laboratoire » du rééquilibrage des genres dans les filières de l'enseignement et des métiers

Au titre des « défis liés à l'équité » , l'OCDE, dans sa note de présentation des « Regards sur l'éducation 2007 » adressée à la France, souligne que les femmes titulaires d'un diplôme scientifique de niveau universitaire sont nombreuses en France comparées à la moyenne de l'OCDE, mais nettement en dessous de la proportion d'hommes titulaires de ce même diplôme en France. Ainsi, dans les pays de l'OCDE, on compte en moyenne 971 femmes (1 527 en France) titulaires d'un diplôme scientifique pour 100 000 actifs occupés âgés de 25 à 34 ans, contre 1 561 hommes (2 465 en France).

En outre, les écarts entre hommes et femmes dans l'accès à l'emploi sont moins prononcés en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE. La probabilité de travailler est plus grande (de 15 points de pourcentage) chez les hommes que chez les femmes en France, parmi ceux qui ne sont pas arrivés au terme du deuxième cycle de l'enseignement secondaire. Cette différence entre les sexes chute à 7 points de pourcentage en France chez les plus qualifiés, soit une inégalité moindre dans les deux cas par rapport à la moyenne de l'OCDE (qui s'établit respectivement à 23 et 10).

La délégation conclut, à cet égard, que cette avance relative de notre pays, soulignée par l'OCDE, doit inciter la France non pas tant à s'efforcer d'imiter un éventuel modèle étranger, mais à jouer un rôle pionnier dans le domaine de l'égalité scolaire ou professionnelle des chances entre femmes et hommes.

(4) L'intégration scolaire des jeunes filles, comme d'ailleurs des jeunes garçons, issus de l'immigration constitue un défi majeur

Enfin, l'OCDE estime que l'intégration des immigrants représente un défi majeur pour les établissements scolaires et les sociétés.

Les migrations internationales sont désormais un problème de fond dans la plupart des pays de l'OCDE où elles suscitent un vif débat sur les moyens de réussir l'intégration sociale et professionnelle des immigrés. Le PISA (c'est-à-dire l'enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l'OCDE et dans de nombreux pays partenaires permettant de tester l'acquisition de savoirs et savoir-faire au terme de la scolarité obligatoire) apporte au débat un nouvel éclairage important en évaluant les connaissances que les jeunes de 15 ans issus de l'immigration ont acquises dans le système éducatif. De toute évidence, les systèmes éducatifs - en particulier en Europe - vont être confrontés à de sérieuses difficultés. Voici ce que révèlent les indicateurs : parmi les 14 pays de l'OCDE qui comptent une importante population d'immigrés, les élèves issus de la première génération accusent sur l'échelle des mathématiques du PISA un retard de 48 points en moyenne - ce qui correspond aux connaissances acquises pendant plus d'une année scolaire - par rapport à leurs camarades autochtones. Pour les élèves immigrés de la deuxième génération, l'écart de performances, de 40 points, reste encore sensible. Au Canada, au Luxembourg, en Suède et en Suisse ainsi qu'en Chine et à Hong-Kong, les élèves de la deuxième génération réussissent nettement mieux que ceux de la première, l'écart de performances étant réduit de 31 points en Suisse et de 58 en Suède. Le déficit de performances des élèves issus de l'immigration varie d'un pays à l'autre : négligeable en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande, il est en revanche supérieur à 90 points en Allemagne et en Belgique, même pour les enfants de la deuxième génération.

À cet égard, la délégation se doit de compléter cette alarme en se faisant l'écho de la très vive inquiétude manifestée au cours des auditions à l'égard des atteintes à l'égalité des genres qui frappent certaines jeunes filles issues de l'immigration.

B. LA CONCENTRATION DES FEMMES DANS QUELQUES SECTEURS D'ACTIVITÉ

Comme le rappelle le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), dont les représentants ont été reçus par la délégation, la progression des femmes sur le marché du travail, amorcée au milieu des années 1960, s'est poursuivie au cours des cinq décennies suivantes. De plus en plus nombreuses à travailler, elles représentent, selon les derniers chiffres de l'INSEE, 46,5 % de la population active . Pourtant, cette progression ne s'est pas effectuée de façon homogène, et « une formidable ségrégation entre les hommes et les femmes dans les différents secteurs professionnels perdure. »

Le CEREQ précise que depuis vingt ans, les femmes ont certes opéré des avancées notables parmi certaines des professions où elles étaient minoritaires, à l'instar des professions libérales ou des ingénieurs. Dans le même temps, elles ont cependant maintenu ou renforcé leur présence au sein de professions déjà fortement féminisées comme les enseignants, les professions intermédiaires de la santé et du travail social, ou encore les employés de la fonction publique, les employés administratifs d'entreprises, les employés de commerce et les personnels des services directs aux particuliers. Par conséquent, la montée en puissance des femmes sur le marché du travail n'a pas enrayé la concentration des emplois féminins et la ségrégation professionnelle des femmes et des hommes .

Comme l'ont souligné des intervenants d'horizons divers, et en particulier les représentantes de l'Union nationale des associations « Retravailler », les femmes semblent donc encore « occuper des emplois dont les caractéristiques rappellent souvent celles des tâches qu'elles effectuent dans le cadre familial, soit par le type d'activité concernée soit par la nature des postes de travail. Plus le travail effectué apparaît proche des attributs du travail domestique, plus les emplois apparaissent féminisés » 11 ( * ) .

La délégation a déploré de manière récurrente, au cours de ses travaux, qu'à une époque marquée par l'ascension de l'emploi des femmes et l'homogénéisation des comportements d'activité masculins et féminins, certains mécanismes de discrimination continuent de fonctionner à plein régime, de façon anachronique.

En France, comme dans les autres pays européens, les femmes restent majoritairement cantonnées dans quelques secteurs d'activité où elles occupent des professions peu diversifiées et souvent peu qualifiées.

1. La ségrégation horizontale : une segmentation persistante des emplois selon le genre

a) L'emploi féminin est concentré dans quelques familles de métiers

Faisant référence à la nouvelle nomenclature des familles professionnelles dite « FAP-2003 », dont le but est de rapprocher les statistiques de l'emploi et celles du chômage, classées à l'origine selon des nomenclatures différentes, Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, a résumé la situation en France en indiquant que « près de la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans 10 familles de métiers sur 86 » .

Selon les calculs effectués par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère en charge du travail, à partir des chiffres de l'emploi pour 2002, et présentés en commençant par les professions rassemblant en valeur absolue les effectifs les plus nombreux : les femmes représentent 74 % des agents d'entretien, 64 % des enseignant(e)s, 99 % des assistant(es) maternel(les), 97 % des secrétaires, 72 % des employé(e)s administratifs de la fonction publique (catégorie C), 69 % des vendeurs, 76 % des employé(e)s administratifs, 87 % des infirmier(e)s et sages-femmes, 91 % des aide-soignant(e)s et 65 % des professionnel(le)s de l'action sociale, culturelle et sportive.

Les familles professionnelles les plus féminisées (en pourcentage)

Proportion de femmes dans la profession

Année 2002

T2 Assistants maternels, aide à domicile

99,0

T1 Employés de maison

97,9

L0 Secrétaires

97,0

L3 Secrétaires de direction

96,7

V0 Aides-soignants

91,2

VI Infirmiers, Sages Femmes

86,8

S4 Coiffeurs, Esthéticiens

85,2

R0 Caissiers, employés de libre service

84,0

L1Employés de comptabilité

80,0

Q1 Employés et techniciens des assurances

76,8

L2 Employés administratifs d'entreprise

76,1

T4 Agents d'entretien

74,2

F0 Ouvriers non qualifiés du textile et du cuir

73,5

P0 Employés administratifs de la Fonction publique (Catégorie C)

72,2

Source : enquête sur l'Emploi de mars 2002, Insee, exploitation Dares

b) L'analyse sectorielle des « bastions » masculins et féminins de l'industrie et du tertiaire

Comme l'indiquent, sous un autre angle, les dernières statistiques publiées par l'INSEE, la féminisation des effectifs employés, en France, dans le secteur de la construction est inférieure à 10 % . Cette proportion est également inférieure au seuil de 25 % dans cinq secteurs majoritairement industriels : l'industrie automobile, des biens d'équipement, des biens intermédiaires, ainsi que l'énergie et les transports. En revanche, la féminisation dépasse 60 % dans les services aux particuliers et 75 % dans l'éducation, la santé et l'action sociale .

Actifs occupés selon le secteur d'activité en 2006 (en milliers)

Femmes

Hommes

Ensemble

Part des femmes
en %

Pourcentage de la population féminine occupée

Agriculture, sylviculture et pêche

259

670

929

27,9

2,2

Industries agricoles

231

380

611

37,8

2,0

Industries des biens de consommation

310

358

668

46,4

2,7

Industrie automobile

53

250

303

17,5

0,5

Industries des biens d'équipement

163

676

839

19,4

1,4

Industries des biens intermédiaires

328

1 019

1 347

24,4

2,8

Énergie

54

217

271

19,9

0,5

Construction

157

1 475

1 632

9,6

1,3

Commerce et réparations

1 523

1 797

3 320

45,9

13,0

Transports

243

802

1 045

23,3

2,1

Activités financières

464

330

794

58,4

4,0

Activités immobilières

192

165

357

53,8

1,6

Services aux entreprises

1 338

1 943

3 281

40,8

11,4

Services aux particuliers

1 343

850

2 193

61,2

11,5

Éducation, santé, action sociale

3 637

1 191

4 828

75,3

31,1

Administrations

1 396

1 329

2 725

51,2

11,9

Total

11 707

13 467

25 174

46,5

100,0

Note : résultats en moyenne annuelle

Champ : France métropolitaine, actifs occupés de 15 ans ou plus

Source : Insee, enquêtes emploi du premier au quatrième trimestre 2006

c) Depuis 1980, les femmes se sont massivement dirigées vers les créations d'emplois de service et de cadres

La progression de l'emploi des femmes est l'une des caractéristiques majeures de l'évolution du marché du travail au cours des 20 dernières années. Comme le souligne le Centre d'analyse stratégique, lors des deux dernières décennies, la tertiarisation de l'économie a été fortement portée par les femmes. Le nombre de femmes en emploi a progressé de 2 000 000 entre 1982 et 2002, tandis que celui des hommes n'augmentait que de 100 000 . Il apparaît également que la tendance à la féminisation des emplois se poursuit quelle que soit la conjoncture, contrairement à l'évolution du travail masculin, qui reste quant à lui, beaucoup plus lié à cette conjoncture du fait de la répartition sectorielle des emplois et de la baisse des embauches dans l'industrie.

L'enquête effectuée en 2004 par la DARES, qui s'intitule « 20 ans de métiers : familles professionnelles et grandes évolutions de l'emploi », rappelle que les domaines professionnels les plus créateurs d'emplois relèvent essentiellement du tertiaire : de 60 % de l'emploi total, au début des années 1980, les emplois de service sont passés à 75 % en 2002 . Au niveau des familles professionnelles, celles qui se sont le plus développées sont tout d'abord celles liées aux emplois familiaux . Par ailleurs, les emplois de cadres se sont également beaucoup développés : cadres administratifs, comptables, cadres financiers, mais aussi enseignants, employés administratifs, informaticiens, personnels d'études et de recherche. En revanche, les métiers de l'agriculture ont perdu beaucoup d'emplois, tout comme les familles professionnelles des ouvriers non qualifiés.

La DARES a quantifié, sur cette même période, la féminisation des métiers de cadres : « en 2002, 40 % des cadres sont des femmes. Certaines professions ont davantage contribué que d'autres à l'augmentation de la proportion de femmes aux postes de cadres (+ 790 000 femmes cadres sur les vingt dernières années), notamment l'enseignement (140 000 emplois), la formation et le recrutement (76 000 emplois), les cadres administratifs, comptables et financiers (140 000 emplois en 20 ans). Ces données posent la question de la répartition des femmes cadres dans l'ensemble de l'économie, sachant que la demande de cadres par les entreprises a connu une forte croissance (besoins croissants d'expertise et de technicité) et que, parallèlement, le niveau de formation des jeunes filles a beaucoup augmenté. »

En outre, en 20 ans, l'écart relatif du taux de chômage entre les hommes et les femmes a été divisé par quatre, de 80 à 22 %, en se stabilisant à partir de 1998-1999. Selon les statistiques de l'INSEE, en 1982, le taux de chômage s'élevait à 10,5 % pour les femmes contre 5,8 % pour les hommes ; en 2006, ces taux se chiffraient respectivement à 9,6 % et 8,1 %.

d) L'inquiétude de la délégation à l'égard de la régression de la présence des femmes dans le secteur des technologies de l'informatique et de la communication (TIC)

Un rapport présenté au Groupe de Travail sur l'Économie de l'Information (GTEI) lors de sa réunion en décembre 2006, dans le cadre de l'OCDE, souligne l'importance des écarts entre hommes et femmes dans le domaine des TIC : « Les femmes ont de faibles parts relatives dans les emplois de spécialistes des TIC et on constate plutôt que ces parts baissent ou restent constantes, mais sont rarement en augmentation. Dans les professions utilisant les TIC, les femmes ont généralement des parts relatives beaucoup plus élevées dans les emplois de bureau et de secrétariat et plus faibles dans les emplois de scientifiques et spécialistes. »

Au sein de l'OCDE, la proportion de femmes a augmenté dans la plupart des domaines de l'enseignement supérieur. Leur part relative est particulièrement élevée, par exemple, dans les arts, la formation pédagogique et la formation aux métiers de la santé. En revanche, la proportion de femmes dans l'ingéniérie reste faible et elle n'augmente pas rapidement. La situation est encore plus inquiétante dans les sciences informatiques.

Cette analyse conduit les experts de l'OCDE à préconiser « d'agir à l'égard des écarts entre hommes et femmes en matière de TIC sur le plan de la profession, de l'éducation, de l'accès et de l'utilisation » et « d'analyser en détail les effets des politiques publiques sur la situation des femmes à l'égard des TIC. »

Le discours de M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, au Sommet mondial de la société de l'information, prononcé à Genève le 10 décembre 2003, rejoint ce diagnostic : « La fracture numérique est une fracture multiple. La fracture est technique, étant donné les écarts dans le développement des infrastructures. Elle existe au niveau du contenu ... La fracture existe aussi entre les sexes, les femmes et les filles ayant moins accès aux technologies de l'information que les hommes et les garçons, et ce dans des pays riches comme dans des pays pauvres. »

À cet égard, la délégation, soucieuse d'apporter des diagnostics et des solutions proches du terrain, observe qu'interrogée sur ce phénomène, Mme Catherine Marry a évoqué les restructurations du secteur informatique, qui ont conduit, au cours des dernières années, à la multiplication des sociétés de services informatiques, où les conditions de travail sont plus difficiles et où les exigences de mobilité, ainsi que la précarité, se sont accrues, ce qui peut avoir un effet dissuasif pour les femmes.

Par ailleurs, Mme Dominique Vellard, maître de conférences en informatique, analysant l'évolution sur 20 ans des effectifs féminins à la préparation du diplôme universitaire de technologie (DUT) informatique à l'Institut universitaire de technologie (IUT) de Nantes, montre comment « les pratiques lycéennes de l'ordinateur ont créé dans ce milieu social une représentation de l'informatique comme masculin.» 12 ( * ) . Évoquant, aux États-Unis, les pratiques de harcèlement des jeunes filles dans les forums électroniques, elle souligne également la frustration de certains programmeurs autodidactes ou de « hackers » à l'égard de la féminisation du système scolaire et du succès des jeunes filles aux examens. Elle explique ainsi une certaine réticence des filles à l'égard de l'informatique par la tendance à la « colonisation de l'espace électronique » par les hommes.

Au total, la ségrégation scolaire universitaire et professionnelle selon les genres demeure ainsi importante, anachronique et mal connue. Relayant et généralisant une suggestion de Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, qui, au cours d'une enrichissante audition des représentants du secteur consulaire, a regretté une certaine carence de statistiques détaillées qui permettraient de suivre avec précision l'évolution de la place des femmes dans les différents secteurs de l'artisanat, la délégation recommande de perfectionner et d'actualiser les statistiques sur la présence des femmes dans les différents secteurs et dans les différentes familles de métiers.

2. La comparaison avec les autres pays européens

a) La segmentation de l'emploi est générale dans l'Union européenne

Mme Christel Gilles, chargée de mission au département travail, emploi, formation du Centre d'analyse stratégique, est venue présenter à la délégation les principales conclusions d'une étude intitulée « Réduire la segmentation professionnelle selon le genre et accroître les taux d'emploi féminin : à court terme, est-ce compatible ? », fondée sur des comparaisons européennes.

Les constatations du Centre d'analyse stratégique soulignent la stabilité des écarts salariaux entre femmes et hommes dans les pays de l'Union européenne depuis 2000 et une certaine inertie dans le temps de la segmentation professionnelle selon le genre .

Sur la base de tableaux statistiques, la délégation a pu vérifier que le phénomène de segmentation des emplois entre femmes et hommes était général dans l'Union européenne. À ce titre, il convient de souligner la très forte concentration de l'emploi féminin dans le secteur des services , qui représente 84 % de l'emploi des femmes, contre 58 % de celui des hommes. Le secteur public est, par ailleurs, le premier employeur des femmes et regroupe 46 % d'entre elles , contre 20 % de l'emploi masculin. À l'opposé, les activités industrielles sont globalement masculines, 37 % des hommes y étant employés, contre seulement 13 % des femmes.

Partout en Europe, les femmes sont, plus que les hommes, concentrées dans quelques secteurs d'activité. Ainsi, sur 62 secteurs, 6 d'entre eux concentrent 60 % de l'emploi féminin dans l'Union européenne, contre 42 % de l'emploi masculin. Les femmes sont surreprésentées dans certains domaines, comme la santé et l'action sociale (80 %) ou l'éducation et les services à la personne (70 %), tandis qu'elles sont sous-représentées dans la construction (10 %) ou la métallurgie (10 %).

Occupées dans un nombre restreint de secteurs d'activité, les femmes ont par ailleurs des professions moins diverses que les hommes . Sur les 130 catégories professionnelles recensées dans la nomenclature internationale du Bureau international du travail (BIT), les trois premières professions regroupaient en 2005 près du quart des femmes : il s'agit des métiers de vendeuses ( 8 % d'entre elles ) d' aides de ménages ( 7,6 % ) et des membres du personnel soignant ( 6,6 % ). Chez les hommes, cette proportion n'est que d'un peu plus de 15 %, dans les professions de conducteurs de véhicules (5,2 % d'entre eux), d'ouvriers du bâtiment (4,7 %) et, enfin, de dirigeants et gérants de petites entreprises (4,4 %).

Les femmes occupent des professions moins qualifiées que les hommes : 50 % de l'emploi féminin se rattachait à un travail « hautement qualifié ou qualifié » , contre 77 % des métiers des hommes et, en outre, les femmes ne représentaient que 32 % des cadres.

Afin de nuancer ces proportions moyennes, Mme Christel Gilles a décrit, en matière de segmentation du marché du travail selon le genre, la grande variété de situations qui se manifeste dans quinze pays de l'Union européenne, en faisant ressortir que, selon les statistiques, il faudrait réallouer un quart de l'emploi en France pour opérer un rééquilibrage satisfaisant entre femmes et hommes . Elle a également observé que les pays nordiques sont les plus « ségrégués », alors qu'ils affichent les taux d'emploi féminin les plus élevés, à l'inverse des pays méditerranéens. Puis elle a constaté que la segmentation professionnelle selon le genre avait peu évolué entre 2000 et 2005, malgré l'augmentation concomitante des taux d'emploi féminin dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Tout en étant convaincue qu'il s'agit d'une tendance qui peut être infléchie, notamment grâce à la détermination des femmes, la délégation constate que, comme l'indique Mme Christel Gilles, de nombreux travaux ont mis en évidence que la ségrégation est liée de manière positive à l'emploi des femmes. Le Centre d'analyse stratégique rappelle les deux raisons généralement avancées pour expliquer ce phénomène : en premier lieu, le développement des activités et métiers de services - non-marchands, en particulier dans les pays nordiques - a favorisé l'emploi des femmes. En outre, l'augmentation de l'emploi à temps partiel des femmes serait, dans certaines conditions, un facteur discriminant des professions et des secteurs occupés par les femmes. A cet égard, le Centre d'analyse stratégique souligne que l'augmentation de l'emploi à temps partiel a contribué de manière importante à celle de l'emploi total des femmes, notamment en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Dans l'ensemble de l'Union européenne, une femme sur trois travaille à temps partiel contre un homme sur dix , avec de fortes disparités selon les pays. L'emploi à temps partiel est, en même temps, plus polarisé dans certains secteurs d'activité que l'emploi à temps plein, contribuant de ce fait à la relative inertie de la segmentation par genre : ainsi, en France, 71,5 % de l'emploi à temps partiel se concentrait, en 2005, dans six secteurs d'activité, contre 61,7 % de l'emploi total.

Par ailleurs, l'organisation de l'emploi au sein des couples varie selon les pays : le modèle conjuguant deux emplois à temps plein (qui représente 45 % des cas, en moyenne européenne) est prépondérant au Portugal (67 %), en Finlande (63 %) et en France (52 %) ; le schéma où l'homme est seul à occuper un emploi prédomine en Italie (45 %), en Grèce (44 %) et en Espagne (43 %), où l'emploi des femmes et les taux de fécondité sont faibles ; enfin le modèle de travail à temps plein pour l'homme et partiel pour la femme (19 % en moyenne) est le plus répandu aux Pays-Bas (44 %), au Royaume-Uni (30 %), en Allemagne (28 %) et en Belgique (24 %) et témoigne notamment de l'insuffisance des dispositifs de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, comme les modes de garde des enfants.

b) Un « modèle vertueux » encore à inventer, la ségrégation atteignant son maximum dans les pays du nord de l'Europe

À la recherche de pistes de réflexion et de solutions concrètes, la délégation s'est demandé, au delà des analyses générales, dans quelle mesure ce phénomène de ségrégation professionnelle constituait une singularité française. Au cours des auditions, il n'a pu être cité en exemple aucun pays qui aurait réussi à réduire cette ségrégation.

Bien au contraire, la ségrégation sexuée du marché du travail semble encore plus accentuée dans les pays du nord de l'Europe et, par exemple, celle de la Suède demeure l'une des plus élevées des pays occidentaux. Il apparaît en effet, selon la communication intitulée « Les femmes face au travail à temps partiel » présentée en mars 2008 par Mme Geneviève Bel, au nom de la délégation du Conseil économique et social aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes, que la moitié des mères se concentrent dans trois professions en Suède, contre une dizaine en France .

Ce rapport constate que « 30 % des mères suédoises sont regroupées dans le secteur d'activité des personnels soignants et assimilés. C'est également la profession qui regroupe le plus de mères françaises, mais elles ne sont que 14 %. Par ailleurs, presque trois quarts des mères suédoises travaillent dans le secteur public contre un peu plus du tiers en France . Sa conclusion est que « la réussite du modèle suédois quant à l'articulation entre vie familiale et professionnelle des parents mérite donc d'être nuancée » , le fort taux d'emploi féminin étant assorti d'une forte discrimination sur le marché du travail.

3. Les perspectives pour la France à l'horizon 2015

a) Les métiers de demain

La délégation, résolue à rechercher des solutions concrètes aux défis de l'emploi de demain, s'est efforcée de fonder ses préconisations sur les perspectives du marché du travail, tel qu'il se profile à moyen terme.

Le rapport du Centre d'analyse stratégique de 2007, consacré aux métiers en 2015, constate, à ce titre, que l'évolution du paysage professionnel de l'emploi prolonge les grandes tendances observées par le passé. Il souligne que plusieurs phénomènes complémentaires majeurs marquent et marqueront encore l'économie française.

(1) La montée en puissance des relations de services dans l'ensemble des secteurs

Tout d'abord, l'économie poursuivra sa tertiarisation. Entre 2005 et 2015, cinq domaines professionnels des services devraient concentrer l'essentiel des créations d'emploi : les services aux particuliers (400 000), la santé et l'action sociale (308 000), les transports et la logistique (225 000), les métiers administratifs (197 000) ainsi que le commerce et la vente (194 000). Le vieillissement de la population, le maintien de la fécondité, les transformations du rôle des femmes dans la famille face à toutes les situations de dépendance des personnes, soutiendront l'emploi des services aux particuliers, de la santé et de l'action sociale avec des aides à domicile, des assistantes maternelles, des aides soignantes et des infirmières plus nombreuses. Par ailleurs, l'économie mondialisée induira toujours plus d'échanges de marchandises, exigeant un nombre croissant de manutentionnaires et de chauffeurs. Les entreprises continueront à développer leurs fonctions commerciales pour accroître ou conserver leur part de marché.

(2) La polarisation des qualifications dans les activités de service

Cette évolution ira aussi de pair avec une modification des structures de qualifications, les familles professionnelles qui créeront le plus d'emplois étant celles des cadres et des employés peu qualifiés.

Les créations d'emploi seront particulièrement dynamiques
chez les cadres et les employés peu qualifiés

Créations nettes d'emploi attendues entre 2005 et 2015 (en milliers)

Créations nettes attendues en pourcentage de l'emploi en 2005

Cadres

654

14

Professions intermédiaires

367

9

Indépendants

- 133

- 12

Employés qualifiés

28

1

Employés peu qualifiés

462

15

Ouvrier qualifiés

315

7

Ouvriers non qualifiés

- 180

- 13

Ensemble

1 513

6

Lecture : entre 2005 et 2015, l'emploi des familles de cadres augmentera de 654 000, soit une hausse de 14 %.

Note : les qualifications sont ici présentées selon le niveau de qualification des familles professionnelles, et non selon le niveau des professions détaillées qui composent ces familles.

Source : DARES, modèle Flip-Fap.

Cette polarisation concerne essentiellement les métiers les plus créateurs d'emplois dans les années à venir : elle est particulièrement nette dans les domaines où prédominent les dimensions relationnelles (services aux particuliers, santé et action sociale) et dans ceux touchant à la circulation des biens (logistique, commerce). Dans les autres domaines professionnels, comme ceux des métiers de l'industrie, du bâtiment et du tertiaire administratif, les gains de productivité, souvent en lien avec la diffusion de nouvelles technologies, limitent les besoins sur les postes d'exécution et permettent le développement d'activités à forte valeur ajoutée qui exigent des emplois qualifiés.

(3) Les gisements d'emplois

La poursuite de la tertiarisation de l'économie, qui est un moteur de la hausse de l'emploi féminin, risque de ne pas s'opérer dans des conditions optimales. En effet, les femmes sont de loin les plus concernées par le temps partiel contraint et elles sont très nettement majoritaires parmi les salariés en contrat à durée déterminée ou en contrat aidé. Par ailleurs, la segmentation entre emplois féminins et masculins selon les métiers ne s'estompe globalement pas, même si les différences se sont réduites pour les plus jeunes et les plus diplômés.

Le palmarès des 10 familles professionnelles qui devraient créer le plus d'emplois permet d'illustrer ces phénomènes :

- il témoigne de la tertiarisation de l'économie, une seule des familles professionnelles de ce palmarès relevant de l'industrie (ouvrier qualifié des industries de « process » , qui recouvrent essentiellement la transformation des matières premières dans l'industrie chimique, l'agro-alimentaire et la pharmacie) ;

- la polarisation est marquée par la présence de trois familles professionnelles de cadres , mais aussi de deux familles professionnelles peu qualifiées des services à la personne;

- enfin, si ces dix métiers pris globalement sont plus féminisés que la moyenne, on y observe une très forte segmentation selon le genre, avec cinq familles professionnelles où les femmes représentent plus de trois emplois sur quatre, et quatre autres familles professionnelles où elles ne sont qu'une sur quatre .

Les 10 familles professionnelles (FAP) qui créeront le plus d'emplois

Créations nettes d'emploi attendues entre 2005 et 2015
(en milliers)

Créations nettes attendues en pourcentage de l'emploi en 2005

Pourcentage de femmes en 2002

Niveau de qualification

T2 Assistants maternels, aides à domicile

211

28

99

Employé peu qualifié

M0 informaticiens

149

33

20

Cadre

V0 Aides soignants

149

32

91

Employé qualifié

L5L6 Cadres administratifs et dirigeants

131

20

36

Cadre

L2 Employés administratifs

100

16

76

Employé qualifié

R4 Cadres commerciaux

97

24

25

Cadre

J1OQ manutention

92

22

11

Ouvrier qualifié

T1 Employés de maison

80

27

98

Employé peu qualifié

V1 Infirmiers, sages-femmes

78

17

87

Profession intermédiaire

E1OQ industries de process

77

17

23

Ouvrier qualifié

Total des 10 FAP

1 164

23

57

Ensemble des 80 FAP

1 513

6

45

Lecture : entre 2005 et 2015, le nombre de personnes travaillant dans la famille professionnelle T2 regroupant les assistantes maternelles et les aides à domicile, augmentera de 211 000, soit une progression de 28 % par rapport au nombre de personnes en emploi dans cette FAP en 2005. En 2002, 99 % des personnes en emploi dans cette FAP étaient des femmes.

Sources : DARES, modèle FLIP-Fap, INSEE, Enquête Emploi 2002

b) Le Conseil d'analyse stratégique souligne l'enjeu essentiel de la mixité

La poursuite des tendances en matière d'évolution de l'emploi féminin amène le CAS à redouter, dans la décennie à venir, un scénario noir de coexistence d'un chômage de masse et de difficultés de recrutement, qui prendrait la forme d' un chômage plus masculin qu'aujourd'hui , notamment parmi les hommes peu diplômés. Simultanément il deviendrait difficile de trouver des femmes prêtes à occuper les emplois peu qualifiés de services . Dans les faits, le niveau de progression du taux d'activité féminin sera déterminant, ce qui renvoie à l'évolution des structures familiales, à la répartition des tâches domestiques au sein du ménage et au financement de la prise en charge des enfants et des personnes dépendantes. Il convient également de tenir compte du ralentissement de la population active, qui concernera aussi les femmes, même à un degré moindre.

Du côté des employeurs, l'emploi féminin a été stimulé par la montée en puissance des relations directes avec le client ou l'usager, ces relations étant souvent perçues comme relevant « naturellement » des compétences « féminines ». La très forte croissance de l'emploi de certains de ces métiers presque exclusivement offerts aux femmes conduira à des situations de difficultés majeures de recrutement si les profils attendus par les employeurs ne se portent pas aussi vers les hommes. Ce problème sera d'autant plus sensible que ces emplois très féminisés restent marqués par des horaires de travail souvent réduits, décalés, fragmentés et des rémunérations faibles. Si la situation du marché du travail s'améliore, il sera plus difficile pour les employeurs de trouver des candidats, qu'ils soient femmes ou hommes, pour occuper ces « miettes d'emplois ».

Une mixité plus généralisée permettrait d'éviter de recréer ou de renforcer des dichotomies entre des métiers aux carrières et salaires intéressants occupés par des hommes, et des métiers moins avantageux occupés par des femmes.

La mixité professionnelle, en haut comme en bas de l'échelle des qualifications, sera ainsi pour de nombreux métiers un levier d'action important face à des difficultés de recrutement. L'enjeu est celui de la présence des femmes pour occuper certains postes très qualifiés et/ou techniques et de celle des hommes dans les emplois peu qualifiés des services.

(1) L'emploi très qualifié de demain se développe sur des métiers occupés actuellement surtout par des hommes

Les familles professionnelles de cadres devraient représenter 43 % des créations nettes d'emplois d'ici 2015 . L'accroissement du nombre d'informaticiens, de cadres commerciaux et administratifs, comptables ou financiers, illustre les besoins des entreprises en expertises . Parallèlement, le nombre de postes d'encadrement de personnel devrait continuer à baisser. Le rythme de progression de l'emploi des informaticiens devrait être de moindre ampleur qu'à la fin des années 1990, en l'absence de grands projets créateurs d'emplois de cadres comme le passage à l'an 2000 ou le passage à l'euro. Les fonctions commerciales se développent dans tous les secteurs d'activité dans une optique de gain ou de préservation des parts de marchés. De même, dans tous les secteurs, l' innovation technique restera un ressort essentiel du développement et devrait soutenir l'emploi des personnels d'études et de recherche.

Les femmes restent sous-représentées dans les postes de cadre. Cependant, de 1982 à 2002, leur présence sur ce niveau de qualification a progressé de 34 % à 40 % et devrait encore s'accentuer compte tenu de leur réussite aux diplômes. Elles investissent massivement certaines professions du droit et de la santé. Les métiers de l'enseignement, où les recrutements pour remplacer les générations du baby-boom seront importants, ainsi que les métiers de la communication et de la formation professionnelle devraient leur offrir de nombreuses opportunités d'emploi. Ces métiers n'offrent toutefois pas les mêmes salaires que les métiers traditionnels de cadres du privé.

La féminisation est actuellement moindre au sein des familles professionnelles les plus rémunératrices et qui vont créer un volume important d'emplois : les métiers techniques et ceux de cadres experts. Si la présence féminine a très fortement augmenté chez les cadres commerciaux et les personnels d'étude et de recherche, elle stagne depuis une décennie chez les cadres administratifs et informatiques et reste très faible chez les ingénieurs. Elle a même légèrement baissé chez les techniciens informatiques, où de nombreux postes seront à pourvoir à l'avenir. La capacité des employeurs à ouvrir leurs recrutements aux femmes, mais aussi à offrir des opportunités de carrière à leurs salariées limiterait fortement les risques de difficultés à recruter sur ces métiers. Cela suppose également une présence accrue des femmes dans les filières de formations techniques.

(2) Inversement, de nombreux postes seront à pourvoir dans des métiers peu qualifiés des services occupés actuellement par des femmes peu diplômées

Les postes à pourvoir seront également nombreux parmi les métiers des services à la personne qui offrent aujourd'hui des emplois souvent à temps partiel, avec des horaires fragmentés ou décalés et des rémunérations faibles. Ces métiers apparaissent souvent comme des opportunités de reconversion ou de reprise d'emploi pour des femmes peu diplômées. Les personnes qui occupent ces emplois sont donc relativement âgées : au dynamisme des créations d'emploi s'ajouteront ainsi de nombreux départs en fin de carrière. Assistante maternelle et aide à domicile d'une part, agent d'entretien d'autre part, sont les deux familles professionnelles où le nombre de postes à pourvoir sera le plus important d'ici 2015 . Or les hommes n'exercent quasiment pas les métiers d'assistante maternelle ou d'aide à domicile et leur présence stagne autour de 25 % depuis 1982 parmi les agents d'entretien . L'augmentation de la présence des hommes dans ces métiers réduirait nettement les éventuelles difficultés à recruter .

Il est toutefois peu probable que cette évolution soit spontanée. L'amélioration de la qualité de ces emplois (salaires, nombre d'heures travaillées, perspectives de carrière), ainsi que la formalisation des compétences requises seront les meilleures garanties pour attirer des actifs, hommes et femmes, vers ces emplois.

En ce sens, le plan de développement des emplois de service à la personne présenté en février 2005, en combinant des actions visant à la fois un recours accru à ces services, une meilleure qualité de l'offre et une amélioration de la qualité des emplois, pourrait être un bon levier pour amplifier la croissance de ce secteur. La délégation souligne la pertinence de la conclusion du Centre d'analyse stratégique (CAS) qui estime que l'insuffisante mixité professionnelle des métiers des services à la personne mérite d'être largement prise en compte dans ce plan de développement.

Le CAS indique également que les nouvelles technologies limitent les besoins en personnel administratifs du public et du privé . Ainsi, le nombre d'emplois administratifs de la fonction publique d'État pourrait baisser, y compris au niveau des cadres, même si le remplacement des générations du baby-boom fera de la fonction publique un acteur très actif sur le marché du travail.

Dans le privé , les besoins de secrétaires au sens strict sont en baisse. Les fonctions administratives dans les transports, la banque et l'assurance devraient être de plus en plus tournées vers la clientèle (communication, vente, prestation de services ou d'assistance) et donc demander des compétences relationnelles importantes dans un contexte où les nouvelles technologies permettent une intensification forte du travail et un contrôle important de sa qualité.

Ces métiers sont traditionnellement exercés par des femmes. Le renouvellement des générations du baby-boom offrira de nombreux débouchés, mais la montée des compétences exigées et la perspective d'accéder à des emplois relativement favorables en termes de conditions de travail et de sécurité de l'emploi devraient se traduire par une forte concurrence et rendre l'accès à l'emploi difficile pour les diplômés de niveau inférieur au baccalauréat.

(3) Des opportunités relativement limitées dans les métiers actuellement occupés par de jeunes hommes peu qualifiés

Selon le Conseil d'analyse stratégique, pour faire face à la concurrence internationale, l'industrie continuera à se positionner sur des segments d'activité à forte valeur ajoutée dont les risques de délocalisation sont limités, et sur ceux qui privilégient l'innovation, la réactivité et la production en série limitée afin de contourner les activités où la concurrence par les prix est forte. Ces positionnements requièrent des emplois de plus en plus qualifiés, dans la production ou dans les services associés, et de moins en moins d'ouvriers non qualifiés. Le maintien de la part de l'industrie dans la valeur ajoutée totale s'accompagne ainsi d'un emploi industriel peu qualifié en diminution.

La plupart des départs en fin de carrière d'ouvriers non qualifiés de l'industrie ne seront pas remplacés et les débouchés traditionnels des hommes peu diplômés continueront donc à se réduire. Les emplois exigeant force physique et capacité de résistance, dans le travail des métaux ou les ateliers de mécanique, seront de moins en moins nombreux.

Parmi les principaux métiers traditionnellement dévolus aux jeunes hommes peu diplômés, ceux qui continueront à offrir des opportunités d'emploi sont la manutention, la sécurité des biens, et dans une moindre mesure, les postes de manoeuvre sur les chantiers. Toutefois, ces emplois sont souvent très précaires et n'offrent pas de trajectoires professionnalisantes. Les conditions d'insertion professionnelle des jeunes hommes peu diplômés risquent donc d'être problématiques s'ils ne peuvent ou ne souhaitent pas s'orienter vers les emplois de services les plus porteurs.

Au total, le panorama prospectif des métiers à l'horizon 2015 conduit ainsi le Conseil d'analyse stratégique à souligner l'enjeu essentiel que constitue l'amélioration de la mixité des emplois pour prévenir de graves déséquilibres économiques et sociaux.

Dans ce cadre, la délégation ne peut que rappeler l'importance de la lutte contre les phénomènes de ségrégation verticale et de « plafond de verre ».

c) La nécessité de lutter contre une source majeure d'inéquité : la ségrégation verticale

La ségrégation verticale renvoie à la sous-représentation des femmes aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie professionnelle, indépendamment du secteur d'activité concerné.

(1) Dans les professions où elles sont présentes, les femmes sont peu nombreuses dans les postes de responsabilité et les fonctions de direction

La délégation, au cours de ses travaux, a constaté des formes insidieuses de ségrégation et d'inégalités qui ont tendance à perdurer dans des métiers où la présence des femmes devient importante.

Au cours de son audition, Mme Catherine Marry a relevé que la féminisation notable de la médecine et des professions juridiques, par exemple, s'accompagnait d'une certaine ségrégation par spécialités et modes d'exercice.

Ainsi, en médecine , les femmes sont concentrées dans certaines spécialités comme la dermatologie, la pédiatrie ou encore la gynécologie médicale. Plus souvent salariées que les hommes, elles sont peu nombreuses à avoir le titre de professeur.

Dans la magistrature , où les femmes sont désormais majoritaires, elles sont encore peu représentées parmi les chefs de cours et tribunaux 13 ( * ) .

(2) Les femmes sont plus souvent que les hommes soumises au temps partiel, aux statuts précaires et au chômage

Selon l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 14 ( * ) , la pauvreté des femmes au travail tend à augmenter , ce qui s'explique par le fait que les emplois à temps partiel sont essentiellement occupés par des femmes, et que les différences de salaire entre les hommes et les femmes sont encore importantes. De surcroît, comme la délégation a eu l'occasion de le démontrer au cours de ses travaux antérieurs, les familles monoparentales, qui sont essentiellement dirigées par des femmes, sont plus particulièrement touchées par la pauvreté.

En vingt ans, les formes particulières d'emploi - apprentissage, intérim, stages et contrats aidés, contrat à durée déterminée (CDD) - ont doublé, passant de 6 % de l'emploi total en 1982 à 12 % en 2005. Les jeunes sont les plus touchés, et parmi eux, aussi bien les hommes que les femmes car ils ont en commun le manque d'expérience professionnelle. En revanche, les écarts se creusent après l'âge de 25 ans, les femmes étant alors plus exposées aux formes particulières d'emploi, et notamment au CDD.

Les femmes représentent aujourd'hui près des deux tiers de l'emploi non qualifié. Il y a vingt ans, la population des emplois non qualifiés était majoritairement ouvrière, masculine et industrielle. Elle est aujourd'hui essentiellement employée, féminine et tertiaire .

À un niveau d'analyse plus détaillé, les chercheurs du CEREQ ont signalé à la délégation que le degré de stabilisation dans l'emploi des femmes était beaucoup moins élevé que celui des hommes au niveau CAP-BEP : par exemple, les femmes sont presque quatre fois plus nombreuses que les hommes à connaître une situation de « non-emploi prolongé » à ce niveau de formation.

Par ailleurs, les métiers des femmes sont, dans les nomenclatures, plus flous que ceux des hommes, moins négociés, leurs compétences sont moins claires, et s'agissant des emplois non qualifiés, leurs perspectives d'évolution de carrière sont plus réduites. Un homme qui occupe un emploi non qualifié a donc plus de chances qu'une femme d'évoluer vers un emploi qualifié.

(3) Les effets induits de la ségrégation : inégalités salariales et inégalités en termes de retraite

Selon les « Chiffres clés de l'égalité entre les femmes et les hommes » publiés en 2007 par le Service des droits des femmes et de l'égalité, l' écart de rémunération entre les hommes et les femmes, calculé par rapport à la rémunération médiane, est de 19 % en 2005 et n'a guère évolué depuis 1997. En outre, les montants des retraites perçues sont plus faibles pour les femmes. En 2004, les retraités âgés de 60 ans ou plus percevaient, par mois, un montant total de pension, brut de prélèvements sociaux, égal en moyenne à 1 296 euros. Les femmes, avec 1 020 euros mensuels, disposaient d'un montant inférieur de 38 % à celui des hommes (1 636 euros). Du fait de la montée du taux d'activité des femmes, ces écarts tendent à se réduire, mais ils seraient encore de 25 % en 2040.

(4) Une situation générale dans l'Union européenne

Plus généralement, le rapport de la Commission européenne au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, sur l'égalité entre les femmes et les hommes, présenté en février 2007, confirme que dans l'ensemble de l'Union européenne, le marché de l'emploi reste dans une large mesure cloisonné. « L'évolution des indices de ségrégation professionnelle et sectorielle par sexe ne montre aucun signe de baisse significative » et il semble donc que l'augmentation de l'emploi des femmes se fasse principalement dans des secteurs d'activité et des professions déjà majoritairement féminins. Près de quatre salariées sur dix travaillent dans l'administration publique, la santé et l'action sociale ou l'éducation, tandis que la moitié des salariées sont employées administratives, vendeuses ou travailleuses peu ou non qualifiées.

Ce rapport s'inquiète également du déséquilibre persistant entre femmes et hommes dans la présence aux postes décisionnels, tant politiques qu'économiques . Moins d'un tiers des cadres sont des femmes et les conseils d'administration des 50 plus grandes entreprises européennes cotées ne comptaient qu'une femme pour dix hommes en 2005. Dans les Parlements nationaux, la proportion moyenne de femmes n'est que de 24 %. Elle est de 33 % au Parlement européen.

L'une des conséquences de ces différences et inégalités subies par les femmes sur le marché de l'emploi se mesure par la persistance de l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Les femmes gagnent en moyenne 15 % de moins que les hommes pour chaque heure travaillée.

En matière sociale, les femmes présentent un plus grand risque d'exclusion et de pauvreté, en particulier parmi les personnes âgées et les parents isolés. Le taux de femmes de plus de 65 ans en situation de risque de pauvreté 15 ( * ) est de 20 %, soit 5 points de plus pour les hommes du même âge, tandis que celui des familles monoparentales est de 34 %. Par ailleurs, le taux de chômage de longue durée est de 4,5 % pour les femmes, soit 1 point de plus que pour les hommes . Les femmes constituent également la majorité des inactifs et sont donc particulièrement vulnérables face au risque de pauvreté.

C. LES FACTEURS D'EXPLICATION ET LE CIBLAGE DES LEVIERS D'ACTION

Aucun des intervenants auditionnés par la délégation n'a tenté, en se référant à certaines thèses parfois défendues dans les années 1970, d'expliquer les orientations typiquement féminines et la ségrégation professionnelle comme des choix raisonnables, résultats de stratégies conscientes et rationnelles des femmes.

En revanche, il a été fait allusion à de nombreuses reprises, au cours des entretiens, à une certaine intériorisation de la domination masculine. Comme l'ont rappelé, lors de leur audition, à la fois les chercheurs du CEREQ et Mme Armelle Carminati, vice-présidente « Engagement et diversité » d'Accenture France, membre du bureau de la commission « Nouvelles générations » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), l'expansion des scolarités féminines s'est accomplie dans un certain respect de l'ordre établi, sans entraîner de réel bouleversement ni dans le régime de la méritocratie, ni dans le mécanisme de l'hérédité sociale, ni même enfin dans les ségrégations sexuelles des différentes filières. Au final, certains sociologues comme Mme Marie Duru-Bellat concluent que « ce n'est pas la formation des filles qui peut être considérée comme le déterminant majeur de la division du travail que l'on observe, la causalité étant à lire plutôt dans l'autre sens, à savoir les filles adaptant leur investissement scolaire à ce qui les attend dans la vie professionnelle » 16 ( * ) .

Soucieuse de déterminer les leviers d'action les plus efficaces pour contrecarrer la ségrégation existante, la délégation a étudié avec attention les analyses que lui a présentées le CEREQ pour en dégager des recommandations opérationnelles .

1. Les « fondamentaux »

a) Le rapprochement entre l'éducation et l'économie ne doit pas prendre la forme d'une spécialisation excessive des filières d'enseignement

De façon générale, les chercheurs du CEREQ ont invité les pouvoirs publics à ne pas céder à une conception excessivement « adéquationniste » de la relation entre formation et emploi , en expliquant que les ajustements du système éducatif n'avaient que peu de chances de coïncider spontanément avec les évolutions observées ou attendues de l'offre d'emploi.

Cette remarque globale invite, d'une part, à ne pas méconnaître les avantages de l'orientation des jeunes filles vers les filières générales et, d'autre part, à préconiser, dans les filières professionnalisantes, le maintien d'un socle suffisant de connaissances de base pour éviter l'« enfermement » des élèves dans une spécialité.

b) À long terme, une réallocation du quart de la population active suffirait à réduire la ségrégation entre les genres

Mme Christel Gilles, chargée de mission au département travail, emploi, formation du Centre d'analyse stratégique, rejoignant les conclusions du CEREQ, a globalement chiffré la ségrégation professionnelle en France, à un taux de l'ordre de 25 % à 28 %. Concrètement, à long terme, il faudrait globalement réaffecter le quart de la population active pour parvenir à une répartition équilibrée entre hommes et femmes dans les différentes professions.

2. Selon le CEREQ, trois cinquièmes de la ségrégation professionnelle sont imputables à des facteurs éducatifs et deux cinquièmes sont imputables au marché du travail

a) Les explications traditionnelles de la ségrégation

Le CEREQ a rappelé à la délégation les raisons traditionnellement avancées pour expliquer la ségrégation professionnelle, selon lesquelles, dès l'école, les femmes ne suivent pas les mêmes formations et ne se destinent donc pas aux mêmes emplois que les hommes.

Au niveau de l'enseignement scolaire, au lycée, on compte plus de 82 % de filles en section littéraire (L) et près de 66 % en section tertiaire (STT), alors qu'en revanche, les garçons monopolisent les sections industrielles, dans une proportion de 92 %, et restent majoritaires, à 56 %, dans les sections scientifiques. En outre, dans les formations professionnelles courtes, plus de 85 % des effectifs féminins sont regroupés dans quatre spécialités tertiaires : le secrétariat, la comptabilité, le commerce et la santé.

S'agissant de l'enseignement supérieur, si, depuis une quarantaine d'années, les filles ont diversifié leurs orientations au profit du droit, de l'économie et de la médecine, elles ont néanmoins continué à renforcer leur présence dans les disciplines littéraires et restent minoritaires en sciences. En outre, les grandes écoles de commerce sont devenues assez largement mixtes, avec 46 % de femmes, alors que celles d'ingénieurs demeurent un « bastion masculin », avec seulement 23 % de femmes. Mme Catherine Marry a précisé qu'à cet égard, le facteur explicatif majeur était culturel plus que financier, les parents diplômés attachant une importance toute particulière à la poursuite d'études supérieures par leurs enfants. Elle a cependant souligné que les filles étaient en général moins favorisées que les garçons lorsque les parents devaient consentir à un sacrifice financier pour permettre l'accès de leurs enfants à l'enseignement professionnel ou supérieur.

b) Les composantes de la ségrégation

Au delà de ce constat, l'apport des travaux du CEREQ réside dans une méthode de calcul analysant la ségrégation professionnelle comme le fruit d'un processus en deux étapes , pour parvenir à isoler, dans chaque profession, deux composantes, l'une d'origine éducative , « héritée » de l'école, et l'autre post-éducative, c'est-à-dire construite sur le marché du travail .

Exemples de l'hétérogénéité des professions au regard de la ségrégation professionnelle (en pourcentage)

Groupes professionnels

Part des femmes

Ségrégation professionnelle observée

dont : ségrégation professionnelle d'origine éducative

dont : ségrégation professionnelle liée au marché du travail

I. Groupes professionnels masculins avec ségrégations d'origine éducative
et liée au marché du travail

Ouvriers qualifiés en métallurgie ou mécanique

5,0

- 40,3

-26,6

-13,7

Ingénieurs (sauf informatique, chimie)

10,9

-34,4

-21,9

-12,5

II. Groupes professionnels masculins avec ségrégation
principalement liée au marché du travail

Chauffeurs et ouvriers qualifiés du secteur des transports

5,5

- 39,8

- 11,7

- 28,1

Police, armée, gendarmerie (Cadres et professions intermédiaires.)

9,5

- 35,7

- 5,5

- 30,2

III. Groupes professionnels mixtes où les deux origines de la ségrégation sont faibles

Professions intermédiaires commerciales

42,3

- 3,0

1,2

- 4,2

Cadres de gestion

41,2

- 4,1

3,9

- 8,0

IV. Groupes professionnels féminins avec ségrégations
d'origine éducative et liée au marché du travail

Coiffeurs, esthéticiens

85,2

39,9

26,4

13,5

Infirmiers

83,0

37,7

35,4

2,3

V. Groupes professionnels féminins avec ségrégation
principalement liée au marché du travail

Employés de maison

96,0

50,7

10,6

40,1

Vendeurs alimentation

83,3

38,0

11,5

26,5

Source : CEREQ

Prolongeant cette évaluation générale par quelques exemples démontrant l'hétérogénéité des professions au regard de la ségrégation, les chercheurs du CEREQ ont évoqué la forte prépondérance masculine, qui pourrait s'expliquer par la ségrégation éducative antérieure, dans de nombreux emplois industriels : telle serait ainsi l'explication de la proportion de 5 % de femmes dans les postes d'ouvriers qualifiés de la métallurgie ou de la mécanique, et de 10,9 % parmi les ingénieurs. Dans d'autres professions à dominante masculine, comme celles qui se rattachent au domaine de la sécurité,  les mécanismes de ségrégation semblent essentiellement prendre corps sur le marché du travail, à l'instar des professions associées à une image masculine et peu ancrées dans un cursus de formation initiale : on ne compte ainsi que 9,5 % de femmes dans l'armée et la police.

En revanche, le CEREQ a mis en évidence une surreprésentation des femmes, qui peut être rattachée principalement à leur orientation scolaire , dans les professions tertiaires réglementées du secteur médical ou paramédical (83 % de femmes dans la profession d'infirmier, par exemple), ainsi que dans la banque ou l'assurance. À l'inverse, cette surreprésentation peut ne dépendre pour l'essentiel que de comportements sur le marché du travail , à l'instar des cas observés parmi les employés de la fonction publique ou du secteur des services à la personne (96 % des employés de maison sont des femmes).

Selon le CEREQ, 40 % des emplois expliqueraient à eux seuls les deux tiers de la ségrégation professionnelle d'origine éducative , tandis que seul un tiers des emplois présenterait un caractère « mixte », les deux origines de la ségrégation étant faibles dans ces emplois.

Globalement, M. Thomas Couppié, chargé d'études au département des entrées dans la vie active du CEREQ, a indiqué à la délégation que trois cinquièmes de la ségrégation professionnelle, qui avoisine 25 % en France, pouvaient être imputés à des facteurs éducatifs, les deux autres cinquièmes se rattachant à une ségrégation supplémentaire qui prend corps sur le marché du travail.

3. Les réticences persistantes de certaines entreprises à embaucher des femmes

Livrant à la délégation les enseignements d'une analyse du degré d'ouverture aux deux sexes des offres d'emploi dans les petites annonces 17 ( * ) , les chercheurs du CEREQ ont constaté qu'en dépit de l'interdiction des discriminations à l'embauche fondées sur le sexe, qui résulte du code du travail et du code pénal, l'étude des offres d'emplois révélait que certains annonceurs s'adressaient clairement à un sexe ou à l'autre, par des formules telles que « recherche vendeuse » , par exemple. Une étude lexicale des annonces parues dans la presse nationale ou régionale a permis, en outre, de conclure que seules 27 % des annonces s'adressaient indistinctement aux femmes et aux hommes, les postes de cadre apparaissant, en particulier, plus ouverts aux deux genres, tandis que 30 % des petites annonces s'adressaient explicitement à un seul des deux sexes.

Par ailleurs, selon les résultats d'une enquête menée auprès de 4 000 recruteurs sur leurs préférences éventuelles à l'égard du sexe des candidats, et en dépit de la sous-estimation inhérente à ce type d'enquête, plus d'un quart des recruteurs ont répondu ouvertement que le sexe des candidats au poste à pourvoir ne leur était pas indifférent, cette préférence ayant été plus souvent exprimée par les recruteurs ayant choisi un homme et par ceux se trouvant dans de petites entreprises. Il a été signalé que la proportion de recruteurs qui n'étaient pas indifférents au sexe des candidats était minimale pour l'embauche de cadres non dirigeants (2 % seulement), un peu plus élevée pour l'embauche de cadres dirigeants (12 %) et maximale pour les fonctions de production (48 %).

Concluant que ces résultats manifestent la permanence des stéréotypes de sexe, les chercheurs du CEREQ ont, en conséquence, jugé nécessaire de poursuivre, en direction des recruteurs et chefs d'entreprises, un travail de forte sensibilisation à la notion d'égalité et à l'encontre des préjugés associant encore trop souvent « qualités personnelles » et « compétences professionnelles » .

4. Les prolongements de ces analyses en termes de politiques publiques

a) L'égalité entre hommes et femmes dans le tourbillon des temps sociaux

La délégation souligne, une fois encore, que la mixité professionnelle repose fondamentalement sur un partage plus équitable des tâches domestiques. Comme en témoignent toutes les statistiques, les femmes occupant un emploi doivent faire face à un cumul harassant de leur vie familiale et professionnelle dans une « course contre la montre » permanente.

b) La nécessité de politiques différenciées pour lutter contre les composantes de la ségrégation

Comme l'a indiqué, lors de son audition, M. Michel Quéré, directeur du Centre d'études et de recherches sur les qualifications, les analyses de cet organisme montrent concrètement que le recours à des politiques globales ne semble guère adapté pour résoudre le problème des disparités entre hommes et femmes en matière d'insertion professionnelle, dans la mesure où les situations varient fortement d'un secteur à l'autre, et appellent, de ce fait, des actions publiques très ciblées par professions , ou par groupes de professions . En ce sens, les travaux de classification proposés par M. Thomas Couppié, en explicitant la manière dont se combinent les effets de ségrégation scolaire et professionnelle, offrent une piste intéressante pour cibler des types de métiers ou des publics particuliers et pour privilégier des actions en direction du système éducatif ou de certaines entreprises et branches d'activité.

II. LA CONTRIBUTION DU SYSTÈME ÉDUCATIF À L'ÉGALITÉ PASSE PAR UNE RÉVISION DU SYSTÈME D'ORIENTATION ET UNE COMPLÉMENTARITÉ DE TOUS LES ACTEURS

Personne ne conteste le rôle décisif que peut et doit jouer le système éducatif dans la recherche d'une véritable égalité entre les hommes et les femmes dans l'accès aux différents métiers.

Celui-ci est en effet à l'origine, dans une large mesure, des premières avancées qui ont été enregistrées en faveur de l'égalité : la réussite scolaire des filles, maintenant parfaitement reconnue et établie, a permis de mettre bas un certain nombre de préjugés, longtemps dominants, qui leur déniaient certaines aptitudes supposées être l'apanage des hommes ; en outre, et de façon très concrète, les diplômes jouent déjà un rôle essentiel dans la féminisation d'un certain nombre de professions qualifiées, et, plus particulièrement de celles dont l'accès est commandé par un concours : métiers de l'enseignement, de la magistrature, ou plus généralement, de la fonction publique.

En second lieu, l'orientation scolaire détermine, dans une large mesure, l'orientation professionnelle ultérieure, et la ségrégation fondée sur le sexe s'opère dès l'école.

Enfin, l'école, qui a pour vocation de former les nouvelles générations, est de ce fait, bien placée pour faire évoluer les représentations collectives en matière de distribution des rôles entre femmes et hommes, et s'attaquer ainsi aux racines de la ségrégation.

A. L'APPORT DU SYSTÈME ÉDUCATIF : DES CONQUÊTES INÉGALES

Le système éducatif a fortement contribué, au cours des cinquante dernières années, à la progression des femmes dans le monde du travail.

Toutefois, si les femmes ont ainsi pu investir un certain nombre de professions qui se situent dans le prolongement de leurs conquêtes scolaires, elles continuent encore aujourd'hui de se détourner des filières de formation porteuses, auxquelles leurs capacités leur permettraient pourtant de prétendre.

1. Les femmes ont investi des professions dans le prolongement de leurs conquêtes scolaires

Les diplômes ont, de façon incontestable, joué un rôle essentiel comme levier de l'accès des femmes aux professions qualifiées, comme le montrent les exemples de la médecine, de la fonction publique, de la magistrature et de l'enseignement.

A contrario , les femmes sont beaucoup moins présentes dans les métiers dont l'accès n'est pas conditionné par une formation universitaire particulière.

a) La médecine

La profession de médecin, dont l'accès est commandé par la possession d'un doctorat de médecine, en fournit une première illustration.

Selon le Conseil national de l'Ordre des médecins 18 ( * ) , alors que les femmes ne représentaient que 10 % du corps médical français en 1962, elles étaient 36 % en 2003, 38,8 % au 1 er janvier 2005 et seront vraisemblablement majoritaires d'ici à quelques années compte tenu des effectifs recensés dans les facultés de médecine.

En effet, la proportion des femmes, en constante augmentation, est d'autant plus forte que les classes d'âge sont jeunes. Les femmes sont majoritaires chez les moins de 40 ans, et plus encore chez les moins de 35 ans 19 ( * ) . Cette tendance démographique devrait se poursuivre à l'avenir : 64 % des étudiants inscrits en première année de médecine en janvier 2002 étaient des étudiantes.

Cette percée des femmes dans la profession tient, à n'en pas douter, aux qualités de sérieux et de ténacité qui sont nécessaires pour réussir ces études longues. Mais elle s'explique aussi, sans doute, selon certaines analyses, par le fait que les métiers de la santé étaient déjà depuis longtemps investis par les femmes, même si c'était à un niveau de responsabilité inférieur : celui des infirmières et des aides soignantes.

Cependant, la féminisation de la médecine s'opère encore sur un mode inégalitaire : les femmes n'accèdent que rarement à des postes dits de pouvoir. Ainsi, il y a, dans leurs rangs, peu de professeurs et par ailleurs, elles sont quasi absentes d'un certain nombre de spécialités soumises à une pénibilité particulière : la psychiatrie, la chirurgie, l'orthopédie, la neurochirurgie. D'autres spécialités, en revanche, connaissent une concentration remarquable de femmes : tel est le cas pour la dermatologie, la pédiatrie ou encore la gynécologie médicale.

Ainsi que l'a souligné au cours de son audition, Mme le docteur Marie-Dominique Ghnassia, présidente de l'Association française des femmes médecins, les différences entre les genres sont, en outre, particulièrement importantes au niveau du mode d'exercice : 49 % des femmes médecins sont salariées contre seulement 25 % des hommes. En revanche, 39 % des femmes optent pour l'exercice libéral, contre 56 % des hommes. 25 % d'entre elles choisissent le temps partiel, contre 2 % des hommes

En outre, de nombreuses femmes privilégient les remplacements, forme d'exercice plus précaire, mais qui leur permet de mieux gérer leurs diverses contraintes, notamment familiales.

b) La fonction publique

La féminisation de la fonction publique - ou plutôt des fonctions publiques - apparaît comme une conséquence directe de la réussite des femmes dans les études supérieures.

Cette préférence des femmes pour les métiers du secteur public peut certes s'expliquer en partie par une recherche de sécurité, liée aux garanties statutaires qu'offre la fonction publique. Mais, de l'avis de certaines personnes auditionnées par la délégation, elle constitue aussi, en quelque sorte, le révélateur d'une ségrégation répandue dans le reste du marché du travail. Cette ségrégation, même implicite, est intériorisée par les femmes et les dissuade de s'engager dans des carrières où elles pressentent que les candidatures masculines seront privilégiées.

Le recrutement par concours, qui constitue la voie d'accès normal à la fonction publique semble en revanche bien convenir aux femmes : l'anonymat des épreuves écrites, l'égalité de traitement des candidats sont de nature à protéger, a priori, les candidates contre les risques d'arbitraire et de discrimination. En outre, la nature des épreuves de sélection, largement axées sur la maîtrise de la rédaction et de connaissances académiques ou techniques, est de nature à favoriser les étudiantes auxquelles les examinateurs reconnaissent, davantage qu'à leurs concurrents masculins, des profils de « bonnes élèves » et de « bosseuses ».

(1) L'évolution du cadre légal

Les femmes sont entrées massivement dans l'administration, dès le début du XX e siècle, mais par la petite porte : celle de l'auxiliariat, et c'est la jurisprudence administrative qui, petit à petit, a fait reconnaître leurs droits à passer des concours de fonctionnaires.

Peu après l'adoption d'une ordonnance prise par le gouvernement du Général de Gaulle, qui faisait enfin des Françaises des citoyennes à part entière, le Préambule de la Constitution de 1946 a confirmé, en faveur des femmes, le principe d'égal accès aux emplois publics contenu dans l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme.

Mais ces principes constitutionnels ne sont entrés que progressivement dans la réalité juridique : la loi n° 75-599 du 10 juillet 1975, tout en rappelant qu'aucune distinction ne devait être faite entre les hommes et les femmes, s'empressait de prévoir des dérogations à ce principe : elle autorisait, pour certains corps, des recrutements exclusifs d'hommes ou de femmes, ou, à titre exceptionnel, des recrutements et conditions d'accès distincts pour les hommes et les femmes. Finalement, ce n'est qu'en 1985 qu'ont été supprimés les recrutements distincts pour les douanes, en 1987 pour les instituteurs, ou en 1988 pour les professeurs d'éducation physique et sportive. Dans le même ordre d'idées, c'est en 1985 qu'ont été fusionnées l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et l'École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres.

Depuis le décret du 16 février 1998, le système des quotas féminins qui restreignait l'entrée des femmes dans les armées, a été supprimé, même si certaines exceptions sont maintenues pour une courte liste d'emplois réservés aux hommes : sous-mariniers, formations de commandos, emplois de gendarmerie mobile.

(2) Une féminisation majoritaire et croissante ...

Les données statistiques fournies par le ministère de la fonction publique 20 ( * ) confirment que la part des femmes dans les trois fonctions publiques n'a cessé de croître au cours des vingt dernières années et qu'elles représentent maintenant plus de la moitié des emplois. Ainsi, entre 1984 et 2004, le taux de féminisation est passé :

- de 45 % à 50 % dans la fonction publique de l'État ;

- de 57 % à 61 % dans la fonction publique territoriale.

Dans la fonction publique hospitalière, la progression est plus rapide encore, puisque le taux de féminisation est passé de 71 % en 1999 à 76 % en 2006.

D'après le dixième rapport sur la mise en oeuvre du principe d'égalité des sexes dans la fonction publique, transmis au Parlement en décembre 2006, ces évolutions s'expliquent certes, en partie, par une évolution des structures au profit des métiers traditionnellement plus féminisés. Mais elles résultent aussi d'une augmentation généralisée du taux de féminisation des différents métiers, qui touche également ceux qui étaient jusqu'alors considérés comme masculins.

(3) ... qui ne va pas jusqu'aux emplois de direction

Cette conquête par les femmes des emplois de la fonction publique constitue une avancée indéniable, et peut être largement imputable à leur réussite scolaire et universitaire. Elle doit être cependant relativisée car, même dans la fonction publique, les femmes restent sous-représentées dans l'encadrement supérieur. Certes, leur place y est moins inégalitaire que dans le secteur privé ; elles constituent 55 % des cadres A des trois fonctions publiques, contre 28 % seulement des cadres du privé.

Plus le niveau de responsabilité est élevé, et moins les femmes sont d'ailleurs nombreuses. En 2004, elles n'occupaient qu'un peu moins de 15 % des emplois de direction de la fonction publique de l'État, alors qu'elles représentaient 25 % des « viviers de nomination » constitués de fonctionnaires réunissant les conditions pour accéder aux emplois supérieurs.

A contrario , elles occupent beaucoup plus souvent que les hommes des emplois à temps partiel ou à temps incomplet : dans la fonction publique de l'État, 78 % de ces emplois sont occupés par des femmes, et cette proportion s'élève à 86 % dans la fonction publique territoriale, illustrant le poids des contraintes familiales et des choix personnels qu'elles impliquent.

c) La magistrature

Les femmes sont désormais majoritaires dans la magistrature, la proportion de femmes magistrats étant passée de 28,5 % en 1982 à 50,5 % en 2001 21 ( * ) .

La féminisation de la profession a encore progressé depuis 2001 et, à l'heure actuelle, près de 75 % de femmes composeraient les effectifs de l'École nationale de la magistrature.

Cependant, on ne dénombre encore que peu de femmes parmi les chefs de cours ou de tribunaux. En septembre 2007, à l'occasion d'un point de presse, le ministère de la Justice avait précisé que seules deux femmes occupaient alors les fonctions de procureur général, à Poitiers et à Orléans. En outre, seules quatre magistrates s'étaient hissées jusqu'à la première présidence d'une cour d'appel. À l'échelon inférieur, celui des 181 tribunaux de grande instance, il y avait 24 femmes procureurs et 47 présidentes.

d) Les métiers de l'enseignement : une féminisation excessive ?

Le ministère de l'éducation nationale est, de très loin, le plus féminisé : en 2007, les femmes représentaient globalement 64,7 % des enseignants du secteur public 22 ( * ) , avec de fortes variations en fonction des catégories. Très fortement majoritaires dans l'enseignement du premier degré (81 %) et dans une moindre mesure dans l'enseignement secondaire (57 %), elles ne comptent que pour 35,6 % des enseignants chercheurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, et 18 % des professeurs d'université.

Tout en relevant que cette féminisation de l'éducation nationale résultait aussi, pour une bonne part, de la désaffection des candidats masculins pour les carrières de l'enseignement, la délégation s'est interrogée sur les conséquences de cette surreprésentation des femmes : dans quelle mesure ne serait-elle pas susceptible de présenter des inconvénients ?

Faisant écho aux préoccupations du sociologue André Rauch 23 ( * ) , certains se sont demandé si la très forte féminisation du corps enseignant, particulièrement dans cette école qu'on appelle d'ailleurs « maternelle », ne risquait pas de retarder la sortie du cocon familial. D'autres questions ont été soulevées. La très forte proportion de femmes parmi les enseignants ne risque-t-elle pas de renforcer des stéréotypes sociaux qui présentent le métier de « maîtresse d'école » comme une déclinaison sociale du rôle de mère ? Cette forte féminisation ne risque-t-elle pas d'inciter les jeunes filles, par mimétisme, à s'orienter à leur tour vers les carrières de l'enseignement ?

Quant aux petits garçons, on peut se demander si la présence de professeurs des écoles hommes, ne les aiderait pas à construire leur personnalité en leur fournissant un référent masculin. À l'heure où un nombre croissant d'enfants sont élevés par une mère seule, la question mérite sans doute d'être posée.

2. Mais elles continuent de se détourner de filières porteuses auxquelles leurs capacités leur permettraient de prétendre

Comme l'ont expliqué plusieurs des interlocuteurs de votre délégation, on constate actuellement un écart entre les capacités scolaires des filles, et le sentiment qu'elles ont de leurs compétences. Ce manque de confiance en soi, qui peut aller jusqu'à une certaine forme de dévalorisation, les conduit à renoncer « spontanément » à certaines filières d'excellence comme les classes préparatoires aux grandes écoles, aux filières scientifiques et à celles de l'industrie.

Ce phénomène touche à la fois les bonnes élèves, et celles qui, moins adaptées au monde scolaire, décrochent « silencieusement » de l'école, alors que les abandons scolaires se manifestent de façon plus tapageuse chez les garçons.

Ainsi Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au CNRS, a-t-elle estimé que « l'orientation s'effectuait souvent en fonction du prestige des différentes disciplines, par des mécanismes d'autosélection, particulièrement prégnants chez les filles issues des milieux les moins favorisés » , en précisant que ces dernières avaient moins confiance en elles et hésitaient davantage à s'orienter vers les filières les plus prestigieuses.

a) Filières d'excellence ou chasses gardées : le cas des classes préparatoires aux grandes écoles

Dans l'excellent rapport qu'il a consacré à la diversité sociale et à l'égalité des chances dans la composition de classes préparatoires aux grandes écoles 24 ( * ) , M. Yannick Bodin, par ailleurs membre de la délégation, a relevé que les jeunes filles restaient encore minoritaires dans les classes préparatoires aux grandes écoles, puisqu'elles ne représentaient, en 2005-2006, que 41,6 % de l'ensemble des effectifs.

Cette situation globale représente malgré tout un sérieux progrès, puisque, à l'origine, les grandes écoles étaient exclusivement réservées aux jeunes hommes. La part des jeunes filles a progressé d'environ dix points depuis 1975, apportant une contribution trois fois supérieure à celle des garçons dans la croissance globale des effectifs observée sur cette période.

Les marges de progrès sont cependant encore fortes, dans la mesure où les filles sont plus nombreuses que les garçons à accéder au second cycle général et technologique - dont elles représentaient 54,8 % des effectifs en 2005-2006 - et obtiennent par ailleurs de meilleurs résultats scolaires, leur taux de réussite au baccalauréat général dépassant de plus de trois points celui des garçons.

Les chiffres cités par M. Yannick Bodin dans son rapport, sont éloquents : en 2005, près de 59 % des admis au baccalauréat général sont des filles, cette proportion globale variant suivant les sections : 82,4 % en littéraire (L), 64,5 % en filière économique et commerciale (ES) et 46,6 % en filière scientifique (S).

Ces proportions sont loin de se retrouver dans la composition des effectifs des classes préparatoires.

Certes, les jeunes filles dominent très largement les effectifs des classes littéraires, où elles sont présentes à plus de 75 % (contre 70 % en 1975) ; leur présence est équilibrée dans les classes économiques, où elles représentent un peu moins de 55 % des effectifs (contre 40 % en 1975).

Mais elles sont en revanche très minoritaires dans les classes scientifiques qui constituent cependant le principal contingent des effectifs des classes préparatoires. Elles ne représentent en effet qu'un peu moins de 30 % de leurs effectifs (contre 18 % en 1975 et 23 % en 1990).

Encore ce chiffre global masque-t-il d'autres disparités : les filles constituent 70 % des effectifs des filières biologiques préparant aux écoles d'agronomie, mais entre 10 et 30 % seulement des différentes filières préparant aux sciences de l'ingénieur 25 ( * ) .

b) Études scientifiques et filières industrielles : un étrange renoncement

Comme l'a relevé au cours de son audition devant la délégation Mme Irène Tharin, ancienne députée du Doubs, auteur d'un rapport au gouvernement intitulé « Orientation, réussite scolaire : ensemble, relevons le défi » , il existe comme une forme « d'autocensure » chez les jeunes filles titulaires d'un baccalauréat scientifique, qui n'osent pas s'orienter vers des carrières scientifiques.

Les représentants de l'Association des conseillers d'orientation psychologues (ACOP) ont d'ailleurs confirmé à la délégation que, d'une façon générale, au moment des choix difficiles, les filles doutaient plus facilement de leurs compétences que les garçons, et étaient de ce fait davantage tentées de remettre en question leur orientation scientifique pour se replier sur des choix moins techniques.

Les représentants des parents d'élèves, et plus particulièrement ceux de l'Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (UNAAPE), ont également relevé que, contrairement aux garçons qui ont tendance à s'obstiner, les filles n'hésitaient pas à changer d'orientation dès qu'elles avaient le sentiment de ne pas bien réussir dans la filière scientifique où elles s'étaient engagées.

Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l'académie de Besançon, présidente du comité de pilotage de la Convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, en a déduit la nécessité d'effectuer un premier travail sur la représentation que les filles se font de leur propre réussite, considérant que cette représentation était à l'origine de leur sentiment de n'être pas aussi « bonnes » que ne l'indiquaient leurs résultats scolaires. Elle a attribué ce manque d'assurance à un conditionnement qu'il convient de dénouer si l'on veut que les filles, qui réussissent dans l'ensemble mieux au baccalauréat que les garçons, surmontent leur réticence à s'engager dans des carrières scientifiques.

La délégation estime que, par delà ce travail, il est indispensable d'engager une politique déterminée pour inciter les jeunes filles à ne pas se détourner d'études scientifiques et de filières industrielles qui sont porteuses d'emplois, et auxquelles leur niveau scolaire leur permet parfaitement de prétendre.

Il serait donc souhaitable que le système éducatif se fixe des objectifs chiffrés, inscrits le cas échéant dans les contrats d'objectifs des établissements, pour favoriser un accès plus égal des filles aux classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques, et plus largement aux études scientifiques, et dans les filières qui conduisent aux métiers de l'industrie.

Ces objectifs chiffrés devraient être considérés comme une véritable obligation de résultat.

3. Compenser le coût de la transgression

Les filles qui, allant au rebours des tendances sociales dominantes, s'engagent ou envisagent de s'engager dans une voie où elles sont traditionnellement minoritaires, s'exposent à des pressions particulières qui risquent de les faire renoncer à leur projet. Il convient de compenser ces pressions par des conditions d'accueil et un soutien qui évite de rendre insoutenable ce que les sociologues appellent - et la formule est forte - le « coût de la transgression » .

Ces pressions peuvent être tout d'abord celles du milieu familial. On ne doit pas sous-estimer en effet les réticences, qu'éprouvent souvent les familles à laisser des filles, encore très jeunes, s'éloigner d'un milieu familier et protecteur, pour aller étudier dans un établissement situé dans une ville lointaine.

Ces réticences ne sont d'ailleurs pas exclusivement d'ordre psychologique ou moral, mais comportent très souvent une dimension économique liée au coût des études et plus encore de l'hébergement.

Or, malgré les travaux de rénovation dont ils ont pu faire l'objet, une majorité d'internats reste actuellement encore réservée aux garçons.

La création d'internats destinés aux filles permettrait de rééquilibrer cette situation. Elle paraît une bonne réponse à ces appréhensions, qui sont compréhensibles, ainsi qu'une façon de remédier au lancinant problème du logement étudiant, et de son coût souvent dissuasif pour les familles.

La délégation recommande donc tout particulièrement la création d'internats destinés aux filles afin de combler le retard par rapport aux internats de garçons, en particulier dans les lycées comprenant des classes préparatoires aux grandes écoles et dans les établissements offrant des formations dans les filières scientifiques et techniques.

Il ne faut pas non plus sous-estimer l'appréhension que peut susciter, chez les filles, un accueil réticent, voire teinté d'agressivité lors de leur arrivée dans un milieu scolaire ou universitaire traditionnellement très masculinisé.

La délégation invite, en conséquence, l'encadrement des établissements scolaires concernés à se montrer particulièrement vigilant à l'égard de comportements qui peuvent se révéler traumatisants ou fortement déplaisants pour leurs victimes, par exemple à l'occasion des « bizutages ».

B. AUX SOURCES DE LA SÉGRÉGATION : FILLES ET GARÇONS, DES ATTENTES SOCIALES INÉGALES

La ségrégation professionnelle entre les hommes et les femmes s'opère dès le système scolaire. Elle résulte d'un certain nombre de représentations stéréotypées qui imprègnent la société en général, et auxquelles n'échappent pas les acteurs du système éducatif.

La désaffection « spontanée » des jeunes filles pour certaines filières et certains secteurs cependant porteurs en termes d'emploi, s'explique en grande partie par leur intériorisation de représentations sociales stéréotypées véhiculées par la société et ses différentes composantes. Il en résulte que l'inactivité professionnelle paraît davantage acceptable socialement chez une fille que chez un garçon, et que certains métiers seront considérés, pour les uns comme plus adaptés aux hommes, et pour les autres, comme plus convenables pour les femmes. Cet effet « Pygmalion » conduit un enfant à se comporter en fonction de l'image que lui renvoient familles et enseignants.

1. Une attitude différenciée chez les parents

Un nombre important de travaux atteste d'attitudes différentes, chez les parents, en fonction du sexe de leur enfant.

Cette différence d'attitude peut se manifester dans de multiples domaines, qu'il s'agisse du choix des jouets, des vêtements ou des traits de caractère dont on souhaite encourager le développement. Selon Françoise Vouillot 26 ( * ) , les mères encouragent davantage l'autonomie et l'exploration de l'environnement chez les garçons, alors qu'elles valorisent plus les comportements d'obéissance, de passivité, de conformité chez les filles.

Les attentes quant à l'orientation professionnelle de leurs enfants diffèrent également suivant qu'il s'agit de filles ou de garçons.

Une enquête réalisée par IPSOS pour la délégation interministérielle à la famille a mis en relief les écarts qui existent chez les parents dans les critères à privilégier dans le choix d'un métier, selon qu'il s'agit d'une fille ou d'un garçon.

Certes, interrogés sur les critères qu'ils jugent primordiaux dans le choix d'un métier, les parents ne font pas apparaître de hiérarchies d'ensemble différentes suivant le sexe et placent au premier rang l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Certaines différences subsistent cependant dans la pondération des différents critères.

Ainsi, les critères liés à la réussite professionnelle recueillent davantage de citations pour les garçons que pour les filles, qu'il s'agisse des possibilités d'évolution (9 points d'écart), du niveau de salaire (6 points d'écart) ou encore de la sécurité de l'emploi (5 points d'écart).

En revanche, la souplesse des horaires de travail est citée pour près d'un parent sur deux pour les filles (44 %), alors qu'elle n'est mentionnée que pour 19 % d'entre eux quand il s'agit d'un garçon. Une analyse plus poussée de ces résultats montre d'ailleurs que, dès lors qu'il s'agit d'une fille, ce critère est davantage mis en avant par les mères (49 %) que par les pères (37 %), peut-être en raison de leur expérience personnelle.

L'enquête fait également apparaître que les secteurs mis en avant par les parents continuent de différer selon qu'il s'agit d'une fille ou d'un garçon.

Ils privilégient, pour les garçons, les secteurs de l'énergie et de l'environnement (62 %), et pour les filles, celui des technologies de l'information (61 %) et celui des services et des soins à la personne.

L'écart et les différences de hiérarchies sont prononcés pour le secteur de l'industrie, mentionné par 36 % des parents pour un garçon et par 20 % seulement d'entre eux pour une fille.

L'enquête confirme donc la prégnance d'une représentation encore sexuée des secteurs : dans l'esprit des parents, et plus encore dans l'esprit des mères que dans celui des pères, les services à la personne restent associés à des « métiers de filles 27 ( * ) », tandis que le bâtiment et l'industrie sont plus fréquemment perçus comme un « secteur d'hommes ».

Cependant, en sens inverse, selon certains témoignages, le goût des études scientifiques serait paradoxalement transmis aux filles plus efficacement par leur famille que par les modèles dominants de l'éducation nationale

Comme a pu le vérifier la délégation, notamment en interrogeant systématiquement les intervenantes sur leur parcours personnel, l'excellence scolaire demeure trop largement « une affaire de famille » pour reprendre le titre d'une enquête du CNRS réalisée en 1998 par Mmes Michèle Ferrand, Françoise Imbert et Catherine Marry, afin de cerner les déterminants de la réussite des filles dans les études supérieures scientifiques.

Si les entretiens réalisés par ces sociologues auprès des normaliens et de leurs parents confirment l'importance du rôle des mères, notamment dans la réussite des filles, ils montrent surtout, de façon inédite, la transmission « des domaines d'études et d'emplois » . Du côté des filles, la présence de modèles de femmes scientifiques dans la famille s'avère un facteur essentiel de réussite dans les destinées encore exceptionnelles. Au-delà de leur vision positive de ce type d'activité, d'un certain niveau d'aspiration, les mères et les grand-mères leur ont légué «une absence d'antinomie femmes/sciences » . Cette enquête a remis en cause des idées reçues : traditionnellement, la famille apparaissait comme un lieu de reproduction de la division sexuée des rôles sociaux, l'école étant souvent créditée d'un pouvoir réformateur. Au regard de ces trajectoires, il semblerait aussi que la famille puisse parfois défaire les modèles traditionnels que l'école continue à reproduire.

2. L'école et les enseignants face à la persistance inconsciente de stéréotypes sexués

Quoique très largement féminisée, l'institution scolaire elle-même perpétue les stéréotypes sexués, car les enseignants n'ont, inconsciemment, pas les mêmes attentes vis-à-vis d'un garçon et vis-à-vis d'une fille.

S'appuyant sur son expérience de recteur, Mme Marie-Jeanne Philippe, présidente du comité de pilotage de la Convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, a estimé qu'un conditionnement différent des filles et des garçons s'effectuait dès le plus jeune âge, sans que les enseignants en soient nécessairement conscients. Elle a cité le cas, pour illustrer son propos, d'une école maternelle où une maîtresse n'avait pas perçu spontanément, avant qu'on lui en fît la remarque, la dimension discriminatoire d'une pratique qui conduisait les petits garçons à se tourner vers l'atelier « train électrique » et les petites filles vers l'atelier « cuisine ».

Il est également fréquent d'entendre dire que les garçons seraient « naturellement » bons en mathématiques, alors que les filles seraient « spontanément » plus tournées vers les lettres.

Comme le notait Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au CNRS, dans une conférence prononcée au ministère de l'éducation nationale le 16 octobre 2003, « la croyance des maîtres dans la supériorité des garçons en mathématiques et celle des filles en littérature est décelée, dès l'école primaire, alors même que les différences de performances sont inexistantes. Ces attentes fonctionneraient comme « des prophéties autoréalisatrices », alimentant la moindre confiance des filles et la surévaluation des garçons en mathématique » .

Certaines études ont, en outre, montré que les interactions verbales entre élèves et enseignants sont plus favorables aux garçons qu'aux filles.

Ainsi, dans le numéro de janvier 2003 du magazine Le Monde de l'éducation , Mme Nicole Mosconi, professeur de sciences de l'éducation à Paris X - Nanterre, souligne que l'étude des interactions enseignants/élèves a permis de mettre en évidence le fait que, dans les classes mixtes, les enseignants s'occupent davantage des garçons que des filles, et que cela se manifeste de deux façons différentes : « si l'on s'intéresse à la " position haute " - ceux que l'on appelle les bons élèves - on constate que la fille est interrogée le plus souvent pour rappeler les savoirs de la leçon précédente. Le garçon est sollicité au moment du cours où il y a production du savoir. La fille rappelle, le garçon est intégré aux opérations cognitives. Le garçon est aussi interrogé beaucoup plus souvent que les filles, c'est la règle du 2/3 - 1/3. (...) Tout concourt à valoriser le garçon, à lui donner de l'importance. Les psychologues américains disent qu'il y a une socialisation du garçon à l'indépendance, de la fille à la dépendance. Pour le garçon, il s'agit aussi d'un apprentissage du pouvoir. Il se constitue contre l'enseignant qui le détient et ne veut pas le partager. D'où, dans un système aussi coercitif que le nôtre, le recours à l'intervention spontanée en cas de chahut : les garçons occupent aussi l'espace sonore » .

La persistance de ces stéréotypes sexués et de ces différences de comportement revêt un caractère largement inconscient et involontaire. Il importe donc de mener auprès des enseignants, dont la bonne volonté en ce domaine ne saurait être suspectée, un effort de sensibilisation particulier pour faciliter la prise de conscience des processus qui sont à l'oeuvre et des représentations qui les sous-tendent.

Selon une enquête réalisée par la direction de l'enseignement scolaire en 2005, 18 instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sur 31 avaient introduit la question de l'égalité dans leur cursus, dont 7 sous la forme de modules obligatoires.

Mais l'organisation de cette formation ne comporte, elle-même, aucun caractère obligatoire : elle relève de projets ponctuels, parfois remis en question par le départ de la personne qui les avait portés, et leur durée, inégale d'un établissement à l'autre, est souvent trop courte.

Compte tenu de l'intérêt que revêt cette formation, la délégation souhaite qu'à l'avenir elle soit dispensée systématiquement et qu'elle comporte également un volet relatif à la mixité professionnelle, comme on le verra plus loin, de façon à convaincre les enseignants de lutter contre les préjugés qui voudraient que certains métiers soient masculins et d'autres féminins.

Même si la prise de conscience en est relativement récente, il faut aussi prendre acte du fait que le contexte de l'école n'est pas unilatéralement favorable aux garçons. « Dans les classes populaires, les écarts se creusent. Les garçons, socialisés à valoriser la force et l'agressivité et à considérer les intellectuels comme des « femmelettes », ont plus de mal à s'adapter à l'école qui ne partage pas leurs valeurs » , comme le relève Mme Nicole Mosconi.

Il n'est d'ailleurs pas impossible que, dans les années à venir, le système éducatif français doive approfondir une réflexion sur les causes d'un accroissement de l'échec scolaire des garçons dans les milieux défavorisés, à l'image de celles qu'ont déjà engagées le Conseil supérieur de l'Éducation du Québec ou certains Community Colleges américains. Relevant que 41,3 % des garçons ont quitté l'enseignement secondaire sans diplôme contre 26 % de filles seulement, le premier s'inquiète de l'avenir des garçons « teflon » qui « n'adhèrent pas » au système éducatif.

Aux États-Unis, des établissements d'enseignement comme le Community College « La Guardia » dans le quartier métissé de Queens à New York, visité par la commission des affaires culturelles du Sénat en septembre 2006, ont dû mettre sur pied des programmes spécifiques de « Black men empowerment » pour tenter de remédier à l'échec scolaire spécifique des jeunes hommes de couleur qui se sentent trop étrangers au système scolaire.

Ces échecs scolaires ne sont d'ailleurs pas sans conséquence sur l'accès ultérieur au travail des garçons et ainsi qu'il a été relevé précédemment, les perspectives d'emploi étant désormais plus favorables aux femmes qu'aux hommes en raison de la désindustrialisation, on peut s'attendre dans l'avenir à des difficultés d'insertion particulières pour les jeunes hommes peu qualifiés.

3. Des stéréotypes très largement répandus

Enfin, les choix scolaires et professionnels des jeunes filles sont influencés par les représentations véhiculées par la société dans laquelle elles sont immergées.

Cette imprégnation commence tôt, par exemple à travers une littérature enfantine qui reflète un certain partage des rôles entre les hommes et les femmes.

En particulier, ainsi qu'elle l'avait déjà souligné à l'occasion de précédents travaux, la délégation appelle à garder une grande vigilance à l'égard du contenu des manuels scolaires. En effet, même si une nette amélioration a été enregistrée dans ce domaine au cours des dernières années, les manuels scolaires peuvent, à l'occasion, continuer de véhiculer des représentations sexuées des rôles respectifs des femmes et des hommes.

La délégation insiste donc à nouveau sur la nécessité de lutter contre les représentations stéréotypées des rôles respectifs des femmes et des hommes dans les livres pour enfants et les manuels scolaires.

Par ailleurs, la délégation insiste sur l'importance que revêt, dans le domaine symbolique, la dénomination des métiers et des appellations professionnelles, et recommande que l'on encourage plus systématiquement qu'on ne le fait aujourd'hui leur féminisation .

C. LES CONFORMISMES ET LES PESANTEURS D'UN SYSTÈME D'ORIENTATION INADAPTÉ PROCÉDANT PAR DÉFAUT PLUS QUE PAR PROJET

Les graves lacunes du système d'orientation scolaire ont été critiquées par de nombreux rapports, tant administratifs que parlementaires.

Il y a quelques années déjà, une mission d'information sénatoriale avait été diligentée sur l'information et l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires. Dans son rapport intitulé « S'orienter pour mieux réussir 28 ( * ) » , celle-ci avait procédé à un certain nombre de constats alarmants :

- le recours trop fréquent à une orientation par défaut ;

- une mauvaise information des étudiants, tant sur le contenu des études vers lesquelles ils s'orientent que sur leurs débouchés potentiels, provoquant des « orientations erratiques commandées par des phénomènes de mode » .

Ces constats demeurent malheureusement d'actualité comme en témoignent les auditions réalisées par la délégation, le problème spécifique de l'orientation des jeunes filles agissant souvent comme un révélateur des faiblesses générales du système.

L'un des aspects les plus fréquemment critiqués du système d'orientation est sa tendance à orienter les élèves en fonction de leur seul niveau scolaire, sans prendre en compte les préférences des élèves pour chercher à élaborer un projet professionnel.

1. Les résultats scolaires : un critère trop exclusif

Cette tendance du système français à n'évaluer les élèves que sur les seules notes enregistrées dans les matières scolaires semble davantage conçue pour sélectionner les éléments qui présentent un profil de bons élèves que pour orienter dans les meilleures conditions la grande masse des jeunes. Elle ne prend pas suffisamment en compte d'autres critères liés à leur personnalité, leur caractère, et leurs projets qui sont pourtant des éléments essentiels dans les choix d'orientation d'une vie.

De ce point de vue, le système éducatif français paraît trop « scolaire » et gagnerait à s'inspirer d'autres modèles qui font preuve d'un plus grand esprit d'ouverture.

À titre d'exemple, une mission d'information de la commission des affaires culturelles 29 ( * ) qui s'était rendue aux États-Unis pour étudier le système américain d'enseignement supérieur, formulait un certain nombre d'observations qui méritent une réflexion :

« La sélection prend en compte une pluralité de critères . La dimension scolaire est certes prise en compte, mais elle ne constitue qu'une composante parmi d'autres. Ce sont davantage les capacités et le potentiel de développement du candidat que l'on s'efforce d'évaluer, plutôt que des connaissances effectives. D'autres paramètres sont également pris en compte : les talents sportifs, l'aptitude au « leadership » et la capacité d'engagement personnel dans des activités associatives ou sociales, ce que nos interlocuteurs désignent parfois sous le terme de « compassion » . L'appartenance à une minorité sous-représentée ou une provenance sociale plus modeste peuvent aussi constituer un atout pour un candidat, dans la mesure où sa capacité à parvenir à un niveau « intéressant », malgré un handicap de départ, témoigne d'un mérite, d'une énergie et de prédispositions supérieures à celles d'un candidat issu des couches plus favorisées.

« Une insistance particulière sur les qualités de caractère revient souvent, dans ces universités d'élite, comme dans d'autres moins prestigieuses. Les établissements déclarent rechercher des étudiants « capables de surmonter l'adversité » , et de ne pas se laisser abattre par les échecs auxquels tout le monde est confronté un jour ou l'autre. »

Sans chercher à reproduire un système éducatif américain qui présente aussi des inconvénients et dont la conception et l'organisation sont aux antipodes du nôtre, il conviendrait cependant, particulièrement en matière d'orientation, de prendre conscience du caractère réducteur d'une prise en compte trop exclusive du carnet scolaire et d'insister, au contraire, sur la nécessité d'aider l'élève à élaborer un projet personnel, conforme à ses inclinations, à sa personnalité et à ses capacités, prises dans leur ensemble.

2. L'orientation par défaut : un gâchis humain

L'évaluation des élèves sur la seule base de leurs résultats scolaires stricto sensu , conjuguée avec une certaine forme « d'élitisme à la française », débouche sur un système d'orientation par défaut qui provoque un gâchis humain que tout le monde déplore.

Tout se passe en effet comme si, au rebours du discours officiel, le système éducatif continuait de privilégier la voie de l'enseignement général, considéré comme la voie royale conduisant à la formation et à la sélection des élites, et considérait les enseignements professionnels comme autant d'itinéraires de dégagement lui permettant de reclasser les éléments qui peinent à répondre à ses exigences.

Alors que les formations de l'enseignement professionnel devraient « aussi » pouvoir constituer des voies d'excellence, le système semble ne les considérer que comme le réceptacle des élèves en difficulté.

Certains membres de la délégation ont dénoncé, à plusieurs reprises, le sens péjoratif que cette conception, latente et jamais revendiquée, a fini par conférer à la notion d'orientation, et qui s'exprime dans les carnets scolaires par la mention « élève médiocre, devra être orienté » .

À titre d'illustration de cette conception et du gâchis qu'elle peut entraîner, il a été rapporté à votre délégation le cas d'un jeune homme qui avait été maintenu dans une filière générale au vu de ses bons résultas scolaires, alors qu'il avait spontanément souhaité s'orienter vers une formation professionnalisante en électricité. Confronté deux ans plus tard à une dégradation de ses résultats scolaires, il avait alors été orienté, d'autorité pourrait-on dire, vers une formation de boucherie qui ne correspondait aucunement à ses goûts.

Cette tendance générale se double souvent, pour les filles, d'une propension à les orienter de manière stéréotypée vers des filières considérées comme féminines.

Au rebours de cette pratique dominante qu'elle n'est d'ailleurs pas seule à dénoncer, votre délégation recommande, à l'avenir, d'axer l'orientation vers l'élaboration d'un véritable projet professionnel, en évitant une orientation par défaut basée exclusivement sur les résultats scolaires, ou sur le sexe de l'élève .

3. Une prise en compte insuffisante des débouchés professionnels

Les interlocuteurs de la délégation ont déploré, à plusieurs reprises, une certaine myopie du système qui tend à orienter les élèves, et les jeunes filles en particulier, davantage en fonction des capacités d'accueil des filières et des établissements existants que des perspectives réelles que présentent ces formations sur le marché de l'emploi.

Cette tendance se double d'une tentation de reproduire certains stéréotypes sexués et d'orienter les filles vers des métiers considérés comme « féminins » : ceux du secteur tertiaire en général, et en particulier le secrétariat.

Les représentants des parents d'élèves ont ainsi dénoncé une pratique de l'éducation nationale qui se situe au confluent de ces deux tendances et qui tend à la création de filières professionnelles vers lesquelles des élèves sont orientées à la fin de la classe de troisième, sur le seul critère de leur appartenance au sexe féminin, et sans que l'on se préoccupe de la réalité des débouchés qu'offrent ces sections professionnelles, au risque que les élèves doivent, en fin d'études, se replier sur des métiers de caissières qui ne correspondent pas à la formation qu'elles ont reçue.

Votre délégation recommande donc de procéder à un toilettage des formations proposées en fonction de leurs débouchés réels sur le marché de l'emploi et de supprimer certaines filières professionnelles destinées aux filles qui s'avèrent dépourvues de débouchés.

D. LA NÉCESSAIRE COMPLÉMENTARITÉ DE TOUS LES ACTEURS DE L'ORIENTATION

Conscients de la nécessité de remédier aux insuffisances actuelles de notre système d'orientation pour mieux s'adapter aux besoins tant des élèves eux-mêmes que de l'économie française, les derniers gouvernements ont engagé plusieurs réflexions.

Alors Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, avait confié à Mme Irène Tharin une mission parlementaire relative à la réussite des jeunes, du collège à l'université, fondée notamment sur une bonne orientation. Le rapport sur lequel cette mission a débouché, intitulé « Orientation, réussite scolaire : ensemble, relevons le défi » comporte également un certain nombre de constats et de propositions relatifs au problème spécifique de l'orientation des jeunes filles.

Plus récemment, une délégation interministérielle à l'orientation a été créée par un décret du 11 septembre 2006. Celui-ci lui assigne deux objectifs :

- permettre à chaque élève de bénéficier d'une orientation réussie ;

- faire coïncider les dispositifs d'orientation avec les besoins du marché du travail.

La délégation a auditionné Mme Irène Tharin et M. Bernard Thomas, délégué interministériel à l'orientation ainsi que des représentants des différents acteurs du système scolaire qui contribuent à l'orientation : conseillers d'orientation-psychologues, enseignants, parents d'élèves, professionnels et employeurs.

Au terme de ces entretiens, elle juge indispensable de développer l'efficacité et la complémentarité des différents acteurs de l'orientation.

1. Les conseillers d'orientation-psychologues : boucs émissaires ou révélateurs d'un malaise ?

On compte en France environ 4 500 conseillers d'orientation-psychologues et directeurs de centres d'information et d'orientation (CIO). Ils travaillent essentiellement auprès des collégiens, des lycéens, des jeunes en voie d'orientation professionnelle et des étudiants. Ils dispensent des conseils individuels en orientation, et interviennent dans les lycées et collèges, comme conseillers techniques de l'équipe éducative, ou comme formateurs auprès des équipes d'enseignants chargés de mettre en place des séquences d'orientation.

Ils partagent leur temps entre les établissements scolaires et les centres d'information et d'orientation qui sont à la fois un lieu d'accueil dans lequel les élèves peuvent obtenir un conseil individuel, et un lieu de ressources proposant une documentation variée : brochures, documents de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), mais aussi logiciels publics ou privés tels ceux produits par la fondation « Jeunesse, avenir, entreprise ».

Les auditions réalisées par la délégation ont confirmé que malgré le sens que les intéressés ont de leurs responsabilités, ce secteur concentrait sur lui-même une grande partie des critiques faites à l'ensemble du système.

a) Une formation inadéquate

Les conseillers d'orientation-psychologues (COP) sont recrutés par un concours ouvert aux titulaires d'une licence en psychologie, et suivent une formation de deux ans en psychologie, sociologie, économie et sciences de l'éducation, sanctionnée par le diplôme d'État de conseiller d'orientation-psychologue.

Au cours de leur audition devant la délégation, les représentants des conseillers d'orientation-psychologues ont défendu l'intérêt de cette formation et de sa forte composante de psychologie. Ils insistent sur le fait que tout projet scolaire et professionnel résulte chez l'élève de la projection d'une image de soi possible, et que les choix d'orientation sont de ce fait instrumentalisés par un besoin d'affirmation identitaire, inévitablement sexué. Une formation à la psychologie leur paraît en conséquence indispensable pour prendre en compte l'importance de la recherche identitaire sous-jacente à tout choix d'orientation.

Cette conviction semble être loin d'être partagée par les autres acteurs interrogés, qui pour la plupart jugent réductrice la formation trop axée sur la psychologie des conseillers d'orientation-psychologues, estimant qu'elle se paye d'une connaissance insuffisante des métiers et d'une inadéquation de l'orientation quant à l'insertion professionnelle. Ces critiques amènent les représentants des parents d'élèves, notamment, à rejoindre les recommandations formulées par Mme Irène Tharin en vue d'une refonte du recrutement et de la formation de conseiller d'orientation-psychologue.

Deux axes complémentaires de réforme mériteraient, d'après Mme Irène Tharin, d'être envisagés :

- une réforme de la formation des conseillers d'orientation qui ferait une plus large place à la connaissance du marché du travail, de la réalité des métiers, de la vie en entreprise, et, d'une façon générale, des réalités de l'économie ;

- une diversification de leur recrutement , qui devrait être ouvert aux formations juridiques, économiques, littéraires, voire dans la perspective d'une réorientation de carrière, à des enseignants qui recevraient, à cette fin, une formation complémentaire.

Votre délégation recommande, à son tour, de revoir le recrutement et la formation des conseillers d'orientation-psychologues, en s'interrogeant sur l'adéquation entre une formation axée sur la psychologie et la perception des réalités de l'emploi.

b) Une documentation trop abstraite

La documentation mise à la disposition des élèves dans les centres d'information et d'orientation est, dans l'ensemble, jugée trop abstraite. On lui reproche de ne pas évoquer la réalité concrète des métiers, et d'être déconnectée des réalités de l'emploi. Il est regrettable de ce point de vue que sur Internet, la base ONISEP pêche par son absence de lien avec le marché de l'emploi, alors que le recours à un lien hypertexte pourrait permettre, à moindre frais, de la rattacher à des sites existants consacrés à l'emploi.

c) Une organisation trop rigide

L'organisation des centres d'information et d'orientation, et notamment leurs horaires d'ouverture, ne les rendent pas toujours accessibles aux élèves, et plus encore à leurs parents qui sont engagés dans la vie professionnelle. Un assouplissement de ces horaires permettrait aux conseillers d'orientation-psychologues de jouer également le rôle d'aide à la parentalité qui devrait être le leur en direction des parents d'élèves qui souhaitent, à juste titre, s'impliquer dans les choix d'orientation importants pour l'avenir de leurs enfants.

2. Les enseignants : un rôle à conforter en matière d'orientation

Le « Cahier des charges de la formation des maîtres » rédigé en application de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 a confirmé très opportunément la responsabilité qui incombe aux professeurs en matière d'orientation. Même s'il revient au professeur principal de jouer un rôle privilégié en ce domaine, les autres enseignants doivent aussi s'y impliquer.

La délégation partage pleinement à cet égard le point de vue défendu par M. Bernard Thomas, délégué interministériel à l'éducation, qui rappelle que la mission des professeurs consiste aussi à faire connaître aux élèves et aux étudiants le monde du travail et de l'entreprise, tout en les aidant à s'orienter dans leur formation et leurs perspectives professionnelles.

Cette responsabilité incombe, en premier lieu, au professeur principal, et il conviendra de s'assurer que celui-ci aura reçu la formation nécessaire pour exercer ce rôle dans de bonnes conditions. Mais cette vocation particulière du professeur principal ne doit pas dispenser le reste de l'équipe éducative de se sentir investie d'une responsabilité en matière d'orientation professionnelle, chacun des professeurs s'efforçant, par exemple, de se tenir informé des débouchés professionnels correspondant plus particulièrement à la discipline qu'il enseigne, sans prétendre pour autant rivaliser avec les conseillers d'orientation auxquels il n'a évidemment pas vocation à se substituer.

La délégation juge souhaitable d'encourager le rôle des enseignants en matière d'orientation, par exemple en prévoyant la possibilité d'instituer un tutorat d'orientation pendant la scolarité.

La formation à dispenser aux enseignants pour leur permettre de remplir convenablement leur mission d'orientation ne saurait pour autant entrer dans le détail de la diversité des filières et des métiers. Cette formation qui, par la force des choses, s'en tiendra donc à un certain niveau de généralité, devrait comporter un volet consacré à la mixité professionnelle, de façon à lutter contre une vision stéréotypée qui conduit encore trop souvent aujourd'hui à considérer que certains métiers seraient « masculins » ou « féminins » par nature.

Au demeurant, cette sensibilisation devrait aussi concerner l'ensemble des personnels de l'éducation nationale qui sont en contact avec les élèves.

Votre délégation recommande, en conséquence, d'inclure dans le cursus de formation des enseignants et de l'ensemble des personnels du système éducatif des modules consacrés à la mixité professionnelle, en s'inspirant des enseignements déjà mis en place dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

La dimension « égalité des chances » doit, à cette occasion, être intégrée dans tous les dispositifs de formation initiale des professeurs, et dans les actions de formation continue dont ils peuvent bénéficier ultérieurement.

D'une manière générale, la délégation note qu'en matière d'orientation, la quasi totalité des intervenants, y compris les chercheurs du CEREQ, ont souligné que les enseignants jouaient un rôle au moins aussi important que les professionnels de l'orientation, tout en rappelant que le poids des familles reste également déterminant. Cette affirmation a conforté la délégation dans sa conviction que les enseignants demeurent des relais essentiels à mobiliser pour sensibiliser à une évolution utile des formes de représentation sexuées du travail et de l'emploi.

3. Mieux associer les parents d'élèves

Les parents d'élèves doivent être considérés comme des acteurs à part entière dans la politique d'orientation scolaire. Ils s'impliquent aujourd'hui, plus sans doute que par le passé, dans les choix auxquels sont confrontés leurs enfants, comme en témoigne leur participation accrue aux salons consacrés à l'éducation et à la formation.

Le système éducatif paraît cependant aujourd'hui sous-estimer, à un double point de vue, le rôle qu'ils peuvent jouer.

Tout d'abord - et c'est un point qu'ont relevé nombre de représentants des associations de parents d'élèves - il est regrettable qu'ils rencontrent souvent des difficultés à trouver leur place dans les établissements pour y jouer un rôle d'information sur les métiers auprès des élèves. De par la diversité de leurs expériences professionnelles, ils sont pourtant une source d'information concrète sur la réalité des métiers que l'on a tort de négliger. Il conviendrait donc de mieux reconnaître les fenêtres que chacun d'entre eux est susceptible d'ouvrir sur la vie économique et l'emploi, et de tirer davantage parti de cette ressource, comme le font les anglo-saxons avec la pratique du « parent's day ». Cette variété des témoignages peut notamment contribuer à compenser les effets d'un tête-à-tête trop exclusivement familial qui peut conduire à une reproduction de l'orientation professionnelle des parents, souvent perçue comme sécurisante pour le devenir des enfants.

En sens inverse, les parents d'élèves doivent être, davantage qu'aujourd'hui, intégrés au « public-cible » du système d'orientation et d'information sur les métiers.

Il est évident, particulièrement dans l'hypothèse d'une orientation précoce de l'élève en fin de classe de troisième, que les choix doivent être préparés le plus en amont possible, si l'on veut qu'ils correspondent au moins à l'ébauche d'un projet professionnel, et qu'ils ne se limitent pas à une orientation par défaut sur le seul fondement des résultats scolaires.

Dès lors qu'ils en sont demandeurs, les parents doivent être associés à ces choix, et bénéficier à cette fin, d'une information et d'une aide à la parentalité. À cet égard, si l'on considère que les services que les conseillers d'orientation-psychologues rendent sont aussi destinés aux parents d'élèves, il convient de veiller, comme on l'a vu plus haut, à ce que les plages d'ouverture des centres d'information et d'orientation, et les horaires de service des conseillers soient compatibles avec les moments où, compte tenu de leur vie professionnelle, les parents peuvent être disponibles.

Ces considérations conduisent votre délégation à recommander que les parents d'élèves soient mieux associés à l'orientation, en partenariat avec les conseillers d'orientation et en présence des enfants, et que soit développée « l'aide à la parentalité ».

4. Une attention particulière à porter aux élèves

Placés au centre des attentions de la communauté éducative, les élèves doivent faire l'objet d'actions de sensibilisation particulières.

C'est pourquoi la délégation recommande d'intégrer la problématique de l'égalité et du respect mutuel entre les sexes dans les programmes d'instruction civique : cette problématique de l'égalité des chances s'analyse comme une déclinaison du principe d'égalité qui est au coeur de notre droit public, et qui est consacrée par la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité ». La délégation recommande en même temps de veiller à garantir la mixité dans toutes les activités d'éducation et d'enseignement.

La sensibilisation à la problématique de l'égalité des chances entre les filles et les garçons peut également être relayée par les délégués des élèves au sein de leurs instances représentatives : conseil académique de la vie lycéenne (CAVL), conseil des délégués des élèves de l'enseignement agricole, conseil régional des élèves.

Les auditions réalisées par la délégation ont également pointé les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les enfants d'immigrés. Élevés dans des familles qui n'ont pas nécessairement, et pour cause, une maîtrise très poussée de la langue française, ils présentent, par rapport aux élèves français ou à d'autres enfants plus acclimatés, des retards plus fréquents en matière d'alphabétisation et de maîtrise de la langue française, qui conditionnent d'ailleurs l'apprentissage des autres savoirs fondamentaux. Ces handicaps d'ordre culturel et linguistique risquent d'affecter encore plus fortement les filles lorsqu'elles sont issues de cultures où la femme est traditionnellement cantonnée à la sphère domestique, et n'a pas vocation, comme l'homme, à accéder au savoir.

Votre délégation recommande, en conséquence, d'apporter un soutien spécifique aux enfants, filles et garçons, dont la langue maternelle, ou celle pratiquée dans la famille, n'est pas le français, notamment en matière d'alphabétisation et d'apprentissage de la langue française.

E. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF

La problématique de l'égalité des chances entre les filles et les garçons ne doit pas être prise en compte uniquement dans la formation des personnels qui sont au contact direct des élèves - professeurs, conseillers d'orientation-psychologues - mais être intégrée à tous les échelons du système éducatif.

Les auditions conduites par la délégation montrent que les démarches de promotion de l'égalité filles-garçons sont déjà largement prises en compte aux différents échelons du système éducatif. Toutefois, dans un domaine où les progrès ne peuvent résulter que d'un travail de longue haleine, il convient de ne pas relâcher l'attention, mais de renforcer et de généraliser les actions entreprises.

Succédant à des conventions bilatérales signées en 1984 et 1989 entre les ministères chargés de l'éducation nationale et des droits des femmes pour favoriser la diversification des choix professionnels des jeunes filles, suivies d'une première convention interministérielle en date du 25 février 2000, la Convention pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif, cosignée par le ministre en charge de l'éducation nationale et sept autres ministres le 29 juin 2006, a fixé des objectifs ambitieux afin d'améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons, de modifier les stéréotypes et d'assurer une éducation à l'égalité des sexes :

- renforcer la visibilité des parcours d'études des filles et des garçons et de leur insertion professionnelle, notamment grâce à la réalisation de statistiques sexuées ;

- veiller à inclure une dimension sexuée dans l'information délivrée sur les métiers et les filières de formation ;

- promouvoir auprès des filles, les filières et les métiers des domaines scientifiques et technologiques porteurs d'emplois ;

- intégrer dans les enseignements dispensés, la thématique de la place des femmes et des hommes dans la société ;

- prévenir et combattre les violences sexistes ;

- former l'ensemble des acteurs et actrices du système éducatif à l'égalité ;

- intégrer l'égalité entre les filles et les garçons dans les projets des établissements d'enseignement.

Il est souhaitable que cette démarche interministérielle, qui semblait quelque peu en sommeil, puisse être réactivée sous l'impulsion de Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l'académie de Besançon, qui a été désignée présidente du comité de pilotage de la convention le 7 mars 2008 et que la délégation a auditionnée. Au cours de son audition, Mme Marie-Jeanne Philippe s'est notamment dite favorable à la mise en place d'indicateurs chiffrés permettant d'évaluer les objectifs fixés par la convention et de mesurer les progrès qui pourront être accomplis.

Votre délégation juge également nécessaire de réhabiliter le rôle et les moyens des délégué(e)s à l'égalité des chances dans les rectorats.

Celles-ci, ou ceux-ci, pourraient s'attacher, notamment, à susciter et animer un réseau de correspondants « égalité des chances filles-garçons » présents dans les différents établissements publics locaux d'enseignement : lycées, collèges ou établissements d'éducation spéciale, à l'image de ce que pratiquent déjà certaines académies comme celle de Rouen.

Le rectorat devrait en outre veiller plus systématiquement à intégrer la dimension « égalité des chances » dans tous les projets d'établissement, en l'intégrant par exemple dans les thèmes de l'éducation civique, ou lors de l'heure de vie de classe, ou encore dans les conseils d'école de l'enseignement primaire.

De la même façon, la problématique de l'égalité des chances devrait être intégrée plus systématiquement au projet régional de l'enseignement agricole, sur la base d'un état des lieux sur la place des filles et des garçons dans les différentes filières de formation.

Enfin, la délégation recommande que soient introduits dans les contrats d'objectifs passés entre les lycées, les collèges et les établissements d'éducation spéciale d'une part, et le rectorat de l'autre, la fixation d'obligations de moyens en matière d'information sur les métiers et sur l'emploi.

III. FREINÉE PAR UN DEFICIT D'INFORMATION, L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES FEMMES DANS DES MÉTIERS TRADITIONNELLEMENT MASCULINS DOIT ÊTRE FACILITÉE

Les témoignages recueillis par la délégation au cours de ses nombreuses auditions, ainsi que du déplacement qu'elle a effectué sur le terrain, montrent que l'insertion professionnelle des femmes dans des filières considérées traditionnellement comme masculines se heurte encore à de nombreuses difficultés, mais que celles qui parviennent à les surmonter peuvent parfaitement s'épanouir dans leur vie professionnelle.

En raison d'une trop fréquente ignorance du monde de l'entreprise par les acteurs du système éducatif, les métiers sont mal connus dans leur réalité. En particulier, faute d'une information suffisante, les métiers scientifiques, industriels et techniques ont une image souvent très négative auprès des femmes.

Pour permettre un rééquilibrage entre femmes et hommes dans les différentes filières d'activité professionnelle, il apparaît donc nécessaire de développer les liens entre école et entreprise, de mieux faire connaître la réalité des métiers, de faire bénéficier les femmes choisissant de s'orienter vers des métiers traditionnellement masculins d'une formation professionnelle adaptée et d'un meilleur accompagnement dans leur parcours, d'inciter les entreprises à employer des femmes et de favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

A. DÉVELOPPER LES LIENS ENTRE ÉCOLE ET ENTREPRISE, DEUX MONDES QUI S'IGNORENT TROP SOUVENT

Les travaux de la délégation ont mis en évidence une trop fréquente méconnaissance du monde de l'entreprise par les différents acteurs du monde de l'éducation, ainsi qu'une certaine inadéquation de la formation aux besoins réels de l'économie.

Pour remédier à cette situation qui contribue à alimenter les préjugés sexués sur les métiers, la délégation juge indispensable de multiplier les liens entre école et entreprise, qui se sont sensiblement accrus au cours de la période récente, mais sont encore insuffisants.

L'ensemble des intervenants entendus par la délégation ont reconnu la nécessité de généraliser les stages et visites en entreprise, tant pour les enseignants que pour les élèves, afin de favoriser une meilleure connaissance concrète de la réalité des métiers. Certains ont même évoqué l'existence dans le monde éducatif d'un état d'esprit qui ne serait pas toujours favorable à l'entreprise et tendrait à perpétuer les préjugés.

1. Généraliser les stages en entreprise pour les enseignants

Certes, les pouvoirs publics semblent avoir récemment pris conscience de la nécessité de sensibiliser les professeurs, comme les élèves, aux réalités du monde économique.

Ainsi, le « cahier des charges de la formation des maîtres en institut universitaire de formation des maîtres » , rédigé en application de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 et institué par un arrêté du 19 décembre 2006, prévoit désormais qu'il deviendra obligatoire pour tout enseignant d'effectuer un stage dans une entreprise ou une administration au cours de sa formation pour obtenir sa titularisation.

En effet, ainsi qu'il a déjà été rappelé précédemment, la mission des professeurs ne consiste pas seulement à transmettre des savoirs, mais aussi à faire connaître aux élèves le monde du travail et l'entreprise, tout en les aidant à s'orienter dans leur formation et leurs perspectives professionnelles.

M. Bernard Thomas, délégué interministériel à l'orientation, a cependant rappelé que jusque là seuls les enseignants des filières technologiques et professionnelles étaient soumis à des obligations statutaires de stage en entreprise, aucune obligation n'incombant traditionnellement aux enseignants du primaire et du supérieur. Il a estimé nécessaire d'accorder une priorité aux enseignants des lycées pour le développement des stages en entreprise.

La délégation recommande que soit effectivement généralisée dans la pratique l'obligation pour tous les enseignants d'effectuer des stages en entreprise au cours de leur formation initiale et continue.

2. Rendre obligatoires les stages des élèves en entreprise

En ce qui concerne les élèves, M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, a souhaité, au cours d'une communication présentée en conseil des ministres le 25 octobre 2007, qu'aucun élève ne quitte le collège sans avoir passé au moins dix jours dans une entreprise.

Pour répondre à ce souci, un parcours de découverte des métiers et des formations a été institué pour tous les élèves à partir de la classe de cinquième. Mis en oeuvre dès la rentrée 2008 dans les collèges volontaires, ce parcours devrait être généralisé à la rentrée 2010. À terme, plus aucun élève ne devrait quitter le collège sans avoir passé dix jours dans une entreprise et découvert plusieurs filières de métiers différents.

Plus généralement, M. Bernard Thomas, conseiller interministériel à l'orientation, a appelé de ses voeux, au cours de son audition devant la délégation, la mise en place de parcours de découverte des métiers tout au long de la scolarité.

Au cours de son audition, M. Jean-Michel Pottier, président de la commission « formation » de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), a jugé urgent de rendre systématiques et obligatoires les stages d'immersion des élèves en entreprise, qui sont aujourd'hui facultatifs et dépendent trop souvent du bon vouloir des chefs d'entreprise.

Plusieurs intervenants ont souligné devant la délégation l'intérêt de l'option de découverte professionnelle de trois heures hebdomadaires qui a vocation à être proposée à tous les élèves en classe de troisième depuis la rentrée 2005, et ont proposé sa généralisation. Selon un rapport de l'Inspection Générale de l'Éducation nationale (IGEN) de janvier 2007, « pour la première fois dans le cadre de la scolarité obligatoire, la volonté de sensibiliser les élèves aux métiers au sein même des enseignements est devenue réalité. Cette ouverture au monde professionnel n'est plus le seul fait des conseillers d'orientation-psychologues et n'est pas réservée uniquement aux élèves en difficulté. L'option de découverte professionnelle (...) dont le statut n'est pas différent des autres options a amorcé un véritable changement d'esprit au sien du collège. » 30 ( * )

La délégation souhaite que soient rendus obligatoires les stages d'immersion des collégiens en entreprise, en prévoyant un bref compte rendu de stage.

Elle recommande également la généralisation de l'option de découverte professionnelle de trois heures hebdomadaires en classe de troisième.

Cependant, certains intervenants ont souligné les difficultés concrètes auxquelles donne lieu l'organisation des stages et visites de groupes d'élèves en entreprise.

Mme Sylvie Amici, membre du conseil d'administration de l'Association des conseillers d'orientation psychologues (ACOP), a regretté que trop souvent incomplètes et centrées sur les pôles de fabrication, ces visites ne montrent pas la réalité des métiers exercés.

Mme Eveline Duhamel, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, a signalé la difficulté de trouver des entreprises volontaires pour accueillir des élèves et organiser des visites, d'autant que celles-ci sont soumises depuis quelques années à des prescriptions renforcées en matière de sécurité. Elle a par ailleurs déploré que les enseignants n'accompagnent pas toujours les enfants lors de ces visites et n'organisent pas systématiquement des séances de préparation en amont.

Dans ce contexte, l'intérêt des expériences menées par certaines branches professionnelles, comme le secteur du bâtiment, pour développer l'accueil des élèves et des enseignants dans les entreprises, mérite d'être souligné.

M. Jean-Luc Sethi, entrepreneur, chef de file du projet « 30 000 femmes sur les chantiers à l'horizon 2009 » de la Fédération française du Bâtiment (FFB) a par exemple évoqué l'opération « Un jeune, un jour » permettant d'accueillir un collégien pendant une journée en stage dans une entreprise du bâtiment, qu'il avait initiée dans le Nord-Pas de Calais il y a quelques années, en précisant qu'il avait prolongé cette initiative en lançant l'opération « Un professeur, un jour » qui, en accueillant un enseignant pendant une journée dans une entreprise, permet bien souvent de transformer un scepticisme initial en une prise de conscience des potentialités offertes par ce secteur.

D'une manière générale, les travaux de la délégation ont mis l'accent sur l'intérêt des témoignages apportés par les professionnels, plus que de la découverte des installations par exemple.

3. Recourir plus souvent aux témoignages des professionnels dans les écoles

Les témoignages des professionnels sur leur expérience concrète peuvent aussi être apportés au sein même des établissements scolaires, à l'intérieur des classes, notamment par des chefs d'entreprise, anciens élèves ou parents d'élèves.

À cet égard, on peut citer en exemple l'opération « 1000 ambassadrices pour les sciences à Paris » , menée conjointement par les associations Femmes et mathématiques, Femmes et sciences, et Femmes ingénieurs. Cette opération récente a consisté à envoyer dans les lycées des « trinômes » féminins constitués d'une jeune étudiante d'une université scientifique, d'une jeune étudiante d'une grande école d'ingénieurs ou d'une ENS, et d'une scientifique confirmée, qui représentent des modèles auxquels les lycéennes peuvent s'identifier ; elle devrait être reprise ultérieurement dans certaines régions.

Mme Armelle Carminati, vice-présidente « Engagement et diversité » d'Accenture France, membre du bureau de la commission « Nouvelles générations » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), a évoqué devant la délégation l'intérêt de la pratique anglo-saxonne du « parent's day » au cours duquel les parents des élèves viennent présenter leurs métiers dans les classes.

La délégation recommande d'organiser régulièrement des témoignages d'adultes (chefs d'entreprise, anciens élèves, parents d'élèves) sur leur expérience professionnelle, en s'inspirant par exemple de la pratique du « parent's day » permettant aux parents d'élèves de présenter leur métier en classe.

4. Multiplier les journées d'information sur les métiers à l'intention des élèves et étudiants

Les personnes rencontrées par la délégation au cours de ses auditions, comme de son déplacement, ont unanimement souligné l'intérêt des informations apportées aux élèves lors des Forums de découverte des métiers, Salons de l'étudiant, Journées Portes Ouvertes, et autres manifestations de ce type. Les contacts directs offerts par ces rencontres ont souvent été jugés plus utiles que les brochures et plaquettes d'information distribués dans les centres d'information et d'orientation, par exemple.

Diverses initiatives ont été prises dans les régions pour adapter ces manifestations aux besoins d'information spécifiques des femmes.

Ainsi, en Bourgogne, un travail partenarial mené par la déléguée régionale aux droits des femmes a permis la mise en place de quatre « Carrefours des carrières au féminin » , qui ont reçu entre 400 et 1500 visiteurs et parmi eux, un tiers de parents.

Des organismes comme l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) font désormais appel aux chefs d'entreprises pour l'organisation d'actions d'information sur les métiers. Mme Geneviève Bel, vice-présidente déléguée à l'entrepreneuriat au féminin de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), a mentionné à titre d'exemple l'organisation d'une journée Portes ouvertes d'information sur les métiers masculins en Picardie. Elle a également évoqué l'opération « Planète PME 07 » au cours de laquelle ont été organisées des tables rondes ou des conférences permettant aux femmes de présenter leur expérience professionnelle dans les métiers dits masculins.

Au cours du déplacement effectué par la délégation dans la région nantaise, les responsables de la « Maison de l'orientation et de l'emploi » (MOE) de Carquefou, créée en 1990 à l'initiative de la présidente de la délégation, alors maire de cette commune, ont présenté deux manifestations spécifiques mises en place par la MOE.

Un forum d'information d'une demi-journée à l'intention des élèves de classes de quatrième et troisième, intitulé « A la découverte des métiers » , permet la découverte des différents secteurs d'activité, ainsi que des échanges avec des professionnels sur la réalité des métiers. En 2008, il a rassemblé 70 professionnels et 400 visiteurs, dont 200 jeunes. Lors d'une année antérieure, l'accent avait été mis sur la parité ; un binôme composé d'un homme et d'une femme avait ainsi représenté chaque métier.

Une manifestation annuelle d'ampleur régionale, intitulée « Rendez-vous vers l'emploi » , réunit en un même lieu des représentants des entreprises, des agences de travail temporaire, des structures d'accompagnement et des centres de formation présentant des métiers porteurs, ainsi qu'une bourse de l'emploi et des conférences sur une centaine de stands (2 000 visiteurs par an). Dans le cadre de cette manifestation, des actions spécifiques ont été menées à deux reprises en faveur des femmes et ont soulevé un grand intérêt :

- en 2002, un car avait été installé pour faire découvrir aux femmes les métiers de l'industrie, du bâtiment, de la plasturgie...

- en 2007, a été mise en oeuvre une « semaine de recrutement au féminin » , concernant des secteurs tels que les transports, la grande distribution et la banque.

La délégation recommande la multiplication des journées d'information sur les métiers à l'intention des élèves et des étudiants (Forums de découverte des métiers, Salons de l'étudiant, Journées Portes ouvertes...), particulièrement utiles pour faire connaître aux femmes les potentialités offertes par l'ensemble des métiers.

B. MIEUX FAIRE CONNAÎTRE LA RÉALITÉ DES MÉTIERS SCIENTIFIQUES, TECHNIQUES ET INDUSTRIELS

L'accès des femmes aux filières scientifiques, industrielles et techniques est freiné par une image stéréotypée des métiers, peu conforme à la réalité, en raison d'une information encore insuffisante qui doit être développée par des actions de communication spécifiques.

1. Une image stéréotypée des métiers techniques et industriels, peu conforme à la réalité

Les métiers techniques et industriels souffrent souvent d'une image négative auprès des femmes, qui en ont de « fausses représentations » selon l'expression retenue par Mme Danielle Nicolas, présidente de la chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle à propos des métiers de l'artisanat.

Ainsi, elles s'imaginent fréquemment que ces métiers leur sont a priori inaccessibles, alors qu'une fois « en situation » , elles découvrent par l'expérience qu'elles peuvent tout à fait avoir les compétences requises pour les exercer avec succès.

Mme Armelle Carminati, vice-présidente « Engagement et diversité » d'Accenture France, membre du bureau de la commission « Nouvelles générations » du MEDEF, a par exemple fait observer au cours de son audition que le métier d'ingénieur était particulièrement mal connu et a cité une récente étude sur la perception de ce métier par les jeunes filles, selon laquelle celui-ci est à tort associé à une image de travail solitaire et cérébral dans un monde « froid », alors que les femmes manifestent habituellement une préférence pour les relations humaines, la communication et le travail d'équipe.

Ainsi que l'ont souligné différents intervenants devant la délégation, et notamment Mme Françoise Fillon, déléguée générale de l'Union nationale des associations « Retravailler », les trois stéréotypes qui tendraient à empêcher la mixité des métiers, selon différentes études réalisées en Europe, ne résistent pas à un examen réaliste.

- S'agissant tout d'abord de la pénibilité physique, les progrès de l'ergonomie et la mécanisation permettent désormais un accès égalitaire des femmes et des hommes à la plupart des métiers, comme en témoigne le secteur du bâtiment ; au demeurant, selon certains témoignages, les femmes compensent leur moindre force physique par une meilleure organisation de leur travail.

- En ce qui concerne l'argument tiré d'une moindre disponibilité des femmes en raison de leurs responsabilités familiales, ce problème n'affecte pas davantage les métiers de l'industrie et du bâtiment que d'autres professions. Au contraire, plusieurs intervenants ont fait observer que les métiers du bâtiment, par exemple, offrent aux femmes le bénéfice d'horaires réguliers, ce qui n'est pas le cas de professions traditionnellement très féminisées comme celle d'infirmière.

- Enfin, alors que certains font valoir que les femmes et les hommes auraient des compétences différenciées, on n'observe aucune différence pendant l'enfance et le clivage sexué des compétences que l'on peut constater plus tard semble relever largement de freins culturels.

Or l'image stéréotypée des métiers est d'autant plus préjudiciable que les entreprises sont aujourd'hui en pénurie de main-d'oeuvre dans de nombreux secteurs, comme le bâtiment ou certaines branches de l'artisanat, qui sont donc susceptibles d'offrir beaucoup d'opportunités pour l'emploi des femmes.

Il apparaît donc essentiel de développer des actions spécifiques pour mieux faire connaître l'accessibilité de ces métiers aux femmes.

2. Des campagnes d'information, sans doute efficaces mais encore trop peu nombreuses

a) Les campagnes nationales

Conformément aux engagements pris dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité entre les hommes et les femmes, certaines branches professionnelles ont mis en place des campagnes d'information pour faire connaître l'ouverture de leurs métiers aux femmes.

On peut notamment citer la campagne de communication nationale « IndustriElle » initiée par l'Union des Industries Métallurgiques et Minières (UIMM), qui a permis de réunir 12 000 jeunes filles et femmes au Palais Omnisport de Paris en 2005 afin de faire évoluer leur regard sur le monde de l'industrie et les aider à s'y projeter à travers les témoignages de professionnelles, ou le concours national « Conjuguez les métiers du bâtiment au féminin ! » réalisé en 2006 par la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), avec le soutien financier du service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE).

Après avoir mené en 2003-2004 une étude sur les représentations du secteur du bâtiment, qui a montré que le grand public était prêt à envisager positivement l'arrivée des femmes sur les chantiers, mais que ce secteur souffrait d'un déficit de communication, la Fédération Française du Bâtiment (FFB), dont les représentants ont été entendus par votre délégation, a mis en place une campagne très ambitieuse ayant pour objectif de tripler les effectifs de femmes sur les chantiers de 2004 à 2009, en les faisant passer de 10 000 à 30 000.

Désormais, toute la communication émanant de cette branche professionnelle respecte le principe de mixité, en faisant par exemple, apparaître systématiquement des femmes et des hommes sur les affiches.

Des campagnes d'information et de sensibilisation ont été mises en place en partenariat avec l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et l'ANPE pour faire découvrir les métiers du bâtiment aux femmes, et ont été relayées par des actions locales, notamment en liaison avec les établissements d'enseignement.

Les travaux de la délégation ont en effet montré la nécessité de compléter les campagnes nationales d'information par des actions sur le terrain.

b) Les actions menées sur le terrain

Le déplacement effectué par la délégation en région nantaise lui a permis de découvrir des actions de communication intéressantes pour faire découvrir les métiers de l'industrie et du bâtiment aux jeunes.

En particulier, les sénatrices qui ont participé à ce déplacement ont pu visiter un outil de présentation ludique des métiers industriels à l'intention des jeunes, le « Booster » , conçu par l'Institut catholique d'Arts et des Métiers de Nantes (ICAM) et financé par des crédits du Fonds social européen (FSE) : installé dans un camion itinérant qui parcourt toute la France, le « Booster » prend la forme d'un jeu vidéo mettant en scène l'histoire d'un « challenge » dans le milieu industriel.

L'ICAM organise également des « matinées découverte » , le mercredi, et des « journées découverte » , le vendredi, pour faire découvrir le milieu industriel à des personnes en réflexion sur leur orientation : au cours de ces journées, peuvent être visités des ateliers de soudure, fraisage, électricité ...

De même, l'AFPA organise, dans ses locaux de Saint-Herblain, des journées de découverte des métiers de l'industrie et du bâtiment (les « jeudis de l'AFPA » ), ainsi que des « formations découverte » destinées à permettre à leurs bénéficiaires d'élaborer des projets professionnels, notamment dans les métiers du bâtiment, qui peuvent ensuite être suivies de « formations qualifiantes » .

Les témoignages de jeunes femmes ayant participé à ces journées de découverte ont montré aux membres de la délégation que ces actions d'information avaient joué un rôle essentiel dans leur insertion ou réinsertion professionnelle : en effet, elles ont ainsi pu découvrir des métiers manuels, comme le métier de « chaudronnière », qui leur plaisent vraiment et pour lesquels elles sont très motivées, après des premières expériences professionnelles variées et plus ou moins réussies dans des secteurs très différents, ou des successions de « petits boulots ». Il est frappant de constater que ces jeunes femmes semblent beaucoup plus satisfaites de leur insertion professionnelle dans des métiers dits masculins (menuiserie, logistique, bâtiment, peinture, carrelage ...), que de leurs expériences professionnelles antérieures dans des métiers occupés traditionnellement plutôt par des femmes, comme vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter ou hôtesse de caisse, par exemple.

3. L'intérêt des prix encourageant les femmes à s'orienter dans des filières scientifiques et techniques

Les travaux de la délégation ont par ailleurs montré la nécessité pour les jeunes filles de disposer de « modèles de réussite » pour leur permettre de réaliser qu'il est possible à une femme de s'insérer avec succès dans une filière scientifique ou technique réputée traditionnellement masculine. C'est pourquoi il importe de faire connaître les parcours et les témoignages de femmes ayant réussi dans des filières où elles sont minoritaires, par exemple par l'attribution de prix.

Plusieurs prix destinés à encourager l'investissement des femmes dans ces filières ont ainsi été institués par les pouvoirs publics, en liaison avec différents partenaires.

- Le « Prix de la vocation scientifique et technique des filles » (PVST), destiné à des jeunes filles en classe de terminale, récompense depuis 1991 des jeunes filles qui font le choix de braver les préjugés en s'orientant vers une filière scientifique ou technologique de l'enseignement supérieur comptant moins de 40 % de filles. Ce prix est organisé par le service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE) avec le soutien de financements extérieurs, notamment en provenance des conseils régionaux, et en partenariat avec les rectorats et les établissements scolaires. Les récompenses, d'un montant de 1000 euros et au nombre de 650 en 2008, sont attribuées par le préfet de région, à la suite de l'examen des candidatures par des jurys régionaux, au regard du projet d'études et du projet professionnel de la jeune fille, de sa motivation ainsi que de son mérite. La forte médiatisation du PVST permet d'obtenir des effets démultiplicateurs en matière d'information.

- Le « Prix Irène Joliot-Curie » , créé en 2001 par le ministère de la recherche et organisé depuis 2004 avec la Fondation d'entreprise EADS pour la recherche, est destiné à promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie. En 2006, il comportait trois catégories dotées chacune de 10 000 euros : la catégorie « Parcours femme entreprise » , la catégorie « Jeune femme scientifique » et la catégorie « Femme scientifique de l'année » .

- Le « Prix Excellencia » , initiative réunissant différents partenaires, dont en particulier le service des droits des femmes et de l'égalité, le ministère de la recherche et des associations telles que Femmes ingénieurs, dont l'objectif est de promouvoir la réussite de femmes impliquées dans la création, le développement ou la mise en application de nouvelles technologies, afin de valoriser des filières de formation et des métiers vers lesquels encore trop peu de jeunes filles s'orientent.

- Le « Prix L'Oréal-Unesco » , qui récompense des femmes ayant mené à bien des carrières scientifiques et qui bénéficie d'une large médiatisation, constitue également une initiative intéressante.

Des prix sont également décernés au niveau régional. Ainsi dans plusieurs régions, les déléguées régionales aux droits des femmes et à l'égalité ont mis en place, en partenariat avec les conseils régionaux, des prix destinés à encourager les jeunes femmes à se diriger vers l'apprentissage. Par exemple, en Alsace, a été créé un « Prix de la diversification de l'apprentissage féminin » , avec le soutien de l'entreprise Electricité de France (16 prix d'un montant de 800 euros ont été décernés en 2006).

Dans la région nantaise, l'Espace Simone de Beauvoir, association menant des actions pour la défense et la promotion des droits des femmes dans les domaines économique, social, culturel et politique, décerne chaque année le « Prix Marguerite Thibert » qui récompense des projets professionnels non traditionnellement féminins. Ce prix permet de faire connaître des parcours d'orientation atypiques et originaux et d'encourager de tels projets, tout en appelant l'attention sur les difficultés rencontrées par les intéressées.

C. FACILITER L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES FEMMES

Pour favoriser l'insertion professionnelle des femmes dans des filières où elles ne s'orientent pas habituellement, il apparaît nécessaire de faciliter leur accès à une formation professionnelle adaptée et de les faire bénéficier d'un accompagnement personnalisé.

1. Offrir aux femmes l'accès à une formation professionnelle initiale et continue adaptée

Les auditions de la délégation ont montré que l'insertion professionnelle des femmes dans des filières masculines passait d'abord par l'accès tout au long de la vie à une formation professionnelle adaptée, qu'il s'agisse d'une formation initiale, d'une formation en alternance, d'une formation continue ou de la validation des acquis de l'expérience (VAE). En effet, les femmes découvrent souvent leur « vocation » pour un métier scientifique ou technique à l'occasion d'un stage ou d'une formation et leur orientation dans ces filières est fréquemment une réorientation, après une orientation initiale inadaptée ou « par défaut » dans des filières traditionnellement féminines, ainsi que l'ont montré les témoignages des jeunes filles rencontrées par la délégation au cours de son déplacement sur le terrain.

Or l'accès à la formation continue et le dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE) sont beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre pour les femmes, qui ont souvent des trajectoires professionnelles « en pointillé » en raison d'interruptions de carrière liées à l'éducation des enfants, que pour les hommes qui ont généralement des parcours professionnels plus linéaires. Pourtant, les femmes ont encore plus besoin que les hommes de bénéficier de la formation continue, car une « remise à niveau » s'avère souvent indispensable pour retrouver un emploi après une interruption de carrière.

L'association « Retravailler », dont les représentantes ont été entendues par la délégation, avait d'ailleurs été créée en 1974, à l'initiative de Mme Evelyne Sullerot, afin d'aider les femmes ayant interrompu leur vie professionnelle pour élever leurs enfants à se réinsérer dans le monde du travail. Aujourd'hui cette association, qui s'adresse aussi bien aux femmes qu'aux hommes, s'attache à faire progresser la mixité des métiers, en axant son action sur la formation professionnelle tout au long de la vie.

Au cours de son audition, Mme Marie-Jeanne Philippe, présidente du comité de pilotage de la Convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, a souligné la nécessité de donner une priorité à la formation continue des femmes.

Dans le cadre de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, des dispositions ont été adoptées pour favoriser un accès équilibré des femmes et des hommes aux différentes filières de formation professionnelle et d'apprentissage, en invitant les régions à prendre en compte cet objectif pour établir le plan régional de développement des formations professionnelles ou pour élaborer des contrats fixant les objectifs de développement des formations professionnelles initiale et continue.

En particulier, le code du travail prévoit la possibilité d'instituer, à titre transitoire, par voie réglementaire ou conventionnelle, des mesures prises au seul bénéfice des femmes en vue d'établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes en matière de formation ; ces mesures sont destinées notamment à corriger les déséquilibres constatés au détriment des femmes dans la répartition des femmes et des hommes dans les actions de formation et à favoriser l'accès à la formation des femmes souhaitant reprendre une activité professionnelle interrompue pour des motifs familiaux 31 ( * ) .

Il importe de donner une application effective à ces dispositions pour qu'elles ne restent pas lettre morte.

En application des lois sur la formation professionnelle et l'apprentissage, 33 conventions-cadres de coopération ont été signées depuis 1972 entre les organisations professionnelles et le ministère de l'éducation nationale ; au cours de son audition devant la délégation, Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité, a préconisé leur généralisation.

Mme Françoise Fillon, déléguée générale de l'Union nationale des associations « Retravailler », a cité des expériences qui, grâce à un partenariat entre différents acteurs de l'insertion professionnelle comme l'AFPA ou les chambres consulaires, ont permis d'insérer des femmes dans l'agriculture, l'artisanat ou le bâtiment, par exemple, et des hommes dans le secteur des services à la personne.

Divers acteurs de la formation professionnelle entendus par la délégation mènent actuellement des actions spécifiques en direction des femmes, constituant autant d'exemples de bonnes pratiques.

Sur le fondement d'un accord-cadre national signé le 8 mars 2007 par Mme Catherine Vautrin, alors ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, l'organisme gestionnaire des fonds de la formation professionnelle de la CGPME, l'AGEFOS-PME, a engagé un plan d'action pour favoriser la formation et l'emploi des femmes et participer au décloisonnement de l'emploi féminin.

Ainsi sur les 35 196 contrats de professionnalisation conclus en 2007 par l'AGEFOS-PME, 54 % ont bénéficié à des femmes, alors qu'au plan national les femmes ont un accès inférieur aux contrats aidés. 56 % de ces contrats de professionnalisation bénéficiant à des femmes ont été conclus par des employeurs de moins de 10 salariés, avec un accent mis sur les professions jusqu'alors considérées comme masculines.

Cette politique, conduite au plan national, s'est appuyée sur des projets régionaux :

- en Provence-Alpes-Côte d'Azur, un projet de promotion du contrat de professionnalisation comme outil de recrutement en faveur des femmes, notamment dans le cadre d'une diversification de leurs choix professionnels ;

- en Midi-Pyrénées, un projet de professionnalisation des salariés en phase de transition professionnelle destiné en particulier aux femmes ;

- en Rhône-Alpes, un projet de développement de l'accès des femmes à la formation grâce à la mise en place de services collectifs favorisant leur disponibilité (une crèche interentreprises a été créée dans ce cadre) ;

- en Corse, un projet de développement d'actions de formation destinées aux femmes futures créatrices d'entreprise ou futures cadres.

En outre, au niveau national, des outils ont été créés pour la sensibilisation et la mise en oeuvre d'actions de formation à destination des entreprises :

- un argumentaire à destination des conseillers en formation pour les aider à convaincre les chefs d'entreprise de l'importance de la thématique de l'insertion des femmes ;

- un outil de pré-diagnostic à destination des conseillers en formation pour les guider dans la réalisation d'une première analyse de la situation de l'entreprise en termes d'égalité professionnelle ;

- un cahier des charges de la formation posant les principes de base à respecter dans le cadre d'un appel d'offres sur cette thématique.

La Fédération française du Bâtiment (FFB) a également engagé de gros efforts de formation en direction des femmes.

9 300 femmes étaient en formation dans la filière des métiers du bâtiment en 2005, dont 6 300 en formation initiale et 3 000 en reconversion professionnelle. Cet effort de formation a permis une augmentation de plus de 50 % depuis 2004 du nombre de femmes travaillant sur les chantiers et dans les ateliers, qui a atteint 15 000 en 2007.

Un effort tout particulier est mené en faveur de l'apprentissage. Ainsi, les effectifs des filles (pré-apprenties et apprenties) dans les centres de formation d'apprentis conventionnés avec le Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA-BTP) ont évolué de 167 filles fin 1993 (0,46 % du total) à 705 filles fin 2004 (1,11 % du total) et 1380 filles fin 2007 (1,85 % du total).

Par ailleurs, au cours de son audition, Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, a présenté un projet de formation permettant d'apporter une aide aux créatrices d'entreprise : le projet d'université des métiers, dans lequel sont déjà engagées quelques chambres de métiers et qui doit, à terme, être étendu à l'ensemble des régions. Ce projet a pour objectif de permettre à des jeunes femmes déjà dotées d'un bon bagage général de créer des entreprises et de trouver les compétences dont elles ont besoin dans différents métiers, ainsi que de suivre une formation au « management ».

Enfin, la délégation a pu voir au cours de son déplacement sur le terrain des expériences réussies de formation de jeunes femmes à des métiers manuels du bâtiment et de l'industrie. L'Association de formation professionnelle des adultes (AFPA) organise ainsi, dans ses locaux de Saint-Herblain, des « formations découverte » et des « formations qualifiantes » notamment dans les métiers du bâtiment, mais aussi en tournage, fraisage, soudure ...

Plusieurs jeunes femmes présentes ont témoigné d'une réorientation avec succès vers des métiers manuels (menuiserie, logistique, bâtiment, peinture, carrelage ...) grâce à des formations délivrées par l'AFPA, après une expérience professionnelle initiale dans des métiers très différents (hôtesse de caisse, vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter, responsable d'une agence de publicité ...). A également été cité l'exemple frappant d'une jeune femme qui dans un premier temps avait été orientée vers un métier d'éducatrice de jeunes enfants, alors qu'elle voulait faire de la mécanique auto, et qui a finalement réussi à s'insérer dans ce dernier secteur après une formation à l'AFPA et deux stages de courte durée dans des garages.

Mme Françoise Fillon, déléguée générale de l'Union nationale des associations « Retravailler », a d'ailleurs signalé que l'AFPA avait souhaité s'engager sur la voie de l'égalité entre les genres et qu'un programme de sensibilisation de ses formateurs sur la question de la mixité des métiers avait été mis en place par « Retravailler ».

L'ICAM de Nantes mène également des actions de formation continue bénéficiant aux femmes, dans des ateliers de soudure, fraisage, électricité...

La délégation a ainsi notamment rencontré des jeunes femmes appartenant à un groupe de formation de chaudronnerie comprenant huit filles et sept garçons.

Plusieurs de ces jeunes femmes ont fait part de leur satisfaction de devenir « chaudronnières » après des expériences professionnelles plus ou moins réussies, souvent consécutives à une orientation par défaut vers des formations de secrétariat ou de comptabilité, ou vers des BEP jugés peu intéressants. Elles semblent très motivées par ce métier de travail sur le métal, même si elles considèrent qu'elles ont « plus à prouver » que les garçons et se heurtent parfois à des réticences de leur entourage et en particulier de leur conjoint.

Soulignant l'intérêt de l'ensemble de ces expériences, la délégation recommande qu'une priorité soit accordée aux actions tendant à faciliter l'accès des femmes à la formation professionnelle continue et à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

2. Mieux accompagner les femmes choisissant de s'orienter vers des métiers masculins

a) Les difficultés d'insertion rencontrées par les femmes

Les témoignages recueillis par la délégation au cours de ses auditions et de son déplacement sur le terrain ont mis en évidence le coût de la transgression des stéréotypes pour les femmes qui font le choix de s'orienter vers des métiers traditionnellement masculins.

Ainsi, les jeunes femmes en formation dans des métiers de l'industrie ou du bâtiment rencontrées au cours du déplacement en région nantaise ont indiqué avoir été souvent confrontées au début à des réticences de la part de leurs patrons et collègues et avoir dû affronter des remarques sexistes et de « petits bizutages », tout en admettant d'ailleurs qu'il pouvait aussi y avoir des réticences à accueillir des hommes dans les professions où les femmes sont majoritaires, l'exemple du personnel d'une maison de retraite ayant à cet égard été cité. Elles ont cependant précisé être finalement appréciées pour la qualité de leur travail.

Plusieurs intervenants devant la délégation ont en effet souligné qu'une fois surmontés les préjugés initiaux, la présence des femmes dans les entreprises et sur les chantiers pouvait avoir de multiples incidences positives comme par exemple une amélioration des conditions de travail, de la sécurité, de l'hygiène et de l'ambiance générale.

Les femmes s'engageant dans des filières où elles sont très minoritaires se trouvent cependant isolées, voire parfois confrontées à un climat d'hostilité. Elles peuvent donc avoir tendance à se décourager plus facilement et à douter davantage d'elles-mêmes et ont besoin d'une grande force de caractère pour s'insérer dans un environnement masculin.

Selon Mme Armelle Carminati, vice-présidente « Engagement et diversité » d'Accenture France, membre du bureau de la commission « Nouvelles générations » du MEDEF, la très faible représentation des femmes dans certaines filières peut constituer un facteur décourageant pour l'arrivée d'autres femmes. A partir de son expérience au sein du groupe Accenture France, elle a estimé qu'il fallait atteindre un seuil de 10 % de femmes parmi les cadres dirigeants pour qu'une entreprise puisse commencer à faire vivre une véritable diversité des genres et devienne attractive pour les femmes. Elle a considéré que ce n'était qu'au-delà du seuil de 30 % de femmes dans une profession qu'une mixité authentique pouvait s'instaurer, tandis qu'en deçà de 15 % les femmes restaient isolées, au risque d'être surexposées, et avaient tendance à se conformer au modèle masculin dominant.

b) Favoriser la mise en place d'un accompagnement personnalisé, par exemple grâce à des actions de tutorat ou de « marrainage », et à la constitution de réseaux

Plusieurs personnes auditionnées par la délégation ont estimé qu'il faudrait mettre en place un accompagnement personnalisé des jeunes femmes au cours de leur formation et de leur insertion pour les aider à surmonter les difficultés liées à un environnement professionnel très majoritairement masculin, tout particulièrement en faveur de celles qui ont le plus de réticences à s'engager dans des filières dites masculines.

Pour Mme Geneviève Bel, vice-présidente déléguée à l'entrepreneuriat au féminin de la CGPME, cet accompagnement serait presque aussi important que la formation elle-même. M. Jean-Michel Pottier, président de la commission « formation » de la CGPME, a souligné l'importance d'une mobilisation des chefs d'entreprise femmes, spontanément plus ouvertes que les hommes à l'accueil de personnel féminin.

À cet égard, les actions de tutorat développées au sein de la Fédération française du Bâtiment (FFB), et notamment les expériences de « marrainage » par des femmes salariées ou chefs d'entreprise, apparaissent particulièrement intéressantes. Ces expériences, menées dans plusieurs départements, ont pour objet d'organiser l'accompagnement d'une femme en formation ou nouvellement embauchée par une salariée en poste ou un membre du « Groupe femmes » local de la FFB, pour lui apporter des conseils et faciliter son intégration et son accès à un réseau d'entreprises.

L'association « Retravailler » propose pour sa part aux femmes un service de « coaching en ligne » sur Internet dans le cadre du portail « Femmes-emploi » , qui semble connaître un vif succès.

La délégation recommande donc de favoriser la mise en place d'un accompagnement personnalisé des jeunes femmes au cours de leur formation et de leur insertion professionnelle dans des métiers considérés comme traditionnellement masculins, par exemple grâce à des actions de tutorat ou de « marrainage ».

Par ailleurs, les auditions de la délégation ont fait ressortir l'intérêt pour les femmes de constituer des réseaux pour échanger des informations.

Par exemple, Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, a précisé que l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) avait installé un réseau de référent(e)s pour promouvoir la parité et l'égalité dans les entreprises, qui s'informent sur les initiatives qu'ils prennent et se communiquent les évaluations dont celles-ci font l'objet.

La délégation recommande d'encourager le développement de réseaux de femmes exerçant des responsabilités dans un même secteur d'activité professionnelle, pour leur permettre d'échanger des informations.

D. ENCOURAGER LES ENTREPRISES À EMPLOYER DES FEMMES

Les besoins de main-d'oeuvre existant aujourd'hui dans les secteurs « en tension » comme le bâtiment et certaines branches de l'artisanat offrent potentiellement beaucoup d'opportunités pour l'emploi des femmes. Cependant, les auditions de la délégation ont montré qu'il fallait d'abord permettre aux chefs d'entreprise de surmonter leurs préjugés initiaux et de prendre conscience des avantages que peut comporter la présence des femmes.

Relevant que, pour la plupart, les jeunes femmes trouvaient des emplois dans les entreprises où elles avaient auparavant fait un stage, M. Michel Messina, directeur de l'AFPA à Nantes, a par exemple estimé qu'il fallait parvenir à susciter un « déclic » chez les entreprises pour leur permettre de dépasser leurs réticences.

Des mesures d'incitation et de sensibilisation des chefs d'entreprise ont déjà été mises en place et mériteraient sans doute d'être développées.

1. Les mesures incitatives à l'embauche des femmes

a) Les aides financières : contrats pour la mixité des emplois et contrats pour l'égalité professionnelle

Les entreprises peuvent bénéficier d'aides financières de l'État pour l'embauche de femmes dans le cadre des contrats pour l'égalité professionnelle et des contrats pour la mixité des emplois, fondés sur l'article L. 1142-4 du code du travail.

Les contrats pour l'égalité professionnelle permettent à l'État de prendre en charge une partie des coûts des actions relatives à la sensibilisation, à l'embauche, à la formation, la promotion ou l'amélioration des conditions de travail, lorsqu'elles ont pour objectif l'amélioration significative de la place des femmes en termes d'emploi et de qualification, et revêtent un caractère exemplaire.

Les contrats pour la mixité des emplois , mis en place en 1987, permettent de financer, dans les entreprises de moins de 600 salariés, des actions de formation, l'aménagement de postes de travail ou l'aménagement de locaux (vestiaires et toilettes), afin de favoriser l'accès des femmes à des emplois ou métiers peu féminisés.

Dans le cadre de ces contrats, l'État prend en charge 50 % du coût d'investissement en matériel pour la modification de l'organisation et des conditions de travail, ainsi que du coût pédagogique des actions de formation, et 30 % des dépenses de rémunération des salariés bénéficiant d'actions de formation pendant la durée de la réalisation du contrat.

Mais peu de contrats pour la mixité des emplois ont été conclus : 32 contrats en 2005, 44 en 2006, 77 en 2007 (pour un coût de 327 988 euros). 90 % d'entre eux concernent les secteurs des transports, du bâtiment, de l'industrie et de la restauration. Le nombre de contrats pour l'égalité professionnelle est encore plus faible : 2 contrats conclus en 2007, pour un coût de 27 970 euros.

Au cours de son audition devant la délégation, M. Jean-Luc Sethi, chef de file du projet de féminisation des emplois de la FFB, a regretté l'insuffisance des moyens alloués aux contrats de mixité des emplois, en précisant qu'en moyenne seuls deux contrats par département au total avaient été conclus.

Compte tenu de l'intérêt des contrats de mixité des emplois pour inciter les entreprises à embaucher des femmes dans les secteurs peu féminisés, il apparaît en effet regrettable que si peu de moyens leur soient consacrés.

b) Le label « égalité »

Créé en 2004, le label « égalité » récompense les entreprises, associations et administrations qui ont mis en oeuvre des actions exemplaires en matière d'égalité professionnelle, l'attribution de ce label étant décidée par une commission composée de représentants des partenaires sociaux et de représentants de l'État, sur la base du respect des prescriptions d'un cahier des charges.

Cependant, seules quelques entreprises ont jusqu'ici été labellisées, essentiellement des grandes entreprises. Le « label égalité » concerne actuellement 34 entreprises et 627 696 salariés au total, qui pour la plupart se sont engagées à accroître la mixité de leurs emplois.

Il est à noter que certaines branches professionnelles ont mis en place une démarche de ce type pour valoriser les entreprises menant des actions en vue de féminiser leurs effectifs. Ainsi, la Fondation FFB a mis en place les trophées « Bâtir au féminin » qui permettent de valoriser les chefs d'entreprise qui ont embauché des femmes dans leurs équipes, par l'attribution de prix, décernés aux niveaux régional et national, pour trois catégories d'entreprises, définies selon leur taille.

c) Les accords conclus avec les branches professionnelles et les différents acteurs institutionnels

La négociation avec les branches professionnelles constitue un instrument privilégié pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Un accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a été signé le 1 er mars 2004 par toutes les organisations syndicales et patronales représentatives.

Rappelant la nécessité économique et sociale de favoriser le développement de la mixité et de l'égalité dans le monde du travail, les signataires ont pris des engagements portant notamment sur l'équilibre entre les hommes et les femmes dans les recrutements, ou le développement de la mixité dans les stages en entreprise et les différents dispositifs d'alternance.

Cet accord interprofessionnel a été complété par un certain nombre d'accords au niveau des branches.

Par exemple, un accord signé dans la métallurgie le 19 juin 2007 prévoit des mesures en faveur de la mixité des emplois, notamment dans le cadre de la formation professionnelle et du recrutement.

Par ailleurs, le service des droits des femmes et de l'égalité a été à l'initiative d'accords cadres avec différents partenaires institutionnels.

- Des accords de partenariat signés en février 2004 entre le ministère chargé de la parité et les entreprises de travail intérimaire ADIA et ADECCO prévoient de promouvoir la diversification des choix professionnels des femmes, et la mixité et l'égalité professionnelle auprès des entreprises clientes.

- Un accord signé le 19 janvier 2005 entre l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle formalise un partenariat afin d'une part, d'améliorer l'accès des femmes au marché du travail et leur situation dans l'emploi et d'autre part, de promouvoir l'égalité professionnelle et la mixité des emplois.

Cependant, de nombreuses critiques ont été adressées à l'ANPE au cours des auditions et du déplacement de la délégation. Plusieurs témoignages ont déploré l'insuffisante, voire l'inexistence, de l'information et du suivi apportés par l'ANPE. Il a également été souligné que l'ANPE n'était pas du tout ouverte aux demandes de changement de métier et renvoyait systématiquement des offres correspondant au métier précédemment occupé, ce qui ne favorise pas la réorientation des femmes vers des métiers industriels ou techniques.

- Un accord a été signé le 3 octobre 2006 avec l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) afin d'élargir l'accès à l'emploi artisanal, de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes, de conforter la création ou la reprise d'entreprises par les femmes et les personnes issues de l'immigration, ainsi que de prévenir les discriminations.

- Un accord signé en janvier 2007 avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) vise à encourager et développer l'accès des femmes aux métiers du bâtiment, en assurant la promotion de ces métiers auprès du public féminin et en valorisant la mixité et l'égalité professionnelle auprès des professionnels de l'artisanat du bâtiment.

- Enfin, un accord cadre national pour le développement de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les petites et moyennes entreprises pour la formation tout au long de la vie a été signé le 8 mars 2007, ainsi qu'il a déjà été indiqué à propos de la formation professionnelle.

2. Les mesures en faveur de la création ou de la reprise d'activité par des femmes

Les statistiques indiquent que la proportion de femmes parmi les créateurs d'entreprise reste inférieure à 30 %.

Afin de favoriser la création d'entreprises par les femmes, un Fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d'entreprises à l'initiative des femmes (FGIF) a été mis en place pour faciliter leur accès au crédit bancaire. Le nombre de garanties accordées par ce fonds est passé de 195 en 2004 à 363 en 2005, 543 en 2006 et 745 en 2007, ce qui a permis de créer ou de consolider environ un millier d'emplois.

Par ailleurs, il existe un dispositif spécifique d' aide à la reprise d'activité des femmes (ARAF) , dispositif géré par l'ANPE et bénéficiant d'un cofinancement du Fonds social européen. A la fin 2006, ce dispositif avait bénéficié à environ 125 000 femmes, réparties de manière équilibrée entre demandeuses d'emploi non indemnisées (45 %) et bénéficiaires de minima sociaux (48 %). Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, le gouvernement s'était engagé à ce que les crédits destinés à cette aide soient renforcés.

3. Le statut des conjoints de travailleurs indépendants

La grande majorité des compagnes de travailleurs indépendants participent à l'activité de l'entreprise familiale. Or elles ont pendant longtemps été dépourvues de tout statut.

La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, en complétant des textes antérieurs, a permis la création d'un « statut » du conjoint de travailleur indépendant, ce qui constitue une avancée très appréciable par rapport à la situation antérieure.

Cette loi a ainsi prévu :

- l'obligation de l'adhésion, avant le 1 er juillet 2007, à l'un des trois statuts existants (conjoint collaborateur, conjoint salarié ou conjoint associé) afin notamment que le conjoint se constitue des droits propres en matière d'assurance vieillesse ;

- la limitation de la responsabilité du conjoint aux biens communs du couple, ce qui empêche, en cas de dépassement non intentionnel du mandat de gestion, de solliciter le conjoint en garantie sur ses biens propres ;

- l'ouverture au conjoint du droit à la formation et à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

Cependant, Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, représentant l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), a souhaité au cours de son audition devant la délégation que le bénéfice de ce statut puisse être étendu au partenaire d'un pacte civil de solidarité (PACS).

Le statut de conjoint de travailleur indépendant ne s'applique en effet qu'au conjoint marié, et non aux partenaires de PACS, ce qui peut être à l'origine de situations inéquitables.

La délégation recommande donc d'étendre l'application des statuts de conjoint collaborateur, conjoint salarié et conjoint associé de travailleur indépendant, prévus à l'article L. 121-4 du code de commerce, aux partenaires d'un pacte civil de solidarité.

4. Les difficultés d'application de la réglementation en matière d'installations sanitaires

Au cours de son audition devant la délégation, M. Jean-Luc Sethi, entrepreneur, chef de file du projet de féminisation des emplois de la FFB, a évoqué un obstacle spécifique au développement de l'embauche des femmes sur de petits chantiers, résultant de l'obligation d'installer des sanitaires séparés pour les hommes et les femmes, prévue par l'article R. 4228-10 du code du travail.

Selon les représentants de la FFB, si la mise en place de sanitaires distincts ne soulève pas de difficultés dans des ateliers permanents, il est en revanche plus difficile de procéder à des installations adéquates sur de petits chantiers, pour lesquels l'installation de sanitaires est déjà difficile lorsqu'il n'y a que des hommes.

M. Jean-Luc Sethi a cité l'exemple d'une entreprise que l'Inspection du travail avait empêchée d'embaucher une apprentie en raison de ce problème. Il a précisé que des expérimentations avaient été effectuées pour satisfaire les exigences posées par le code du travail en aménageant des véhicules, mais que cette solution présentait un coût excessif.

Une réflexion mériterait sans doute d'être engagée pour remédier aux difficultés pratiques que peut entraîner l'application de la réglementation dans ce domaine.

E. FAVORISER LA CONCILIATION DE LA VIE PROFESSIONNELLE ET DE LA VIE FAMILIALE

Les auditions de la délégation ont montré que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale reste l'un des problèmes majeurs à surmonter pour permettre aux femmes de réussir leur insertion professionnelle dans tous les métiers, dans les mêmes conditions que les hommes.

Ainsi, selon Mme Christel Gilles, chargée de mission au département travail, emploi, formation du Centre d'analyse stratégique, la segmentation professionnelle résulterait en partie d' « arbitrages » en matière d'emploi effectués au sein du ménage et de « choix » opérés par les femmes en faveur d'emplois dans des secteurs et métiers compatibles avec leurs responsabilités familiales. C'est en effet sur les femmes que repose l'essentiel des tâches liées aux soins apportés aux enfants, ainsi qu'aux parents âgés dépendants.

Face à ce constat, il importe donc de développer les instruments de conciliation entre obligations professionnelles et obligations familiales, notamment grâce à des modes de garde d'enfants souples et adaptés, ainsi que de compenser les coûts qui peuvent résulter pour les entreprises du remplacement de leurs salariées parties en congé de maternité.

À plus long terme, le règlement de ce problème passe aussi par une évolution des mentalités pour favoriser un partage plus égalitaire entre les pères et les mères des tâches familiales et domestiques, ce qui suppose de lutter contre les stéréotypes sexués.

1. Développer l'offre de modes de garde d'enfant diversifiés

Selon les témoignages recueillis par la délégation, les réticences de certains chefs d'entreprise à embaucher des femmes dans des secteurs peu féminisés sont souvent liées à des inquiétudes concernant leur disponibilité, supposée moins grande que celle des hommes en raison des responsabilités familiales qu'elles exercent. En effet, les femmes assument une part prépondérante dans l'accomplissement des tâches ménagères, l'éducation des enfants et les soins aux personnes âgées, et doivent donc souvent en pratique exercer un « double métier », à la maison et à l'extérieur.

Mme Marie-Jeanne Campana, présidente de l'Association française des femmes juristes, a insisté, devant la délégation, sur la difficulté pour les femmes qui accèdent à des métiers prestigieux, de les exercer, faute de disposer de moyens de garde suffisants pour leurs enfants.

De même, Mme Eveline Duhamel, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, a estimé qu'il était nécessaire de sécuriser psychologiquement les femmes grâce à des modes de garde d'enfants qui leur permettent de travailler l'esprit libre sans être perpétuellement confrontées aux difficultés qui résultent de l'insuffisance du nombre de places disponibles en crèche et de leurs horaires trop stricts, ainsi que du coût des gardes à domicile qui les mettent hors de portée de bien des bourses, difficultés qui sont renforcées lorsqu'un enfant est malade ou qu'il faut partir en déplacement professionnel.

La question de l'accroissement du nombre de places de crèches, et plus généralement, de l'offre de modes de garde d'enfants, apparaît primordiale.

À cet égard, Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, regrette que la question écrite qu'elle a posée au Gouvernement en décembre 2007 sur l'application des différents « plans crèches » annoncés aux cours des dernières années soit jusqu'ici restée sans réponse, en dépit de l'annonce de l'institution prochaine d'un droit opposable à la garde d'enfants 32 ( * ) .

L'intérêt d'une diversification des modes de garde doit également être souligné, car elle peut permettre une plus grande souplesse d'organisation, grâce à un recours à des formules telles que les crèches d'entreprise ou les crèches parentales.

L'idée d'une création de crèches par les chambres de commerce et d'industrie a par exemple été avancée au cours de l'audition des représentants des chambres consulaires par la délégation. Mme Eveline Duhamel s'est déclarée favorable à cette idée, tout en rappelant qu'elle avait échoué dans sa tentative de création d'une crèche dans une zone industrielle et commerciale, faute d'être parvenue à fédérer les entreprises sur ce projet.

La délégation recommande donc le développement d'une offre de modes de garde d'enfants diversifiés (crèches publiques, crèches d'entreprise, crèches parentales...).

2. Favoriser une meilleure gestion de la parentalité par les entreprises

Ainsi que l'a par exemple souligné devant la délégation Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, en se fondant sur son expérience de chef d'entreprise, le remplacement des salariées qui partent en congé de maternité, puis le cas échéant en congé parental, peut avoir un coût financier important pour une PME, d'autant que des indemnités de précarité sont dues à leurs remplaçant(e)s à l'issue de leur contrat à durée déterminée. Ce problème peut avoir un effet dissuasif sur l'embauche des femmes dans ces entreprises.

À cet égard, la présidente de la délégation regrette que l'amendement au projet de loi de finances pour 2008 qu'elle avait présenté afin de maintenir le dispositif d'aide financière aux entreprises de moins de 50 salariés pour le remplacement de leurs salariés partis en congé de maternité ou d'adoption, n'ait pas été retenu dans le texte définitif de la loi de finances, en dépit de son adoption par le Sénat. Ce dispositif, institué par la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes afin de faciliter le remplacement des salariées en congé de maternité dans les petites et moyennes entreprises, a ainsi été supprimé à peine six mois après le début de son application effective, alors qu'il venait tout juste d'entrer en vigueur et qu'il n'était donc pas encore possible d'évaluer précisément son efficacité.

Afin de limiter les réticences des chefs d'entreprise à l'embauche des femmes, la délégation recommande qu'une réflexion soit engagée pour permettre la mise en place d'un mécanisme financier d'aide au remplacement des salariées en congé de maternité dans les petites et moyennes entreprises , ainsi que s'y était engagée Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2008.

Par ailleurs, elle se félicite de l'initiative prise par le gouvernement de présenter une « Charte de la parentalité » ayant pour objectif d'inciter les entreprises à proposer aux salariés-parents un environnement mieux adapté aux responsabilités familiales.

Initiée par SOS-Préma, association d'aide aux enfants prématurés, et l'Oréal, cette Charte a été officiellement lancée le 11 avril 2008 par M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et par Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille, et a déjà été signée par une trentaine d'entreprises et d'associations qui se sont ainsi engagées à :

- faire évoluer les représentations liées à la parentalité dans l'entreprise ;

- créer un environnement favorable aux salariés-parents, en particuliers pour la femme enceinte ;

- respecter le principe de non-discrimination dans l'évolution professionnelle des salariés-parents.

3. Lutter contre les stéréotypes sexués pour favoriser une évolution des mentalités

La conciliation par les femmes de leurs responsabilités professionnelles et familiales passe aussi par une évolution des mentalités et un meilleur partage des rôles entre les parents pour l'éducation des enfants.

Mme Véronique Slovacek-Chauveau, vice-présidente de l'association Femmes et mathématiques, a souligné devant la délégation qu'aucune évolution positive concernant les carrières des femmes ne pourrait se produire si les pères ne s'occupaient pas davantage des jeunes enfants.

Selon Mme Françoise Fillon, déléguée générale de l'Union nationale des associations « Retravailler », il convient de raisonner en termes de « parentalité » et non de maternité, en favorisant l'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants.

Pour sa part, Mme Armelle Carminati, vice-présidente « Engagement diversité » d'Accenture France, a fait observer que les femmes continuaient d'investir massivement la sphère domestique et étaient parfois elles-mêmes réticentes à accepter véritablement de déléguer des tâches familiales qu'elles souhaitaient voir accomplir en stricte conformité avec leur pratique personnelle.

De fait, si les textes législatifs et réglementaires ont évolué dans le sens d'une parfaite égalité entre femmes et hommes en matière d'autorité parentale et de responsabilités exercées vis-à-vis des enfants, la pratique n'évolue guère. Seule une infime minorité de pères prend un congé parental ou décide de travailler à temps partiel pour s'occuper de ses enfants, par exemple.

L'évolution vers un partage plus équilibré des rôles entre les mères et les pères suppose une évolution des mentalités à long terme. Pour favoriser cette évolution, la nécessité de lutter contre les stéréotypes sexués a souvent été soulignée au cours des réunions de la délégation.

En particulier, il importe de rester attentif aux représentations stéréotypées diffusées par les médias et les messages publicitaires.

Dans le cadre de son précédent rapport d'activité sur l'image et la place des femmes dans les médias 33 ( * ) , la délégation avait en effet dénoncé la dérive dans l'utilisation de l'image de la femme dans la publicité résultant de publicités représentant la femme au foyer comme un être dépourvu d'intelligence, débordée face à des tâches ménagères simples. Elle avait en même temps mis l'accent sur la part limité des femmes dans le contenu de l'information : selon l'Association des femmes journalistes (AFJ), la proportion de femmes parmi les personnes mentionnées dans la presse ne serait que de 17 % environ.

Il est regrettable que les médias contribuent ainsi encore trop souvent à la transmission de préjugés sexistes.

C'est la raison pour laquelle la délégation s'était inquiétée de la présence, dans la rédaction initiale du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, d'une disposition qui semblait autoriser les représentations discriminatoires des femmes dans les médias et la publicité. Elle se réjouit de la suppression de cette disposition, qui résulte de l'adoption par le Sénat d'un amendement déposé par Mme Gisèle Gautier, sa présidente, et par Mme Christiane Hummel, son rapporteur sur ce projet de loi, et cosigné par plusieurs de ses membres.

Ce n'est qu'en luttant contre la prégnance des stéréotypes que l'on pourra favoriser une répartition plus équilibrée des femmes et des hommes dans l'exercice des différents métiers et responsabilités professionnelles.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

1.  Affiner et actualiser les statistiques sur la présence respective des femmes et des hommes dans les différents secteurs d'activité professionnelle et les diverses familles de métiers.

2.  Créer des internats destinés aux filles afin de combler le retard par rapport aux internats de garçons, en particulier dans les lycées comprenant des classes préparatoires aux grandes écoles et dans les établissements offrant des formations dans les filières scientifiques et techniques.

3.  Lutter contre les représentations stéréotypées des rôles respectifs des femmes et des hommes dans les livres pour enfants et les manuels scolaires.

4.  Encourager la féminisation des noms de métiers et appellations professionnelles.

5.  Axer l'orientation sur l'élaboration d'un véritable projet professionnel, en évitant une orientation par défaut basée exclusivement sur les résultats scolaires, ou sur le sexe de l'élève.

6.  Procéder à un toilettage des formations proposées en fonction de leurs débouchés réels sur le marché de l'emploi et supprimer certaines filières professionnelles destinées aux filles qui s'avèrent dépourvues de débouchés.

7.  Revoir le recrutement et la formation des conseillers d'orientation-psychologues, en s'interrogeant sur l'adéquation entre une formation axée sur la psychologie et la perception des réalités du marché de l'emploi.

8.  Encourager le rôle des enseignants en matière d'orientation, par exemple en prévoyant la possibilité d'instituer un tutorat d'orientation pendant la scolarité.

9.  Inclure dans le cursus de formation des enseignants et de l'ensemble des personnels du système éducatif des modules consacrés à la mixité professionnelle, en s'inspirant des modules déjà mis en place dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

10.  Mieux associer les parents d'élèves à l'orientation, en partenariat avec les conseillers d'orientation et en présence des enfants, et développer l'aide à la parentalité.

11.  Intégrer la problématique de l'égalité et du respect mutuel entre les sexes dans les programmes d'éducation civique et garantir la mixité dans toutes les activités d'éducation et d'enseignement.

12.  Apporter un soutien spécifique aux enfants, filles et garçons, dont la langue maternelle, ou celle pratiquée dans la famille, n'est pas le français, notamment en matière d'alphabétisation et d'apprentissage de la langue française.

13.  Réhabiliter le rôle et les moyens des délégué(e)s à l'égalité dans les rectorats.

14.  Introduire dans les contrats d'objectifs entre les collèges, les lycées et les établissements d'éducation spéciale, d'une part et le rectorat, d'autre part, la fixation d'obligations de moyens en matière d'information sur les métiers et sur l'emploi.

15.  Généraliser à tous les enseignants l'obligation d'effectuer des stages en entreprise au cours de leur formation initiale et continue.

16.  Rendre obligatoires les stages d'immersion des collégiens en entreprise, en prévoyant un bref compte rendu de stage, et généraliser l'option de découverte professionnelle de trois heures hebdomadaires en classe de troisième.

17.  Organiser régulièrement dans les écoles des témoignages d'adultes (chefs d'entreprise, anciens élèves, parents d'élèves) sur leur expérience professionnelle, en s'inspirant par exemple de la pratique anglo-saxonne du « parent's day » permettant aux parents d'élèves de présenter leur métier en classe.

18.  Multiplier les journées d'information sur les métiers à l'intention des élèves et étudiants (Forums de découverte des métiers, Salons de l'étudiant, Journées portes ouvertes...).

19.  Faciliter l'accès des femmes à la formation professionnelle continue, ainsi qu'à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

20.  Favoriser la mise en place d'un accompagnement personnalisé des jeunes femmes au cours de leur formation et de leur insertion professionnelle dans des métiers considérés traditionnellement comme masculins, par exemple grâce à des actions de tutorat ou de « marrainage ».

21.  Encourager le développement de réseaux de femmes exerçant des responsabilités dans un même secteur d'activité professionnelle, pour leur permettre d'échanger des informations.

22.  Étendre l'application des statuts de conjoint collaborateur, conjoint salarié et conjoint associé de travailleur indépendant aux partenaires d'un pacte civil de solidarité (PACS).

23.  Développer l'offre de modes de garde d'enfants diversifiés (crèches publiques, crèches d'entreprise, crèches parentales ...).

24.  Mettre en place un mécanisme financier d'aide au remplacement des salariées en congé de maternité dans les petites et moyennes entreprises (PME).

25.  Associer les délégations régionales aux droits des femmes et à l'égalité à la mise en oeuvre de l'ensemble des précédentes recommandations.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

La délégation a examiné, le mercredi 18 juin 2008, le rapport d'activité 2007-2008, présenté par Mme Gisèle Gautier, présidente.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a présenté à la délégation le rapport annuel d'activité, qui s'articule en deux parties : la première retrace les diverses activités de la délégation au cours de l'année parlementaire 2007-2008, tandis que la seconde rend compte des travaux sur le thème : « Orientation et insertion professionnelle : vers un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers ».

Mme Gisèle Gautier, présidente , a tout d'abord renvoyé à la consultation du rapport écrit le bilan des activités législatives, internationales et diverses de la délégation au cours de l'année parlementaire.

Puis, s'agissant du thème de réflexion annuel, elle a rappelé que la délégation y avait consacré, depuis le mois d'octobre, 15 réunions, au cours desquelles une cinquantaine de personnes ont été entendues. Elle a précisé que ces auditions avaient été complétées par un intéressant déplacement sur le terrain dans la région nantaise, qui a permis de découvrir des actions concrètes menées en faveur de l'insertion professionnelle des femmes dans des métiers traditionnellement masculins et de rencontrer des jeunes femmes satisfaites de leur insertion dans ces métiers.

Retraçant les grandes lignes de son rapport écrit, Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué, dans un premier temps, que la réussite scolaire des femmes n'avait pas encore eu raison de leur ségrégation professionnelle : paradoxalement, la réussite des filles dans leurs études ne trouve pas complètement sa traduction dans la vie professionnelle, puisqu'elles restent cantonnées dans quelques secteurs d'activité où elles occupent des professions peu diversifiées et souvent peu qualifiées.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a constaté que les filles connaissaient un meilleur taux de succès au baccalauréat que les garçons, étaient plus nombreuses dans l'enseignement supérieur et se présentaient sur le marché du travail avec plus de diplômes que les hommes. Elle a également fait observer que les diplômes avaient joué un rôle essentiel comme levier de la féminisation des professions qualifiées, en permettant par exemple aux femmes d'accéder massivement à l'enseignement ou à la médecine.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a cependant signalé que la formation des femmes s'avérait moins « rentable » que celle des hommes, car elles sont moins nombreuses à s'orienter vers les filières les plus sélectives et les plus valorisantes, comme par exemple les classes préparatoires aux grandes écoles, en faisant référence au rapport présenté par M. Yannick Bodin sur ce sujet, au nom d'une mission d'information de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Rappelant que les femmes représentaient aujourd'hui près de la moitié de la population active, Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué qu'elles se concentraient majoritairement dans 10 familles de métiers sur 86 : très peu nombreuses dans les métiers du bâtiment et de l'industrie, elles sont très largement majoritaires dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'action sociale et des services à la personne. Dans certains secteurs comme l'informatique, Mme Gisèle Gautier, présidente, a regretté une régression de la présence des femmes, avant de souligner qu'au total, il faudrait réallouer environ un quart de l'emploi en France pour opérer un rééquilibrage satisfaisant entre femmes et hommes. Puis elle a évoqué les perspectives tracées par le Conseil d'analyse stratégique à l'horizon 2015, qui soulignent l'enjeu essentiel de la mixité des emplois.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a ensuite rappelé que cette « ségrégation horizontale » s'accompagnait d'une « ségrégation verticale » : dans les professions où elles sont présentes, les femmes sont peu nombreuses dans les postes de responsabilité et les fonctions de direction ; en outre, elles sont plus souvent que les hommes soumises au temps partiel, aux statuts précaires et au chômage. Mme Gisèle Gautier, présidente, a signalé que cette situation avait des conséquences préjudiciables en termes d'inégalité salariale et de retraite.

Faisant référence aux travaux du Centre d'études sur les recherches et les qualifications (CEREQ), Mme Gisèle Gautier, présidente, a noté que la ségrégation professionnelle pourrait être imputable pour trois cinquièmes à des facteurs éducatifs, les deux cinquièmes restants se construisant sur le marché du travail, notamment en raison des réticences persistantes de certaines entreprises à embaucher des femmes.

Dans un deuxième temps de son exposé, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souligné que la contribution du système éducatif à l'égalité passait par une révision de l'orientation et une complémentarité de tous les acteurs. Pour favoriser l'accès des filles aux études scientifiques et aux filières industrielles, elle a estimé souhaitable que le système éducatif se fixe des objectifs chiffrés, inscrits le cas échéant dans les contrats d'objectifs des établissements. Constatant par ailleurs que les familles avaient souvent des réticences à laisser s'éloigner des jeunes filles pour suivre des formations, elle a suggéré de recommander la création d'internats destinés aux filles, en particulier dans les lycées comprenant des classes préparatoires aux grandes écoles et dans les établissements offrant des formations scientifiques et techniques.

Rappelant que la ségrégation entre les filles et les garçons s'opère dès l'école et résulte très largement de représentations stéréotypées véhiculées par les parents, les enseignants et la société, elle a proposé à la délégation d'adopter des recommandations visant à lutter contre les représentations stéréotypées des rôles respectifs des femmes et des hommes dans les livres pour enfants et les manuels scolaires, ainsi qu'à s'attacher à la féminisation des dénominations de métiers et appellations professionnelles.

M. Alain Gournac a souligné que les enseignants n'avaient pas la même façon de « positionner » les garçons et les filles dans les parcours scolaires.

Prenant appui sur un exemple concret, Mme Annie David a souhaité qu'il soit mis fin aux différences de présentation et de couleur, qui distinguent habituellement les faire-part de naissance des filles de ceux des garçons.

Par ailleurs, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souligné que les travaux de la délégation avaient mis en évidence les conformismes et les pesanteurs d'un système d'orientation inadapté, trop exclusivement basé sur les résultats scolaires, ce qui conduit souvent à une orientation par défaut des élèves en situation d'échec scolaire, source de véritables gâchis humains. Face à cette situation, elle a estimé qu'il faudrait plutôt axer l'orientation sur l'élaboration d'un véritable projet professionnel et procéder à un toilettage des formations proposées en fonction de leurs débouchés réels sur le marché de l'emploi, en rappelant qu'il avait été indiqué à plusieurs reprises que certaines filières professionnelles proposées aux filles s'avèrent dépourvues de débouchés. Elle a toutefois fait observer qu'il convenait de veiller, dans ce processus, à préparer les élèves aux métiers de demain plutôt qu'à ceux d'hier, avec l'approbation de M. Alain Gournac.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a ensuite indiqué qu'à la lumière des auditions des différents acteurs de l'orientation, il apparaissait indispensable de développer leur efficacité et leur complémentarité. Elle a, tout d'abord, proposé de revoir le recrutement et la formation des conseillers d'orientation-psychologues, qui font l'objet de multiples critiques, en s'interrogeant sur l'adéquation entre une formation axée sur la psychologie et la perception des réalités du marché de l'emploi.

Elle a ensuite estimé nécessaire d'encourager les enseignants à jouer un rôle plus actif en matière d'orientation, par exemple en prévoyant la possibilité d'instituer un tutorat d'orientation. Elle a également proposé de recommander d'inclure dans leur cursus de formation des modules consacrés à la mixité professionnelle, en s'inspirant des modules déjà mis en place dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Mme Gisèle Gautier, présidente, s'est montré soucieuse de mieux informer et associer les parents d'élèves à l'orientation, en partenariat avec les conseillers d'orientation et en présence des enfants, et de développer l'aide à la parentalité. Elle a également souligné que les élèves devaient être sensibilisés très tôt à la problématique de l'égalité et du respect mutuel entre les sexes, qui devrait être intégrée dans les programmes d'éducation civique. Elle a enfin souhaité un soutien spécifique des jeunes filles, comme des jeunes garçons, issus de l'immigration, qui sont confrontés à des difficultés particulières, notamment en matière d'alphabétisation et d'apprentissage de la langue française, en soulignant, de façon générale, la nécessité d'une meilleure prise en compte de l'égalité des chances dans le système éducatif.

Rappelant qu'une convention interministérielle pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif avait été signée il y a déjà plusieurs années entre le ministère de l'éducation nationale et sept autres ministères, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souhaité la réactivation de cet accord, sous l'impulsion de la présidente de son comité de pilotage, Mme Marie-Jeanne Philippe, auditionnée par la délégation. Elle a, en même temps, préconisé la réhabilitation du rôle et des moyens des délégué(e)s à l'égalité des chances dans les rectorats, avant de proposer de recommander d'introduire, dans les contrats d'objectifs entre les établissements scolaires et les rectorats, la fixation d'obligations en matière d'information sur les métiers et sur l'emploi.

Abordant la troisième partie de son exposé, Mme Gisèle Gautier, présidente, a indiqué que l'insertion professionnelle des filles dans des métiers traditionnellement masculins se heurtait à de nombreuses difficultés, notamment en raison d'une information insuffisante, et devait être facilitée.

Regrettant la trop fréquente méconnaissance du monde de l'entreprise par les différents acteurs du monde de l'éducation, elle a jugé indispensable de développer les liens entre école et entreprise, qui se sont sensiblement accrus au cours de la période récente, mais sont encore insuffisants. En conséquence, elle a préconisé de généraliser les stages en entreprise pour les enseignants, de rendre obligatoire les stages des collégiens en entreprise, d'organiser régulièrement dans les écoles des témoignages d'adultes sur leur expérience professionnelle et de multiplier les journées d'information sur les métiers à l'intention des élèves ou des étudiants.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a également diagnostiqué que l'accès des femmes aux métiers scientifiques, industriels et techniques était freiné par un déficit d'information et une image souvent négative auprès des femmes qui en ont de « fausses représentations ». Pour remédier à cette situation, elle a observé que des campagnes d'information avaient été mises en place par certaines branches professionnelles comme la métallurgie ou le bâtiment, mais en nombre insuffisant. Elle a alors insisté sur l'importance de la création de prix, comme le « Prix de la vocation scientifique et technique des filles », pour encourager les femmes à s'orienter dans des filières scientifiques et techniques.

De manière à faciliter l'insertion professionnelle des femmes dans ces filières, elle a jugé indispensable de leur assurer un accès à une formation professionnelle adaptée tout au long de la vie : en effet, en raison de fréquentes interruptions de carrière liées à l'éducation des enfants, les femmes ont souvent plus de difficultés à accéder à la formation continue et à la validation des acquis de l'expérience (VAE), alors qu'elles en ont tout particulièrement besoin. Mme Gisèle Gautier, présidente, a observé, à cet égard, que l'orientation « ne se décrète » pas et qu'elle résulte d'un processus continu.

Par ailleurs, afin d'aider les femmes à surmonter l'isolement, voire l'hostilité, auxquels elles sont souvent confrontées dans des filières très majoritairement masculines, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souhaité favoriser la mise en place d'un accompagnement personnalisé, par exemple grâce à des actions de tutorat ou de « marrainage », et encourager le développement de réseaux de femmes.

Afin d'inciter les entreprises à employer des femmes dans les secteurs traditionnellement masculins, Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé que des mesures avaient déjà été prévues, comme par exemple les aides spécifiques de l'État accordées dans le cadre des contrats pour la mixité des emplois. Elle a cependant regretté que trop peu de moyens y soient consacrés.

Par ailleurs, elle a proposé à la délégation d'adopter diverses recommandations tendant à compléter le statut des conjoints de travailleurs indépendants en l'étendant aux partenaires d'un PACS, à assouplir la réglementation prévue par le code du travail en matière d'installations sanitaires sur de petits chantiers et à mettre en place un mécanisme financier d'aide au remplacement des salariées en congé de maternité dans les petites et moyennes entreprises.

Enfin, elle a souligné que la réussite de l'insertion professionnelle des femmes dans l'ensemble des métiers passait aussi par une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, ainsi que par un partage plus égalitaire entre les pères et les mères des tâches familiales et domestiques en insistant, une fois de plus, sur la nécessité primordiale de développer une offre de modes de garde d'enfants diversifiés.

Puis la délégation a procédé à l'examen des propositions de recommandations présentées par la présidente, qui a suscité un large débat.

M. Yannick Bodin a apporté son plein soutien à la recommandation n° 2, relative à la création d'internats destinés aux filles, estimant qu'il y avait là un retard à combler, la majorité des internats existants étant destinée aux garçons, et tendant à le rester, même quand ils font l'objet d'une rénovation. Il a cité le cas d'un internat à Fontainebleau qui est resté, après travaux, réservé aux garçons, obligeant les filles à se loger en ville, chez l'habitant. Il a estimé que le problème se posait dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur.

Mme Annie David s'est également ralliée à cette proposition qui rejoint les positions qu'elle a défendues, durant cinq années, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles sur les crédits de l'enseignement technique et professionnel.

Elle a estimé que ces difficultés d'hébergement pouvaient compter pour beaucoup dans les réticences des familles à laisser partir les jeunes filles faire des études. Elle a cependant insisté sur la nécessité de bien expliquer le sens et la portée de cette recommandation, de façon à ce que celle-ci soit bien interprétée comme un moyen de faciliter l'accès des filles à certaines formations, et non comme une façon de revenir sur l'objectif de mixité de l'enseignement, auquel elle a rappelé son attachement.

M. Yannick Bodin a alors suggéré de rappeler que la mesure avait pour objet de « combler le retard par rapport aux internats de garçons », ce qui a recueilli l'assentiment de la délégation.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a reconnu que la féminisation des noms de métiers et des appellations professionnelles, recommandée par la proposition n°4, pouvait avoir parfois des conséquences douteuses sur le plan phonétique, mais a estimé qu'elle contribuait à la promotion de la femme.

M. Yannick Bodin s'est déclaré favorable à cette recommandation, citant en exemple le Québec, où cette féminisation des termes est maintenant entrée dans les moeurs et ne surprend plus.

Mme Brigitte Bout a exprimé certaines réserves, jugeant malheureuse la féminisation de certaines appellations, et se disant, par exemple, en ce qui la concernait, attachée à la dénomination de « sénateur », dans la mesure où elle correspondait à un mandat, une fonction.

Mme Annie David s'est déclarée favorable à la proposition de recommandation, dans la mesure où la féminisation peut contribuer à faire savoir aux femmes que les métiers en question leur sont accessibles.

Suivant la suggestion de M. Yannick Bodin , la délégation a substitué, dans la rédaction de la proposition n° 4, aux mots « féminiser les noms de métiers », les mots « encourager la féminisation des noms de métiers ».

Sur la proposition de Mme Annie David et de M. Yannick Bodin , la délégation a complété le projet de recommandation n° 5 pour préciser qu'il convenait d'éviter, non seulement une orientation par défaut fondée exclusivement sur les résultats scolaires, mais aussi une orientation reposant sur le sexe de l'élève.

Abordant ensuite la proposition n° 7 relative à la formation et au recrutement des conseillers d'orientation-psychologues, Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé qu'elle tendait à apporter une réponse aux nombreuses critiques dont cette profession fait actuellement l'objet.

Après avoir rappelé qu'une réforme de cette profession était actuellement en préparation, Mme Annie David a estimé que les critiques dont elle était la cible étaient loin d'être toutes justifiées. Relevant que les métiers évoluaient constamment, elle a jugé que les entreprises devaient, elles aussi, consentir un effort d'adaptation et renoncer à exiger que les formations dispensées par le système éducatif soient toujours le fidèle reflet de leurs besoins.

Tout en convenant que les conseillers d'orientation-psychologues avaient le sentiment d'être les boucs émissaires d'un système défaillant et qu'ils n'étaient, après tout, pas si nombreux si on rapportait leur effectif à celui des élèves qu'ils doivent conseiller, M. Yannick Bodin a cependant jugé qu'il fallait bien prendre en compte des critiques qui vont toutes dans le même sens.

M. Yannick Bodin a exprimé ensuite son accord avec la proposition n° 8, relative au rôle des enseignants en matière d'orientation, considérant que, à l'image de ce qui se pratique au Québec, ils devaient se sentir investis d'une triple mission : transmettre des connaissances, éduquer les élèves et contribuer à leur orientation. Il a suggéré de préciser, dans la rédaction de la recommandation, que le tutorat d'orientation devait s'exercer « tout au long de la scolarité », ou à tout le moins « pendant la scolarité ».

Il s'est également déclaré en accord avec la proposition n° 9, recommandant d'inclure dans la formation des enseignants des modules consacrés à la mixité professionnelle, tout en se demandant si la réforme de la formation des enseignants, actuellement à l'étude, ne rendrait pas son application difficile.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a fait observer qu'elle proposait de s'inspirer des modules déjà mis en place dans certains IUFM, sans préjuger d'une éventuelle réforme.

M. Yannick Bodin a ensuite souhaité compléter la proposition n° 11, relative à l'intégration de la problématique de l'égalité et du respect mutuel entre les sexes dans les programmes d'éducation civique, par une formule tendant à garantir la mixité dans toutes les activités d'éducation et d'enseignement.

Il a également suggéré d'élargir la proposition n° 12 relative au soutien spécifique à apporter aux enfants issus de l'immigration, pour qu'il s'applique, d'une façon générale, aux enfants dont la langue maternelle, ou la langue parlée à la maison, n'est pas le français.

Évoquant ensuite la proposition n° 16, relative à la généralisation des stages d'immersion des collégiens en entreprise, Mme Gisèle Gautier, présidente, a insisté pour qu'ils donnent lieu à un bref compte rendu, et Mme Brigitte Bout, s'appuyant sur la pratique de certains collèges, a redit tout l'intérêt qui s'attachait à ce type de mesures.

M. Yannick Bodin a approuvé la recommandation n° 18, relative à la multiplication des Journées d'information sur les métiers, sous réserve qu'elle s'accompagne d'une réforme effective du système d'orientation, de façon à ce que l'apport de ce type de manifestation ne se limite pas à la distribution d'une documentation abstraite et volumineuse.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a insisté sur l'intérêt qui s'attache au développement des réseaux de femmes, encouragé par la proposition n° 21, et a rappelé qu'elle avait participé, récemment, à Bruxelles, à la réunion constitutive d'un « Réseau européen de femmes dans les postes décisionnels » mis en place par la Commission européenne, qui constitue en quelque sorte un « Réseau de réseaux ».

La délégation a ensuite décidé de ne pas retenir la proposition de recommandation n° 23 tendant à assouplir la réglementation prévue par le code du travail en matière d'installations sanitaires séparées pour les femmes et les hommes.

M. Yannick Bodin a insisté sur l'intérêt qui s'attachait à la proposition n° 24, relative au développement d'une offre de garde d'enfants diversifiée, estimant que c'était l'un des principaux problèmes auxquels les femmes étaient confrontées, tout en convenant que l'organisation de ces services pouvait représenter une lourde charge pour les communes.

Sur sa suggestion, la délégation a enfin ajouté une recommandation supplémentaire afin de prévoir l'association des délégations régionales aux droits des femmes et à l'égalité à la mise en oeuvre de l'ensemble des recommandations formulées dans le rapport.

À l'issue de ce débat, la délégation a adopté l'ensemble du rapport d'activité et 25 recommandations.

ANNEXES DE LA DEUXIÈME PARTIE

- Annexe 1 : Comptes rendus des auditions

- Annexe 2 : Compte rendu du déplacement en Loire-Atlantique

ANNEXE 1 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Audition de Mme Christel Gilles, chargée de mission au département travail, emploi, formation du Centre d'analyse stratégique

(17 octobre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a accueilli l'intervenante en évoquant les principales missions du Centre d'analyse stratégique, qui a succédé au Commissariat général du plan. Puis elle a rappelé que la délégation avait décidé de s'attacher à rechercher les solutions de nature à favoriser le rééquilibrage entre hommes et femmes dans tous les métiers.

Mme Christel Gilles a alors présenté les principales conclusions d'une étude du Centre d'analyse stratégique, intitulée « Réduire la segmentation professionnelle selon le genre et accroître les taux d'emploi féminin : à court terme, est-ce compatible ? » , qui s'intègre dans les travaux du Centre d'analyse stratégique de comparaisons européennes, de prospective des métiers et des qualifications et enfin de réflexions menées en amont de la conférence du 26 novembre 2007 sur l'égalité professionnelle. A cet égard, elle a souligné l'importance croissante de la question de la mixité en prenant l'exemple des secteurs créateurs d'emplois qui sont excessivement féminisés, comme les services à la personne.

Elle a introduit son exposé par un quadruple constat : tout d'abord, la stabilité des écarts salariaux entre femmes et hommes dans les pays de l'Union européenne depuis 2000, ensuite, une certaine inertie dans le temps de la segmentation professionnelle selon le genre, puis la hausse des taux d'emploi féminin et la réduction des écarts entre femmes et hommes des taux d'emploi et enfin le lien positif entre le taux d'emploi féminin et la segmentation du marché du travail en Europe.

Mme Christel Gilles s'est demandé dans quelle mesure ces évolutions traduisaient un conflit d'objectifs entre augmentation des taux d'emploi féminins et progrès dans l'égalité professionnelle à travers la réduction de la segmentation des emplois.

Puis elle a dressé, sur la base de tableaux statistiques, un bilan de la segmentation des emplois selon le genre en Europe. A ce titre, elle a souligné la très forte concentration de l'emploi féminin dans le secteur des services, qui représente 84 % de l'emploi des femmes, contre 58 % pour celui des hommes, précisant que le secteur public était, par ailleurs, le premier employeur des femmes et regroupait 46 % d'entre elles, contre 20 % de l'emploi masculin. A l'opposé, les activités industrielles sont globalement masculines, 37 % des hommes y étant employés, contre seulement 13 % des femmes.

Elle a ensuite démontré que les femmes sont, plus que les hommes, concentrées dans quelques secteurs d'activité. Ainsi, sur 62 secteurs, les six premiers concentrent 60 % de l'emploi féminin dans l'Union européenne, contre 42 % de l'emploi masculin. Les femmes sont surreprésentées dans certains domaines, comme la santé et l'action sociale (80 %) ou l'éducation et les services à la personne (70 %), tandis qu'elles sont sous-représentées dans la construction (10 %) ou la métallurgie (10 %).

Occupées dans un nombre restreint de secteurs d'activité, les femmes, a précisé Mme Christel Gilles , ont par ailleurs des professions moins diverses que les hommes. Sur les 130 catégories professionnelles recensées dans la nomenclature internationale du Bureau international du travail (BIT), les trois premières professions regroupaient en 2005 près du quart des femmes : il s'agit des métiers de vendeuses (8 % d'entre elles), d'aides de ménages (7,6 %) et des membres du personnel soignant (6,6 %). Elle a observé que chez les hommes, cette proportion n'est que d'un peu plus de 15 % en citant les conducteurs de véhicules (5,2 % d'entre eux), les ouvriers du bâtiment (4,7 %) et, enfin, les dirigeants et les gérants de petites entreprises (4,4 %).

Elle a noté, en outre, que ces femmes occupaient des professions moins qualifiées que les hommes : 50 % de l'emploi féminin se rattachait à un travail « hautement qualifié ou qualifié », contre 77 % des métiers des hommes et, en outre, les femmes ne représentaient que 32 % des cadres.

Puis, afin de nuancer ces proportions moyennes, Mme Christel Gilles a décrit, en matière de segmentation du marché du travail selon le genre, la grande variété de situations qui se manifeste dans quinze pays de l'Union européenne, en faisant ressortir que, selon les statistiques, il faudrait réallouer un quart de l'emploi en France pour opérer un rééquilibrage satisfaisant entre femmes et hommes. Elle a également observé que les pays nordiques sont les plus « ségrégués » alors qu'ils affichent les taux d'emploi féminin les plus élevés, à l'inverse des pays méditerranéens. Puis elle a constaté que la segmentation professionnelle selon le genre avait peu évolué entre 2000 et 2005, malgré l'augmentation concomitante des taux d'emploi féminin dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Puis, constatant que la segmentation professionnelle et sectorielle selon le genre et l'emploi des femmes allaient de pair, elle a évoqué les deux raisons généralement avancées pour expliquer ce phénomène : en premier lieu, le développement des activités et métiers de services non-marchands, en particulier dans les pays nordiques favorisait l'emploi des femmes ; en outre, l'augmentation de l'emploi à temps partiel des femmes serait, dans certaines conditions, un facteur discriminant des professions et des secteurs occupés par les femmes. A cet égard, elle a souligné que l'augmentation de l'emploi à temps partiel avait contribué de manière importante à celle de l'emploi total des femmes, notamment en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Elle a noté que, dans l'ensemble de l'Union européenne à Quinze, une femme sur trois travaillait à temps partiel contre un homme sur dix, avec de fortes disparités selon les pays. Elle a d'ailleurs relevé que l'emploi à temps partiel était plus polarisé dans certains secteurs d'activité que celui à temps plein : ainsi, en France 71,5 % de l'emploi à temps partiel se concentrait, en 2005, dans six secteurs d'activité, contre 61,7 % de l'emploi total.

Mme Christel Gilles a précisé que l'emploi à temps partiel, lorsqu'il était possible et « choisi », apparaissait comme un élément clé de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, reposant principalement sur les femmes, et a désigné les congés familiaux, les modes de garde et la fiscalité comme les principaux facteurs sur lesquels se fondait l'arbitrage des familles entre l'emploi à temps plein, à temps partiel ou l'inactivité professionnelle ainsi que le choix des secteurs d'activité ou des métiers.

Puis elle a montré que l'organisation de l'emploi au sein des couples variait selon les pays : le modèle conjuguant deux emplois à temps plein (qui représente 45 % des cas, en moyenne européenne) est prépondérant au Portugal (67 %), en Finlande (63 %) et en France (52 %) ; le schéma où l'homme est seul à occuper un emploi prédomine en Italie (45 %), en Grèce (44 %) et en Espagne (43 %), où l'emploi des femmes et les taux de fécondité sont faibles ; enfin le modèle de travail à temps plein pour l'homme et partiel pour la femme (19 % en moyenne) est le plus répandu aux Pays-Bas (44 %), au Royaume-Uni (30 %), en Allemagne (28 %) et en Belgique (24 %) et témoigne notamment de l'insuffisance des dispositifs de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, comme les modes de garde des enfants.

En conclusion, Mme Christel Gilles a estimé que la segmentation professionnelle résultait en partie « d'arbitrages » en matière d'emploi effectués au sein du ménage et des « choix » opérés par les femmes en faveur d'emplois dans des secteurs et métiers compatibles avec leurs responsabilités familiales ; elle a ensuite jugé qu'une réduction de la segmentation professionnelle contribuerait, en théorie, à diminuer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et à améliorer l'efficacité du marché du travail, tout en reconnaissant que le premier facteur d'inégalité entre les hommes et les femmes demeurait l'accès à l'emploi.

Elle a considéré que, pour résoudre le conflit d'objectifs précédemment évoqué, il fallait donc développer les instruments de conciliation (modes de garde, congés familiaux, fiscalité) et les politiques éducatives visant à élargir le choix des filières, rendre beaucoup plus neutre l'emploi à temps partiel par rapport à l'emploi à temps plein en matière de professions occupées, de salaires, de perspectives de carrière et d'accès à la formation, et, enfin, accroître la mixité dans les métiers peu qualifiés, où elle est la plus forte, notamment dans les métiers des services à la personne où les besoins de main-d'oeuvre sont importants.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est félicitée de ce que la délégation puisse ainsi disposer d'une étude statistique comparative pouvant servir de base à ses travaux. Puis elle a évoqué l'importance, pour les femmes, du travail à temps partiel subi, avant de souligner le caractère fondamental de l'orientation et de l'information précoce des élèves.

Mme Gisèle Printz s'est tout d'abord étonnée de la relative faiblesse de l'écart salarial entre femmes et hommes mesuré par l'étude du Centre d'analyse stratégique environ 12 % alors que d'autres études l'évaluent à plus de 18 %.

Mme Christel Gilles lui a répondu qu'il s'agissait d'une moyenne européenne mesurée en taux horaire, alors que les chiffres habituellement diffusés se réfèrent à des indicateurs d'écart salarial en moyenne mensuelle qui intègrent aussi la durée du travail et peuvent atteindre, pour cette raison, les 20 %.

Mme Gisèle Printz a ensuite souligné l'importance de la formation professionnelle et évoqué la question de l'ouverture des commerces le dimanche, qui, dès lors qu'elle deviendrait en quelque sorte une obligation, pénaliserait les femmes qui sont d'ailleurs concentrées dans les métiers de vendeuses.

Rappelant que les Français établis hors de France représentent 2,4 millions de personnes, Mme Christiane Kammermann a demandé si la situation des femmes françaises expatriées avait été prise en compte dans l'étude du Centre d'analyse stratégique. Elle a insisté sur la nécessité de concilier vie professionnelle et vie familiale, estimant que cette dernière ne devait pas être sous-estimée, compte tenu du rôle que jouaient les mères dans l'éducation des jeunes enfants.

Mme Christel Gilles a indiqué que l'étude était une comparaison européenne et, par ailleurs, que les statistiques relatives aux Françaises de l'étranger seraient peut-être difficiles d'accès pour permettre d'élaborer une étude précise.

Revenant sur les « arbitrages » opérés, selon l'étude du Centre d'analyse stratégique, par les familles, Mme Annie David s'est demandé si les femmes appartenant à des milieux défavorisées avaient vraiment le « choix » d'arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants. Elle a ensuite évoqué les discriminations que constituent, pour les femmes travaillant à temps partiel, les droits réduits qui leur sont attribués en matière de formation professionnelle et de retraite. Elle a enfin souhaité que soient mieux préservés les droits des salariées ayant une maladie liée à leur état de grossesse, rappelant les initiatives législatives qu'elle avait défendues sur ce sujet.

Mme Christel Gilles a précisé que les travaux présentés à la délégation se limitaient à une comparaison européenne globale des situations des femmes en emploi et que les questions essentielles du temps partiel subi, qui concerne les familles les plus désavantagées, et notamment les familles monoparentales, et de la conciliation entre vie professionnelle et familiale, pour ces familles en particulier, feraient l'objet d'études comparatives ultérieures.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a demandé à l'intervenante de lui citer des exemples de pays qui soient parvenus à limiter le caractère subi du recours au temps partiel, grâce à des mesures favorisant la garde des enfants.

Mme Christel Gilles a désigné les pays nordiques comme ceux où les modes de conciliation entre la vie professionnelle et familiale étaient le mieux réalisés, grâce à la mise en place de systèmes universels de crèches et d'horaires aménagés.

Elle a indiqué à Mme Gisèle Printz et à Mme Annie David que deux tiers des femmes, en Suède, travaillaient dans le secteur public, contribuant au renforcement de la segmentation par genre du marché de l'emploi, Mme Gisèle Gautier, présidente , notant alors qu'un phénomène comparable se retrouvait en France, et Mme Gisèle Printz s'interrogeant sur les effets induits qu'aurait, dans ce domaine, la diminution du nombre de fonctionnaires prônée par le Gouvernement.

Puis Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur la dimension physiologique de la répartition sexuée des emplois.

Mme Christel Gilles a évoqué des entretiens conduits avec des représentants du secteur du bâtiment, qui montrent que beaucoup de métiers sont devenus autant accessibles aux femmes qu'aux hommes, grâce à l'évolution des techniques et des normes qui réduisent la part de la simple force physique.

Mme Annie David a estimé que les facteurs sociologiques constituaient, parfois plus que le critère de la force physique, des obstacles à l'emploi féminisé dans certains métiers du bâtiment, lorsqu'il s'agissait, par exemple, d'encadrer un personnel essentiellement composé d'hommes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a cité des travaux qui insistent sur l'importance de l'orientation précoce, parfois dès la classe de sixième, et jugé nécessaire de combattre la persistance de l'injustice sociale, qui aboutit notamment à ce que les enfants d'ouvriers aient moins de chances de suivre des études supérieures.

Mme Annie David a souligné que les jeunes filles sont, plus que les garçons, frappées par des discriminations sociales, regrettant que beaucoup des plus brillantes d'entre elles ne soient pas davantage encouragées à poursuivre des études supérieures.

Mme Gisèle Printz a déploré que, du fait de leur lourdeur, les procédures de validation des acquis de l'expérience ne bénéficient qu'assez rarement aux femmes.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente, Mme Christel Gilles a évoqué les travaux du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) sur la segmentation éducative en amont de la ségrégation professionnelle, ajoutant que le Conseil d'analyse stratégique allait également s'attacher à approfondir cette question.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur la sensibilisation du monde éducatif et sur les actions de formation à ce phénomène de ségrégation, tout en insistant sur l'importance du rapprochement entre école et entreprise.

Mme Christel Gilles a rappelé que les travaux du CEREQ montraient notamment que le choix des filières restait particulièrement sexué.

En réponse à une interrogation de Mme Gisèle Gautier, présidente, Mme Christel Gilles a ensuite évoqué les travaux de prospective par métier et par qualification conduits en coopération avec la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) sur les besoins de main-d'oeuvre, en particulier dans le secteur des services à la personne. Elle a estimé que les nouvelles perspectives de l'emploi étaient, globalement, désormais plus favorables aux femmes qu'aux hommes en raison de la désindustrialisation en insistant sur les difficultés d'insertion particulières des jeunes hommes peu qualifiés.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a évoqué, à propos de la profession de médecin, la progression de la proportion de femmes et s'est interrogée sur les causes, notamment en termes de rémunération, de ce phénomène.

Mme Christel Gilles a précisé que ce phénomène de féminisation se retrouvait dans la profession d'avocat et a souligné la proportion importante de femmes travaillant dans les directions des ressources humaines.

Mme Gisèle Printz a estimé que c'était dans le domaine de la politique que la parité avait encore beaucoup à progresser, Mme Gisèle Gautier, présidente , soulignant toutefois les récentes avancées intervenues dans ce domaine, pour insister, en revanche, sur le trop faible nombre de femmes ingénieures.

Mme Christiane Kammermann a souligné l'importance du chômage et des difficultés d'accès à l'emploi, particulièrement pour les femmes résidant à l'étranger.

Mme Annie David s'est interrogée sur les mesures concrètes qui pourraient contribuer à un rééquilibrage dans la composition par sexe des professions ; elle a insisté sur le rôle que pourrait jouer l'école pour faire évoluer la représentation que se font les jeunes des différents métiers.

Mme Christel Gilles a constaté, chez les nouvelles générations, une nette amélioration de la diversification des emplois occupés par les femmes, tout en reconnaissant que des difficultés particulières subsistaient dans les métiers à faible qualification.

Audition de M. Bernard Thomas , délégué interministériel à l'orientation

(31 octobre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a accueilli l'intervenant et présenté les grandes lignes de sa carrière, ainsi que ses fonctions actuelles. Elle a ensuite souhaité que puissent être dégagées des propositions concrètes de nature à améliorer l'orientation scolaire pour favoriser un rééquilibrage entre femmes et hommes dans les différents métiers.

M. Bernard Thomas a tout d'abord précisé la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre : celle-ci consiste à élaborer des propositions pour mettre en place un service public de l'orientation rénové et améliorer l'orientation au cours de l'enseignement scolaire et supérieur. Il a souligné qu'à l'heure actuelle, de nombreuses administrations avaient d'ores et déjà pris des initiatives pour faire évoluer la situation, notamment afin d'inciter les jeunes filles à s'orienter davantage vers les carrières scientifiques.

Illustrant par quelques chiffres le constat des inégalités existant entre filles et garçons en matière d'orientation, il a particulièrement insisté sur le problème de l'accès des jeunes filles aux classes préparatoires : bien que les filles représentent 45,5 % des effectifs de la terminale « S », on ne retrouve pas cette proportion dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d'ingénieurs, qui sont les débouchés les plus recherchés après le baccalauréat S ; les filles ne sont que 29,2 % dans les classes préparatoires scientifiques et ne représentent que 18,5 % des élèves des écoles d'ingénieurs. Il a précisé qu'au total les femmes ne représentaient que 25 % des ingénieurs diplômés d'une grande école ou d'une université, chaque année.

S'attachant à écarter certaines fausses raisons parfois invoquées pour expliquer cette situation, M. Bernard Thomas a observé que la difficulté des filles à accéder au métier d'ingénieur n'était pas la conséquence de leurs résultats scolaires, qui sont en général meilleurs que ceux des garçons : les filles devancent ainsi largement les garçons pour le taux de réussite au baccalauréat dans toutes les séries, y compris S, en particulier pour la proportion des mentions bien et très bien, qui atteint 22 % pour les filles, contre 16 % pour les garçons au baccalauréat S. Il a ajouté que cette situation n'était pas non plus imputable à la crainte du travail intense, ni des filières sélectives, comme en témoigne l'engouement des filles pour la médecine, où elles réussissent massivement, puisqu'elles constituent 60 % des diplômés chaque année. Il a également indiqué qu'on pouvait constater une quasi-parité dans les écoles de commerce, avec 55 % de femmes dans les classes préparatoires économiques et 49 % de diplômées des écoles de gestion, tandis que les femmes constituent 53 % des docteurs en lettres, mais seulement 34 % des docteurs en sciences.

Il a ensuite évoqué les disparités entre les genres dans les formations de niveau IV et V, les filles représentant, par exemple, 92 % des élèves accédant en classe de première dans la filière de sciences médico-sociales, mais moins de 10 % des élèves entrant en classe de première dans la filière de sciences et technologies industrielles.

Examinant dans un état d'esprit pragmatique les causes de cette situation, M. Bernard Thomas a tout d'abord mis l'accent sur les représentations que se font des métiers et des entreprises les jeunes, leurs parents et, dans une large mesure, les professeurs et les autres acteurs de l'orientation, ainsi que sur les préjugés qui subsistent souvent. Il a estimé que ces représentations sociales et culturelles étaient largement dues à une information insuffisante sur la réalité de l'emploi, des métiers et de l'économie. Il a cependant noté que jusqu'à présent les actions conduites n'avaient pas obtenu les résultats espérés.

M. Bernard Thomas a ensuite insisté sur deux autres conséquences des préjugés et d'une orientation défaillante, en mentionnant tout d'abord le déficit de femmes qui se destinent à la recherche, aux métiers scientifiques et aux métiers de l'industrie et du bâtiment, les filles représentant moins de 30 % des effectifs des filières des sciences fondamentales et appliquées des universités. Puis il a souligné la faiblesse de la présence des femmes au sommet de la hiérarchie, en citant une brochure récente de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), intitulée : « Au lycée, préparer l'avenir », à destination des professeurs et des conseillers d'orientation, aux termes de laquelle : « si les femmes représentent aujourd'hui 45 % de la population active, elles sont moins nombreuses à accéder aux plus hautes strates des hiérarchies professionnelles. Dans les entreprises du secteur privé, les femmes représentent 24 % de l'encadrement (soit 1,7 million de femmes) (...). Dans la fonction publique, les femmes sont majoritaires (55 %), mais encore peu présentes dans les emplois de direction (14 % en 2000 pour l'ensemble des emplois de direction et d'inspection, 11 % pour les emplois laissés à la décision du gouvernement) ».

S'agissant des pistes de rééquilibrage, M. Bernard Thomas a évoqué tout d'abord la mise en place de « parcours de découverte des métiers » tout au long de la scolarité, et ensuite le développement des contrats d'objectifs conclus entre les collèges ou les lycées et le rectorat avec la fixation d'obligations de moyens, voire de résultats en matière d'information sur les métiers et sur l'emploi. Il a estimé envisageable de fixer des objectifs chiffrés pour que les jeunes filles accèdent en plus grand nombre aux classes préparatoires scientifiques.

Il a également souligné la responsabilité incombant aux enseignants dans ce domaine, car la mission des professeurs consiste aussi à faire connaître aux élèves et aux étudiants le monde du travail et l'entreprise, tout en les aidant à s'orienter dans leur formation et leurs perspectives professionnelles, ainsi que le précise d'ailleurs le « cahier des charges de la formation des maîtres » rédigé en application de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005.

Puis M. Bernard Thomas a présenté un certain nombre d'actions ciblées, sous la forme de campagnes d'information, dans certains secteurs professionnels rattachés aux sciences en général et aux sciences de la vie en particulier, les filles montrant un intérêt particulier pour ce dernier secteur où la France a pris du retard. Il a jugé pertinent de conduire une action renforcée, dans les quartiers en difficulté des zones urbaines sensibles (ZUS), en direction des jeunes filles issues de l'immigration, qui sont, plus que les autres encore, victimes des préjugés évoqués ci-dessus.

Abordant la question de l'opportunité de la fixation de quotas et se disant alarmé de la gravité d'une situation qui perdure, il s'est demandé, en raison de l'importance de l'enjeu et compte tenu de la lenteur des évolutions, s'il ne pourrait pas être envisagé, dans des domaines choisis et pour une durée déterminée, de réserver des places aux femmes, par exemple pour l'accès aux classes préparatoires scientifiques et aux concours des grandes écoles.

Un débat s'est ensuite instauré.

Après avoir rappelé que les femmes étaient très largement majoritaires parmi les instituteurs, Mme Gisèle Gautier, présidente , soulignant le cloisonnement entre le monde éducatif et l'économie, s'est demandé, sur la base de son expérience concrète, s'il ne convenait pas de favoriser la découverte des métiers in situ , très stimulante pour les élèves, tout particulièrement avant l'âge de 15 ans.

Approuvant ce propos, M. Bernard Thomas a tout d'abord souligné la nécessité de sensibiliser les professeurs aux réalités du monde économique, en rappelant qu'aucune obligation statutaire de stage en entreprise n'incombait traditionnellement, dans ce domaine, aux enseignants du supérieur et du primaire, seuls les enseignants des filières technologiques et professionnelles y étant soumis. Il a cependant précisé que le « cahier des charges de la formation des maîtres », institué par un arrêté du 19 décembre 2006, prévoyait désormais l'obligation pour tout enseignant d'effectuer un stage dans une entreprise ou une administration au cours de sa formation.

S'agissant des stages en entreprise, il a toutefois estimé nécessaire d'accorder une priorité aux enseignants des lycées, tout en évoquant les évolutions en cours dans l'enseignement supérieur, notamment dans le cadre du plan « Réussir en licence ».

M. Bernard Thomas a ensuite indiqué qu'au cours d'une communication présentée en conseil des ministres le 25 octobre dernier, le ministre de l'éducation nationale avait souhaité qu'aucun élève ne quitte le collège sans avoir passé au moins dix jours dans une entreprise. Il a appelé les parlementaires à suivre avec attention la mise en oeuvre pratique des orientations prises en vue d'une meilleure connaissance des entreprises, ainsi que des diverses qualifications ou fonctions.

Il a cependant évoqué les précautions à prendre en la matière, en rappelant que l'école primaire ne pouvait tout faire et devait accorder une priorité à l'acquisition du socle des connaissances fondamentales. Prolongeant une intervention de Mme Gisèle Printz , il a également mentionné le problème de l'accueil et de l'encadrement des élèves dans l'entreprise. Il a par ailleurs souligné le développement de l'apprentissage et de la formation en alternance.

M. Alain Gournac , approuvant les propos tenus par M. Bernard Thomas au sujet de l'importance de l'acquisition du socle de connaissances, a toutefois évoqué l'existence d'un état d'esprit, dans le monde éducatif, qui n'est pas toujours favorable à l'entreprise et peut se traduire par une certaine crainte à l'égard de l'entrée dans le monde du travail. Il a fait observer que les jeunes percevaient parfaitement cet état d'esprit et subissaient son influence, avant de juger nécessaire de s'attaquer à ce blocage de notre société. Il s'est enfin inquiété des conditions concrètes dans lesquelles les enfants pourraient être accueillis pendant dix jours dans une entreprise.

Mme Gisèle Printz a témoigné de l'intérêt des familles pour les manifestations organisées afin de mettre les élèves en contact avec le monde de l'entreprise et de leur faire connaître les différents métiers. Soulignant ensuite la permanence des préjugés sexistes, elle s'est demandé si une politique de bourses adaptée ne pourrait pas favoriser l'orientation des filles vers des études longues.

Après avoir souligné la difficulté de résoudre le problème culturel de la représentation sexuée des métiers, Mme Yolande Boyer a souhaité que l'État mène une politique volontariste contre les préjugés, par exemple grâce à une extension du dispositif des bourses de la vocation scientifique et technique. Elle s'est montrée résolument favorable à l'institution de quotas pour réduire les disparités scolaires et professionnelles entre les filles et les garçons, dans la mesure où les progrès accomplis demeurent insuffisants et où les quotas ont fait preuve de leur efficacité en politique. Elle a également souhaité l'adoption de mesures permettant de contrecarrer la trop grande féminisation de certains métiers, comme celui d'enseignant dans le primaire et en particulier en maternelle.

Mme Christiane Kammermann s'est alors interrogée sur l'opportunité d'accroître la proportion d'hommes enseignant en maternelle, en manifestant une certaine préférence pour que cette fonction soit occupée par des femmes. Par ailleurs, elle a souligné la qualité des écoles françaises à l'étranger, qu'elle a jugées bien souvent remarquablement performantes dans le domaine de l'acquisition des « fondamentaux ».

M. Bernard Thomas a évoqué, sur la base de son expérience vécue d'inspecteur d'académie, le cas exemplaire d'un homme enseignant en école maternelle. Il a fait observer que cette situation était fréquente dans de nombreux pays étrangers, et notamment dans les pays scandinaves.

Puis il a mis l'accent sur l'importance du rôle joué par les médias et les familles dans la transmission des préjugés sexistes. Rappelant que l'éducation nationale ne pouvait pas « faire l'éducation des parents », il a estimé que le service public de l'éducation devrait s'efforcer d'améliorer ses performances en matière d'orientation, toutes choses égales par ailleurs et dans un contexte donné, en soulignant la nécessité que les enseignants participent à la construction des projets professionnels des élèves.

S'agissant des relations entre l'éducation et le monde du travail, il a considéré que l'épisode du contrat première embauche (CPE) avait eu le mérite de contribuer à ce que l'insertion professionnelle devienne une des missions de l'enseignement supérieur.

M. Bernard Thomas a ensuite évoqué la nécessité, pour l'éducation nationale et les enseignants, de mieux prendre en compte la réalité actuelle du chômage des jeunes, rappelant qu'en janvier 2007, 21,3 % des jeunes non scolarisés de 14 à 25 ans étaient au chômage, ce taux atteignant 25 % pour les filles et plus de 40 % dans les ZUS.

Après avoir précisé à l'intention de Mme Yolande Boyer que la présence dans les rectorats d'une déléguée à l'orientation des filles était tombée en désuétude, il a indiqué qu'il avait été récemment demandé à tous les recteurs de présenter au conseil académique des données sur l'orientation des jeunes filles, en faisant observer que, dans ce domaine comme dans d'autres, la nomination d'un délégué affecté à une tâche précise ne garantissait pas que l'objectif soit atteint, notamment parce qu'une telle mesure pouvait avoir un effet démobilisateur à l'égard des autres acteurs.

S'agissant de l'attribution ciblée de bourses en faveur des femmes, il a fait observer que les exemples cités par Mme Gisèle Printz et Yolande Boyer relevaient d'une politique volontariste menée par les délégations régionales aux droits des femmes ou certaines collectivités territoriales. Il a précisé qu'en ce qui concerne les bourses délivrées par l'État, la mise en place d'une attribution ciblée en faveur des femmes nécessiterait une modification législative, en mentionnant l'intérêt de la ministre en charge de l'enseignement supérieur pour cette question.

En réponse à une interrogation de Mme Gisèle Gautier, présidente , sur l'incidence du montant des rémunérations sur la féminisation de la profession d'enseignant, il a rappelé qu'en 1989, période à laquelle les besoins en enseignants étaient élevés, la revalorisation des traitements induite par la création du corps des professeurs des écoles avait attiré un certain nombre de candidatures masculines supplémentaires, mais que ce phénomène avait quelque peu disparu aujourd'hui.

En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente , a fait le constat d'une certaine inadéquation de la formation dispensée aux jeunes par rapport aux besoins du monde économique. Compte tenu de l'importance vitale de l'enjeu de l'orientation, elle a suggéré que soit organisée une sorte de « Grenelle de l'orientation » pour rassembler tous les acteurs autour d'objectifs précis et sensibiliser l'opinion publique à cette cause majeure.

Audition de M. Michel Quéré, directeur du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), de Mme Dominique Epiphane et de M. Thomas Couppié, chargés d'études au département des entrées dans la vie active

(7 novembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté les intervenants et rappelé le thème d'étude choisi par la délégation, en soulignant sa préoccupation particulière à l'égard d'une certaine inadéquation entre la formation et les besoins du marché du travail, ainsi que d'une orientation sexuée et stéréotypée. Elle a souhaité que l'on puisse parvenir à un meilleur équilibre entre femmes et hommes dans l'ensemble des métiers.

M. Michel Quéré s'est félicité de cette occasion de présenter au Parlement des travaux d'analyse du CEREQ, ce qui contribue à une meilleure diffusion de leur connaissance. Il a rappelé que le CEREQ était un établissement public dépendant des ministères en charge de l'éducation nationale, de l'économie et du travail, rassemblait 150 personnes, fonctionnait grâce à un budget d'environ 10 millions d'euros et avait pour mission essentielle d'étudier la relation entre formation et emploi sous ses différents aspects.

Il a souligné qu'il convenait, à son avis, de ne pas céder à une conception excessivement « adéquationniste » de la relation entre formation et emploi, en expliquant que les ajustements du système éducatif n'avaient que peu de chances de coïncider spontanément avec les évolutions observées ou attendues de l'offre d'emploi. Il a insisté sur le fort taux de « désajustement » structurel entre la spécialité de la formation et l'emploi occupé, qui reste un résultat constant des enquêtes d'insertion réalisées par le CEREQ. En conséquence, plutôt que « d'adéquationnisme » entre formation et emploi, il convient, selon lui, de s'interroger sur les connaissances acquises en formation initiale qui sont susceptibles d'être mobilisées dans l'emploi occupé (connaissances générales ou technologiques, connaissances formelles ou savoir-faire pratique, degrés et types de professionnalisation de la formation initiale, etc.). Il a conclu son propos introductif en indiquant que la dimension de genre était souvent un facteur accentuant d'autres traits structurels de la relation formation-emploi (taux de chômage des non qualifiés, disparités salariales selon les niveaux et les spécialités de formation) et, qu'en conséquence, cela créait, de fait, une difficulté supplémentaire pour identifier des politiques spécifiques pour traiter de cette distorsion « supplémentaire ».

Mme Dominique Épiphane a ensuite présenté une étude consacrée aux jeunes hommes et aux jeunes femmes sur le marché du travail, destinée à dresser un état des lieux des différences d'insertion et de la ségrégation professionnelle.

A l'aide de tableaux statistiques, elle a tout d'abord brossé un panorama général des différences d'insertion entre femmes et hommes, puis analysé le positionnement des unes et des autres dans les professions.

Précisant que les indicateurs soumis à la délégation étaient fondés sur une enquête intitulée « génération 98 » menée en 2005, au cours de laquelle 16 000 jeunes ont été interrogés, sept années après leur entrée dans la vie active, elle a globalement chiffré à 10 % le taux de chômage de ces jeunes. Elle a relevé que le taux de chômage apparaissait, de façon générale, plus élevé pour les femmes (11 %) que pour les hommes (8 %), avec un écart moyen de 3 %. Elle a souligné que cet écart était très variable selon le niveau de diplômes, notant qu'il s'élevait à 8 % pour les jeunes actifs ayant un niveau compris entre le CAP et le BEP, et à 13 % pour les non diplômés, alors qu'il était faible pour les diplômés de l'enseignement supérieur.

Mme Dominique Épiphane a ensuite analysé les types de trajectoire au cours des sept premières années de vie active, qui peuvent être classés selon une échelle allant du chômage prolongé à la stabilisation dans un emploi à durée indéterminée. Elle a constaté, là encore, des écarts au détriment des femmes, dont la situation professionnelle demeure en moyenne sensiblement plus précaire que celle des hommes. Elle a observé que ce phénomène se manifestait quel que soit le niveau de diplôme, mais que le degré de stabilisation dans l'emploi des femmes était beaucoup moins élevé que celui des hommes au niveau CAP-BEP : par exemple, les femmes sont presque quatre fois plus nombreuses que les hommes à connaître une situation de « non-emploi prolongé » à ce niveau de formation.

Puis, rappelant que 21 % des femmes occupant un emploi travaillaient à temps partiel, contre 3 % des hommes, elle a souligné que l'activité à mi-temps était particulièrement fréquente pour les femmes sans diplômes ou ayant un niveau de formation CAP ou BEP, tout en constatant que le travail à 80 % était la modalité de travail à temps partiel la plus fréquente.

Elle a ensuite analysé les écarts de salaires entre hommes et femmes, en faisant observer qu'ils avaient tendance à s'aggraver après l'entrée dans la vie active, et ce à presque tous les niveaux de diplômes. Elle a précisé que ces écarts ne s'expliquaient qu'en partie par le travail à temps partiel et qu'ils reflétaient des positions professionnelles très différentes.

Décrivant les catégories sociales auxquelles se rattachent les jeunes actifs, sept ans après leur entrée ans la vie active, elle a notamment fait les constats suivants : parmi les titulaires d'une formation de niveau Bac + 3,71 % des hommes contre 47 % des femmes deviennent cadres dans le tertiaire ou ingénieur(e)s ; en outre, 28 % seulement des femmes ayant une formation de niveau Bac + 2 font partie des professions intermédiaires du secteur tertiaire, alors que 57 % des hommes y parviennent avec un même niveau de diplôme ; enfin, 28 % des femmes de ce même niveau de formation demeurent dans la catégorie des employés, contre 13 % des hommes. D'une manière générale, elle a souligné la permanence d'une ségrégation professionnelle et une répartition des emplois très clivée selon le sexe.

Puis M. Thomas Couppié a analysé les explications de ce phénomène, en rappelant, tout d'abord, celle traditionnellement avancée selon laquelle, dès l'école, les femmes ne suivent pas les mêmes formations et ne se destinent donc pas aux mêmes emplois que les hommes.

A ce titre, il a noté qu'au lycée, on comptait plus de 82 % de filles en section littéraire (L) et près de 66 % en section tertiaire (STT), alors qu'en revanche, les garçons monopolisaient les sections industrielles, dans une proportion de 92 %, et restaient majoritaires, à 56 %, dans les sections scientifiques. En outre, il a relevé que dans les formations professionnelles courtes, plus de 85 % des effectifs féminins étaient regroupés dans quatre spécialités tertiaires : le secrétariat, la comptabilité, le commerce et la santé.

S'agissant de l'enseignement supérieur, il a précisé que si, depuis une quarantaine d'années, les filles avaient diversifié leurs orientations au profit du droit, de l'économie et de la médecine, elles avaient néanmoins continué à renforcer leur présence dans les disciplines littéraires et restaient minoritaires en sciences. Il a ajouté que les grandes écoles de commerce étaient devenues assez largement mixtes, avec 46 % de femmes, alors que celles d'ingénieurs demeuraient un bastion masculin, avec seulement 23 % de femmes.

M. Thomas Couppié a ensuite évoqué la méthode suivie pour tester l'hypothèse du lien entre orientations scolaires et orientations professionnelles ultérieures, en faisant observer que le but de ces travaux était de montrer comment, au moment de l'entrée dans la vie active, la ségrégation observée à l'école se transformait, ou non, en ségrégation sur le marché du travail. Il a précisé que cette méthode consistait à analyser la ségrégation professionnelle comme le fruit d'un processus en deux étapes, en isolant, pour chaque profession, deux composantes, l'une d'origine éducative, « héritée » de l'école, et l'autre post-éducative, c'est-à-dire « construite » sur le marché du travail.

Il a indiqué que les calculs effectués à partir de différentes sources statistiques faisaient apparaître une ségrégation aujourd'hui encore relativement importante en France, avec un taux de 25 % à 28 % selon le type de main-d'oeuvre étudiée, ce qui signifie qu'il faudrait globalement réaffecter le quart de la population active pour parvenir à une répartition équilibrée entre hommes et femmes dans les différentes professions. Il a ensuite estimé que trois cinquièmes de cette ségrégation professionnelle pouvaient être imputés à des facteurs éducatifs, les deux autres cinquièmes se rattachant à une ségrégation supplémentaire qui prend corps sur le marché du travail.

Prolongeant cette évaluation générale par quelques exemples démontrant l'hétérogénéité des professions au regard de la ségrégation, il a évoqué la forte prépondérance masculine, qui pourrait s'expliquer, dans certaines professions, par la ségrégation éducative antérieure, à l'instar de nombre d'emplois dans le monde industriel (avec, par exemple, 5 % de femmes dans les postes d'ouvriers qualifiés de la métallurgie ou de la mécanique, et parmi les ingénieurs, 10,9 % de femmes) et, dans d'autres professions, par des mécanismes de ségrégation prenant essentiellement corps sur le marché du travail à l'instar des professions associées à une image masculine et peu ancrées dans un cursus de formation initiale, comme celles qui se rattachent au domaine de la sécurité (9,5 % de femmes dans l'armée et la police). En revanche, il a mis en évidence la surreprésentation des femmes, qui peut être rattachée principalement à leur orientation scolaire, dans les professions tertiaires réglementées du secteur médical ou paramédical (83 % de femmes dans la profession d'infirmier, par exemple), ainsi que dans la banque ou l'assurance. A l'inverse, cette surreprésentation peut ne dépendre pour l'essentiel que de comportements sur le marché du travail, à l'instar des cas observés parmi les employés de la fonction publique ou du secteur des services à la personne (96 % des employés de maison sont des femmes).

Analysant ensuite la répartition des différents types de groupes professionnels et leurs contributions aux différentes sources de ségrégation professionnelle, à partir de l'enquête « Emploi 2002 » réalisée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il a fait apparaître globalement que 40 % des emplois expliquaient les deux tiers de la ségrégation professionnelle d'origine éducative, tandis que seul un tiers des emplois présentait un caractère « mixte ».

S'efforçant de tirer de ces observations des recommandations utiles aux politiques économiques, il a constaté que la ségrégation professionnelle était loin de dériver uniquement et mécaniquement de la ségrégation opérée sur les bancs de l'école et, par conséquent, a estimé que la diversification des orientations féminines ne pouvait, à elle seule, résoudre le problème de la ségrégation professionnelle entre hommes et femmes. Il a conclu son propos en soulignant la nécessité de s'interroger sur les politiques de recrutement des employeurs, et, plus globalement, sur les processus de distribution des individus dans les différentes professions.

Prolongeant cette dernière remarque, Mme Dominique Épiphane s'est alors livrée à une analyse du degré d'ouverture aux deux sexes des offres d'emploi dans les petites annonces.

Elle a constaté qu'en dépit de l'interdiction des discriminations à l'embauche fondées sur le sexe, qui résulte du code du travail et du code pénal, l'analyse des offres d'emplois révélait que certains annonceurs s'adressaient clairement à un sexe ou à l'autre, par des formules telles que « recherche vendeuse », par exemple.

Elle a indiqué qu'une étude lexicale des annonces parues dans la presse nationale ou régionale permettait de conclure que seules 27 % des annonces s'adressaient indistinctement aux femmes et aux hommes, les postes de cadre apparaissant, en particulier, plus ouverts aux deux genres, tandis que 30 % des petites annonces s'adressaient explicitement à un seul des deux sexes.

Puis elle a présenté les résultats d'une enquête menée auprès de 4 000 recruteurs sur leurs préférences éventuelles à l'égard du sexe des candidats, et observé qu'en dépit de la sous-estimation inhérente à ce type d'enquête, plus d'un quart des recruteurs avaient répondu ouvertement que le sexe des candidats au poste à pourvoir ne leur était pas indifférent. Elle a noté que cette préférence avait été plus souvent exprimée par les recruteurs ayant choisi un homme et par ceux se trouvant dans de petites entreprises.

Elle a également signalé que la proportion de recruteurs qui n'étaient pas indifférents au sexe des candidats était minimale pour l'embauche de cadres non dirigeants (2 % seulement), un peu plus élevée pour l'embauche de cadres dirigeants (12 %) et maximale pour les fonctions de production (48 %).

S'agissant des motifs invoqués à l'appui d'une préférence de genre à l'embauche, elle a indiqué que l'argument le plus fréquemment utilisé, lorsqu'il s'agissait de favoriser une candidature féminine, était l'inclination des clients ou des usagers. Elle a ajouté que l'intégration dans les équipes existantes était le motif le plus souvent retenu pour le choix de l'un plutôt que l'autre sexe dans des emplois de cadre, alors que la nature du poste servait généralement de justification à ce choix pour des emplois de non-cadre.

En ce qui concerne les critères de sélection des candidats, Mme Dominique Épiphane a mentionné la valorisation des « spécificités féminines » par les recruteurs soucieux d'humaniser l'entreprise grâce à leurs qualités relationnelles. Elle a ainsi constaté que les recruteurs ayant embauché une femme font souvent référence à leurs « qualités personnelles », critères plus subjectifs que ceux liés au « savoir-faire », qui sont particulièrement favorisés par les recruteurs ayant choisi un homme.

Concluant son propos, elle a estimé que l'assignation de certaines qualités nécessaires à certains postes n'était donc pas « aléatoirement répartie sexuellement », ce qui manifeste la permanence des stéréotypes de sexe. Elle a, en conséquence, jugé nécessaire de poursuivre, en direction des recruteurs et chefs d'entreprises, un travail de forte sensibilisation à la notion d'égalité et à l'encontre des préjugés associant encore trop souvent « qualités personnelles » et « compétences professionnelles ».

Un débat a suivi ces exposés.

Tout en reconnaissant la qualité du travail qui sous-tendait la présentation, Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté que celle-ci se soit limitée au constat d'une situation déjà bien connue de la délégation, au lieu d'ouvrir des pistes de réflexions et d'exposer des propositions, comme on aurait pu l'espérer, compte tenu des missions confiées au CEREQ.

Revenant sur les conclusions de l'enquête conduite auprès des responsables du recrutement, qui montrent que 26 % de ces derniers prennent en compte, de leur propre aveu, le critère du sexe en matière d'embauche, Mme Yolande Boyer a déploré la persistance de cette pratique contraire à la loi, et s'est interrogée sur les moyens d'y remédier. Elle a également demandé des éclaircissements sur les liens qui existeraient, d'après les intervenants, entre le renforcement du rôle des régions en matière de formation, et la recherche d'une adéquation excessive entre formation et emploi.

M. Michel Quéré a estimé que le tableau, certes très factuel, tracé par les enquêtes présentées à la délégation, ouvrait deux voies de réflexion.

Il a estimé, tout d'abord, que le recours à des politiques globales n'était guère adapté pour résoudre le problème des disparités entre hommes et femmes en matière d'insertion professionnelle, dans la mesure où les situations variaient fortement d'un secteur à l'autre, et appelaient, de ce fait, des actions publiques très ciblées par professions, ou par groupes de professions. Il a estimé, qu'en ce sens, les travaux classificatoires proposés par M. Thomas Couppié , en explicitant la manière dont se combinaient les effets de ségrégation scolaire et professionnelle, offraient une piste intéressante pour cibler des types de métiers ou des publics particuliers et pour privilégier une action en amont (effet sur le système éducatif) ou en aval (effet sur l'entreprise et le marché du travail).

Il a, en outre, relevé que les emplois considérés comme « spécifiquement masculins » étaient numériquement comparables aux emplois considérés comme « spécifiquement féminins ». Remarquant que la discrimination selon le sexe était plus perceptible dans les approches en termes de flux qu'en termes de stocks, il en a déduit que les politiques de recrutement constituaient certainement un levier essentiel sur lequel il convenait de jouer.

Jugeant peu efficace l'approche trop globale des politiques éducatives menées jusqu'ici, M. Thomas Couppié a estimé qu'il convenait plutôt de privilégier des politiques sectorielles axées sur les branches ou les métiers. Il a ajouté qu'en outre, les approches à retenir ne pourraient être les mêmes pour ouvrir les métiers dits « masculins » aux femmes que pour ouvrir aux hommes les métiers considérés comme « féminins », et qu'il convenait de rester très attentif à l'effet attractif ou répulsif des considérations liées au statut social ou aux conditions de travail.

M. Michel Quéré a souligné que les études présentées avaient en outre le mérite d'avoir mis en lumière certaines disparités quasiment structurelles, comme par exemple l'effet aggravant selon le genre sur le taux de chômage des non qualifiés ou le clivage employés/ouvriers, qui reste très prégnant, le métier d'employé étant largement féminin, quand celui d'ouvrier est très majoritairement masculin. Il en a déduit que, sans négliger le problème des disparités salariales, la réflexion politique devait aussi s'attacher à une analyse de détail de la situation dans les différentes professions. Il a relevé, par exemple, la très faible féminisation des écoles d'ingénieurs, qui n'a plus aucune raison d'être aujourd'hui.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rapproché ces remarques des constats opérés par la délégation à l'occasion des travaux qu'elle a conduits sur les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, ou sur la place des femmes dans les médias. Elle a jugé indispensable de mieux identifier les paramètres sur lesquels il convenait de jouer pour compenser à l'avenir des déséquilibres existants, et, par exemple, de cerner l'âge auquel s'effectuaient les choix d'orientation, ou encore l'influence jouée par les familles et les enseignants.

M. Michel Quéré a souligné que les enquêtes du CEREQ montraient que le poids relatif de la ségrégation scolaire et de la ségrégation professionnelle variait d'un secteur professionnel à l'autre. Il a rappelé que de précédentes tentatives de rééquilibrage, comme celle conduite, par exemple, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, n'avaient pas apporté les résultats escomptés, et qu'une analyse des causes de cet échec pourrait d'ailleurs constituer une piste d'étude intéressante.

Mme Jacqueline Alquier s'est interrogée sur les actions qui pourraient être conduites, en amont, auprès des parents d'élèves ou des enseignants pour les sensibiliser à cette problématique.

Mme Dominique Épiphane a estimé que les politiques publiques ne pourraient sans doute peser qu'à la marge sur des comportements dictés par des stéréotypes fortement ancrés dans l'inconscient collectif. Elle a cité des travaux de psychologie et de sociologie qui montrent que les trajectoires se décident souvent très tôt, à travers les relations parents/enfants, les jeux et les lectures enfantines.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé que des campagnes d'information pourraient contribuer à changer l'image qu'ont certains métiers dans l'opinion.

M. Thomas Couppié a relevé que la littérature enfantine donnait le plus souvent une représentation très clivée des différents métiers, les personnages qui y sont représentés étant, davantage encore que dans la réalité, assignés en fonction de leur sexe à certaines professions, même si certains éditeurs, très minoritaires, s'efforcent aujourd'hui, de façon délibérée, de faire table rase de ces stéréotypes.

M. Michel Quéré a indiqué que les travaux les plus récents en matière d'orientation scolaire montraient que les enseignants jouaient un rôle au moins aussi important que les professionnels de l'orientation et que le poids des familles était également déterminant, l'incitation à une reproduction de l'orientation professionnelle des parents étant d'ailleurs souvent perçue comme sécurisante pour le devenir de leurs enfants. En conséquence, il a considéré que les enseignants, que ce soit dans leur cursus de formation ou en situation de formateurs, constituaient aussi une cible intéressante à mobiliser pour sensibiliser à une évolution utile des formes de représentation sexuées du travail et de l'emploi.

Audition de Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

(21 novembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

La délégation a entendu Mme Catherine Marry , sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur le thème d'étude qu'elle a retenu pour la préparation de son prochain rapport d'activité, à savoir l'orientation et l'insertion professionnelles, sous l'angle de la recherche d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers.

Résumant, pour commencer, les principaux résultats de ses recherches, Mme Catherine Marry a tout d'abord constaté que le renversement historique de la réussite scolaire au profit des filles était un fait social majeur, qui se vérifiait d'ailleurs un peu partout, y compris dans les pays en développement. Elle a ainsi relevé qu'en France le taux de réussite au baccalauréat était supérieur chez les filles : 81,8 %, contre 77,4 % pour les garçons, et qu'ainsi, au sein d'une même génération, 67,8 % de filles étaient bachelières, contre 56 % seulement de garçons, cette meilleure réussite des filles se retrouvant dans les cursus universitaires.

Elle a d'ailleurs remarqué que les diplômes jouaient un rôle essentiel comme levier de la féminisation des professions qualifiées, relevant qu' a contrario , les femmes étaient beaucoup moins présentes dans les métiers dont l'accès n'est pas conditionné par la possession d'un diplôme, comme par exemple la politique.

Elle a tempéré cependant l'optimisme de cette première conclusion en ajoutant que cette dynamique d'égalité restait encore inaboutie, dans la mesure où les orientations scolaires des filles demeuraient dans l'ensemble moins rentables en termes de carrière : même si les femmes ont, en partie, délaissé les filières des lettres et des arts d'agrément, au profit du droit, de l'économie, de la gestion, même si elles ont largement investi les écoles de commerce, elles restent très minoritaires dans les grandes écoles scientifiques ou dans les filières professionnelles et techniques industrielles.

Par ailleurs, elle a évoqué le cas particulier de l'informatique, constatant que la part des femmes avait régressé dans ce secteur au cours des dernières années. Elle a expliqué pour partie ce phénomène en estimant que les filles se détournaient souvent des ordinateurs à l'adolescence, à cause des stéréotypes masculins accusés que véhiculent l'image agressive du « hacker » ou la fréquence des jeux vidéo violents.

Elle a également relevé qu'après le bac, les filles s'orientaient plus souvent que les garçons vers l'université (66 %, contre 62 %), et moins vers les filières sélectives comme les instituts universitaires technologiques (8 %, contre 12 %) ou les classes préparatoires (10 %, contre 13 %).

Elle a jugé que l'orientation s'effectuait souvent en fonction du prestige des différentes disciplines, par des mécanismes d'autosélection, particulièrement prégnants chez les filles issues des milieux les moins favorisés, en constatant que ces dernières avaient moins confiance en elles et hésitaient davantage à s'orienter vers les filières les plus prestigieuses.

Mme Catherine Marry a ensuite évoqué les professions supérieures les plus féminisées, notant qu'elles se situaient souvent dans le prolongement de métiers moins qualifiés où les femmes sont depuis longtemps très présentes, comme par exemple ceux de la santé.

Elle a relevé que la féminisation notable de la médecine et des professions juridiques (avocat, magistrat) s'accompagnait d'une certaine ségrégation par spécialités et modes d'exercice : en médecine, par exemple, les femmes sont mieux représentées parmi les salariés non hospitaliers et en gynécologie ou dermatologie, plus qu'en cardiologie, discipline plus prestigieuse. Elle a également souligné la forte proportion de femmes dans les métiers de bibliothécaire ou d'archiviste (77 %), dans ceux d'enseignant certifié ou agrégé (58 %), dans les fonctions liées aux « ressources et relations humaines » (50 %), alors qu'au contraire, dans les métiers d'ingénieur et de cadres techniques, la part des femmes oscillait entre un minimum de 2 % - pour les ingénieurs et cadres de chantiers du bâtiment et des travaux publics - et un maximum de 33 % - pour les ingénieurs et cadres de recherche et développement en chimie et biologie -.

Elle a ensuite avancé quelques explications sociologiques de la « sexuation » des études et des métiers, qui s'accompagne de leur hiérarchisation (le masculin est supérieur au féminin).

Elle a d'abord évoqué le rôle que pouvaient jouer des stéréotypes de sexe, qui attribuent à chaque sexe des qualités différentes, prétendument naturelles (force, créativité, agressivité aux hommes ; docilité, minutie, altruisme aux femmes), alors qu'elles sont en réalité inculquées par les parents, l'école et les pairs tout au long de la vie.

Tout en se réjouissant que, dans tous les milieux sociaux, les parents attachent maintenant autant d'importance à l'éducation des filles qu'à celle des garçons, Mme Catherine Marry a estimé que les projets de vie continuaient de différer, la réussite matérielle étant une attente prioritaire pour les fils, alors que les filles sont davantage pressenties pour le bonheur domestique.

Elle a ensuite estimé que le coût de la transgression n'était pas à négliger : filles et garçons tendent à se conformer aux attentes sociales liées à leur sexe pour être mieux acceptés et plaire à l'autre sexe, alors que ceux et surtout celles qui y dérogent se heurtent à de nombreuses difficultés.

Elle a ainsi pointé l'hostilité forte à laquelle pouvaient être confrontées les femmes qui s'aventuraient dans certains milieux professionnels très masculins. Elle a estimé en effet que les professions et les filières les plus sélectives se « défendaient » contre l'arrivée des femmes, rappelant que l'École polytechnique ne s'était ouverte aux femmes qu'en 1972, l'École des hautes études commerciales (HEC) qu'en 1973 et l'École normale supérieure de la rue d'Ulm qu'en 1986. Elle a dénoncé le rôle dissuasif que pouvait également jouer, dans cette perspective, le bizutage.

Mme Catherine Marry a, pour finir, formulé un certain nombre de propositions pour améliorer la situation dont elle venait de dresser le constat.

Elle a, tout d'abord, recommandé la généralisation d'une formation initiale et continue sur les questions de division sexuée des savoirs et des métiers, ainsi que sur les mécanismes d'exclusion des filles, auprès de l'ensemble des acteurs du système éducatif. Elle a également souhaité que soient renforcés les rôles et les moyens des chargé(e)s de l'égalité dans les académies et que leur mission soit mieux intégrée dans les objectifs généraux de lutte contre les inégalités. Enfin, elle a plaidé en faveur de la mise en place d'un suivi et d'un soutien psychologique, dans les écoles et les entreprises, en faveur des jeunes femmes qui ont choisi des filières très masculines, surtout dans les métiers ouvriers.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a félicité l'intervenante pour son exposé, soulignant l'intérêt des pistes de réflexion et des propositions évoquées.

Mme Catherine Procaccia a insisté sur le soutien prioritaire à apporter aux jeunes femmes issues de milieux ouvriers. Elle s'est interrogée sur l'existence d'une corrélation entre le niveau de ressources des parents et les inégalités d'accès des jeunes filles à l'enseignement supérieur, en se demandant si ce facteur objectif jouait un rôle aussi important que la seule prise en considération du milieu social.

Mme Catherine Marry a répondu qu'à cet égard, le facteur explicatif majeur était culturel plus que financier, les parents diplômés attachant une importance toute particulière à la poursuite d'études supérieures par leurs enfants. Elle a cependant souligné que les filles étaient en général moins favorisées que les garçons lorsque les parents devaient consentir à un sacrifice financier pour permettre l'accès de leurs enfants à l'enseignement professionnel ou supérieur.

Mme Annie David s'est dite particulièrement intéressée par la proposition tendant à l'inclusion, dans la formation des personnels du système éducatif, de modules consacrés à l'égalité entre femmes et hommes, en précisant qu'une telle mesure devrait être étendue non seulement aux enseignants, mais encore, et plus généralement, à tous les intervenants qui sont en contact avec les adolescents.

Puis elle a appelé l'attention des membres de la délégation sur un amendement, adopté par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, tendant à amputer d'un million d'euros les crédits du programme consacré à l'égalité entre les hommes et les femmes. Mme Gisèle Gautier, présidente , a partagé sa préoccupation à ce sujet.

Mme Anne-Marie Payet a fait part de son intérêt pour les propositions présentées par l'intervenante. En particulier, elle s'est dite favorable à une suppression effective du bizutage ; en effet, elle s'est inquiétée des difficultés à faire respecter son interdiction légale et a souhaité que l'on puisse parvenir à limiter la consommation d'alcool par les jeunes à cette occasion, ou lors de soirées étudiantes parfois « sponsorisées » par des grandes marques de boissons alcooliques.

Rejoignant ce propos, Mme Catherine Procaccia a rappelé que la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection des mineurs, adoptée à l'initiative de Mme Ségolène Royal, avait prévu l'interdiction du bizutage, mais qu'au cours des « journées de cohésion », l'excès de consommation d'alcool demeurait une pratique courante.

Soulignant ensuite l'importance du secteur de l'informatique et rappelant que les capacités intellectuelles des femmes devraient tout naturellement trouver à s'y employer, Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est très vivement inquiétée du désintérêt récent des femmes pour ce domaine d'activité, l'exposé présenté à la délégation faisant apparaître une diminution de la proportion de celles qui travaillent dans ce secteur.

Mme Catherine Marry a complété l'explication qu'elle avait précédemment donnée de ce phénomène en évoquant les restructurations du secteur informatique, qui ont conduit à la multiplication des sociétés de services informatiques, où les conditions de travail sont plus difficiles et où les exigences de mobilité, ainsi que la précarité, se sont accrues, ce qui peut avoir un effet dissuasif pour les femmes.

Mme Catherine Procaccia s'est demandé si une même tendance pouvait être observée dans les métiers de consultant auprès des entreprises.

Mme Catherine Marry a répondu que ces métiers étaient traditionnellement très peu féminisés, de même que les emplois dans le secteur de la finance.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a prolongé cette comparaison en évoquant les carrières politiques. Elle s'est demandé si les femmes n'étaient pas moins « carriéristes » que les hommes.

Mme Catherine Marry a estimé que l'éducation jouait un rôle très important. Prenant l'exemple du métier de chirurgien, particulièrement stressant, elle a fait observer que les « décharges caractérielles » liées au stress étaient mieux tolérées de la part d'un homme que de la part d'une femme.

Après avoir exprimé sa réticence de principe à l'instauration de quotas pour favoriser les carrières des femmes, Mme Annie David s'est toutefois interrogée, compte tenu de la lenteur des progrès accomplis, sur l'opportunité de réfléchir à des mesures contraignantes qui permettraient de parvenir à un rééquilibrage dans les entreprises, ou dans la fonction publique, où les postes de direction sont insuffisamment attribués aux femmes. Elle a en effet fait observer qu'en politique, l'adoption des lois relatives à la parité avait permis de favoriser l'accession des femmes aux responsabilités.

Mme Catherine Marry a exprimé une opinion positive à cet égard. Tout en reconnaissant l'existence de certains effets pervers de la discrimination positive pratiquée aux États-Unis, elle s'est dite favorable, compte tenu de l'insuffisance des progrès accomplis en France depuis quarante ans, à l'instauration de mesures permettant de privilégier l'accueil ou la nomination de femmes, à compétences égales, à l'instar des mesures prises pour favoriser l'accueil de jeunes issus de milieux défavorisés dans les grandes écoles. Elle a souligné que de telles mesures devaient être considérées comme un moyen de « forcer un processus », et non comme un idéal. A titre d'illustration complémentaire, elle a évoqué les travaux qu'elle avait conduits sur les chercheurs en constatant qu'à niveau égal, les femmes étaient moins souvent nommées directrices de recherche que les hommes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité qu'un effort particulier soit conduit pour améliorer la formation de tous les personnels et acteurs du monde enseignant, comme les conseillers d'orientation, les chefs d'établissement ou les personnes chargées de l'égalité des chances entre les filles et les garçons dans les rectorats.

Après avoir constaté, d'une manière générale, une tendance à la diminution du « machisme » dans la société française, M. Jean-Guy Branger a présenté plusieurs observations. Il a tout d'abord considéré comme amplement suffisante la féminisation de la profession enseignante et s'est interrogé sur le degré de féminisation, parfois considéré comme excessif, de la magistrature. Se montrant soucieux de favoriser l'accès des femmes aux postes de responsabilité, il a cité l'exemple des élections municipales, en soulignant que la parité prévue par la loi avait permis aux femmes de révéler leurs talents dans ce domaine. Il a enfin pronostiqué la poursuite de la féminisation du monde politique, grâce à l'effet d'entraînement ainsi obtenu.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a relevé que cet exemple reposait sur un mécanisme de parité imposée, M. Jean-Guy Branger acquiesçant à ce propos.

Audition de Mme Irène Tharin ancienne députée du Doubs, auteur d'un rapport au gouvernement intitulé « Orientation, réussite scolaire : ensemble, relevons le défi »

(5 décembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé à Mme Irène Tharin que son audition s'inscrivait dans le cadre du thème de réflexion que la délégation s'est assigné cette année et qui porte sur l'orientation et l'insertion professionnelles, et plus particulièrement sur la nécessité d'un rééquilibrage entre les femmes et les hommes dans tous les métiers.

Mme Irène Tharin s'est réjouie de pouvoir présenter à la délégation les conclusions de son rapport sur ce sujet.

Elle a tout d'abord rappelé qu'elle était maire d'une petite commune de 6 000 habitants, qu'elle était vice-présidente de la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard, et qu'elle avait été jusqu'au dernier renouvellement de l'Assemblée nationale, députée du Doubs.

Elle a précisé qu'une mission sur l'orientation lui avait été confiée en février 2005 par M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, et que les compétences dont elle pouvait alors se réclamer en ce domaine provenaient plus de son expérience de mère de six enfants que de sa formation ou de son passé professionnel. Elle a présenté les thèmes de réflexion que lui avait assignés le Premier ministre dans sa lettre de mission : elle devait ainsi réfléchir sur l'orientation des élèves et formuler des propositions pour que soient atteints les objectifs fixés par le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, pour endiguer la tendance à la baisse des orientations vers les formations scientifiques, pour renforcer l'accès des bacheliers de la voie technologique aux instituts universitaires de technologie (IUT), aux sections techniques et scientifiques, et aux licences professionnelles, ainsi que pour accroître le taux de réussite des bacheliers de la voie professionnelle au brevet de technicien supérieur (BTS).

Elle a expliqué que c'était de sa propre initiative qu'elle avait décidé de consacrer des développements particuliers, dans son rapport, au problème spécifique que soulève l'orientation des jeunes filles, regrettant qu'aujourd'hui encore, celles-ci soient trop systématiquement promises aux métiers de secrétariat, ainsi qu'aux professions sociales ou médicales.

Elle a estimé que les procédures d'orientation, qui s'effectuent actuellement en fin de classe de 3 e , étaient sans doute prématurées, et gagneraient à être différées si l'on ne voulait pas que les filles continuent à se détourner, a priori , des filières technologiques, faute d'avoir eu le temps de dépasser les préjugés ordinaires, et de commencer d'en avoir une perception plus concrète. Elle a précisé qu'elle s'était donc interrogée, dans son rapport, sur l'opportunité de mettre en place une classe de 2 de indifférenciée qui permettrait de repousser d'une année le choix des filières technologiques.

Mme Esther Sittler a confirmé qu'une meilleure perception de la réalité des formations et des professions techniques pouvait modifier l'attitude des filles à leur égard, citant, à titre d'illustration, le cas concret d'une jeune femme qui, par le témoignage de son expérience propre, était parvenue à inciter ses consoeurs à s'orienter aussi vers des filières techniques.

Mme Irène Tharin a regretté les carences qui continuent d'affecter l'information dispensée en matière d'orientation, et déploré le fatalisme persistant des stéréotypes de genres, qui tendent à cantonner les filles dans certains métiers, comme ceux de l'enseignement, du secrétariat, du social ou de la santé.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a confirmé cette analyse, ajoutant que la délégation n'était que trop au fait de cette situation, qu'elle avait eu l'occasion d'étudier déjà de façon approfondie.

Mme Irène Tharin a estimé qu'il convenait de « bousculer les barrières actuelles » et rappelé deux propositions qu'elle avait formulées à cette fin dans son rapport : tout d'abord, féminiser les internats des lycées comprenant des classes préparatoires, auxquels les élèves n'ont pour l'instant généralement pas accès ; ensuite, augmenter le poids relatif des filles dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d'ingénieur, en offrant, si besoin est, des places supplémentaires dans ces écoles pour les élèves des filières biologie des classes préparatoires, où les filles sont majoritaires.

Elle a estimé que, d'une façon générale, un sérieux effort était aujourd'hui nécessaire pour dispenser aux élèves des deux sexes une information plus fidèle sur la réalité des métiers que ne le font actuellement les centres d'information et d'orientation.

Se réjouissant de la collaboration de qualité qu'elle avait pu nouer à l'occasion de sa mission, tant avec le ministre de l'éducation nationale, M. Gilles de Robien, qu'avec le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, M. Laurent Hénart, elle a estimé qu'en ce domaine, l'expérience montrait qu'il était indispensable de décloisonner l'action conduite par des administrations qui devraient davantage se considérer comme complémentaires, la formation débouchant naturellement sur l'emploi.

Elle a estimé que les faiblesses du système d'orientation ne tenaient pas à une quelconque insuffisance des effectifs des conseillers d'orientation psychologues, mais plutôt aux réticences qu'ont ceux-ci à nouer un véritable partenariat tant avec les enseignants qu'avec les parents d'élèves, qui sont pourtant susceptibles d'apporter un concours précieux en témoignant devant les élèves de leur expérience professionnelle.

Elle a ensuite estimé qu'en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, des progrès avaient certes été accomplis, tout en jugeant cependant que beaucoup restait à faire.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a demandé à Mme Irène Tharin de lui préciser les raisons pour lesquelles elle souhaitait différer les choix d'orientation dans le déroulement du cursus scolaire, avouant que, pour sa part, elle était au contraire plutôt partisane de les avancer.

Tout en convenant que l'on devrait certes détecter plus précocement les capacités des élèves, Mme Irène Tharin a estimé qu'il convenait de ne pas procéder trop tôt à des choix définitifs, mais plutôt de développer des passerelles permettant de revenir sur un choix qui ne se révélerait pas opportun.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est demandé si la très forte proportion des femmes dans le corps des professeurs des écoles ne contribuait pas, par mimétisme, à orienter les jeunes filles vers l'enseignement. Elle a partagé l'analyse de Mme Irène Tharin au sujet des conseillers d'orientation, estimant qu'ils ne recevaient pas une formation adéquate et que leurs horaires n'étaient généralement pas adaptés aux plages de disponibilité des parents.

Mme Irène Tharin a insisté sur le rôle que jouent les choix familiaux dans l'orientation professionnelle des femmes, citant le cas d'une jeune femme ingénieur qui avait renoncé à ce métier et passé le concours de recrutement de professeur des écoles, de façon à pouvoir davantage se consacrer à l'éducation de ses enfants.

Tout en estimant que la volonté de concilier vie professionnelle et vie familiale était parfaitement légitime, Mme Catherine Troendle a déploré certaines dérives qui peuvent finir par être préjudiciables à la qualité du service, estimant, par exemple, que le partage d'une classe entre deux enseignantes à mi-temps pouvait être déstabilisant pour de jeunes enfants.

Mme Irène Tharin a remarqué que les administrations des collectivités territoriales étaient aussi confrontées à ce type de difficultés.

Mme Catherine Troendle a estimé qu'une orientation dès la classe de troisième ne soulevait de difficultés ni pour les bons élèves qui suivaient la voie générale, ni pour les élèves qui savaient déjà ce qu'ils voulaient faire, mais qu'il fallait aussi prendre en compte la situation de tous les autres, qui ne disposaient pour les guider dans leur choix que des informations trop générales dispensées par les centres d'information et d'orientation. Elle a estimé qu'une mise en relation des écoles et des entreprises permettrait de donner aux jeunes une vision plus pratique de la réalité des métiers que ne pouvaient le faire les plaquettes qu'on leur distribue aujourd'hui.

Elle a également considéré que certaines professions, comme la magistrature, ou certaines de celles du secteur de la santé, étaient aujourd'hui trop féminisées.

Évoquant les carences de l'orientation et les critiques adressées aux enseignants ou aux conseillers d'orientation, Mme Gisèle Printz a contesté la démarche qui consiste à présenter la féminisation de la magistrature, de la médecine ou de la profession d'enseignant comme un inconvénient, les femmes accomplissant, selon elle, leur mission de manière satisfaisante.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a expliqué que la volonté de faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale conduisait de nombreuses jeunes femmes à occuper des emplois à mi-temps, ce qui pouvait susciter des difficultés dans certaines professions.

Mme Catherine Troendle a insisté sur la nécessité de parvenir à un équilibre et à une complémentarité entre hommes et femmes dans l'ensemble des professions.

Mme Gisèle Printz a estimé qu'il était avant tout nécessaire de combattre la tendance à une dévalorisation des emplois à temps partiel occupés par les femmes. Par ailleurs, elle a regretté que l'apprentissage soit souvent discrédité, Mme Catherine Troendle soulignant qu'il pouvait, au contraire, être très valorisant.

Sur la base d'exemples concrets, Mme Irène Tharin a témoigné de ce que l'orientation tendait parfois à dévaloriser la voie de l'apprentissage, les conseillers d'orientation dissuadant généralement les bons élèves de s'y diriger. Soulignant à nouveau l'insuffisance des plaquettes d'information sur les professions, qu'elle a jugées trop abstraites, elle a également préconisé d'améliorer la connaissance par les professeurs et les conseillers d'orientation de la réalité des métiers et des entreprises.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souscrit à ces propos et a souhaité une amélioration de la formation des enseignants sur ces sujets.

Faisant référence à une intervention de M. Jean-Paul Virapoullé à l'occasion de la discussion en séance publique des crédits consacrés à l'enseignement scolaire, Mme Esther Sittler a évoqué l'efficacité d'une pratique mise en place à La Réunion, consistant à faire venir dans les écoles des professionnels qui parlent concrètement de leurs métiers aux élèves et éveillent ainsi l'intérêt pour ces métiers.

Pour sa part, Mme Catherine Troendle a évoqué l'expérience réussie d'une rencontre organisée dans une classe de première avec d'anciens élèves du lycée, devenus jeunes adultes, qui viennent apporter leur témoignage sur leur expérience professionnelle.

Prolongeant ce propos, Mme Irène Tharin a estimé que pour progresser dans ce domaine, point n'était besoin de légiférer et qu'il convenait plutôt d'en revenir à de telles pratiques de bons sens, simples et marquantes pour les élèves.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a considéré qu'il était fondamental de favoriser l'évolution des mentalités, en mentionnant l'expérience qu'elle avait réalisée lorsqu'elle était maire, en créant une maison de l'orientation et de l'emploi.

Mme Gisèle Printz a souhaité que les métiers ne soient pas présentés comme ayant une dimension supposée féminine ou masculine.

Mme Irène Tharin a considéré, qu'année après année, il fallait persévérer dans l'effort pour améliorer l'orientation, et a recommandé de faire évoluer le métier de conseiller d'orientation. Par ailleurs, elle a déploré les réactions négatives de certains syndicats d'enseignants face aux propositions tendant à favoriser une meilleure articulation entre l'école et l'entreprise. Mmes Gisèle Gautier, présidente , et Gisèle Printz ont cependant estimé que les syndicats avaient évolué sur ce point.

Mme Catherine Troendle a alors évoqué une expérience menée, en liaison avec les régions, par Mme Valérie Létard, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, chargée de la solidarité, en vue de développer la formation professionnelle en adéquation avec les futurs emplois.

Mme Irène Tharin a recommandé le développement de passerelles permettant de passer d'un métier à un autre. Évoquant à titre d'exemple le fort taux d'échec des étudiants en médecine, elle a souhaité que des passerelles leur soient ouvertes pour s'orienter vers d'autres métiers dans le domaine médico-social.

Mme Catherine Troendle a également préconisé la multiplication des passerelles pour permettre à ceux qui exercent un métier très lourd, comme par exemple l'assistance aux personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, d'évoluer un jour vers d'autres fonctions.

Mme Irène Tharin a fait observer néanmoins que le terme et le concept de « passerelle » n'étaient pas toujours appréciés par les conseillers d'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite souhaité que soient développées les mesures de nature à renforcer le pouvoir attractif des filières scientifiques à l'égard des jeunes femmes. Elle a évoqué les distinctions ou récompenses susceptibles d'être attribuées pour encourager la vocation scientifique des jeunes femmes et a lancé l'idée de créer un nouveau « Prix » spécifique à l'intention de jeunes femmes ayant réussi dans un métier masculin.

Faisant observer que les jeunes élèves sont généralement peu sensibilisés par l'écho médiatique de telles initiatives, Mmes Catherine Troendle et Esther Sittler ont insisté sur l'efficacité des réunions organisées dans les établissements d'enseignement avec d'anciens élèves qui viennent témoigner de leur expérience.

Mme Irène Tharin a alors rappelé l'importance fondamentale du rôle joué par les parents d'élèves et a déploré que l'orientation se fonde trop souvent exclusivement sur le « carnet de notes », ce qui conduit parfois à orienter les élèves vers des filières pour lesquelles ils n'éprouvent aucune affinité, même s'ils ont obtenu de bons résultats scolaires dans les disciplines qui y préparent.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a cité l'expérience des « ambassadrices des sciences » conduite dans certains lycées parisiens, qui a suscité l'intérêt de Mme Catherine Troendle .

Mme Gisèle Printz a cependant observé que certaines femmes réussissaient sans pour autant être diplômées, Mme Irène Tharin prolongeant ce propos en évoquant son expérience personnelle et en soulignant la valeur irremplaçable de l'expérience de la vie.

Enfin, Mme Irène Tharin a déploré une forme d'« autocensure » de la part des jeunes filles titulaires d'un baccalauréat scientifique, qui souvent n'osent pas s'orienter vers des carrières scientifiques.

Audition, dans le cadre d'une table ronde,

de Mme Marie-Jeanne Campana, présidente de l'Association française des femmes juristes, accompagnée de Mme Béatrice Castellane, vice-présidente,
du Dr. Marie-Dominique Ghnassia, présidente de l'Association française des femmes médecins, accompagnée du Dr. Cécile Renson, membre du conseil d'administration,
de Mme Véronique Slovacek-Chauveau, vice-présidente de l'Association femmes et mathématiques,
de Mme Nathalie Tournyol du Clos, présidente de l'Association des femmes haut fonctionnaires,
et de Mme Tita Valade, présidente de l'Association française des femmes diplômées d'université
, accompagnée de Mme Evelyne d'Auzac de Lamartinie, trésorière nationale

(12 décembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est déclarée très sensible à la forte mobilisation des associations ayant accepté de participer à cette audition commune sur le thème de l'orientation et de l'insertion professionnelle, qui constitue le sujet de réflexion de la délégation cette année. Elle a indiqué que, lorsqu'elle avait eu l'occasion de participer, aux côtés de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, aux travaux de la Conférence sociale sur l'égalité professionnelle, elle avait constaté que la dimension, pourtant essentielle à ses yeux, de l'orientation professionnelle, n'avait pas été véritablement prise en compte, alors que subsiste une répartition inégale des hommes et des femmes dans de nombreux métiers. Certes, il existe de plus en plus de femmes médecins, mais elles sont en revanche peu nombreuses dans les professions d'ingénieur ; quant aux femmes journalistes, elles n'accèdent que rarement aux postes de décision malgré leur importance numérique.

Mme Tita Valade , présidente de l'Association française des femmes diplômées d'université (AFFDU), a rappelé que son association avait été créée en 1920, peu après la Première Guerre mondiale, dans le prolongement d'un mouvement lancé par des femmes anglo-saxonnes qui considéraient que l'éducation des filles constituait le meilleur moyen de prévenir un autre conflit. Elle a souligné que l'association française, rattachée à la Fédération internationale des femmes diplômées d'université (FIFDU), n'avait jamais cessé d'exister et qu'elle avait été déclarée d'utilité publique en 1962. Elle a indiqué que l'association participait aux réunions de la fédération, ainsi qu'à celles d'un Groupement européen de femmes diplômées des universités (GEFDU) qu'elle a contribué à créer. Elle a précisé que l'association était constituée de 21 groupes répartis dans toute la France, dans les principales villes universitaires, et qu'elle organisait régulièrement des conférences et des colloques, auxquels étaient régulièrement conviés les sénateurs. Elle a ajouté que l'association distribuait chaque année des bourses à des jeunes femmes créatrices d'entreprise et organisait dans toute la France, avec le soutien du ministère de l'Éducation nationale, des concours dans les établissements scolaires (« les Olympes de la parole »), qui ont pour but de faire réfléchir les élèves sur l'égalité filles-garçons et de favoriser la prise de parole des filles en public.

Résumant les objectifs de l'AFFDU, elle a indiqué que celle-ci s'attachait principalement à promouvoir l'accès des femmes à l'enseignement supérieur dans toutes les filières, et à oeuvrer en faveur de la paix et contre les violences par la solidarité des femmes du monde entier.

Mme Evelyne d'Auzac de Lamartinie , trésorière nationale de l'AFFDU, a indiqué qu'elle présidait, en outre, le groupe d'Ile-de-France.

Mme Nathalie Tournyol du Clos , présidente de l'Association des femmes haut fonctionnaires (AFHF), ancienne élève de l'école nationale d'administration (ENA), a précisé qu'elle était actuellement directrice des services administratifs du Conseil économique et social, dont elle a rappelé qu'il comprenait aussi une délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes. Elle a indiqué que l'association avait été créée en 1997, d'abord au sein du ministère des finances, avec le double souci de réfléchir à un certain immobilisme qui paralysait la réforme de l'État, et à l'existence d'un « plafond de verre » qui empêchait les femmes d'accéder aux échelons de direction, et qu'elle s'était ensuite étendue par capillarité, et regroupait aujourd'hui 120 membres, issues de l'école nationale d'administration, de l'école nationale de la magistrature, ou du « concours d'Orient » du ministère des affaires étrangères. Elle a ajouté que, membre fondatrice de l'association, elle la présidait depuis deux ans.

Elle a indiqué que les travaux de l'association abordaient le thème des trajectoires professionnelles, celui des stéréotypes de genre, ainsi que le problème des rémunérations, et qu'elle oeuvrait pour que la haute administration soit davantage à l'image des diverses composantes de la société.

Elle a ajouté que l'association faisait partie du réseau « Du rose dans le gris », dont elle a évoqué le site Internet.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est réjouie de la contribution apportée par cette association au renouvellement de l'image de la fonction publique.

Mme le Docteur Cécile Renson , membre du conseil d'administration de l'Association des femmes médecins, a indiqué que, médecin de profession, elle avait assuré un temps la présidence de l'Association « Femmes-avenir », et qu'elle avait récemment réadhéré à l'Association française des femmes médecins, à laquelle elle avait déjà participé quelques années plus tôt. Elle a précisé qu'elle s'intéressait plus particulièrement aux conditions de l'exercice de la médecine par les femmes, notant que celles-ci exerçaient moins souvent que les hommes ce métier à titre libéral, et que celles qui choisissaient la voie hospitalière accédaient plus rarement aux postes universitaires.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia , présidente de l'Association française des femmes médecins, a rappelé que cette dernière avait été fondée en 1923, à l'issue d'une réunion de femmes médecins qui s'était tenue à New York après la Première Guerre mondiale. Évoquant les difficultés alors rencontrées par les femmes pour accéder à cette profession, elle a rappelé qu'on avait dû faire garder par des gendarmes la salle d'examen où la première femme avait passé le concours de l'internat, tant était forte l'hostilité de ses futurs collègues masculins.

Elle a indiqué que, même si les choses avaient heureusement évolué depuis, l'association continuait d'oeuvrer pour favoriser l'accès des femmes à la profession de médecin et qu'elle était en liaison avec les instances européennes et internationales actives dans ce domaine, ainsi qu'avec le Conseil national des femmes françaises.

Elle a ajouté que l'association réfléchissait aussi à des thèmes généraux de santé publique et, en particulier cette année, à celui du maintien des personnes âgées à domicile, dans la perspective de mieux informer les médecins généralistes de ce qu'ils peuvent faire pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées, qui doivent ou veulent rester chez elles. Elle a précisé que l'association comportait cinq sections locales.

Mme Véronique Slovacek-Chauveau , vice-présidente de l'Association femmes et mathématiques, a indiqué qu'après avoir exercé pendant cinq ans la présidence de cette association, elle en était maintenant vice-présidente. Elle a rappelé que cette association avait été créée en 1987, à la suite de l'ouverture à la mixité des Écoles normales supérieures (ENS), ou plutôt, comme l'a précisé Mme Christiane Hummel , de leur retour à la mixité, puisqu'elles avaient été mixtes à l'origine, pour remédier aux effets pervers de cette réforme. Alors que l'existence d'écoles distinctes pour les filles et pour les garçons aboutissait en pratique à garantir un quota pour chaque sexe, la fusion s'est traduite par une forte diminution du nombre de femmes reçues au concours en mathématiques et en physique.

Sans regretter l'existence de ces écoles distinctes, et la condescendance qui accompagnait cette ségrégation, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a néanmoins reconnu que, vingt ans après cette fusion, le bilan de cette réforme était plutôt négatif, les travaux les plus récents ayant confirmé qu'elle s'était accompagnée d'une diminution du nombre de postes occupés par des femmes au Centre national de la recherche scientifique ou dans les universités. Elle a proposé de remettre à la délégation les documents réalisés par Mme Laurence Broze, professeure à l'université de Lille 3, pour les vingt ans de l'association, le 2 juin dernier.

Elle a expliqué que l'Association femmes et mathématiques se fixait pour but de favoriser les rencontres entre femmes mathématiciennes, notamment à travers l'organisation d'un forum, tous les deux ans, ce qui permet à des jeunes mathématiciennes de trouver conseil auprès de mathématiciennes confirmées.

Elle a ajouté que l'association s'était également attachée à diversifier ses actions en direction de l'enseignement secondaire, de façon à encourager l'accès des filles aux filières scientifiques, ce qui répond aux préoccupations du Gouvernement et des entreprises qui s'inquiètent de la désaffection des jeunes, filles et garçons, pour les études scientifiques universitaires.

Elle a cité en exemple l'opération « 1 000 ambassadrices pour les sciences à Paris », menée conjointement avec les associations « Femmes et Sciences » et « Femmes Ingénieurs », qui devrait être reprise dans certaines régions, et qui consiste à envoyer dans les écoles des « trinômes » constitués d'une jeune étudiante d'une université scientifique, d'une jeune étudiante d'une grande école d'ingénieurs ou d'une ENS et d'une scientifique confirmée, qui représentent des modèles auxquels les lycéennes peuvent s'identifier. L'association exerce également une mission de veille en France, comme dans le reste du monde, et collabore avec d'autres associations, comme « Femmes et sciences » ou « Femmes Ingénieurs ». Elle organise, en outre, des « Journées régionales », pour étendre son action en région, la prochaine édition de ces « Journées » devant se tenir en 2008 à Toulouse.

Elle a rappelé que l'Association femmes et mathématiques et les associations amies accomplissaient un lourd travail de vigilance, qu'il s'agisse de la représentation des femmes au conseil d'administration du CNRS, dans les jurys de l'Institut universitaire de France, ou encore de la publicité intitulée « I love techno » sur le site du conseil général des Yvelines...

Évoquant les sujets de préoccupation actuels de l'association, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a insisté sur la nécessité de former les enseignant(e)s, comme l'ensemble des personnels de l'Éducation nationale, à la problématique de l'égalité hommes/femmes, de façon à ce que celle-ci soit prise en compte dans l'ensemble des formations. Elle a déploré que celle-ci ne fasse l'objet que de projets ponctuels dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), abandonnés dès que la personne porteuse du projet quitte l'IUFM, et a estimé que des formations trop courtes pouvaient s'avérer souvent contreproductives, en réveillant des susceptibilités ou des « failles enfouies ».

Elle a également insisté sur l'importance de la formation continue à cette problématique pour les enseignant(e)s déjà en exercice, estimant qu'elle gagnerait à être généralisée.

Mme Marie-Jeanne Campana a ensuite présenté l'Association française des femmes juristes (AFFJ), qui a été créée en 2001 et comprend 130 adhérentes. Elle a évoqué les liens de l'AFFJ avec l'association européenne des femmes juristes (EWLA) et précisé que l'association se donnait pour mission de rester attentive à tous les problèmes de société, en y apportant un regard de juriste.

Elle a évoqué divers travaux et colloques organisés par l'AFFJ, en insistant sur celui qui a été récemment consacré à faire apparaître le décalage entre l'égalité de droit, qui est aujourd'hui affirmée de façon satisfaisante dans les textes, et l'inégalité de fait, qui perdure dans les professions juridiques et judiciaires, comme ailleurs. Elle a illustré son propos en rappelant que beaucoup de femmes étaient collaboratrices d'un cabinet d'avocats, alors que peu en dirigeaient un. Elle a également évoqué un colloque tenu en collaboration avec l'Association française des femmes médecins sur le thème « Femmes, violence et santé ».

Elle a par ailleurs indiqué qu'elle était également membre de l'Association des femmes de l'Europe méridionale (AFEM). Après avoir rendu hommage à l'action menée au sein de cette association par Michèle Galabert, récemment disparue, elle a rappelé que l'AFEM était à l'origine de la mention explicite du principe d'égalité entre hommes et femmes dans le projet de Constitution européenne.

Constatant que l'ensemble des présidentes d'associations présentes étaient diplômées des universités, Mme Tita Valade a alors fait observer que l'Association française des femmes diplômées d'université était quelque peu concurrencée par la multiplication des associations regroupant des femmes diplômées dans un secteur d'activité professionnelle.

Après s'être associée à l'hommage rendu à Michèle Galabert, Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné la nécessité et l'efficacité, pour les femmes, du travail en réseau. Puis, manifestant son inquiétude à l'égard de la faiblesse, voire de la régression de la place des femmes dans les carrières scientifiques, signalée par Mme Véronique Slovacek-Chauveau, elle a souhaité que soient recherchées des solutions de nature à favoriser une meilleure orientation scolaire et professionnelle, pour permettre un rééquilibrage entre hommes et femmes dans les différents métiers.

Mme Béatrice Castellane a confirmé que toutes les adhérentes de l'AFFJ étaient diplômées des universités, et a indiqué qu'à travers la diversité des professions juridiques représentées (magistrates, avocates, notaires, huissières, juristes du secteur public ou privé), cette association mettait en pratique le principe du fonctionnement en réseau et avait bien conscience de ses vertus.

Après avoir rappelé son engagement personnel ancien en matière de parité, M. Yannick Bodin a évoqué le problème de la féminisation de la magistrature et de l'enseignement. A cet égard, il a souhaité que les jeunes élèves ne soient pas formés uniquement par des femmes, en citant l'exemple d'un élève qui avait découvert pour la première fois des professeurs hommes en arrivant en classe de 5 e . Rappelant ensuite les travaux de la commission des affaires culturelles consacrés à la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles, il a souligné que le problème particulier de l'accès des jeunes filles aux classes préparatoires était revenu de façon récurrente au cours de ces travaux. Il a souhaité que soit mis fin à un certain déterminisme de l'orientation, destinant systématiquement les filles à des études courtes ou à des filières littéraires, tout en insistant sur les obstacles de caractère social ou culturel auxquels sont tout particulièrement confrontées les jeunes filles pour l'accès à certaines professions.

A propos des critiques adressées à la féminisation des professions de la justice ou de l'enseignement, Mme Gisèle Printz a fait observer que personne n'avait rien trouvé à redire tant que les hommes y avaient été majoritaires. Elle a ensuite souhaité que les travaux de la délégation ne se limitent pas aux seules femmes diplômées, avec l'assentiment de Mme Gisèle Gautier, présidente .

Concernant la féminisation de l'éducation nationale, Mme Christiane Hummel a estimé qu'il conviendrait plutôt de se demander pourquoi les hommes n'étaient plus attirés par l'enseignement. Rappelant son parcours de « normalienne », elle a précisé qu'elle était actuellement la seule sénatrice de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, et s'est dite prête, notamment au plan local, à apporter une aide concrète et un soutien aux associations représentées dans cette table ronde.

Puis, en réponse à une question de Mme Christiane Hummel , Mmes Béatrice Castellane et Marie-Jeanne Campana ont confirmé que les personnels de la fonction publique territoriale pouvaient adhérer à l'AFFJ, à condition qu'elles exercent leur métier dans le domaine juridique.

Mme Anne-Marie Payet a évoqué le rôle du conseiller d'orientation, qu'elle a considéré comme parfois trop directif à l'égard des jeunes filles. Par ailleurs, elle a témoigné du problème posé par des orientations conseillées, voire imposées, par les familles, qui peuvent amener des jeunes ayant réussi leur parcours scolaire et universitaire à finalement renoncer à exercer un métier pour lequel ils ont été formés, mais pour lequel ils n'ont pas la vocation.

Mme Gisèle Printz a demandé aux intervenantes si leurs associations menaient des actions pour présenter leurs métiers aux élèves ou aux étudiantes.

Mme Tita Valade a rappelé les efforts conduits auprès des élèves par l'AFFDU dans le cadre des concours des « Olympes de la parole », avant de souligner, d'une manière générale, l'importance de l'information et de l'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a interrogé les intervenantes sur les liens entre le monde économique et le monde de l'enseignement, sur la formation des enseignants et des conseillers d'orientation en matière de parité professionnelle, ainsi que sur l'âge auquel il paraissait opportun de faire découvrir les métiers aux enfants.

A propos de la féminisation croissante des métiers de l'enseignement et de la justice, Mme Marie-Jeanne Campana a fait observer qu'il s'agissait là d'une conséquence directe de la réussite des femmes dans les études supérieures et de leur arrivée sur le marché du travail, tout en indiquant que les femmes étaient souvent amenées à choisir des métiers qui assurent une certaine sécurité, mais qui ne sont pas très bien rémunérés et qui, de ce fait, n'apparaissent pas suffisamment valorisants aux yeux des hommes. M. Yannick Bodin a marqué son plein accord avec ces propos.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a rappelé que les trois fonctions publiques employaient 46 % des femmes qui travaillent en France et que 55 % des fonctionnaires étaient des femmes, cette proportion atteignant 59 % pour la fonction publique de l'État. En outre, elle a constaté que les fonctionnaires femmes de catégorie C étaient souvent surdiplômées, avec parfois un titre de niveau Bac+5, ce qui témoigne d'une « ségrégation violente » du marché du travail.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a précisé, en ce qui concerne les médecins, que les femmes choisissaient plus fréquemment que les hommes d'exercer leur métier sous un statut de salarié, et que 25 % d'entre elles choisissaient le temps partiel, contre 2 % des hommes. Elle a ajouté que de nombreuses femmes privilégiaient également les remplacements, ce qui constitue une certaine forme de précarité, mais leur permet de mieux gérer leurs diverses contraintes, notamment familiales.

Mme Marie-Jeanne Campana a estimé que le travail à temps partiel, que l'on considère parfois comme « choisi » par les femmes, leur était en réalité socialement imposé, en raison du « double métier » qu'elles doivent en pratique exercer, à la maison et à l'extérieur.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a alors signalé que, dans la fonction publique, de nombreuses femmes qui travaillent « à 80 % » pour pouvoir consacrer la journée du mercredi à s'occuper de leurs enfants, étaient en fait amenées à accomplir une quantité de tâches équivalente à celle effectuée par leurs collègues masculins employés à temps plein.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a fait observer que parmi les médecins, on comptait 13 % de femmes célibataires, contre 6 % d'hommes, et a souligné le poids des contraintes horaires auxquelles sont soumises les femmes médecins exerçant à titre libéral ou dans les services hospitaliers, estimant que les femmes menant leur carrière dans le monde hospitalo-universitaire étaient souvent amenées à faire des sacrifices dans leur vie familiale.

Évoquant l'expérience récente des « Ambassadrices des sciences », Mme Véronique Slovacek-Chauveau a relevé que, parmi les jeunes femmes scientifiques qui s'étaient portées volontaires pour présenter leur métier dans les lycées, une seule avait déclaré que son mari avait pris un temps partiel, ce qui avait d'ailleurs suscité une réaction d'incompréhension.

A partir d'un exemple précis, Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a témoigné de la difficulté de faire accepter les contraintes professionnelles, et notamment les horaires d'un bloc opératoire, à certaines mères de famille qui ne bénéficient pas du soutien de leur conjoint, pourtant indispensable pour leur permettre d'assumer ces contraintes.

Prolongeant ce propos, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a souligné l'importance du partage des rôles entre les parents et la diversité des conceptions au sein des couples en la matière, en soulignant qu'aucune évolution positive concernant les carrières des femmes ne pourrait se produire si les pères ne s'occupaient pas davantage des jeunes enfants.

M. Yannick Bodin a cependant constaté, au fil des générations, une évolution des rôles masculins et un investissement accru des pères dans les tâches familiales.

Mme Tita Valade a observé qu'en France, l'existence de différents modes de garde permettait tout de même à certaines mères d'occuper un emploi, alors que dans certains pays, comme le Japon, elles devaient choisir entre élever leurs enfants et exercer un métier.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a évoqué le cas des jeunes normaliens de sexe masculin, qui sont nombreux à se détourner de l'enseignement pour préparer des concours administratifs, comme celui de l'ENA, car l'enseignement supérieur ne leur apparaît plus être suffisamment valorisant.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a ensuite, sur des bases chiffrées, démontré l'existence d'un « plafond de verre » dans les carrières hospitalo-universitaires, où l'on dénombre moins de 20 % de femmes parmi les professeurs d'université, en observant que ce phénomène témoignait de l'intérêt persistant des hommes pour ce secteur d'activité.

Mme Marie-Jeanne Campana a insisté sur la difficulté, pour les femmes qui accèdent à des métiers prestigieux, de les exercer, faute de disposer de moyens de garde suffisants pour leurs enfants. En particulier, elle a souligné l'insuffisance du nombre de places de crèche.

Mme Christiane Hummel a rappelé que les crèches étaient le plus souvent gérées par les collectivités territoriales, avant d'évoquer l'éternelle culpabilisation des femmes qui confient à d'autres le soin de garder leurs enfants.

M. Yannick Bodin a souligné l'importance primordiale de la question des crèches, tout en rappelant les inégalités de moyens entre les collectivités territoriales et en plaidant pour la création d'un service public de l'enfance avant l'entrée en maternelle.

A la suite d'une remarque de M. Yannick Bodin au sujet du « mandarinat » masculin en médecine, Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a déploré l'absence de solidarité avec les autres femmes dont font souvent preuve les femmes médecins qui ont accédé à des fonctions de responsabilité.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé nécessaire de faire prévaloir la solidarité entre les femmes, Mme Gisèle Printz témoignant du fait que tel n'est pas toujours le cas, notamment en politique.

Mme Véronique Slovacek-Chauveau a considéré qu'il ne fallait pas pour autant stigmatiser les femmes à ce sujet, car la société véhicule un certain nombre de stéréotypes puissants que les femmes, comme les hommes, sont parfois amenées à relayer. Elle a fait observer que les enseignants et les conseillers d'orientation avaient également tendance à reproduire certains stéréotypes, au détriment de l'orientation des filles vers des filières scientifiques, alors que celles-ci ont des résultats comparables à ceux des garçons dans les matières scientifiques comme les mathématiques et la physique. En outre, elle a regretté que la présence des femmes dans le secteur de l'informatique connaisse aujourd'hui une régression par rapport à une période antérieure où l'informatique n'était pas valorisée.

Rejoignant ce propos, Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que les sciences étaient associées à des images de rigueur, de logique, de sélection et de compétition, qui ne correspondent pas, en l'état actuel de certains stéréotypes, à des images féminines. A cet égard, elle a souligné la nécessité, en matière d'orientation, de mieux former les personnels, et notamment les conseillers d'orientation. Puis elle a de nouveau interrogé les intervenantes sur le rapprochement entre le monde économique et le monde enseignant.

Constatant que 80 % des jeunes femmes ayant joué le rôle d'« ambassadrices des sciences » avaient découvert leur vocation tardivement, à l'issue d'un stage, Mme Véronique Slovacek-Chauveau en a souligné l'importance fondamentale pour décider de l'orientation professionnelle et cité des actions concrètes menées par son association et les associations amies dans ce domaine à travers leur site commun « Elles en Sciences ». Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a également souligné l'intérêt des stages pour découvrir concrètement les métiers.

Puis Mme Béatrice Castellane a fait observer que l'AFFJ avait été créée par Mme Dominique de La Garanderie, première femme à être devenue bâtonnier du Barreau de Paris, à la suite des difficultés qu'elle avait rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, et s'est félicitée du rééquilibrage favorisé par la création de cette association, grâce à son fonctionnement en réseau.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a constaté que les jeunes filles, et notamment celles qui sont issues de l'immigration, réussissaient de manière satisfaisante aux concours de la fonction publique. Par ailleurs, elle a évoqué la persistance d'un « syndrome de la bonne élève » faisant confiance à ses professeurs, qui conduit trop souvent les femmes à accepter un certain ordre établi, plutôt que de revendiquer fermement l'équité. Constatant que les hommes avaient tendance à se coopter entre eux, elle a souligné l'intérêt pour les femmes de s'organiser en réseau pour échanger des informations. Enfin, elle a évoqué les difficultés rencontrées par les femmes dans l'exercice des fonctions d'autorité.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur le degré de féminisation des cabinets des femmes ministres.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a indiqué qu'il y avait seulement une femme directeur de cabinet en 2005, et cinq aujourd'hui.

Puis Mme Gisèle Gautier, présidente , a indiqué qu'elle interrogerait le gouvernement sur les résultats de la mise en oeuvre du « plan crèches », qui avait prévu l'ouverture de 10 000 places supplémentaires par an. Puis elle s'est félicitée de la sincérité et de l'utilité des témoignages des intervenantes, en précisant qu'ils permettraient de nourrir un rapport dont elle a espéré que les propositions ne restent pas lettre morte. Elle a enfin insisté sur les vertus du « lobbying » et des réseaux de femmes, y compris au niveau international, en évoquant l'universalité des problèmes de l'inégalité salariale et des violences à l'égard des femmes.

Audition de Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, accompagnée de Mme Catherine Laret-Bedel, chef du bureau de l'égalité professionnelle

(19 décembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté l'intervenante en relevant que l'organisation administrative en charge des droits des femmes ne constituait pas une direction, mais un service placé sous l'autorité du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, et de la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Récapitulant les enjeux du thème d'étude choisi par la délégation, elle a insisté sur la recherche de solutions concrètes de nature à améliorer l'orientation, à la fois dans un souci de rééquilibrage entre les sexes et d'adaptation aux besoins de l'économie.

Mme Joëlle Voisin a rappelé que fondamentalement, les choix d'orientation étaient le reflet des représentations des rôles sociaux traditionnellement assignés à chacun des deux sexes et que la transformation de ces comportements constituait une tâche de longue haleine. Elle a précisé qu'en France, les femmes demeuraient cantonnées dans 10 familles de métiers, sur un total de 86, et que ce constat était largement partagé dans les différents États de l'Union européenne.

Soulignant la nécessité d'accélérer et d'intensifier les progrès d'ores et déjà accomplis dans le rééquilibrage entre les genres, elle a estimé que la formation initiale constituait un atout essentiel en faveur de l'égalité des chances, les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes femmes résultant en effet largement de leur orientation scolaire initiale. Elle a rappelé les étapes de la démarche interministérielle mise en oeuvre depuis 1984 : tout d'abord, deux conventions bilatérales ont été signées dès 1984 et 1989 entre le ministère de l'éducation nationale et le service des droits des femmes pour favoriser la diversification des choix professionnels des jeunes filles ; par la suite, a-t-elle indiqué, une action interministérielle plus ambitieuse a été entreprise dans le cadre d'une troisième convention signée en 2000, non seulement par la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mais aussi par le ministre de l'agriculture et de la pêche, la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire et la secrétaire d'État aux droits des femmes et à la formation professionnelle, afin de travailler à la modification des stéréotypes de sexe influant sur les choix d'orientation et à la promotion d'une éducation fondée sur le respect mutuel.

Elle a fait observer que, dans sa version renouvelée du 29 juin 2006, la convention pour l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif, élargissait cet engagement interministériel à huit ministères. Elle a précisé les trois axes de travail de cette convention, pour la période 2006-2011 : améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l'emploi, assurer auprès des jeunes une éducation à l'égalité entre les sexes et intégrer l'égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs et actrices du système éducatif. Elle a souligné que cette convention nationale avait vocation à être déclinée localement pour formaliser les partenariats et définir des objectifs prioritaires adaptés aux territoires, ce qui est déjà fait dans certaines régions.

Puis Mme Joëlle Voisin a distingué les actions spécifiques et les actions intégrées menées par le service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE) pour contribuer à diversifier l'orientation des filles et des garçons, en présentant tout d'abord les différents prix qui encouragent les jeunes filles à s'investir dans des filières dans lesquelles elles sont minoritaires.

Elle a rappelé que son service organisait chaque année le Prix de la vocation scientifique et technique des filles (PVST) à l'intention des élèves de terminale, qui font le choix de braver les préjugés en s'orientant vers une filière scientifique ou technologique de l'enseignement supérieur comptant moins de 40 % de filles : ce prix, créé en 1991, a été revalorisé en 2007, atteignant désormais un montant de 1 000 €, et le nombre de récompenses passera de 600 en 2007 à 650 en 2008. L'objectif de ce prix, a-t-elle précisé, est de renforcer l'orientation des jeunes filles vers des secteurs professionnels porteurs de débouchés, ces distinctions étant attribuées par le préfet de région à la suite de l'examen des candidatures par des jurys régionaux, au regard, en particulier, des facteurs essentiels que constituent la motivation des jeunes filles, ainsi que leur mérite.

Elle a observé que le PVST avait des effets démultiplicateurs, d'une part, grâce à la mobilisation à l'échelon local de financements extérieurs, notamment des conseils régionaux, prolongeant l'effort de l'État, et d'autre part, par l'organisation, autour du PVST, de séances d'information en classes sur l'orientation des jeunes filles. Elle a également souligné que l'organisation du Prix donnait lieu à un important partenariat avec les rectorats et les établissements scolaires, et s'accompagnait, en général, d'une forte médiatisation, essentielle pour faire évoluer les mentalités. S'agissant du devenir des lauréates, elle a noté que, selon certaines études, 94 % des jeunes filles avaient réalisé leur projet professionnel initial, et évoqué la valorisation, dans les lycées, des parcours exemplaires d'anciennes lauréates, ainsi que la mise en place de réseaux grâce à la diffusion d'un annuaire des lauréates.

Puis elle a présenté le Prix Irène Joliot-Curie, créé en 2001 par le ministère de la recherche, et destiné à promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie. Elle a précisé qu'en 2006, ce Prix comportait trois catégories - « Parcours femme entreprise », « Jeune femme scientifique » et « Femme scientifique de l'année » - dotées chacune de 10 000 € et qu'il était, depuis 2004, organisé avec la Fondation d'entreprise EADS pour la recherche, afin d'ouvrir le plus largement possible l'appel à candidatures, tant dans le secteur de la recherche publique que dans celui de la recherche privée.

Elle a également évoqué le « Prix Excellencia », initiative réunissant différents partenaires, dont en particulier le service des droits des femmes et de l'égalité, le ministère de la recherche et les associations « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieurs », dont l'objectif est de promouvoir la réussite de femmes impliquées dans la création, le développement ou la mise en application des nouvelles technologies, afin de valoriser des filières de formation et des métiers vers lesquels encore trop peu de jeunes filles s'orientent.

Mme Joëlle Voisin a ensuite estimé regrettable que le développement, depuis plusieurs années, de l'orientation professionnelle par la voie de l'apprentissage, ne s'accompagne pas d'une amélioration significative de l'accès des jeunes filles à ce mode de formation : aussi, dans plusieurs régions, les déléguées régionales aux droits des femmes et à l'égalité ont-elles mis en place, en partenariat avec les conseils régionaux, des prix destinés à encourager les jeunes filles à s'y diriger.

Prenant l'exemple de l'Alsace, elle a noté que 33 % des apprentis y étaient des jeunes filles, mais qu'elles s'orientaient prioritairement vers le secteur tertiaire (vente, coiffure, esthétique, hôtellerie, secrétariat, travail social, soins et services aux personnes), alors que l'insertion professionnelle était moins facile pour les diplômé(e)s de niveau CAP-BEP dans ces secteurs. Afin d'ouvrir davantage aux jeunes filles l'éventail des métiers de l'industrie et de l'artisanat, elle a souligné que le conseil régional et la délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité, avec le soutien de l'entreprise Électricité de France, avaient mis en place le Prix de la diversification de l'apprentissage féminin, récompensant celles qui se sont engagées dans un parcours de formation original dans des métiers où les femmes sont peu présentes : 16 prix de 800 € ont ainsi été décernés en 2006 par un jury régional à celles qui ont choisi la voie de l'apprentissage, du CAP au diplôme d'ingénieur, dans des métiers d'habitude réservés aux garçons (boulangère, paysagiste, peintre, métallière, mécanicienne automobile, ingénieure ou technicienne dans l'industrie ...).

Puis Mme Joëlle Voisin a brossé un panorama de diverses autres actions destinées à faciliter l'accès des femmes à des métiers peu féminisés, en évoquant tout d'abord les contrats pour la mixité des emplois qui, encore mal connus bien que mis en place en 1987, permettent de financer, dans des entreprises de moins de 600 salariés, des actions de formation, l'aménagement de postes de travail ou l'aménagement de locaux (vestiaires et toilettes). Elle a regretté que trop peu de ces contrats aient été conclus (32 en 2005 et 44 en 2006), tout en expliquant que les crédits qui y étaient consacrés constituaient jusqu'à présent une « variable d'ajustement budgétaire ». En 2007, a-t-elle précisé, il devrait y en avoir une centaine, car des consignes ont été données aux déléguées régionales aux droits des femmes pour que les crédits soient prioritairement utilisés à cette fin, et un objectif de 130 contrats a été fixé pour 2008.

Mme Joëlle Voisin a, dans un second temps, présenté les grandes lignes de « l'approche intégrée » de son service, dont le but est d'amener l'ensemble des acteurs, institutions, branches, entreprises et système éducatif, à intégrer dans leurs pratiques la dimension de l'égalité entre les filles et les garçons et à combattre les stéréotypes de sexes dans la représentation sociale des métiers.

Au titre de la prise en compte de l'égalité par les acteurs institutionnels, au niveau national, elle a par exemple indiqué que les documents de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) intégraient désormais systématiquement une mixité des portraits et des témoignages.

Au niveau des territoires, Mme Joëlle Voisin a souligné que les déléguées régionales aux droits des femmes s'impliquaient fortement pour mobiliser leurs partenaires et les amener à s'engager sur des actions permettant l'accès des filles à des formations et des métiers peu ouverts aux femmes : elle a précisé par exemple que le rectorat de Nantes et l'ONISEP avaient ainsi réalisé en avril 2007 une mallette pédagogique « mixité égalité », qui est adressée à tous les établissements scolaires de l'académie, aux corps d'inspection et aux centres d'information et d'orientation (CIO), et contient des productions multimédia traitant de la construction des stéréotypes sexués, de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la sphère domestique et professionnelle, de la mixité des métiers et de la diversification des choix d'orientation professionnelle des élèves, ainsi que de la place des femmes dans le domaine des sciences et techniques et dans l'histoire.

Elle a ensuite évoqué un protocole régional signé en Basse-Normandie, pour la période 2006-2010, par de multiples acteurs tels que le préfet de région, les responsables du service public de l'emploi et ceux des organisations patronales du secteur « transport et logistique », pour favoriser l'accès des femmes aux métiers de cette filière.

Elle a également signalé qu'en Bourgogne, un travail partenarial avait permis la mise en place de quatre « carrefours des carrières au féminin », qui ont reçu entre 400 et 1 500 visiteurs, et parmi eux, un tiers de parents, dont elle a souligné le rôle essentiel en matière d'orientation. Elle a en outre illustré son propos en citant les actions partenariales conduites en Bretagne, avec le concept « 100 femmes 100 métiers » dont l'objectif est l'élargissement des choix professionnels et la diversification des emplois féminins, en Franche-Comté, avec la mise en place de forums des métiers avec le conseil régional, en Languedoc-Roussillon, avec la réalisation d'une « université d'automne » avec les acteurs du monde économique et du monde de l'éducation, et en Picardie, avec un partenariat développé avec le conseil régional et les représentants des organisations professionnelles des métiers de l'industrie et du bâtiment pour faciliter l'accès des jeunes filles à l'apprentissage.

S'agissant de la prise en compte de l'égalité par les branches professionnelles et les entreprises, Mme Joëlle Voisin a rappelé qu'en application des lois sur la formation professionnelle et l'apprentissage, depuis 1972, les organisations professionnelles avaient signé, avec le ministère de l'éducation nationale, 33 conventions-cadres de coopération. Préconisant leur généralisation, elle a observé que ces conventions devaient par ailleurs entraîner, comme le prévoit l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité entre les hommes et les femmes, le développement d'actions puissantes de communication sur l'image et la représentation des métiers à destination des enseignants, des élèves et des familles. Se félicitant de l'implication accrue des branches et des entreprises dans ce domaine, elle a cité, à titre d'exemple, la campagne de communication nationale « IndustriELLE » initiée en 2004 par l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), qui a réuni 12 000 jeunes filles et femmes à Paris en 2005 afin de faire évoluer leur regard sur le monde de l'industrie et de les aider à s'y projeter, à travers les témoignages de professionnelles. Elle a précisé que l'accord du 19 juin 2007 relatif à l'égalité professionnelle signé entre l'UIMM et les organisations syndicales prévoyait la poursuite du travail engagé pour renforcer l'attractivité des métiers industriels auprès des jeunes filles.

Elle a également mentionné l'initiative de la Confédération de l'Artisanat et des petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) qui a développé en 2006, avec le soutien financier du service des droits des femmes et de l'égalité, la première édition d'un concours national « Conjuguez les métiers du bâtiment au féminin ! », destiné à sensibiliser les jeunes en classe de 3 e sur l'évolution de ces métiers et sur la possibilité pour les jeunes filles d'intégrer un secteur économique où les opportunités professionnelles sont nombreuses.

Abordant ensuite la prise en compte de l'égalité par les acteurs du système éducatif, Mme Joëlle Voisin a souligné qu'il était impératif de se soucier conjointement de l'orientation des filles et de celle des garçons, tout autant concernés par les représentations stéréotypées : aujourd'hui, a-t-elle observé, on trouve encore étrange qu'une jeune fille se destine à un métier de plombière, de charpentière ou d'ingénieure en mécanique ou aéronautique, mais de la même manière on s'étonne qu'un garçon devienne sage-femme, esthéticien ou éducateur de jeunes enfants et, sans toujours en être conscients, les parents, tout comme les enseignants, les médias et la société tout entière véhiculent des préjugés.

Mme Joëlle Voisin a poursuivi son analyse en soulignant que faire évoluer l'orientation, c'était surtout faire évoluer les mentalités, ce qui nécessite de porter une attention particulière à la formation des enseignants et des professionnels de l'orientation : à cet égard, elle a pris l'exemple du travail effectué par la délégation aux droits des femmes de la région Languedoc-Roussillon, qui participe à une formation du personnel enseignant dans le cadre d'un module obligatoire intitulé « Citoyenneté, laïcité, fait religieux, genre et mixité », d'une durée de six heures, inscrit, depuis 2004, dans le plan de formation initiale de l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Montpellier. Elle a ajouté que, selon une enquête de la direction de l'enseignement scolaire, en 2005, 18 IUFM sur 31 avaient introduit la question de l'égalité dans leur cursus, dont 7 sous la forme de modules obligatoires, avant de préconiser la sensibilisation à cette question de l'ensemble des futurs enseignants, ce qui constitue un des axes de la convention interministérielle signée avec le ministère de l'éducation nationale, ainsi que d'une recommandation adoptée par le comité des ministres du Conseil de l'Europe le 10 octobre 2007.

En définitive, soulignant le travail déjà accompli depuis vingt ans, au niveau national et dans de nombreuses régions, pour diversifier l'orientation professionnelle des filles, Mme Joëlle Voisin a estimé nécessaire de « passer à une vitesse supérieure » dans le combat contre des représentations fortement ancrées dans les esprits. Elle a rappelé que M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, et Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, en accord avec M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, et Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, avaient annoncé, lors de la Conférence sur l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes du 26 novembre 2007, que la convention renouvelée en juin 2006 allait être réactivée et qu'un nouveau comité de pilotage serait installé dès le mois de janvier 2008, ce qui devrait permettre d'enclencher un programme précis, pragmatique et efficace. En conclusion, elle a de nouveau souligné que l'orientation était l'un des éléments clés pour faire progresser l'égalité professionnelle et l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Un débat a suivi l'exposé de Mme Joëlle Voisin .

Mme Gisèle Gautier, présidente , a jugé très intéressantes les informations délivrées par Mme Joëlle Voisin, notant que si certaines d'entre elles confirmaient des réalités déjà connues de la délégation, d'autres apportaient des éléments nouveaux, notamment sur les initiatives conduites à l'échelon départemental ou régional.

Mme Brigitte Bout s'est également déclarée très intéressée par les indications apportées par Mme Joëlle Voisin sur les conventions-cadres de coopération signées par les organisations professionnelles avec le ministère de l'éducation nationale, ou encore sur les modules d'enseignement relatif à l'égalité introduits par certains IUFM dans leur cursus. Revenant sur les résultats de l'enquête qui a montré que plus de la moitié des emplois occupés par les femmes étaient concentrés dans 10 des 86 familles professionnelles répertoriées, elle a jugé, partant du cas concret de l'école d'ingénieur dont elle est elle-même issue, que la proportion des étudiantes n'avait guère progressé, ou du moins, pas dans les proportions que l'on aurait pu espérer. Elle a certes relevé que l'on avait assisté à une féminisation récente de certains métiers, et qu'ainsi, l'on rencontrait aujourd'hui de plus en plus de femmes conductrices de bus, ou même de camions. Elle s'est cependant interrogée sur la disproportion que l'on constate souvent en pratique entre le surcoût que représente, pour les collectivités publiques, la construction de casernes de pompiers ou de gendarmes conformes aux normes nécessaires à l'accueil de personnel féminin, et la faible féminisation des équipes locales.

S'appuyant sur une plaquette éditée par son administration, qui recense les données chiffrées disponibles sur l'accès des hommes et des femmes aux différentes professions, Mme Joëlle Voisin a estimé que des améliorations sensibles avaient été enregistrées dans certains métiers au cours des récentes années, citant notamment le secteur de la police, et notant que certaines voix s'étaient d'ailleurs élevées pour juger excessive cette féminisation. Elle a cependant convenu que la faible proportion des femmes dans les filières scientifiques restait un phénomène d'autant plus choquant que les filles représentent une proportion non négligeable des élèves inscrits en section scientifique de l'enseignement général.

Sans nier le poids négatif d'une certaine prégnance des mentalités, Mme Gisèle Gautier, présidente, a estimé que les auditions réalisées par la délégation avaient confirmé l'émergence dans l'opinion d'une prise de conscience, de plus en plus largement partagée, du problème que constitue l'inégal accès des hommes et des femmes aux différents métiers. Elle a jugé que cette prise de conscience était alimentée par le sentiment que les inégalités en matière d'insertion professionnelle soulèvent une question d'équité. Elle s'est réjouie de ce que les conférences interparlementaires favorisent, à travers les comparaisons internationales, cette prise de conscience. Elle a regretté néanmoins que les actions engagées en faveur de la promotion des femmes ne soient pas mieux relayées dans l'opinion par les médias, et notamment par la presse dite « féminine ».

Elle a cependant estimé que, par delà leur apparente modestie, les actions conduites par le service des droits des femmes et de l'égalité apportaient une contribution tout à fait positive à ce mouvement.

Elle a également jugé indispensable de développer les actions menées en partenariat et de prendre en compte les différents acteurs, insistant notamment sur le rôle joué par l'environnement familial dans le dépassement, ou au contraire la confirmation, des stéréotypes de genre.

Se réjouissant d'apprendre que certains IUFM avaient rendu obligatoire dans leur cursus de formation un module relatif à l'égalité, elle a souhaité savoir de quelle autorité relevait ce type de décision.

Mmes Joëlle Voisin et Catherine Laret-Bedel ont estimé, sous réserve de confirmation, qu'il revenait au rectorat d'inscrire cette formation dans le cahier des charges de chaque établissement.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a cité en exemple l'opération « 1 000 ambassadrices pour les sciences à Paris », mise en oeuvre par la Ville de Paris, en liaison avec les associations « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieures », pour inciter les filles à s'engager dans les filières scientifiques, estimant que ce type d'actions devrait être étendu à toutes les régions.

Insistant à son tour sur la force d'une communication par l'exemple, Mme Joëlle Voisin a cité un projet d'exposition itinérante consacrée à un certain nombre de portraits de femmes, ainsi que le prix de la vocation scientifique et technique qui sera prochainement décerné.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a jugé prioritaire la lutte contre les idées reçues sur les métiers, souhaitant que l'association des maires de France suscite, dans tous les départements, des actions de sensibilisation et des rencontres entre les enseignants et le monde économique, à l'image de l'initiative qu'elle avait prise dans sa municipalité lorsqu'elle était maire, avec l'appui du président de région et du président de la communauté urbaine, en mettant en places des « journées de l'emploi » qui attiraient environ 3 000 jeunes visiteurs.

Mme Joëlle Voisin a souligné l'intérêt de telles initiatives, estimant qu'elles gagneraient à être généralisées. Elle a considéré qu'il convenait également de sensibiliser les parents à la nécessité de ces évolutions.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a jugé nécessaire de moderniser l'image de certaines filières qui ont pu s'ouvrir aux femmes grâce à l'utilisation des nouvelles technologies, en citant l'exemple de femmes exerçant la profession de soudeuse à l'arc. Elle s'est inquiétée de la régression récente de la proportion de femmes dans le secteur de l'informatique, constatant qu'en revanche leur part restait prédominante parmi les instituteurs.

Interrogée sur les raisons de la surreprésentation des femmes dans certaines professions comme celles de l'enseignement ou de la santé, Mme Joëlle Voisin a estimé que ces métiers présentaient souvent l'avantage, aux yeux des intéressées, de leur permettre d'organiser plus facilement les tâches familiales, dont la responsabilité continue le plus souvent à incomber aux femmes.

Insistant sur la nécessité de faire évoluer l'image que les jeunes et leurs parents se font des métiers, Mme Gisèle Gautier, présidente , a invité le service des droits des femmes et de l'égalité à y consacrer des films ou des spots télévisés, à l'image de ceux qu'il avait réalisés pour dénoncer les violences faites aux femmes et dont elle a vanté le très fort impact.

Mme Joëlle Voisin a expliqué que son service avait déjà produit des films courts sur les femmes travaillant dans le secteur du bâtiment et dans des métiers considérés traditionnellement comme masculins, et réfléchissait actuellement à la production d'un plus long métrage, voire éventuellement d'une fiction sur ce thème.

En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente , a insisté sur le rôle que peuvent jouer les parents, et en particulier les mères, pour faire évoluer les représentations qu'ont leurs enfants des différents métiers.

Audition de
Mme Sylvie Cheula, vice-présidente de l'Association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation (AND-CIO),
accompagnée de Mme Françoise Calvet, membre de l'AND-CIO
et de
Mme Odile Mallick, vice-présidente de l'Association des conseillers d'orientation psychologues (ACOP),
accompagnée de Mme Sylvie Amici, membre du conseil d'administration de l'ACOP

(16 janvier 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Sylvie Cheula a précisé que l'Association nationale des directeurs de centres d'information et d'orientation (AND-CIO) ne constituait ni un syndicat, ni un parti, mais plutôt une structure de réflexion et d'échanges, qui regroupait le tiers des directeurs des quelque 600 centres d'information et d'orientation (CIO).

Elle a rappelé que ces centres étaient présents dans chaque bassin d'éducation et qu'ils avaient pour mission d'organiser le travail des conseillers d'orientation-psychologues au sein des établissements scolaires.

Elle a relevé, qu'à ce titre, ils disposaient de tout un ensemble de données chiffrées, transmises à la fin des 2 e et 3 e trimestres scolaires, qui permettaient de dresser des statistiques différenciées sur l'orientation des filles et des garçons.

Elle a ajouté que les centres, travaillant en partenariat avec les équipes éducatives et les élèves, disposaient ainsi d'informations de première main sur les préférences des filles et des garçons en matière d'orientation.

Évoquant plus particulièrement l'académie de Versailles, à laquelle elle est rattachée, elle a relevé que le rectorat avait adressé, le 8 novembre dernier, une circulaire en ce sens aux professeurs principaux et aux documentalistes des établissements scolaires. Elle a également énuméré un certain nombre d'initiatives, soutenues par le rectorat, qui abordent la question de l'égalité des chances entre les garçons et les filles : le Prix de la vocation scientifique et technique, les journées d'informations spécifiques, les interventions dans les lycées, le Forum des métiers. Elle a d'ailleurs souligné qu'en 2006, une table ronde avait été spécialement consacrée à ce thème de l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux différentes formations, table ronde au cours de laquelle étaient intervenues des filles qui s'étaient orientées vers des métiers considérés comme « masculins ».

Elle a ajouté que d'autres académies avaient également pris des initiatives comparables, comme celle du Languedoc-Roussillon, ou celle d'Aix-Marseille, avec le projet « Passeport pour l'égalité des chances ».

Enfin, elle a rappelé que ces actions n'étaient pas nouvelles et répondaient à des injonctions régulières du rectorat.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté que ces actions n'aient pas, pour l'instant, produit davantage de résultats.

Mme Françoise Calvet a estimé que, pour avoir des chances d'être efficace et surtout d'être entendu, un conseiller d'orientation devait d'abord se mettre à l'écoute du jeune et de ses désirs, et ne lui délivrer que progressivement ses conseils. Elle a expliqué que, d'une façon générale, c'était par une action continue et un suivi quotidien que les conseillers d'orientation pouvaient arriver à persuader les jeunes, comme les parents et les enseignants, que certaines filières étaient susceptibles d'intéresser également les filles.

Mme Odile Mallick a précisé que l'Association des conseillers d'orientation psychologues (ACOP) était l'unique organisation professionnelle représentant cette profession et qu'elle comptait 500 membres, sur un effectif global d'environ 4 500 conseillers.

Elle a présenté les principaux objectifs que se fixe l'association : la défense des intérêts moraux de la profession, l'encouragement des échanges et des débats entre ses membres en vue de leur perfectionnement professionnel, la promotion de la psychologie et des sciences humaines en faveur de l'orientation et de l'éducation, le développement des relations avec les autres organisations, y compris au plan international, et, enfin, le respect de la déontologie propre aux professions de la psychologie.

Présentant les activités de l'association, elle a notamment indiqué que celle-ci organisait chaque année, dans une ville différente, des journées nationales d'études qui constituaient un temps de réflexion et de formation, ainsi qu'un congrès annuel consacré à un thème particulier, comme celui de la mixité pour sa prochaine édition.

Elle a regretté que les conseillers d'orientation-psychologues ne soient pas toujours présentés sous un jour très favorable, comme en témoignent les comptes-rendus des précédentes auditions de la délégation, estimant qu'ils étaient souvent pris comme « boucs émissaires » des difficultés rencontrées.

Convaincue que les questions d'orientation se situaient bien au coeur de la problématique de l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux différents métiers, elle a indiqué qu'elle s'attacherait à ouvrir le débat en apportant des éléments concrets tirés de sa pratique professionnelle, à Metz, auprès des lycées, de l'université et des centres d'information et d'orientation.

Mme Sylvie Amici a précisé qu'elle travaillait, pour sa part, dans des centres d'information et d'orientation, ainsi que dans des collèges et des lycées comportant des sections professionnelles et technologiques.

Elle a confirmé à Mme Gisèle Gautier, présidente , que la formation initiale et continue des conseillers d'orientation comprenait des stages en entreprises et que leur travail les amenait à organiser des visites et des stages en entreprise et dans les milieux professionnels.

D'une façon plus générale, Mme Odile Mallick a indiqué que les contacts avec les entreprises faisaient partie intégrante de la formation initiale et continue, ainsi que de l'activité quotidienne des conseillers d'orientation-psychologues, et que c'était donc leur faire un procès d'intention que de les accuser de ne pas connaître le monde de l'entreprise.

Elle a souhaité compléter les informations déjà communiquées à la délégation au cours des précédentes auditions par un certain nombre de précisions supplémentaires.

Insistant sur le rôle de l'identité, mis en lumière par la psychologie de l'orientation, elle a jugé que tout projet scolaire et professionnel résultait chez l'élève de la projection d'une image de soi possible et, qu'ainsi, les choix d'orientation étaient, en quelque sorte, instrumentalisés par un besoin d'affirmation identitaire, inévitablement sexué. Selon elle, il faut donc prendre en compte les inévitables résistances qui résultent des représentations individuelles que se font d'eux-mêmes les garçons et les filles, et chercher à faire évoluer les représentations chez les différents acteurs concernés : les jeunes élèves bien entendu, mais aussi leurs parents, les enseignants, sans oublier le monde du travail ; c'est à cette condition que l'on peut espérer élargir la liberté de choix des garçons et des filles au-delà des frontières dictées par les normes sociales.

Elle a estimé que si les efforts importants consentis jusqu'à aujourd'hui n'avaient pas encore obtenu les résultats escomptés, c'était parce que le souci de l'égalité entre hommes et femmes, déjà très présent dans le monde éducatif, devait maintenant s'étendre au reste de la société et, en particulier, au monde du travail.

Mme Sylvie Amici a rappelé que les conseillers d'orientation-psychologues étaient des professionnels, personnels de l'éducation nationale, et que, s'ils connaissaient l'entreprise, ils ne pouvaient connaître individuellement chacun de ses métiers, pas plus que les directeurs des ressources humaines et chargés de mission de recrutement dans les entreprises, avec lesquels ils étaient d'ailleurs en relations régulières.

Elle a ensuite insisté sur le fait que les formations à l'égalité des chances faisaient partie de la formation initiale des conseillers d'orientation-psychologues, et que l'un de ces instituts de formation, dépendant du Centre national des arts et métiers (CNAM), dispensait une formation sur ce thème, à raison de trois heures de cours hebdomadaires pendant un semestre.

Elle a décrit les conseillers d'orientation-psychologues comme des professionnels formés en sociologie, économie, statistiques et psychologie, intervenant tant auprès des équipes pédagogiques que des élèves et des familles. Elle a estimé que le travail mené auprès de ces équipes, à l'échelle des établissements, des districts ou de l'académie, ou en partenariat au sein d'actions locales, départementales ou régionales, constituait un travail « invisible » de sensibilisation, de formation, d'organisation et de participation.

Elle a ajouté que le travail mené auprès des élèves et de leurs familles pouvait soit prendre la forme d'actions collectives en classe, de travail en groupe, ou de projets spécifiques liés à des options particulières, soit consister en un suivi individuel, parfois depuis le collège, pour accompagner des choix ou soutenir des projets, qui repose sur des entretiens psychologiques centrés sur la personne, les ressources et les réticences éventuelles.

Elle a relevé que les familles, souvent favorables à une orientation vers les filières valorisées des études scientifiques pour les bonnes élèves, se montraient en revanche beaucoup plus réservées dès que l'on abordait les filières professionnelles de l'industrie.

Elle a estimé que d'une façon générale, au moment des choix difficiles, les filles, doutant plus souvent de leurs compétences, étaient, plus que les garçons, tentées de remettre en question leur orientation scientifique et de se replier, en cas de difficultés, sur des choix moins techniques. Elle a ajouté qu'elles avaient donc davantage besoin d'être confortées dans le sentiment de leur compétence scientifique pour aborder la phase de la sortie du système scolaire vers l'emploi.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a insisté sur le phénomène d'auto-dévalorisation souvent observé chez les jeunes femmes, qui explique, pour partie, leur accès limité aux métiers de l'informatique et de l'industrie.

Mme Sylvie Amici a constaté que les jeunes filles avaient tendance à rationaliser leurs choix d'orientation professionnelle en cherchant à concilier leurs projets de vie personnelle et les conditions de l'exercice d'un métier. Elle a souligné la nécessité d'effectuer un vrai travail de psychologue, au sein de l'éducation nationale, de manière à valoriser les jeunes filles et à renforcer le « sentiment de compétence » qu'elles doivent pouvoir éprouver pour mieux affronter les difficultés du marché du travail.

Mme Françoise Calvet a indiqué que les jeunes femmes avaient la sensation de devoir faire face à un véritable parcours du combattant dès leur sortie de l'école, laquelle demeure un univers relativement sécurisant, d'autant, a-t-elle observé, que les métiers les plus féminisés sont aussi les plus dévalorisés.

Mme Sylvie Amici a souhaité que ne soit pas négligé le cas des jeunes filles engagées dans des parcours professionnels courts, dans la plupart des cas à la suite d'un échec scolaire, et, bien souvent, en préambule à une carrière professionnelle discontinue. Elle a ajouté que l'accès à la formation continue et le dispositif de validation des acquis de l'expérience étaient beaucoup plus difficiles à mettre en oeuvre pour les femmes, qui ont souvent des trajectoires professionnelles « en pointillé », que pour les hommes. Par ailleurs, elle a mentionné les actions de l'association « Retravailler », fondée en 1974 par Mme Evelyne Sullerot, en faveur de la réinsertion professionnelle des femmes.

Puis Mme Sylvie Amici a signalé que, de façon générale, les jeunes filles avaient tendance à « décrocher » de l'école silencieusement, alors que les abandons scolaires se manifestent de façon plus tapageuse chez les garçons, par exemple par des comportements violents. Elle a constaté qu'il était très difficile de faire revenir dans un parcours de formation les jeunes filles ayant « décroché ».

Mme Françoise Calvet a observé que ce phénomène renvoyait, à travers les représentations dominantes, à l'obligation faite aux hommes de travailler, tandis que subsiste une tolérance à l'égard de l'inactivité professionnelle des femmes.

Prolongeant ces propos, Mme Sylvie Amici a estimé nécessaire d'accorder une attention toute particulière aux jeunes filles qui risquent d'abandonner leurs études.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors souligné l'importance de cette préoccupation, en rappelant la multiplication des familles monoparentales, dont les ressources dépendent, la plupart du temps, de l'accès à l'emploi de la mère.

Relayant les constatations des directeurs de centres d'orientation, Mme Françoise Calvet a tout d'abord rappelé que les inégalités entre les genres ne relevaient pas fondamentalement du système scolaire, mais plutôt des représentations au sein des familles et du monde du travail. Elle a, en conséquence, préconisé des politiques plus volontaristes, visant notamment à améliorer l'accueil des jeunes filles dans certains secteurs d'activité, afin que les conseillers d'orientation puissent témoigner sans hésitation, auprès des élèves, de la possibilité pour les jeunes femmes de s'insérer dans ces secteurs. Elle a mentionné, à ce sujet, la récente ouverture d'un garage créé par 13 femmes, dans une branche d'activité traditionnellement masculine.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé intéressante l'idée de mener des « politiques volontaristes », en se félicitant que le premier pas, c'est-à-dire la prise de conscience du déséquilibre entre les genres dans les métiers, ait pu être franchi.

Mme Sylvie Amici a évoqué les difficultés concrètes auxquelles donne lieu l'organisation de visites de groupes d'élèves en entreprise, en précisant que, trop souvent incomplètes et centrées sur les pôles de fabrication, ces visites ne montraient pas la diversité des métiers exercés.

Puis M. Yannick Bodin a mentionné les travaux ayant abouti à l'adoption du rapport d'information qu'il a présenté au nom de la commission des affaires culturelles, intitulé « Diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) : mettre fin à une forme de « délit d'initié » [n° 441 (2006-2007)]. Il a rappelé que tous les intervenants auditionnés dans le cadre de la préparation de ce rapport avaient insisté sur l'importance de l'orientation. Puis il a évoqué le rôle des enseignants et des familles, souvent tour à tour présentés comme responsables des défauts de l'orientation.

Se référant ensuite à son rapport, il a rappelé que les jeunes filles étaient minoritaires dans les classes préparatoires, puisqu'elles ne représentaient, en 2005-2006, que 41,6 % de l'ensemble des effectifs. Tout en signalant que ce chiffre correspondait à une progression d'environ 10 points depuis 1975, il a observé que les marges de progrès étaient encore fortes, puisqu'en 2005, près de 59 % des admis au baccalauréat général étaient des filles, dont 82,4 % en filière littéraire (L), 64,5 % en filière économique et commerciale (ES) et 46,6 % en filière scientifique (S) ; en outre, tous milieux sociaux confondus, 17 % des filles obtenant une mention au baccalauréat poursuivaient leurs études en CPGE, contre 25 % des garçons. Il a alors analysé les déséquilibres entre filles et garçons fréquentant les différentes filières de CPGE : les filles représentent moins de 30 % des effectifs des classes scientifiques, principal contingent des effectifs des CPGE, avec toutefois de fortes nuances selon les spécialisations, puisqu'elles constituent par exemple près de 70 % des effectifs des filières biologiques préparant aux écoles d'agronomie, alors qu'elles sont très largement majoritaires, à plus de 75 %, parmi les effectifs des classes littéraires, les effectifs des classes économiques étant plus équilibrés, avec 55 % de filles.

M. Yannick Bodin a observé que les défaillances de l'orientation étaient, à tort ou à raison, très souvent citées comme une source importante de dysfonctionnements du système scolaire ou de l'insertion professionnelle. A cet égard, il a cité des témoignages de personnes ayant réussi leur parcours professionnel en dépit d'un avis défavorable d'un conseiller d'orientation. Puis il a estimé intolérable que certains enseignants puissent considérer, en France, que l'orientation ne relève pas de leurs attributions, alors que, par exemple, au Québec tel n'est pas le cas. Rappelant que le nombre de conseillers d'orientation avoisine 4 500 au total, il a enfin souhaité que davantage de moyens soient consacrés à l'immense tâche que constitue l'orientation, afin de permettre, notamment, un suivi individuel des élèves.

Rejoignant les propos de M. Yannick Bodin sur la mission des enseignants, Mme Catherine Procaccia a estimé que ces derniers avaient un rôle essentiel à jouer en matière d'orientation et de transmission des représentations sociales. Elle s'est en conséquence demandé si les conseillers d'orientation ne devraient pas s'attacher prioritairement à former les enseignants à la pratique de l'orientation.

S'agissant des visites en entreprise, elle a convenu que ces dernières avaient tendance à privilégier le « visuel » et le spectaculaire, comme par exemple la visite des chaînes de montage. Elle a estimé préférable que les élèves puissent entendre les témoignages des salariés sur leurs différents métiers au cours de leur visite, plutôt que de pénétrer systématiquement dans leurs bureaux. Elle s'est enfin interrogée sur l'avenir des CIO, en témoignant du fait que les élèves y ont plus facilement accès à la documentation qu'à un entretien avec un conseiller.

Marquant son assentiment avec les propos de ses collègues, Mme Christiane Hummel a souhaité que les conseillers d'orientation puissent mener des actions d'information dans les conseils de classe et éclairer les représentations des parents à l'égard des parcours scolaires et professionnels. Elle a ensuite demandé si l'information spécifique donnée aux jeunes filles était délivrée par des hommes ou par des femmes. Elle a enfin mentionné les difficultés rencontrées sur le terrain par les jeunes femmes, dans certains métiers industriels ou techniques.

En réponse aux différents intervenants, Mme Sylvie Amici a souligné les difficultés et les paradoxes de la mission confiée aux conseillers d'orientation. Prenant l'exemple des campagnes d'information sur le tabac, qui malgré leur récurrence n'ont pas supprimé le tabagisme, elle a estimé que l'essentiel était, en matière d'orientation, de parvenir à sensibiliser les personnes au moment de leur parcours où elles sont le plus réceptives, avant de citer des cas concrets illustrant des réussites ponctuelles. Elle a enfin jugé souhaitable qu'au cours des visites et des stages en entreprise, tous les métiers puissent être montrés aux élèves.

Mme Catherine Procaccia , puis Mme Gisèle Gautier, présidente , ont alors rappelé les problèmes d'organisation concrets qui conduisent à privilégier certains lieux de visite dans l'entreprise, quitte à faire participer les salariés au dialogue avec les élèves, sans pour autant faire pénétrer ceux-ci dans leurs bureaux. En outre, Mme Catherine Procaccia a souligné les limites de l'apport d'un stage ou d'une visite de quelques heures ou de quelques jours, qui ne peuvent suffire à faire connaître le monde de l'entreprise.

Mme Sylvie Amici a souligné le paradoxe qui consiste à déplorer le manque de contacts des élèves avec l'entreprise, tout en reconnaissant la difficulté à rendre les stages véritablement efficaces.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors souligné les mérites du tutorat.

Rejoignant ce propos, Mme Françoise Calvet a expliqué combien il était difficile de chercher à satisfaire les désirs des jeunes, tout en prenant en compte leur niveau scolaire et les contraintes économiques des entreprises. Rappelant qu'un conseiller d'orientation était toujours présent à l'accueil dans les CIO, même si toutes les demandes de rendez-vous individuels ne pouvaient être satisfaites, elle a indiqué que certains parents se plaignant de n'avoir pas pu obtenir de rendez-vous pour leurs enfants avaient, en réalité, parfois reçu de la part d'un conseiller d'orientation des indications qui ne leur plaisaient pas.

Mme Odile Mallick a fait part des craintes de son association à l'égard de l'avenir des centres d'information et d'orientation. Elle a exprimé le souhait que les conseillers d'orientation puissent continuer à travailler dans le cadre du service public et souligné que la cohérence de leur action avec celle des enseignants nécessitait le maintien de leur implantation au sein du système scolaire. Soulignant l'originalité du dispositif français, qui associe orientation et psychologie, elle a redouté que la France ne décide de se rapprocher du « standard européen », dans lequel ce sont plutôt des enseignants, et non des psychologues, qui sont chargés de l'orientation. Puis elle a rappelé la faiblesse des effectifs actuels, soit un conseiller d'orientation pour 1 400 élèves du secondaire. Elle a également souligné que l'accueil du public dans les centres d'information et d'orientation était assuré 35 à 40 heures par semaine, y compris durant une grande partie des congés scolaires. Elle a conclu en déplorant certains reproches faits aux conseillers d'orientation, qu'elle a analysés en renvoyant au phénomène du « bouc émissaire » : en effet, l'échec d'un parcours se traduit par un ressentiment à leur encontre, tandis que les réussites ne sont pas portées à leur actif.

M. Yannick Bodin a rappelé qu'il avait souhaité, non pas stigmatiser les conseillers d'orientation, mais rappeler les nombreuses préoccupations exprimées à l'occasion des différents travaux parlementaires. Évoquant la mission du système éducatif en matière de transmission des savoirs, il a regretté que son rôle d'orientation vers la vie professionnelle soit moins souvent cité et insuffisamment pris en compte, avant de souligner que, comme au Québec, la présence des conseillers d'orientation dans les établissements scolaires devrait être maintenue.

Il a jugé nécessaire d'en finir avec la pratique consistant, pour certains enseignants, à mentionner « élève médiocre, devra être orienté » sur les carnets scolaires, ce qui tend à assimiler orientation et échec scolaire.

Mme Sylvie Amici a précisé qu'au Québec, les conseillers d'orientation avaient également une formation de psychologue.

Mme Sylvie Cheula a rappelé que les décisions d'orientation étaient prises par le chef d'établissement et les professeurs. Elle a ensuite souligné le caractère essentiel de la mission du CIO en tant qu'observatoire du « bassin scolaire » environnant, ainsi que sa participation à la formation des enseignants. Elle a enfin regretté la diminution des recrutements de conseillers d'orientation, 50 postes étant ouverts cette année au concours, pour 300 départs en retraite.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu cette audition en soulignant l'intérêt qui s'attache, de manière générale, à rectifier les jugements « a priori » .

Audition, dans le cadre d'une table ronde,

de Mmes Marie-Caroline Guérin, Nina Charlier, et Sophie Boniface, membres de la commission « droits des femmes » de la Fédération syndicale unitaire (FSU),
de M. Albert Ritzenthaler, secrétaire national,et de Mme Fanchette Le Neuthiec, secrétaire fédérale, des Syndicats généraux de l'Education nationale - Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT),
de Mme Michèle Houel, vice-présidente, de Mlle Claire Mazeron, secrétaire nationale à la pédagogie, et de M. Richard Piquet, administrateur général, du Syndicat national des lycées et collèges (SNALC)

(23 janvier 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté les diverses organisations syndicales en se félicitant de la tenue de cette table ronde et en rappelant que la délégation avait retenu comme thème d'étude au cours de cette session parlementaire l'orientation et l'insertion professionnelles, sous l'angle de la recherche d'un équilibre entre femmes et hommes dans l'ensemble des métiers.

A la demande de Mme Gisèle Gautier, présidente , Mme Marie-Caroline Guérin , après avoir précisé qu'elle était conseillère principale d'éducation et animatrice de la commission du « secteur femmes » de la FSU, a évoqué les raisons de la création, il y a une dizaine d'années, de ce « secteur femmes », en signalant notamment l'utilité de l'élaboration d'une documentation sur l'orientation et les carrières, mise à la disposition des enseignants, pour les aider à prendre en compte la lutte contre les stéréotypes sexués.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors interrogé les intervenants sur le poids respectif des freins culturels, familiaux et éducatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes au niveau de l'orientation.

Mme Fanchette Le Neuthiec , après avoir indiqué qu'elle était conseillère d'orientation-psychologue, a estimé que ces freins étaient avant tout psychologiques et a insisté sur l'importance de l'image des métiers, qui est inculquée aux enfants dans leur famille. Elle a ensuite souligné que l'effort de sensibilisation devait porter non seulement sur les filles, mais encore sur les garçons, en prenant l'exemple de femmes soudeuses qui avaient été dissuadées de poursuivre l'exercice de cette profession, en raison de l'accueil qui leur avait été réservé par leurs collègues masculins.

Mme Nina Charlier , après avoir précisé qu'elle était professeur d'éducation physique, a estimé que, comme les autres institutions, l'école ne pouvait pas échapper à sa part de responsabilité dans la persistance des inégalités entre les genres. Puis elle a considéré qu'il convenait de dépasser le terme de « mixité » et de lui préférer le concept et la pratique de la « co-éducation ». Elle a ensuite rappelé que l'instauration en 1975, principalement pour des raisons économiques, de la mixité des classes n'avait pas été accompagnée d'un effort pédagogique suffisant pour que l'école ne demeure pas un « lieu manifeste d'éducation sexuée ». A cet égard, elle a également évoqué le « langage masculin neutre » des manuels scolaires. Elle a enfin souligné que la mixité, qui avait constitué l'une des plus profondes révolutions pédagogiques, mais aussi l'une des plus invisibles, devait aussi être considérée comme une valeur et une richesse, dans le cadre d'une véritable « co-éducation ».

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est alors interrogée sur la formation et la sensibilisation des enseignants à l'égalité des chances entre femmes et hommes.

Mme Nina Charlier a jugé nécessaire de rendre obligatoires des modules de formation sur cette question dans les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), à l'intention des élèves enseignants.

Mlle Claire Mazeron , après avoir indiqué qu'elle était professeur d'histoire-géographie, a estimé que la source majeure des blocages se situait dans les phénomènes d'auto-censure, plutôt qu'à l'école, et a insisté sur l'importance du rôle de la famille et des médias. Elle a également regretté la persistance d'obstacles émanant du monde des entreprises, en prenant l'exemple de la préférence marquée des employeurs pour des apprentis de sexe masculin dans le secteur du bâtiment. Elle a précisé que les chefs d'entreprise considéraient souvent que les femmes effectuaient un travail certes de meilleure qualité, mais moins rapide que celui des hommes, et qu'elles risquaient d'être moins disponibles, en raison de leurs obligations familiales.

Mme Sophie Boniface , après avoir indiqué qu'elle était directrice de centre d'information et d'orientation (CIO), a souligné que les représentations des familles étaient très souvent assises sur leur expérience bien réelle du monde du travail. Elle a ensuite rappelé que l'orientation scolaire avait lieu, en classe de 3 e ou de 2 de , lors de l'adolescence, au moment où les élèves sont en pleine « construction de genre » et ont souvent une fragilité identitaire. A partir de ces constatations, elle a évoqué la difficulté de la tâche « au long cours », qui consiste à transformer les représentations des familles, des enseignants et du monde du travail, tout en faisant observer que l'Éducation nationale n'avait « pas la main » sur le monde professionnel. Elle a insisté sur les difficultés souvent rencontrées par les jeunes filles au moment de l'embauche, puis de l'insertion professionnelle, et a estimé qu'il était nécessaire de les accompagner de manière suivie dans leurs choix.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est demandé s'il ne convenait pas d'intervenir dès en amont de la classe de quatrième ou troisième pour faire évoluer les stéréotypes de genre.

Mme Marie-Caroline Guérin , convenant qu'à cet égard, « le plus tôt est le mieux », a cependant rappelé que la période charnière, du point de vue de l'orientation scolaire, était celle de la classe de troisième. De façon concrète, elle a ensuite évoqué l'isolement difficile à vivre des jeunes filles qui s'orientent dans certaines filières industrielles essentiellement masculines.

M. Richard Piquet , après avoir précisé qu'il était professeur d'éducation physique, a évoqué son expérience d'enseignement en lycée professionnel, en prenant l'exemple de jeunes filles qui ont acquis une qualification de conductrice routière, mais qui finalement n'exercent pas le métier pour lequel elles ont été formées. En réponse à Mme Joëlle Garriaud-Maylam , il a précisé que la principale raison de cette situation était la difficulté de concilier la profession de chauffeur routier avec la vie de famille.

Prolongeant ces constatations, Mme Fanchette Le Neuthiec a cité le cas de jeunes filles ayant obtenu une qualification en mécanique, en expliquant que seules les femmes exerçant des fonctions de responsabilité dans un garage étaient réellement parvenues à s'insérer professionnellement dans ce secteur. Puis elle a signalé l'existence et l'utilité de la « valise égalité-mixité », qu'elle avait contribué à élaborer sous l'égide de l'ONISEP, tout en jugeant souhaitable un accroissement des moyens humains pour permettre d'intervenir et de diffuser l'information dans toutes les classes de quatrième.

Mme Nina Charlier , rappelant qu'en dépit de leurs meilleurs résultats scolaires, les filles ont des carrières professionnelles moins gratifiantes que les garçons, a estimé que les enseignants devaient prendre conscience du fait que leur activité professionnelle était susceptible de produire de l'inégalité, une étude ayant montré que les interactions entre enseignants et élèves étaient différentes selon que l'enseignant s'adresse à un garçon ou à une fille. Elle a donc jugé primordiale la question de la formation des enseignants.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a noté qu'un accord unanime semblait se manifester sur le constat de la situation et que toute la difficulté consistait à mettre au point des solutions concrètes. Afin de pallier le manque de moyens, évoqué par les intervenants, elle a suggéré de désigner au sein de chaque établissement un enseignant qui jouerait le rôle de correspondant et de relais en matière d'égalité des genres, en s'inspirant de pratiques mises en oeuvre à l'étranger. Puis elle a interrogé les intervenants sur la question de la féminisation des titres et sur son impact, en précisant qu'elle était plutôt favorable au « neutre », tout en remarquant que celui-ci était également masculin.

Par ailleurs, elle a rappelé qu'elle avait constaté au cours d'une année d'études en Tchécoslovaquie, il y a une trentaine d'années, que de nombreuses femmes effectuaient des travaux physiques et exerçaient des métiers tels que chauffeur d'autobus. Elle s'est enfin inquiétée d'un phénomène de parallélisme entre la féminisation et la dévalorisation de certaines professions, qu'elle avait relevé à cette époque en Tchécoslovaquie s'agissant de la profession de médecin.

Mme Fanchette Le Neuthiec a indiqué que tous les noms de profession étaient désormais féminisés dans les brochures de l'ONISEP, tout en exprimant des doutes sur l'impact réel de cette féminisation terminologique.

Mme Nina Charlier a relevé que Madame le Recteur de l'académie de Caen qui, a-t-elle noté, ne souhaite pas féminiser son titre, avait mis en place un « correspondant égalité » dans chaque établissement scolaire, ce qu'elle a considéré être un exemple de bonne pratique. Puis elle a signalé que la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité (HALDE) venait de lancer une étude sur l'insuffisante féminisation des manuels scolaires.

Mlle Claire Mazeron , tout en se montrant réservée sur le terme de « professeure », a estimé que l'efficacité de la mise en place d'un « correspondant égalité » dépendrait du public auquel il s'adresserait. Elle a ajouté que pour des raisons culturelles, tout particulièrement dans les « zones sensibles », les familles étaient souvent réticentes à laisser les jeunes filles s'éloigner de leur domicile pour suivre une formation spécialisée.

Mme Marie-Caroline Guérin s'est déclarée farouchement favorable à la féminisation des appellations professionnelles, en faisant observer que le langage n'était pas neutre pour les élèves. Elle a ensuite jugé souhaitable de dégager un poste à mi-temps par académie pour permettre à un(e) chargé(e) de mission motivé(e) par le thème de l'égalité des genres d'y investir ses compétences. Puis elle a souhaité que soient organisées, sur ce même thème, des campagnes de sensibilisation systématiques et renouvelées chaque année, ainsi qu'une semaine consacrée à diverses manifestations et expositions autour de la journée du 8 mars. Elle a enfin souligné la nécessité d'associer les entreprises à ces campagnes d'information afin d'attirer les filles vers des métiers masculins.

M. Albert Ritzenthaler a regretté que les tentatives de féminisation des titres n'aient pas été suffisamment relayées par les médias et par la pratique quotidienne. Il a jugé important, mais non déterminant, d'intensifier l'effort d'utilisation effective du langage féminisé. Il a ensuite décrit le processus selon lequel les élèves de même sexe tendent à se rassembler dans les mêmes établissements scolaires pour se retrouver entre eux, ce qui explique la crainte de certaines filles de s'engager dans des filières fréquentées majoritairement par des garçons. Il a donc jugé souhaitable de mettre en place un accueil spécifique des jeunes filles dans ces filières. Il a enfin souligné la haute valeur d'exemplarité des expériences réussies et de la communication entre les élèves et leurs prédécesseurs, ainsi que l'intérêt des systèmes de parrainage ou de tutorat, qui doivent compléter des campagnes d'information utiles, mais à l'efficacité limitée. Il a enfin souligné l'importance de la politique menée par les régions, dans le cadre du schéma régional des formations.

Souhaitant dépasser un certain nombre de constats de fait qui sont très largement partagés, M. Yannick Bodin a demandé aux représentants des syndicats d'enseignants d'exprimer leur point de vue sur les solutions qui pourraient être envisagées pour faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes. Il a cité, par exemple, la féminisation des noms de métiers, pratiquée depuis longtemps par le Québec, et qui a, à tout le moins, le mérite d'attirer l'attention et de susciter un débat sur des faits linguistiques qui, jusqu'alors, semblaient aller de soi.

Évoquant ensuite la question de l'orientation des filles, il a souligné l'impasse que peuvent constituer certaines filières de formation, que le ministère de l'éducation nationale semble plus particulièrement destiner aux filles, mais qui ne débouchent pas sur les emplois correspondants. Reprenant les données citées dans son rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur « la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles », il a rappelé que les jeunes filles, qui constituent chaque année 59 % de l'effectif global des bacheliers, ne représentent plus ensuite que 41,6 % de l'effectif des classes préparatoires aux grandes écoles, cette moyenne recouvrant de fortes disparités suivant les filières : les filles forment 75 % des élèves de « prépas » littéraires, 55 % des « prépas » commerciales et 30 % seulement des « prépas » scientifiques. Il s'est demandé quel était le poids respectif, dans ces distorsions, de l'auto-censure des élèves elles-mêmes et des pesanteurs familiales, voire culturelles, particulièrement fortes dans certains milieux. Il a insisté sur le fait que la saturation des établissements ne pouvait être invoquée comme explication, dans la mesure où de nombreuses écoles d'ingénieur fonctionnent tout juste à la moitié de leur capacité d'accueil.

Tout en déclarant comprendre les considérations pragmatiques qui conduisent les responsables de l'orientation des élèves à prendre en compte la société et le marché du travail tels qu'ils sont, il a souhaité que soient à l'avenir proscrites des formules du type « Je vous propose cette formation parce que vous êtes une fille ».

Revenant ensuite sur la composition du corps enseignant, il a estimé qu'une féminisation trop poussée pouvait ne pas être sans inconvénient, tout en reconnaissant certaines réalités qui conduisent à considérer le métier de professeur sous l'angle du deuxième salaire.

Il a, pour finir, insisté sur l'importance de la formation des maîtres et, plus généralement, des personnels de l'éducation, à la problématique de l'égalité, estimant qu'elle devrait faire l'objet d'un module d'enseignement spécifique et obligatoire, intégrant les questions d'orientation.

Mme Marie-Caroline Guérin a estimé que la forte proportion de femmes dans le corps enseignant s'expliquait notamment par les garanties qu'offre l'anonymat du concours.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a demandé si la volonté de procéder à une forme de rééquilibrage de la composition du corps enseignant au profit des hommes ne conduisait pas, parfois, à privilégier des candidats masculins de moindre niveau.

M. Yannick Bodin s'est demandé s'il n'était pas, malgré tout, souhaitable de conserver un minimum de professeurs masculins dans les établissements scolaires.

Insistant sur le caractère crucial de l'équité salariale, Mme Marie-Caroline Guérin a souhaité un rééquilibrage des salaires entre les différents métiers, allant de pair avec une plus grande égalité dans leur répartition par sexe.

Revenant sur les garanties que présente pour les femmes l'anonymat du concours, elle a estimé que l'instauration de quotas par sexe, en faveur des candidats masculins, entraînerait des répercussions négatives sur l'avenir des femmes au travail.

Mme Nina Charlier a estimé que des études récentes avaient permis de dénoncer le mythe qui prétend que les carrières de l'enseignement ne jouent qu'un rôle de deuxième salaire, en montrant que les deux éléments d'un couple sont généralement d'un niveau professionnel équivalent. Convaincue qu'une augmentation des salaires des enseignants serait cependant nécessaire, elle a noté que le recours aux heures supplémentaires n'était cependant pas la solution adaptée, dans la mesure où les femmes doivent faire face à des tâches familiales prenantes.

Elle a rappelé qu'en matière d'éducation physique et sportive, l'existence jusqu'au début des années quatre-vingt-dix de deux concours distincts, pour les hommes et les femmes, avait permis une stricte parité parmi les enseignants, et avait ainsi constitué un outil efficace de lutte contre les stéréotypes. Elle a constaté que l'unification ultérieure de ces deux concours s'était traduite par une érosion régulière et continue de la proportion de femmes ainsi recrutées, qui a abouti aujourd'hui à un écart d'environ dix pour cent entre les hommes et les femmes.

Évoquant la responsabilité qui doit être celle des enseignants, elle a souhaité que ceux-ci soient attentifs à ces questions d'équilibre entre les sexes dans les activités qu'ils proposent à leurs élèves, et que des statistiques sexuées sur les résultats scolaires des élèves soient effectuées en fin de trimestre.

Mme Fanchette Le Neuthiec a estimé que l'on commettrait une lourde erreur en ne s'adressant qu'aux filles pour promouvoir l'égalité entre les sexes, et que les garçons devaient également faire l'objet d'une éducation attentive sur ces questions.

Revenant sur la féminisation du corps enseignant, elle a estimé que les meilleurs résultats des candidates par rapport aux candidats s'expliquaient par le caractère sélectif de ces épreuves, et par le fait que les filles avaient de meilleurs résultats scolaires que les garçons : ayant tendance à douter d'elles-mêmes, elles travaillaient ainsi davantage et parvenaient à un meilleur niveau.

Elle a précisé à Mme Gisèle Gautier, présidente , que le SGEN-CFDT était un syndicat général et qu'à ce titre, il comportait également une représentation des conseillers d'orientation-psychologues.

M. Albert Ritzenthaler a ajouté que les représentants des différentes professions entretenaient des contacts réguliers au sein du syndicat CFDT, et participaient notamment à des groupes de travail sur l'égalité salariale. Il a déclaré partager l'analyse suivant laquelle ce sont les garanties apportées par l'anonymat des concours qui ont contribué à la féminisation du corps enseignant.

Estimant que des progrès restaient à faire du côté des entreprises, il a souhaité que le monde enseignant développe avec celles-ci des partenariats plus réguliers reposant sur des critères définis en commun, et que les projets d'établissement comprennent un « volet orientation ».

M. Yannick Bodin a jugé qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce que l'on retrouve les garçons dans des métiers d'ingénieurs, et les filles plutôt dans les concours de la fonction publique, compte tenu des choix différents qu'ils opèrent dans les filières de l'enseignement supérieur, voire dès avant le baccalauréat.

Mlle Claire Mazeron a convenu que le choix de la filière d'études conditionnait en effet l'orientation professionnelle ultérieure, tout en relevant que les filières littéraires offraient, dans l'ensemble, moins de débouchés que les filières scientifiques et conduisaient plus fréquemment à exercer le métier d'enseignant. Quant au salaire des enseignants, elle a jugé, même s'il était abusif de n'y voir qu'un salaire d'appoint, qu'il pouvait difficilement prétendre au rang de premier salaire, compte tenu de son niveau (1 300 € nets mensuels en début de carrière), dont il faut bien reconnaître qu'il n'est guère attractif.

Jugeant intéressante l'idée de créer dans les établissements scolaires des correspondants chargés de ces questions de parité et d'égalité des sexes, elle a toutefois insisté pour que leur action ne s'oriente pas en direction des seuls enseignants, mais que, dans un souci d'efficacité, elle s'adresse également aux familles, car beaucoup de choses se passent très en amont des choix opérés à la sortie du collège.

Convaincu que la persistance de certains schémas tenait à la société tout entière, et non aux seules familles, M. Richard Piquet a estimé que faire évoluer les représentations collectives en matière de distribution des rôles entre les hommes et les femmes relevait d'une action de longue haleine, à laquelle tout le monde, y compris les enseignants, devait contribuer. Il a souligné l'intérêt des témoignages que peuvent apporter des femmes qui ont réussi des carrières hors normes.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a vu dans le nombre de pères qui prennent désormais des congés parentaux le signe d'une évolution positive des esprits sur la question de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Apportant à l'appui de ce diagnostic son témoignage personnel, M. Richard Piquet a indiqué qu'il avait pendant cinq ans pris un emploi à mi-temps, pour s'occuper de ses enfants.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a nuancé ces constats en estimant que le partage des tâches familiales au sein des couples restait, sans doute plus qu'on ne veut bien le dire, en défaveur des femmes.

M. Yannick Bodin a estimé à son tour que l'évolution des mentalités devait être l'affaire de tous, et que le recours à la loi ou à des réglementations n'était pas le seul moyen d'action. Il s'est cependant déclaré convaincu de l'intérêt d'un accueil précoce des enfants à l'école, jugeant qu'il pouvait constituer un levier efficace pour lutter contre certaines pesanteurs culturelles ou sociologiques.

Après avoir indiqué qu'elle était professeur d'anglais, Mme Michèle Houel , insistant sur la responsabilité du marché du travail et des employeurs, a estimé que le succès des concours de la fonction publique auprès des femmes tenait aux garanties qu'ils leur apportaient d'une absence de discrimination à l'embauche, alors que, dans de nombreuses filières du secteur privé, les femmes savent qu'elles ont peu de chances d'être recrutées, sans même parler des discriminations dont font l'objet les femmes enceintes : il n'est pas rare que des femmes soient licenciées après un congé de maternité. Elle a invité à ne pas sous-estimer la force de ces freins à l'embauche, et n'a pas jugé anormal que l'on hésite à orienter des jeunes filles dans des voies où l'on sait qu'elles ne pourront que difficilement et imparfaitement tirer parti de leurs compétences et de leur formation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est insurgée contre les réticences exprimées par certains chefs d'entreprise à recruter des candidates, sous prétexte qu'elles seraient susceptibles de prendre un congé de maternité, et a rappelé que contrairement aux congés maladie, ces congés étaient prévisibles, et permettaient à l'entreprise de planifier les remplacements. Elle a estimé qu'il relevait de la responsabilité des élus de contribuer à sensibiliser les entreprises sur ces questions.

M. Yannick Bodin a jugé à son tour que les entreprises devaient adapter leur organisation pour prendre en compte ces réalités, estimant qu'il n'y avait rien de choquant, au contraire, à ce qu'une jeune femme qui, après plusieurs contrats à durée déterminée, viendrait d'obtenir un contrat à durée indéterminée, profite de cette garantie de stabilité pour décider d'avoir un enfant.

Revenant sur la féminisation des noms des métiers, Mme Gisèle Gautier, présidente , a remarqué que, d'abord réservée à l'idée de féminiser son titre de sénateur, elle s'y était finalement résolue quand elle y avait vu un moyen de mettre en évidence la présence des femmes au Sénat.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a jugé que la féminisation des titres était plus entrée dans les moeurs à l'étranger qu'en France. Elle a souhaité que la parité, inscrite dans la composition du gouvernement actuel, se retrouve également dans la composition des cabinets ministériels, et en particulier dans ceux des femmes ministres, regrettant à ce propos que celles-ci ne montrent pas davantage l'exemple.

Abondant en ce sens, Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé qu'elle avait interrogé le gouvernement sur ce sujet en déposant une question écrite, tandis que M. Yannick Bodin a déploré une certaine régression de la proportion de femmes dans les promotions récentes de l'École nationale d'administration (ENA).

M. Albert Ritzenthaler a déploré que les freins à l'embauche des femmes soient très présents dans les petites et les très petites entreprises, alors que ces structures sont aujourd'hui fortement créatrices d'emplois. Il a jugé indispensable un effort en direction des centres de formation des apprentis, de façon à ce qu'à l'avenir un plus grand nombre de femmes puissent y être accueillies et trouver ensuite du travail.

Mme Nina Charlier a rappelé que le débat sur la terminologie qui est intervenu dans les années 1988-1990 avait achoppé sur la question des titres, en observant que les fonctions hiérarchiques restaient majoritairement occupées par des hommes.

M. Yannick Bodin a appelé l'Éducation nationale au respect scrupuleux de la circulaire du 6 mars 1998 relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre, signée par M. Lionel Jospin, alors Premier ministre.

Mme Nina Charlier a affirmé que l'Éducation nationale avait le devoir de mettre en oeuvre, dans sa composante d'égalité des genres, le programme établi par l'Éducation nationale dans le cadre de l'option facultative de découverte professionnelle de trois heures en classe de troisième.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a invité les intervenants à tenir informés les parlementaires de toute discrimination de genre constatée sur le terrain.

Mme Sophie Boniface a regretté que la réflexion sur la complémentarité entre les personnels enseignants et ceux chargés de l'orientation ne soit pas suffisamment développée. Elle a rappelé que la construction de genre s'effectuait « sous le regard des autres » et évoqué les difficultés particulières rencontrées par les filles dans les zones ou quartiers sensibles, où l'on constate aujourd'hui plutôt un recul qu'une avancée de l'égalité des genres. Elle a ensuite indiqué que la parité entre filles et garçons dans les écoles de commerce ne se prolongeait pas par une proportion satisfaisante de femmes parmi les cadres, notamment dans le secteur bancaire. Puis elle a suggéré l'élaboration de comparaisons internationales à l'échelle européenne pour mieux mesurer la désaffection des filles à l'égard des disciplines scientifiques.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a approuvé ce dernier propos en soulignant qu'il convient avant tout d'observer les expériences réussies.

Mme Fanchette Le Neuthiec s'est prononcée en faveur de la généralisation à tous les élèves de troisième de l'option facultative de découverte professionnelle.

En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est félicitée de l'intérêt et de l'originalité des apports des divers intervenants pour l'enrichissement des travaux et des futures recommandations de la délégation.

Audition, dans le cadre d'une table ronde,

de M. Faride Hamana, président, de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE),
de Mme Corinne Tapiero, vice-présidente de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP),
accompagnée de Mme Bernardette Crenet-Held, trésorière adjointe de l'association,
de Mme Dominique Dhooge, membre du bureau national de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL),
accompagnée de M. Christophe Abraham, délégué aux relations extérieures de l'UNAPEL
de Mme Anna Ang, secrétaire générale de l'Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (UNAAPE),
accompagnée de Mme Marie-Christine Buge-Longour, présidente de l'Union régionale des associations autonomes de parents d'élèves (URAAPE) Ile-de-France

(30 janvier 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé les raisons pour lesquelles la délégation avait décidé de rechercher les voies d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers, en rappelant les inégalités qui peuvent être observées aujourd'hui en matière d'orientation et d'accès à certaines filières, notamment techniques ou scientifiques. Puis elle a demandé aux représentants des parents d'élèves de préciser quels étaient, dans ce domaine, leurs interlocuteurs privilégiés et leurs méthodes de travail.

M. Faride Hamana a insisté sur le besoin d'information des familles et des élèves, tout particulièrement à l'occasion des deux principaux paliers d'orientation que constituent les classes de troisième et de terminale. Il a ensuite souligné sa préoccupation à l'égard des familles dont les enfants s'orientent vers l'enseignement professionnel et appelé l'attention sur un certain nombre de filières professionnelles du secteur tertiaire, dépourvues de débouchés réels sur le marché de l'emploi. Puis il a regretté que certains enseignants ne soient pas toujours bien formés aux mécanismes de l'orientation et continuent parfois à se référer à des schémas préconçus au plan scolaire ou professionnel. Il a également souhaité un effort accru de la part des entreprises pour permettre aux femmes de prendre toute leur place dans les filières industrielles et technologiques.

M. Faride Hamana a signalé qu'un grand nombre de parents se trouvaient aujourd'hui en situation de « quête d'information », comme en témoigne leur comportement lors des salons consacrés à l'éducation et à l'orientation. Il a évoqué, dans l'enseignement agricole, l'exemple de la filière hippique, à présent très majoritairement féminisée, mais sans débouchés professionnels satisfaisants. Plus généralement, il a déploré que certains chefs d'établissements cherchent à « remplir » certaines filières professionnelles, sans prêter une attention suffisante à leur adaptation au marché de l'emploi.

Mme Corinne Tapiero a, en préambule, résumé sa position en indiquant que l'école péchait par une efficacité insuffisante en matière d'orientation et d'information. Elle s'est ensuite dite gênée par la pratique de l'orientation « par défaut » vers les formations de l'enseignement professionnel, en rappelant que celles-ci avaient également vocation à être des voies d'excellence. A propos de la féminisation de l'Éducation nationale, elle a rappelé qu'au cours des années 1974-1981, la montée du chômage avait eu pour effet d'attirer vers la fonction d'enseignant des femmes soucieuses de concilier leur vie familiale et professionnelle. Elle a estimé que la raréfaction des enseignants masculins pouvait avoir des conséquences dommageables pour l'équilibre des élèves.

Par ailleurs, elle a regretté que certains enseignants n'aient, au cours de leur vie professionnelle, aucun contact avec le monde de l'entreprise. Elle a ensuite souligné les inégalités territoriales de l'offre de formation professionnelle, avant de faire observer que la filière de l'enseignement agricole offre bien des débouchés, mais non dans le secteur hippique, où les jeunes filles sont majoritairement présentes. Elle a enfin relevé les difficultés concrètes d'accès des filles à certains stages à connotation très « physique », ainsi que la moindre mobilité professionnelle des femmes déjà engagées dans la vie familiale.

Mme Bernadette Crenet-Held a alors fait observer que les femmes avaient bien souvent des perspectives de carrière moins attractives que celles des hommes, tout particulièrement lorsqu'elles se dirigent vers des filières techniques ou scientifiques, et que, dans le monde de l'entreprise, elles étaient souvent pénalisées par les interruptions de carrière liées à l'éducation des enfants.

Après avoir regretté à son tour l'orientation « par défaut » vers l'enseignement professionnel, Mme Dominique Dhooge a souligné la nécessité de préparer très en amont l'orientation et de développer l'aide à la parentalité pour permettre aux familles de réactualiser certains schémas de réussite professionnelle ou scolaire, aujourd'hui dépassés. Elle a précisé, à la demande de Mme Gisèle Gautier, présidente , les moyens par lesquels l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) s'efforçait d'y concourir, grâce notamment à des permanences téléphoniques, à diverses publications et à un site Internet. Puis elle a analysé, à partir de l'exemple de la présence croissante des femmes dans le secteur médical, la complexité des processus selon lesquels les filles ont, en moyenne, de meilleurs résultats que les garçons aux examens et concours, mais opèrent des choix d'orientation différents en fonction de leurs attentes familiales et professionnelles.

M. Christophe Abraham a tout d'abord évoqué les dysfonctionnements actuels du système de l'orientation, qui sont susceptibles de causer de graves dégâts, et a estimé qu'il faudrait repenser ce système. Soulignant que les parents devaient être de véritables acteurs de l'orientation, il a indiqué, qu'à l'heure actuelle, les représentants des associations de parents avaient parfois des difficultés à trouver leur place dans les établissements pour y jouer leur rôle d'information auprès des élèves et de leurs parents, et tout particulièrement auprès des familles en difficulté. Il a ensuite rappelé que la plupart des femmes avaient la volonté de concilier leur vie professionnelle et familiale, et a jugé nécessaire que les entreprises facilitent cette conciliation, en évoquant la convention nationale pour la mise en oeuvre de la découverte des métiers et des professions, signée le 22 novembre 2007 entre le ministère de l'éducation nationale, le Medef, les organisations interprofessionnelles et les fédérations de parents d'élèves. Il a enfin souhaité un renforcement du rôle des régions en matière d'orientation et d'information sur les métiers dans les bassins locaux d'emploi.

Mme Christine Buge-Longour a, au préalable, observé que « plus de filles sont prêtes à faire de la mécanique que de garçons à faire de la couture ». Puis elle a souligné la nécessité de bien distinguer, en fin de classe de 3 e , les orientations de nature scolaire, vers des études longues, de celles qui ont une finalité d'insertion professionnelle directe. Elle a également évoqué la difficulté, pour les familles et les acteurs de l'orientation, de connaître la totalité des branches et des métiers, alors même que ceux-ci sont en évolution permanente.

Mme Christine Buge-Longour a précisé que l'on était plus souvent soucieux de l'« affectation » des filles dans des établissements où un accueil satisfaisant peut leur être réservé, que de leur orientation professionnelle stricto sensu . A cet égard, elle a témoigné de ce qu'un grand nombre de chefs d'établissement étaient en fait ravis d'accueillir des jeunes filles dans des filières traditionnellement considérées comme masculines. Elle a également préconisé un accompagnement personnalisé des jeunes filles durant toute leur scolarité, et non pas seulement les premiers temps de leur arrivée dans un établissement. Elle a enfin estimé que la validation des acquis professionnels était particulièrement nécessaire, quoique très difficile, pour les femmes qui n'ont pas de parcours professionnels linéaires. Elle a d'ailleurs souligné que bien des femmes exerçaient des formes d'activité autres que des formes d'activité rémunérées.

Mme Anna Ang a, de façon générale, appelé à travailler de façon plus efficace dans les établissements scolaires. Elle a illustré son propos en évoquant la multiplication, dans une même section professionnelle, d'options mal connues, et les incertitudes que suscite cette extrême spécialisation au moment de l'orientation, faute d'une information suffisante. Elle a ensuite recommandé de développer les interventions des entreprises dans les établissements scolaires, ainsi que l'organisation de journées « portes ouvertes », pour susciter la réflexion des élèves et éclairer concrètement leur prise de décision au moment de l'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors interrogé les intervenants sur leurs relations avec les conseillers d'orientation et sur leurs réflexions en matière de formation des enseignants à l'orientation. Elle s'est enfin demandé qui, des familles, des enseignants, des conseillers d'orientation ou des élèves décidait réellement de l'orientation.

Mme Corinne Tapiero a constaté que la plupart des parents ne se rendaient dans les centres d'information et d'orientation (CIO) que lorsqu'ils avaient préalablement élaboré un projet d'orientation pour leur enfant. Elle a, en revanche, signalé que parmi les parents qui auraient le plus besoin d'un appui, certains d'entre eux, paralysés par la crainte de l'échec scolaire ou professionnel, n'osaient pas s'y adresser. Elle a ensuite insisté sur la nécessité du respect, par les élèves et les familles, de l'autorité, de la transmission du savoir et des règles de fonctionnement des classes. Rappelant qu'in fine les décisions d'orientation étaient prises par l'administration, alors que celle-ci échoue parfois en procédant à des orientations « par défaut », elle a signalé que, de façon générale en Europe, les parents souhaitaient jouer un rôle plus décisif en matière d'éducation et d'orientation. Elle s'est enfin vivement inquiétée des conséquences à long terme des mécanismes actuels d'orientation « par défaut » vers des filières supposées moins valorisantes, qu'elle a considérées comme contribuant à construire la « nouvelle pauvreté de demain ».

Mme Anna Ang a alors évoqué les disparités entre les établissements scolaires et l'implication variable des chefs d'établissement en matière d'orientation.

A propos des conseillers d'orientation, M. Faride Hamana a souhaité que l'accès à cette profession ne soit pas réservé aux seuls psychologues et que l'on diversifie leur recrutement en faisant appel à d'autres filières de formation, par exemple les filières littéraires ou juridiques. Il a particulièrement insisté sur la nécessité, pour les conseillers d'orientation, d'avoir une connaissance concrète des métiers, ancrée dans la réalité locale, et a considéré que les conseils régionaux avaient un rôle à jouer en la matière. Puis il a déploré la rigidité des procédures d'orientation et la désinvolture avec laquelle sont parfois prises des décisions engageant l'avenir des enfants, en faisant observer que les phénomènes de violence constatés dans certains lycées professionnels étaient parfois imputables à des erreurs d'orientation. Il a souhaité que les parents d'élèves jouent un rôle plus important en matière d'orientation, estimant qu'ils n'étaient pas des « êtres virtuels » déconnectés des réalités et que, la plupart du temps, le premier contact des élèves avec le monde professionnel passait par eux.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé que les conseillers d'orientation-psychologues, conscients des remises en question dont ils font actuellement l'objet, étaient inquiets pour l'avenir de leur profession.

M. Yannick Bodin a souhaité connaître les réactions des associations de parents d'élèves sur un certain nombre de questions.

En plein accord avec ces associations, il a dénoncé la pratique de l'Éducation nationale, qui créée parfois des filières professionnelles vers lesquelles des élèves sont orientés, à l'issue de la classe de 3 e , sur le seul critère de leur appartenance au sexe féminin, et sans que l'on se préoccupe de la réalité des débouchés qu'offrent ces sections professionnelles, au risque que les élèves qui les ont suivies doivent se replier, en fin d'études, sur des métiers de caissières en supermarché qui ne correspondent pas à la formation qu'elles ont pourtant reçues.

Il a également déclaré partager le point de vue des associations sur le rôle que doivent, en ce domaine, jouer les régions, citant en exemple le schéma régional des formations entrepris, à sa demande, par la région Ile-de-France, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, les parents d'élèves et les chambres des métiers ou de commerce, lorsqu'il était vice-président du conseil régional.

M. Yannick Bodin a souhaité savoir quel rôle pouvaient jouer les associations de parents d'élèves pour « casser » un certain nombre de déterminismes sociaux qui continuent de pénaliser les filles, soulignant la dimension culturelle de certains comportements liés à l'origine géographique des familles.

Il a également rappelé les constats qu'il avait pu opérer à l'occasion de la préparation du rapport que lui avait confié la commission des affaires culturelles sur le problème de la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles : les filles, qui constituent 59 % des élèves admis au baccalauréat, ne fournissent que 41 % de l'effectif des classes préparatoires, sont surreprésentées dans les « prépas » littéraires, et dans une moindre mesure dans les « prépas » commerciales, mais sont minoritaires dans les classes scientifiques. Il a souligné que cette sous-représentation des filles dans les filières scientifiques ne pouvait s'expliquer par un phénomène de manque de places disponibles, dans la mesure où un grand nombre d'écoles d'ingénieurs indiquaient qu'elles pouvaient avoir jusqu'à 50 % de places non pourvues.

Évoquant, pour finir, la question de l'orientation, il a rappelé qu'au Québec, les enseignants ne se trouvaient pas seulement en charge de l'enseignement, mais aussi de l'éducation et de l'orientation de leurs élèves. Il a demandé aux associations si elles ne pensaient pas que l'orientation devrait davantage faire partie des fonctions des enseignants. Il a également tenu à dénoncer le sens péjoratif qu'avait pris, du fait de son utilisation, le mot « orientation », trop souvent assimilé à la notion d'échec scolaire.

Conscient du malaise actuel des conseillers d'orientation-psychologues, M. Faride Hamana a jugé que ceux-ci payaient aujourd'hui le prix d'une certaine inadéquation de leurs discours, rappelant que les régions n'avaient d'ailleurs pas souhaité que ces personnels leur soient transférés. Il a néanmoins relevé que de nombreux directeurs de centres d'information et d'orientation étaient aujourd'hui bien conscients de la réalité du problème et de la nécessité de faire évoluer le système.

Considérant que l'orientation était un thème qui revenait de façon récurrente dès que l'on parlait d'égalité et de diversité, il a indiqué que les filles étaient souvent bloquées dans leur évolution par les réticences des familles à l'idée de les voir s'éloigner ou partir en internat, et qu'il y avait là un frein qu'il convenait de desserrer si l'on voulait obtenir une véritable mixité dans tous les établissements. Il a apprécié le rôle positif de médiatrices que peuvent jouer certaines mères-parents d'élèves auprès des familles. Il a regretté que le rôle joué en ce domaine par les associations de parents d'élèves ne soit pas davantage reconnu et soutenu par les pouvoirs publics, et que ceux-ci préfèrent attribuer leurs subventions aux travailleurs sociaux ou à des initiatives du type « cafés de parents ». Évoquant ensuite les missions que s'assignait sa fédération, il a expliqué qu'elle avait un triple rôle d'information, de sensibilisation et d'animation.

Revenant sur les filières créées par l'Éducation nationale, il a estimé que celles-ci ne se justifiaient que dans la mesure où elles pouvaient proposer de véritables débouchés correspondant à la formation dispensée, ce qui n'était pas toujours le cas.

Il a aussi indiqué que les filles privilégiaient souvent, dès avant le baccalauréat, la biologie au détriment des « sciences dures », ce qui pouvait contribuer à expliquer qu'on les retrouve ensuite si nombreuses en médecine.

Il a aussi jugé que les enseignants, qui perçoivent en fin de trimestre une indemnité au titre de leur rôle en matière d'orientation, devraient davantage s'y investir. Il a également déploré les tendances élitistes du système éducatif français, jugeant que celui-ci devrait plus s'appliquer à former de bons professionnels qu'à sélectionner une élite.

Jugeant indispensable de faire évoluer les schémas transmis aux enfants, Mme Yolande Boyer a demandé comment les fédérations de parents d'élèves envisageaient d'y contribuer. Elle s'est interrogée également sur leurs moyens de pression vis-à-vis de l'Éducation nationale pour faire évoluer les choses en matière d'orientation. Elle a souhaité savoir si elles jugeraient bon, par exemple, d'aller jusqu'à l'instauration de quotas par sexe. Enfin, elle a évoqué un certain nombre d'actions conduites par les délégations régionales aux droits des femmes, comme l'attribution aux jeunes filles de bourses de la vocation scientifique et technique.

Mme Corinne Tapiero s'est déclarée défavorable à des mesures trop « féministes » pour faire avancer la cause de l'égalité.

Revenant sur le problème de l'orientation des élèves, elle a jugé que la fin de la 3 e , qui correspond à une phase délicate de l'adolescence, où les jeunes se cherchent encore, n'était pas la plus propice à des choix qui doivent engager la vie. Aussi a-t-elle insisté sur l'importance d'une formation tout au long de la vie qui ménage la possibilité, à ceux qui le souhaitent, de changer de voie.

Par ailleurs, elle a regretté que la dispersion des décisions entre les différents niveaux ne permette pas aux parents de déterminer les sources d'information pertinentes. Elle a estimé que le besoin qu'éprouvent les parents de conseils plus personnalisés contribuait au succès des cabinets de conseil en orientation privés.

Elle a jugé que la réunion chez les conseillers d'orientation-psychologues de deux métiers distincts, celui de psychologue d'une part, et celui de conseiller d'orientation d'autre part, constituait un mélange des genres, et a souhaité que les personnels en charge de l'orientation aient plutôt une meilleure connaissance du monde de l'entreprise. Elle a surtout déploré leur incapacité à délivrer aux élèves un message d'espoir. Enfin, elle a proposé que chaque enseignant assure un tutorat d'orientation pour six ou sept élèves dès la classe de quatrième, dans le cadre d'un « enseignement aux choix d'orientation ».

Mme Dominique Dhooge a estimé que les parents et les enseignants ne pouvaient jouer un rôle en matière d'orientation qu'à condition d'y être formés. Elle a jugé indispensable que les conseillers d'orientation travaillent plus étroitement avec les spécialistes des métiers. Enfin, elle a jugé que la confusion dans une même personne des fonctions de psychologue et de conseiller d'orientation n'était pas une bonne chose. Considérant que le professeur principal restait d'abord et avant tout un enseignant, elle a souhaité que le rôle de conseiller d'orientation soit attribué à des personnes distinctes des parents et des professeurs, de façon à ce que l'élève puisse bénéficier du regard d'un adulte en situation de « neutralité bienveillante ».

Elle s'est déclarée défavorable à une politique de discrimination positive, craignant que celle-ci n'ait rapidement des effets négatifs, bien persuadée par ailleurs que les femmes ont les capacités de s'imposer par elles-mêmes, si on ne leur ferme pas certaines voies en leur opposant des stéréotypes dépassés.

Mme Marie-Christine Buge-Longour a estimé que, contrairement aux garçons qui ont tendance à s'obstiner, les filles n'hésitaient pas à changer d'orientation quand elles avaient le sentiment de ne pas bien réussir dans la filière scientifique où elles s'étaient engagées, et elle a constaté que les formations scientifiques ne présentent pas la même difficulté pour les élèves avant et après le baccalauréat, notamment en sciences physiques. Elle a souhaité une multiplication des passerelles permettant des réorientations.

Elle a jugé très complexe et difficile à appréhender le schéma national des formations, estimant que les enseignants eux-mêmes ne pouvaient tous connaître les différentes formations qui y sont décrites. Elle a regretté que le diplôme de conseillère en éducation sociale et familiale, qui se prépare en trois ans, ne soit pas intégré au système licence, master, doctorat, et qu'en pratique, on y oriente presque exclusivement des filles, alors qu'il s'agit d'une formation qui pourrait aussi convenir aux garçons. Elle a souhaité que la préparation à ce diplôme puisse être mieux répartie sur l'ensemble de la région Ile-de-France, même si l'Éducation nationale semblait davantage s'intéresser à l'organisation d'un nouveau brevet de technicien supérieur (BTS) de secrétariat, il est vrai très attendu par la fonction publique hospitalière.

Tout en reconnaissant l'intérêt, pour les jeunes, d'effectuer un stage en entreprise qui leur permette d'avoir un premier aperçu du monde du travail, Mme Anna Ang a relevé que tous ne disposaient pas nécessairement des leviers familiaux pour les obtenir, et a regretté qu'ils soient d'une durée souvent limitée à un mois.

Évoquant le rôle que pourrait jouer le professeur principal en matière d'orientation, elle a reconnu que celui-ci bénéficiait d'une grande proximité avec les élèves, tout en relevant que l'exercice de cette fonction supplémentaire supposait qu'il s'absente de sa classe pour recevoir la formation nécessaire. Elle a ajouté que cette absence momentanée devrait être expliquée aux parents pour les amener à mieux l'accepter.

Elle s'est également déclarée convaincue de l'intérêt des salons de l'étudiant qui permettent aux élèves de recueillir des informations sur les formations et les métiers, souhaitant que ceux-ci y soient plus systématiquement conduits dès la 3 e ou la quatrième. Elle a jugé particulièrement intéressants les contacts qu'ils pouvaient nouer à cette occasion avec des professionnels qui ont réussi dans des métiers auxquels ils n'étaient pas prédestinés.

Mme Bernadette Crenet-Held s'est demandé pourquoi les entreprises ne jouaient pas davantage le jeu et se montraient souvent si réticentes à accueillir des stagiaires.

En se fondant sur son expérience d'ancienne chef d'entreprise, Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné que l'accueil d'un stagiaire requérait un véritable investissement de la part d'une entreprise, et que seules les petites et moyennes entreprises déjà bien structurées pouvaient affecter un tuteur au stagiaire, mais qu'elles ne pouvaient y consacrer, dans l'ensemble, que peu de temps. Elle a jugé que les grandes entreprises, qui disposent de moyens évidemment plus considérables, devraient en revanche accueillir plus systématiquement des stagiaires.

M. Christophe Abraham a estimé que, de façon paradoxale, les petites entreprises jouaient plus le jeu que les grandes, et souhaité que ces dernières consentent, en ce domaine, à un effort plus important, davantage en relation avec les moyens dont elles disposent.

Il a confirmé que les associations attendaient beaucoup de l'engagement des régions, souhaitant que celles-ci s'attachent à rassembler tous les partenaires.

Il a également approuvé le principe des bourses accordées à des enfants qui s'orientent dans des secteurs auxquels ils ne paraissaient pas prédestinés, considérant qu'il fallait non seulement aider les filles à s'orienter vers des filières masculines, mais aussi aider les garçons à s'orienter dans des filières très féminisées. Il a souligné les efforts que font certains établissements pour attirer dans leurs classes préparatoires des enfants venus de quartiers difficiles, en s'efforçant de « casser » un certain nombre de barrières culturelles.

Il a rappelé que les établissements d'enseignement catholique ne disposaient pas de conseillers d'orientation-psychologues, et n'avaient donc pas de point de vue critique à exprimer à leur sujet. Il a également souligné que, selon la conception qui prévaut dans l'enseignement libre, les enseignants n'avaient pas pour seule fonction d'enseigner, mais bien d'éduquer, et dans une certaine mesure, d'orienter.

M. Yannick Bodin a souligné la proximité de cette conception avec celle qui prévaut dans le système éducatif québécois, dont il a d'ailleurs rappelé les origines confessionnelles.

Très réservé à l'égard de l'instauration de quotas en faveur des filles, M. Faride Hamana a estimé qu'il convenait d'abord, et en priorité, de procéder au toilettage des formations qui sont proposées tant aux filles qu'aux garçons, en fonction des débouchés qu'elles offrent effectivement. Persuadé des effets positifs de la mixité, il a estimé qu'il fallait réfléchir aux moyens d'inciter les filles à se tourner vers les filières industrielles, où les garçons sont actuellement largement prédominants.

Il a souhaité prendre ses distances à l'égard d'un certain rituel incantatoire qui, dès que l'on parle d'orientation, insiste pour que les enseignants aient une connaissance plus approfondie du monde professionnel, soulignant que les métiers étaient extrêmement nombreux et d'ailleurs en constante évolution, ce qui rendait difficile leur appréhension. Dans ces conditions, il a estimé que seuls des professionnels de l'orientation pouvaient donner aux parents les informations précises qu'ils attendent.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a déclaré partager ces constats, insistant sur la nécessité, dans le monde d'aujourd'hui, de se remettre en question, de se former en permanence, de ne pas hésiter à être mobile pour trouver un travail, et enfin de maîtriser, outre une langue étrangère, le langage de la communication, de façon à savoir « se vendre ».

Elle a demandé ensuite aux représentants des associations s'ils avaient le sentiment que les manuels scolaires contribuaient, d'une certaine façon, à la perpétuation de certains stéréotypes sexués, comme l'avaient craint, devant la délégation, certains enseignants.

Mme Marie-Christine Buge-Longour a déploré que les remarques formulées par les associations de parents d'élèves, qui s'étaient beaucoup investies dans la refonte des manuels scolaires, il y a une vingtaine d'années, n'aient pas été davantage prises en compte par les éditeurs.

M. Faride Hamana a estimé que la rédaction des manuels scolaires faisait l'objet aujourd'hui d'une grande vigilance, que c'étaient généralement des femmes qui assuraient la direction de ces collections, et qu'il lui paraissait donc douteux que ces ouvrages continuent à véhiculer des stéréotypes sexistes.

Mme Corinne Tapiero a partagé ce point de vue, préférant insister pour sa part sur le problème de l'intégration des femmes en situation de handicap dans l'enseignement professionnel et dans l'entreprise, même si la récente loi du 4 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait permis de réels progrès. Elle a relevé que les garçons souffrant de troubles de l'apprentissage rencontraient souvent plus de difficultés d'intégration que les filles.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a approuvé ces propos, soulignant l'extrême importance de la question de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des jeunes filles handicapées.

M. Yannick Bodin a évoqué la relation de l'entreprise avec l'école, en insistant sur l'importance de la découverte et de la compréhension de son fonctionnement. A titre de contre-exemple, il a considéré que l'organisation de l'Éducation nationale ne constituait pas toujours un modèle, en illustrant son propos par le caractère quelque peu infantilisant de certaines circulaires ou instructions adressées aux enseignants. Il a enfin appelé les intervenants à exprimer leur sentiment à l'égard de la féminisation, souvent excessive, du corps enseignant, en citant l'exemple d'un élève n'ayant connu que des enseignantes dans l'enseignement primaire.

M. Faride Hamana a souligné la nécessité de sensibiliser les élèves à la réalité concrète des métiers, en prenant l'exemple des conditions de travail difficiles, et notamment des horaires, requis par l'exercice du métier de boulanger-pâtissier. Il s'est également inquiété de l'excessive féminisation de la profession enseignante, en soulignant la nécessité d'une présence masculine pour la structuration des élèves.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu après avoir remercié les intervenants pour la richesse de leurs propos.

Audition de Mme Armelle Carminati, vice-présidente « Engagement et diversité » d'Accenture France, membre du bureau de la commission « Nouvelles générations » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

(8 avril 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente,

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ouvert la réunion en présentant le thème annuel d'étude retenu par la délégation et en évoquant le récent déplacement en Loire-Atlantique de plusieurs membres de la délégation, qui ont trouvé, sur le terrain, des illustrations de la difficulté de la féminisation de certains métiers.

Mme Armelle Carminati a tout d'abord rappelé sa formation d'ingénieur et son parcours professionnel, en précisant qu'elle exerçait des fonctions de direction au sein du groupe Accenture France. Elle a ensuite souligné l'intérêt de la problématique de la féminisation des emplois dans le contexte de la « guerre des talents » que se livrent aujourd'hui les entreprises confrontées à des pénuries de main-d'oeuvre. Elle a en effet relevé l'insuffisance du nombre de femmes dans certains types de métiers très qualifiés, comme le conseil aux entreprises, où sont majoritairement recrutés des candidats de formation scientifique. Puis elle a mentionné ses activités au sein de la commission « Nouvelles générations » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), en évoquant de façon générale une certaine « hérésie » du marché du travail français, qui ne laisse qu'une quinzaine d'années aux salariés dans leur carrière pour réussir, entre la fin d'études de plus en plus longues et l'entrée dans la « senioritude », dès l'âge de 45 ans environ.

S'agissant des obstacles professionnels auxquels sont confrontées les femmes, elle a insisté, en analysant principalement le cas des femmes diplômées, sur les conditions permettant de franchir avec succès deux types de barrières. Tout d'abord, elle a souligné la nécessité que les employeurs, entreprises ou administrations, soient sensibilisés à l'importance de l'accueil des femmes et conservent une grande vigilance à l'égard de la question de l'égalité professionnelle, qui est trop souvent considérée, à tort, comme un combat périmé. Le second facteur essentiel - a-t-elle précisé - réside dans la volonté et l'audace professionnelle des femmes elles-mêmes, qui ne doivent pas céder à l'autocensure ou aux préjugés. Elle a illustré la pertinence de ces deux leviers d'action en évoquant son expérience dans une fonction de direction au sein d'une entreprise de quelque 175 000 personnes et en précisant que cette problématique de la féminisation présentait des traits communs dans l'ensemble des pays du monde. Puis elle a souligné le poids des modèles éducatifs ou familiaux, ainsi que l'influence des médias, en insistant sur l'impact des images de la femme qu'ils diffusent.

Mme Armelle Carminati a ensuite indiqué que la très faible représentation des femmes dans certaines filières constituait un facteur décourageant pour l'arrivée d'autres femmes, car les rares femmes présentes apparaissaient alors confinées dans un positionnement de « victime sacrificielle ». A partir de son expérience dans le groupe Accenture France, elle a estimé qu'il fallait atteindre un seuil de 10 % de femmes parmi les cadres dirigeants pour qu'une entreprise puisse commencer à faire vivre une véritable diversité des genres et devienne attractive pour les femmes. Elle a ensuite considéré qu'au-delà du seuil de 30 % de femmes dans une profession, une mixité authentique pouvait s'instaurer, tandis qu'en deçà de 15 % les femmes se trouvaient isolées, au risque d'être surexposées, et avaient tendance à se conformer au modèle masculin dominant. Entre ces deux limites, elle a insisté sur la nécessité d'une vigilance extrême de l'entreprise, qui doit se traduire par un effort important en termes de formation et de sensibilisation à la mixité professionnelle.

Elle a ensuite estimé que, pour les jeunes générations de femmes en France, les obstacles professionnels ne se manifestaient pas avant l'âge de 25 à 30 ans, âge auquel les entreprises engagent des paris sur les potentialités professionnelles de leurs cadres, tandis que les jeunes femmes commencent à s'impliquer dans une vie familiale. Puis, après avoir rappelé la réussite scolaire incontestable des jeunes filles dans l'enseignement secondaire, y compris en filière S, elle s'est interrogée sur le phénomène d'évitement des filières sélectives, scientifiques en particulier, que traduit ensuite leur orientation, la proportion de femmes ingénieurs sur le marché du travail n'étant que de 20 % environ. A cet égard, elle a insisté sur le rôle à jouer par le monde éducatif et le monde de l'entreprise pour mieux faire connaître aux jeunes la réalité des métiers. Prenant des exemples concrets, elle a observé que le métier d'ingénieur était particulièrement mal connu et a cité une récente étude sur la perception de ce métier par les jeunes filles : celui-ci est associé à une image de travail solitaire et cérébral dans un monde « froid », alors que les femmes manifestent une préférence pour les relations humaines, la communication et le travail d'équipe. Pour contrecarrer ces préjugés, elle a estimé nécessaire d'utiliser de manière efficace les leviers d'action scolaires, en évoquant notamment la pratique anglo-saxonne du « parent's day » au cours duquel les parents d'élèves viennent présenter leur métier dans les classes. Rappelant les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises pour organiser des stages individuels à l'intention des élèves de troisième, elle s'est demandé si le temps et l'énergie consacrés à cette occasion par le chef d'entreprise et le personnel ne pourraient pas utilement bénéficier à des groupes plus nombreux.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors souligné les enjeux du nécessaire rapprochement entre le monde économique et l'enseignement. Elle a ensuite insisté sur la difficulté pour les élèves et leurs parents de trouver un interlocuteur pour les éclairer efficacement dans les choix d'orientation, constatant que les enseignants n'étaient pas formés à cette mission et que les conseillers d'orientation psychologues étaient souvent critiqués.

Évoquant le système de sélection français, essentiellement fondé sur les matières scientifiques, Mme Armelle Carminati a observé qu'il avait l'avantage de privilégier le talent personnel des individus, puisqu'il ne nécessitait pas d'acquis culturel, même si, finalement, les inégalités sociales avaient tendance à se reproduire. Puis elle a analysé le processus par lequel les jeunes femmes, élevées dans des comportements de « docilité » et d'« obéissance », devenaient de bonnes élèves dans des matières comme l'orthographe, la grammaire et les mathématiques, ce qui leur permettait de réussir des études dans des filières sélectives, mais sans forcément savoir vers quels métiers ces études menaient. Corrélativement, elle a rappelé que les femmes, même si elles avaient désormais investi la sphère professionnelle, continuaient d'investir massivement la sphère domestique et avaient du mal à accepter véritablement de déléguer des tâches familiales qu'elles souhaitaient voir accomplir en stricte conformité avec leur pratique personnelle. A partir de son expérience d'employeur, elle a ensuite évoqué la difficulté, pour certaines femmes, d'apprendre à faire des choix, à les assumer et à se convaincre elles-mêmes que « ce qui est bon pour elles est également bon pour les autres ».

Prolongeant une remarque de Mme Gisèle Gautier, présidente , sur l'autocensure des femmes et la culpabilisation qui accompagne leur ambition professionnelle, Mme Armelle Carminati a signalé qu'elle constatait qu'à partir de 30 ans, certaines femmes avaient tendance à limiter leurs prétentions professionnelles, en raison notamment de l'emprise de leur vie familiale. Par ailleurs, elle a estimé que « l'affirmation de soi » et la prise de parole n'étaient pas suffisamment valorisées dans l'enseignement français, plutôt centré sur la réflexion écrite et la « cérébralité », à la différence des pratiques éducatives anglo-saxonnes.

Évoquant l'exemple des jeunes femmes en politique, Mme Gisèle Gautier, présidente , a cependant constaté que les nouvelles générations avaient appris à mieux s'exprimer. Tout en partageant ce constat, Mme Armelle Carminati a de nouveau souligné que la formation à l'expression orale était meilleure dans le monde anglo-saxon, revenant sur l'aisance orale et la capacité à capter l'attention des étudiants anglo-saxons.

Sur la base de ses observations lors du déplacement de la délégation en Loire-Atlantique, Mme Anne-Marie Payet s'est tout d'abord interrogée sur la volonté réelle de certaines entreprises d'embaucher des femmes, en citant des témoignages recueillis sur le terrain, selon lesquels certaines entreprises écarteraient systématiquement les candidatures féminines. Puis elle a interrogé l'intervenante sur le rôle du conseiller d'orientation dans le choix des filières éducatives et professionnelles. Elle s'est enfin demandé s'il ne conviendrait pas de développer certaines expériences réussies, consistant à faire découvrir les métiers aux élèves de façon ludique, par exemple grâce à un jeu vidéo comme celui mis en place par une école d'ingénieurs à Nantes.

Mme Armelle Carminati a souligné la valeur irremplaçable du témoignage d'une personne qui vient communiquer avec une classe et parvient à « donner envie » d'exercer un métier. Elle a convenu que certains employeurs craignaient l'innovation que constituerait l'embauche d'une jeune femme dans certaines filières, ce qui manifestait, de leur part, non pas tant une attitude délibérément machiavélique à l'égard des femmes qu'un défaut de formation au management moderne.

Interrogée par Mme Gisèle Gautier, présidente , sur les campagnes de sensibilisation à la mixité des métiers lancées par le MEDEF, Mme Armelle Carminati a évoqué la mobilisation des entreprises, depuis quelques années, en faveur de la féminisation des métiers dans le secteur de la métallurgie (cette initiative avait reçu l'appellation « industriELLE »), ainsi que dans celui du bâtiment et des travaux publics. Puis elle a estimé nécessaire, pour lutter contre l'isolement professionnel des femmes qui s'engagent dans de telles filières, de s'attacher prioritairement à leur « mise en réseau », ainsi que de montrer des exemples de femmes épanouies dans ces métiers.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité que de telles actions puissent être réitérées, estimant que le MEDEF avait un rôle important à jouer en la matière.

Évoquant enfin, à la demande de Mme Anne-Marie Payet , le rôle des conseillers d'orientation, Mme Armelle Carminati a souligné que l'expérience professionnelle et la connaissance concrète de l'entreprise étaient, en bonne logique, le socle d'une bonne information diffusée par les professionnels de l'orientation. Évoquant enfin la relation traditionnellement inverse entre la valorisation sociale des métiers et leur féminisation, elle a constaté que « l'aristocratie des filières » était très différente d'un pays à l'autre, ce qui n'allait pas sans conséquence sur la représentation des femmes dans ces filières. A titre d'exemple, elle a indiqué que la physique quantique, considérée en France, plus qu'ailleurs, comme une discipline noble, était délaissée par les jeunes filles dans notre pays, alors qu'en Italie elles s'y trouvent majoritaires.

Audition de Mme Geneviève Bel, vice-présidente déléguée à l'entrepreneuriat au féminin, et de M. Jean-Michel Pottier, président de la commission « formation », de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

(8 avril 2008)

Présidence de Mme Anne-Marie Payet

Mme Geneviève Bel a estimé que, dans un contexte global marqué par la diminution de la population active et par un doublement attendu des besoins de l'économie en cadres pour la période 2000-2010, les entreprises devaient s'ouvrir à tous les talents et donc, notamment, à ceux de la population féminine. Il lui est donc apparu indispensable d'ancrer la culture et la pratique de la mixité pour favoriser l'accès des femmes aux différents métiers.

En réponse à Mme Anne-Marie Payet, présidente , qui l'interrogeait sur les obstacles rencontrés au sein des petites et moyennes entreprises pour l'insertion professionnelle des femmes dans les métiers dits « masculins » et sur les réticences des chefs d'entreprise à embaucher des femmes dans certaines filières, Mme Geneviève Bel a apporté les éléments de réponse suivants, en s'appuyant sur les résultats d'enquêtes réalisées dans les régions par la Fédération française du bâtiment (FFB) :

- les réticences manifestées par certains chefs d'entreprise tiennent plus à la persistance de représentations stéréotypées des métiers qu'à des obstacles matériels objectifs ;

- l'invocation des motifs tenant aux contraintes familiales n'a pas de raison d'affecter plus que les autres les métiers considérés comme « masculins » ;

- l'aménagement des vestiaires et des sanitaires n'a rien d'insurmontable ; ces installations sont aujourd'hui proposées à la location et peuvent bénéficier d'ailleurs de subventions au titre des contrats pour la mixité ;

- les réticences exprimées le cas échéant par les équipes n'ont pas de raison d'être, dès lors que les femmes sont qualifiées et fiables ;

- les femmes compensent leur moindre force physique par une meilleure organisation et, au demeurant, la mécanisation et les nouveaux moyens techniques permettent de remédier aujourd'hui à cette apparente faiblesse.

Elle a ensuite précisé à Mme Anne-Marie Payet, présidente , qui l'interrogeait sur la réalité des écarts de salaires, qu'en effet des écarts moyens de 10 à 15 % étaient constatés entre salariés, selon qu'ils étaient de sexe masculin ou de sexe féminin, et que cet écart allait jusqu'à 23 %, voire 27 %, pour les cadres.

M. Jean-Michel Pottier a estimé que ces écarts de rémunération s'expliquaient en partie par les interruptions d'activité liées à des considérations familiales, qui affectent plus fréquemment les carrières des femmes que celles des hommes.

Il a précisé que son entreprise employait presque exclusivement des femmes et que celles-ci ne souffraient d'aucun retard dans le déroulement de leur carrière.

Mme Geneviève Bel a relevé néanmoins que l'on constatait encore aujourd'hui, dans bien des cas, des différences fondées sur le sexe, qui n'ont pas de raison d'être.

Revenant sur le problème des interruptions de carrière liées aux responsabilités familiales, elle a regretté qu'elles aient pour effet de priver une proportion significative de femmes de la possibilité de jouir d'une retraite à taux plein, faute de justifier de quarante années de cotisations. Elle a également rappelé que les femmes travaillaient plus souvent que les hommes à temps partiel.

Acquiesçant aux propos tenus par Mme Anne-Marie Payet , qui relevait que les femmes étaient souvent louées pour leur sérieux et leur ponctualité, M. Jean-Michel Pottie r a confirmé qu'il avait pu constater, en qualité de chef d'entreprise, que les meilleurs candidats à un emploi ou à une promotion étaient le plus souvent des candidates.

Il a insisté sur le rôle de la formation dans l'évolution des mentalités, relevant que les majors des dernières promotions de l'Institut d'administration des entreprises étaient tous des filles.

Mme Geneviève Bel a estimé qu'il convenait d'accompagner dans leur formation les jeunes femmes les plus en difficulté, et notamment celles qui ont des réticences à s'y engager. Cet accompagnement lui a paru presque aussi important que la formation elle-même.

Interrogée par Mme Anne-Marie Payet, présidente , sur les améliorations souhaitables en matière d'éducation et d'orientation, Mme Geneviève Bel a jugé indispensable de s'attacher à lever les tabous qui entourent encore un certain nombre de métiers, en s'y attaquant dès le plus jeune âge, aussi bien à l'école que dans les familles. Elle a souligné le rôle que jouent encore actuellement certains livres pour enfants dans la reproduction de représentations stéréotypées.

Elle a jugé que les femmes adultes avaient aussi leur part de responsabilité à assumer, qu'elles devaient modifier leur comportement, recourir davantage à la formation tout au long de la vie et s'impliquer davantage dans les réseaux professionnels, pour évoluer et changer d'emploi.

M. Jean-Michel Pottier a appelé de ses voeux une nouvelle approche en matière d'orientation, souhaitant que celle-ci ne soit plus axée, comme aujourd'hui, sur la psychologie, mais davantage sur des projets professionnels et des métiers. Il a cité en exemple l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle signé en 2003, suivi de l'adoption de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, et la mise en place de nombreux accords de branche, qui commencent à monter en puissance et à porter leurs fruits.

Il a jugé que ces outils, couplés à un infléchissement de la politique d'orientation des jeunes pour l'axer plus sur les métiers, étaient susceptibles d'améliorer sensiblement la situation actuelle.

Il a insisté sur le fait qu'à l'exception de quelques métiers, dont l'exercice est commandé par la possession d'un diplôme bien particulier, comme celui de médecin par exemple, la plupart des professions comportaient plusieurs voies d'accès, dont aucune ne devait être négligée : formation initiale ou tout au long de la vie, formation en alternance, apprentissage...

Il a insisté sur le rôle important joué par l'AGEFOS-PME, l'organisme gestionnaire des fonds de la formation professionnelle de la CGPME qui, à travers les contrats de professionnalisation, passés sur la base d'un accord cadre le 8 mars 2007, a engagé des actions en direction des femmes, qui donnent des premiers résultats intéressants.

Il a précisé que sur les 35 000 contrats de professionnalisation conclus en 2007 par l'AGEFOS-PME, 54 % avaient bénéficié à des femmes, travaillant pour la majorité d'entre elles dans des structures de moins de dix salariés, avec un accent mis sur des professions jusqu'alors considérées comme masculines. Il a relevé que cette politique, conduite à l'échelle nationale, s'était appuyée sur les réseaux régionaux.

Quant à l'apprentissage, il a rappelé que celui-ci relevait plutôt des chambres consulaires, mais qu'une politique volontaire pouvait s'y montrer tout aussi efficace.

Souhaitant que l'on redonne à l'apprentissage ses lettres de noblesse, alors qu'il est encore trop souvent déconsidéré dans les familles, Mme Anne-Marie Payet , présidente, a souhaité connaître les actions menées sur le terrain, par exemple dans le cadre des « Forums des métiers ».

Après avoir souligné l'intérêt de ces forums pour faire découvrir les métiers aux jeunes, M. Jean-Michel Pottier a estimé qu'il restait beaucoup à faire pour développer les relations entre l'école et l'entreprise, et réaffirmé que l'orientation devrait, à l'avenir, faire davantage de place à une approche centrée sur les métiers plutôt que sur la psychologie.

Mme Geneviève Bel a rappelé que des organismes comme l'ANPE et les ASSEDIC faisaient désormais appel aux chefs d'entreprise pour l'organisation d'actions d'information sur les métiers, estimant que les témoignages des chefs d'entreprise et les exemples concrets donnés par des professionnels constituaient pour les jeunes un apport irremplaçable dans le choix de leur orientation. A titre d'illustration, elle a mentionné l'organisation d'une journée « Portes ouvertes » d'information sur les métiers masculins en Picardie.

Mme Anne-Marie Payet, présidente , a cité les actions conduites par la maison de l'orientation et de l'emploi de Carquefou, qui s'inscrivent également dans cette approche.

M. Jean-Michel Pottier a estimé qu'il serait urgent de rendre systématiques et obligatoires les stages d'immersion des élèves en entreprise, qui sont aujourd'hui facultatifs et dépendent trop souvent du bon vouloir des chefs d'entreprise. Ces stages, qui offrent aux élèves de troisième ou de quatrième un premier contact avec le monde professionnel pendant trois ou quatre jours, permettent de « casser » un certain nombre de clichés véhiculés par les familles ou par l'école et sont, à ce titre, très précieux.

Mme Geneviève Bel a toutefois fait observer que l'intérêt de ces stages n'était pas de faire découvrir aux jeunes des métiers (ils sont trop courts pour cela), mais plutôt de leur faire percevoir ce qu'est une entreprise.

Elle a cité, pour le déplorer, le cas d'une jeune fille que ses professeurs avaient dissuadée de se proposer pour un stage de conducteur de poids lourds, au motif que cela ne pouvait constituer un métier pour une femme.

Mme Anne-Marie Payet, présidente , a estimé qu'une femme choisissant un parcours professionnel inhabituel pouvait servir de modèle pour les autres et a évoqué l'exemple de femmes conductrices d'autobus à La Réunion.

Mme Geneviève Bel a précisé que, lors de « Planète PME 07 », avaient été organisées des tables rondes ou des conférences permettant aux femmes de présenter leur expérience professionnelle dans des métiers dits masculins.

M. Jean-Michel Pottier est ensuite revenu sur les initiatives prises par la CGPME en faveur de l'emploi féminin. Il a insisté sur le souci de la CGPME de présenter celui-ci comme une opportunité, et non comme une contrainte pour les entreprises. Il a cité d'abord un certain nombre d'accords portant sur le développement de l'emploi et des compétences, susceptibles de bénéficier d'un cofinancement de l'État et de l'Union européenne, et qui profitent, pour plus de la moitié d'entre eux, à des publics prioritairement féminins.

Il a plus particulièrement cité l'exemple du projet « Égalité en entreprise », mis en place en Picardie, dont l'objet est de montrer aux femmes que les entreprises présentent pour elles des opportunités, y compris dans des secteurs auxquels elles ne pensent pas spontanément. Partant du constat que la plupart des adhérents de la CGPME ne trouvaient pas les compétences qu'ils recherchaient, il a expliqué que ce projet s'était attaché à bien cibler les secteurs confrontés à des besoins sur les territoires concernés, comme en particulier la logistique, l'informatique, la plasturgie, la chaudronnerie et la mécanique automobile, en organisant des actions d'information et de découverte en direction des entreprises, des structures d'information et d'accompagnement, et enfin du public féminin. Il a souligné l'importance d'une mobilisation des chefs d'entreprise femmes, spontanément plus ouvertes à l'accueil de personnel féminin.

Il a également évoqué une étude qualitative réalisée auprès d'une trentaine ou d'une quarantaine d'entreprises ayant des besoins de recrutement, et qui étaient invitées à faire état tant des difficultés que des succès qu'elles avaient pu rencontrer, lorsqu'elles avaient embauché des femmes.

Parmi les facteurs positifs, M. Jean-Michel Pottier a évoqué :

- les qualités de rigueur, de précision et de minutie, qui sont de nature à favoriser l'accès des femmes à des métiers industriels exigeants ;

- la direction collégiale d'une PME assurée par deux conjoints, qui contribue à favoriser le développement de l'emploi féminin ;

- le rôle clef de la formation ;

- la tendance des PME à confier plus facilement des postes de confiance à des femmes.

Quant aux freins rencontrés, il a estimé qu'ils tenaient plus à des problèmes d'organisation qu'à des contraintes matérielles stricto sensu , qui sont rarement insurmontables grâce aux technologies nouvelles et sont plutôt invoquées comme prétexte. Évoquant notamment les effets des contraintes familiales sur les horaires de travail, il a de nouveau insisté sur la nécessité d'une évolution des mentalités et d'un effort d'accompagnement social et de meilleure organisation du travail.

Rejoignant ces propos, Mme Geneviève Bel a enfin évoqué l'exemple de l'action « Promouvoir les métiers de l'industrie », lancée en Haute-Garonne, qui comporte un axe spécifique en direction des filles. En conclusion, elle a rappelé qu'au niveau national, la CGPME avait souhaité marquer son intérêt pour ces questions en instituant une vice-présidence déléguée à l'entrepreneuriat au féminin.

Audition de Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l'Académie de Besançon, présidente du Comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif

(30 avril 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est réjouie d'accueillir Mme Marie-Jeanne Philippe, rappelant qu'avant d'être nommée présidente du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, elle avait accompli un parcours universitaire et administratif exceptionnel, et qu'elle était notamment, métallurgiste de renom, l'auteur d'une soixantaine de publications dans des revues internationales.

Évoquant sa formation, Mme Marie-Jeanne Philippe a indiqué qu'elle avait suivi des études scientifiques qui l'avaient conduite à soutenir deux thèses de doctorat, en physique et en chimie, puis à se spécialiser en métallurgie, remarquant qu'elle avait eu la chance de pouvoir librement suivre cette voie sans être confrontée aux entraves qui dissuadent souvent les femmes de choisir ce type d'orientation.

Elle a souhaité que le comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, dont elle est ravie d'assurer la présidence, puisse tenir sa première réunion prochainement, de façon à coordonner l'action des huit ministères signataires de la convention, et à relancer une démarche administrative qui s'était interrompue. Elle a insisté sur la richesse de cette convention, estimant qu'elle contenait bien tous les éléments de nature à faire bouger les lignes.

S'appuyant sur son expérience de recteur, elle a estimé qu'un conditionnement différent des filles et des garçons s'effectuait dès le plus jeune âge, sans que les enseignants en soient nécessairement conscients. Elle a cité le cas, pour illustrer son propos, d'une école maternelle où une maîtresse n'avait pas perçu spontanément la dimension discriminatoire d'une pratique qui conduisait les petits garçons à se tourner vers l'atelier « train électrique » et les filles vers l'atelier « cuisine ». Elle a insisté sur les efforts que devait donc, consciemment, effectuer le système éducatif, pour gommer cette image sexuée des rôles.

Tout en relevant que les filles avaient, dans l'ensemble, de meilleurs résultats scolaires que les garçons, ce qui les conduisait à accéder dans une plus forte proportion que les garçons en classe de seconde, Mme Marie-Jeanne Philippe a déploré qu'elles semblent cependant moins confiantes en elles-mêmes et dans leurs capacités de réussite. Cette moindre confiance en soi lui a paru pouvoir s'expliquer notamment par une forme de conditionnement dont les enseignants ne sont pas eux-mêmes conscients, et qui les conduit, par exemple à interroger oralement les garçons plus souvent que les filles, particulièrement dès qu'il s'agit de matières scientifiques, et d'une façon générale, d'ailleurs, à encourager plus volontiers la prise de parole de ces derniers qui demandent plus souvent et plus facilement la parole.

Elle a donc jugé nécessaire d'effectuer un premier travail sur la représentation que les filles se font de leur propre réussite, considérant que cette représentation était à l'origine de leur sentiment de n'être pas aussi « bonnes » que ne l'indiquent leurs résultats scolaires.

Elle s'est appuyée sur les conclusions d'une étude réalisée par M. Jean-Marc Monteil, puis développée par un laboratoire de sociologie de l'Université de Marseille, qui a montré, expériences à l'appui, que les groupes d'élèves, placés en situation de stress, tendaient à obtenir des résultats plus conformes à la catégorie à laquelle ils pensaient appartenir qu'à leurs compétences réelles. Ainsi, confrontés à des exercices de restitution de figures et d'images, des groupes témoins d'élèves de niveaux scolaires différents obtenaient des résultats disparates, si on leur présentait ces exercices comme relevant de la géométrie, ou, au contraire, très comparables, si on ne les leur présentait que comme du dessin. Des expériences analogues, réalisées avec des groupes similaires de filles et de garçons, montrent que les garçons réussissent mieux que les filles ce type d'épreuves en mathématiques en situation de compétition, alors que dans un contexte dépourvu de tout enjeu, filles et garçons obtiennent des résultats similaires.

Mme Marie-Jeanne Philippe a estimé qu'il convenait de dénouer ce type de conditionnement si l'on voulait que les filles, qui réussissent dans l'ensemble mieux au baccalauréat que les garçons, surmontent leur réticence à s'engager dans des carrières scientifiques et des fonctions de direction.

Elle a également invité à ne pas sous-estimer les freins qui pouvaient exister à l'entrée dans la vie active, du fait des réticences de certains milieux professionnels, jusqu'alors très masculinisés, à confier des responsabilités d'encadrement à de jeunes diplômées, auxquelles s'ajoutent parfois des réticences des intéressées elles-mêmes, faute d'une confiance en soi suffisante.

Elle a estimé que la lutte contre les blocages qui s'installent dans le cours des études passait par une formation particulière des enseignants et a souhaité que des modules de formation adaptés, qui existent déjà dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), soient à l'avenir généralisés dans la totalité de ces établissements.

Elle a jugé qu'il convenait, en particulier, de rendre les enseignants plus attentifs à la façon dont ils conduisaient les interrogations orales, de façon à lutter contre l'appréhension qu'éprouvent généralement les filles, plus réservées que les garçons, face à la prise de parole. Elle a considéré que cette réticence des femmes à prendre la parole se retrouvait ensuite dans leur vie professionnelle.

Mme Marie-Jeanne Philippe a ensuite tracé un bilan nuancé de l'orientation scolaire actuelle des filles et des garçons.

Évoquant tout d'abord les filières générales, elle a estimé que le déséquilibre relatif entre filles et garçons dans les filières scientifiques s'expliquait principalement par la volonté des garçons de privilégier systématiquement ce type de sections, plutôt que par une désaffection des filles qui y sont normalement représentées. Selon elle, le déséquilibre était en revanche plus prononcé et plus préoccupant dans les filières professionnelles, où les filles privilégient trop souvent des formations conduisant à des emplois tertiaires, en particulier vers les métiers de la santé, du social et du secrétariat, pourtant déjà très encombrés, au détriment de celles qui débouchent sur des emplois industriels, pourtant plus porteurs et mieux rémunérés.

Elle a considéré que cette réticence des filles devant les filières scientifiques se retrouvait au niveau universitaire, phénomène accentué par le fait que les filles tendaient à arrêter leurs études plus tôt que les garçons, et à privilégier des filières courtes et professionnalisantes, et d'une manière générale, faisaient preuve d'une moindre ambition dans la poursuite de leurs études.

Mme Annie David a rappelé que les jeunes filles ayant suivi des études supérieures étaient nombreuses à se diriger vers les métiers de l'enseignement.

Mme Marie-Jeanne Philippe a fait observer que lorsque les filles choisissaient la carrière d'enseignant, elles avaient tendance à privilégier les concours de professeur des écoles, plutôt que ceux conduisant à enseigner au lycée ou à l'université. Elle a estimé que ce phénomène s'expliquait en partie par le fait que les professeurs des écoles avaient la possibilité de demeurer au sein de l'académie dans laquelle ils avaient été recrutés, tandis que la réussite au Capes ou à l'agrégation impliquait l'acceptation de la mobilité. Elle a également observé que les femmes avaient tendance à privilégier leur vie familiale et qu'elles se disaient parfois même prêtes à « mettre en veilleuse » leur propre carrière professionnelle afin de suivre leur conjoint.

Mme Gisèle Gautier, présidente , évoquant les raisons de cette situation, a rappelé que les rémunérations des hommes étaient en général sensiblement supérieures à celles des femmes.

Pour sortir de ce « carcan », Mme Marie-Jeanne Philippe a suggéré de mettre l'accent sur la formation continue des femmes. Rappelant que les filles étaient en moyenne plus diplômées que les garçons, mais qu'elles occupaient, par la suite, des emplois souvent moins valorisés, elle a estimé souhaitable de faire accéder de manière plus systématique les femmes à des postes de responsabilité, en accordant une priorité à leur formation continue. Elle a précisé qu'un tel infléchissement supposait un dialogue et une mise au point avec les entreprises et les branches professionnelles.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a estimé qu'il faudrait également insister sur la gestion du temps afin d'aménager la possibilité effective pour les femmes qui se consacrent simultanément à leur carrière professionnelle et à leur vie familiale de suivre ces formations.

Puis Mme Marie-Jeanne Philippe , abordant le sujet de l'orientation, a évoqué, en premier lieu, les raisons qui conduisent les jeunes femmes à choisir un métier plutôt qu'un autre. Insistant sur l'importance de l'image des métiers, elle a souligné que les jeunes filles avaient souvent une image du secteur industriel très négative et peu conforme à la réalité. A titre d'exemple, elle s'est étonnée qu'un grand nombre de jeunes filles puissent justifier le choix du métier d'infirmière par le souci, très souvent mis en avant, de parvenir à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Puis elle a rappelé la préférence des femmes pour les carrières offrant une certaine sécurité, comme celles de la fonction publique, en observant qu'elles se contentaient fréquemment d'une rémunération en retrait de celle de leur conjoint, mais présentant des garanties de stabilité qui contrebalançaient les risques professionnels pris par leur mari.

Elle a ensuite insisté sur la nécessité de rendre plus visibles les divers débouchés des filières dans lesquelles s'engagent de jeunes élèves parfois focalisés sur une seule profession. A cet égard, elle a cité en exemple les efforts consentis par l'université de Besançon pour recenser les carrières effectivement offertes après les études en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) avec des données quantifiées sur les débouchés. Corrélativement, elle a souligné la nécessité d'équilibrer le niveau des élèves et la proportion respective des filles et des garçons dans certaines classes ou filières technologiques, telles que l'option Mesures physiques et informatique (« MPI ») en seconde, vers lesquelles se dirigent parfois trop d'élèves brillants qui s'éparpillent ensuite dans des voies diverses, alors que les élèves moyens restent dans les filières scientifiques. Mme Marie-Jeanne Philippe a également estimé souhaitable de renforcer l'attractivité de certains métiers comme ceux du bâtiment, en prenant l'exemple de femmes qui réussissent leur carrière dans le domaine de l'ingénierie et du génie civil, tout en respectant des horaires de bureau tout à fait compatibles avec une vie familiale normale.

Mme Gisèle Gautier, présidente , après avoir salué la clarté et la lucidité des propos de l'intervenante, a ouvert le débat en lui demandant si ses collègues recteurs masculins partageaient ses vues.

Mme Marie-Jeanne Philippe a répondu qu'ils y étaient à tout le moins sensibilisés et qu'elle s'efforcerait, dans le cadre du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, de susciter un certain nombre d'actions décisives qui devraient être mises en oeuvre rapidement au niveau des académies et donner lieu à un bilan précis au bout d'un ou deux ans. Elle a, en particulier, insisté sur la mise en place de modules de formation à l'intention des élèves-professeurs en IUFM, pour autant que cette orientation soit validée par le comité de pilotage.

Après avoir approuvé les propos de l'intervenante sur les « conditionnements » qui affectent aussi les enseignants, Mme Annie David a rappelé qu'elle avait, avec constance, lors de la discussion de plusieurs projets de loi, déposé des amendements tendant à introduire des modules de formation des enseignants à l'égalité des genres, ainsi qu'à l'éducation au respect et à la paix, en IUFM. Elle a regretté que les gouvernements successifs aient écarté ces initiatives en objectant qu'il s'agissait là d'une matière réglementaire. Elle a en outre souhaité que les programmes scolaires d'éducation civique puissent comprendre une dimension relative à l'égalité et au respect entre les sexes. Rappelant ensuite la persistance des préjugés sexistes en illustrant son propos d'exemples concrets, elle a souhaité la réussite de la mission du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif. S'agissant de la formation continue, elle a souligné l'importance de l'aménagement du temps, en rappelant qu'il était fréquent, voilà quelques années, que les cours organisés dans le cadre de la formation continue aient lieu le samedi matin, moment où les femmes sont souvent peu disponibles en raison de leurs obligations domestiques et familiales. Elle a enfin souhaité un renforcement de l'efficacité de l'orientation grâce à une formation mieux adaptée des conseillers d'orientation-psychologues, regrettant que le poids des habitudes et des préjugés conduise trop souvent à proposer aux jeunes filles une orientation ne se situant pas à la hauteur de leurs potentialités.

Mme Marie-Jeanne Philippe a rappelé que dans le cadre du réaménagement et de la simplification des programmes de l'enseignement primaire, le Gouvernement avait souhaité renforcer la place de l'instruction civique et morale, en y apprenant à respecter les symboles de la République, et donc « l'Égalité ».

Puis, évoquant la persistance des préjugés ou des réflexes sexistes, elle a estimé prioritaire de travailler à perfectionner la formation des enseignants dans ce domaine. Elle a également observé que les conseillers d'orientation avaient tendance à « reproduire » les comportements dominants de notre société et que leur formation devait également être améliorée. De façon générale, Mme Marie-Jeanne Philippe a souhaité que les conseillers d'orientation ne soient pas les seuls à intervenir dans le processus de choix d'une filière ou d'un métier, ce qui, a-t-elle observé, n'est d'ailleurs pas le cas en pratique ; elle a, en même temps, jugé utile d'encourager le dialogue direct entre d'une part, les élèves et leurs parents, et d'autre part, les enseignants, en insistant sur l'attention à porter au contenu des plans de formation des enseignants ou des personnels de direction, et au nécessaire développement de leurs contacts avec les entreprises.

Au sujet de l'action des conseillers d'orientation-psychologues, Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé les témoignages souvent très critiques recueillis par les membres de la délégation au cours des auditions et déplacements sur le terrain. Elle a considéré qu'un certain nombre d'évolutions étaient souhaitables, au-delà de celles qui sont d'ores et déjà intervenues.

Après avoir approuvé les analyses présentées par l'intervenante, Mme Joëlle Garriaud-Maylam a souligné le phénomène de reproduction par les enfants de modèles sociaux avant tout diffusés par leur famille. Dans ce contexte, elle a souhaité que l'école s'ouvre encore plus largement sur la société, en multipliant les réunions d'information et les occasions de dialogue, notamment avec les parents, afin d'infléchir les stéréotypes familiaux. Elle a également préconisé le renforcement de l'enseignement des principes de base de l'économie pour lutter contre la méconnaissance du monde de l'entreprise. Puis, soulignant la rareté des femmes qui réussissent dans les carrières scientifiques, elle a souhaité que les médias puissent contribuer à mieux les faire connaître, de manière à offrir des « modèles de réussite » aux jeunes filles. A cet égard, elle a cité quelques initiatives, hélas encore trop peu nombreuses, comme le « Prix L'Oréal-Unesco » récompensant des femmes scientifiques, avant d'interroger l'intervenante sur les ressorts profonds de ses choix professionnels.

En réponse à cette dernière question, Mme Marie-Jeanne Philippe a évoqué les influences multiples de son milieu familial, situé en zone rurale, de la qualité de certains de ses enseignants et de la part de rêve que comportaient, pour elle, les sciences. A ce sujet, elle a regretté, à l'heure actuelle, un certain « désenchantement » à l'égard des découvertes scientifiques ou techniques qui se multiplient et tendent à se banaliser, contribuant selon elle à la désaffection des jeunes à l'égard des sciences.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné l'importance primordiale de la volonté chez les jeunes femmes qui s'engagent dans des carrières réputées masculines. Tirant les conclusions des observations de terrain de la délégation, elle a évoqué le cas de jeunes femmes qui abandonnent leur réinsertion dans des filières à dominante masculine au motif qu'elles « se sentent rejetées » par leur nouvel environnement professionnel, tandis que d'autres parviennent à y réussir grâce à une volonté farouche.

Mme Marie-Jeanne Philippe a alors évoqué les difficultés particulières que rencontrent les jeunes filles issues de l'immigration à choisir le métier de leurs souhaits, en raison de l'emprise de leur famille. Elle a souligné la nécessité de leur accorder un soutien spécifique pour contrecarrer le phénomène de régression de leur liberté de choix qui est aujourd'hui constaté par les recteurs dans les zones urbaines sensibles.

A titre d'exemple, elle a cité le travail entrepris avec les responsables des classes préparatoires aux grandes écoles pour encourager les candidatures féminines, notamment par l'attribution de bourses. Elle a en effet observé qu'en classe préparatoire, ce n'étaient pas nécessairement les meilleurs élèves qui réussissaient, mais plutôt ceux qui faisaient preuve de volontarisme.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a demandé quelles mesures concrètes pouvaient être prises pour rééquilibrer la mixité dans certaines filières comme les classes préparatoires, en s'interrogeant sur l'opportunité de prévoir, par exemple, des bourses réservées aux filles.

Après avoir rappelé les travaux récemment menés par la mission d'information sur les classes préparatoires aux grandes écoles constituées par la commission des affaires culturelles du Sénat, Mme Annie David a également souligné l'importance des structures d'accueil comme les internats qui, en complément des bourses, peuvent favoriser l'acceptation par les parents du départ des jeunes filles du foyer familial, notamment dans les familles modestes.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam , rappelant son expérience dans ce domaine en tant qu'élue des Français de l'étranger, a indiqué qu'elle avait cherché à développer les internats pour faciliter l'accès aux lycées français à l'étranger et qu'il lui avait souvent été répondu que l'internat n'était pas « dans la culture française » : elle s'est alors interrogée sur la nature des correctifs à apporter à cette situation.

Approuvant ces propos sur la nécessité d'un développement des internats, tout particulièrement à l'intention des jeunes filles, Mme Marie-Jeanne Philippe a rappelé que la « massification » de l'enseignement s'était historiquement accompagnée de l'implantation de lycées de proximité, sans internat. À l'heure actuelle, compte tenu de la réduction des effectifs des lycées pour des raisons démographiques, elle a observé que certaines filières pédagogiquement et professionnellement attractives n'étaient pas suffisamment demandées par les élèves, faute de places disponibles en internat. Dans ces conditions, elle a estimé souhaitable de travailler avec les régions à renforcer les constructions d'internats, en rappelant que les internes réussissaient statistiquement mieux leurs études que les autres et que l'internat permettait souvent aux jeunes de s'orienter de manière positive, et non pas « par défaut ».

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente , elle a indiqué que l'installation du comité de pilotage de la convention pour l'égalité des femmes et des hommes dans le système éducatif était imminente. Elle a souhaité que celui-ci se fixe des objectifs et des obligations de résultat, relayés par les contrats d'objectifs des établissements et par les ministères intéressés. En outre, elle s'est dite favorable à la mise en place d'indicateurs chiffrés permettant d'évaluer les objectifs fixés par la convention et de mesurer les progrès qui pourront être accomplis.

Mme Annie David s'est alors interrogée sur les stéréotypes de genre qui subsistent dans les manuels scolaires.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est associée à ce propos, tout en rappelant que la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif évoquait explicitement cette question.

Enfin, interrogée par Mme Annie David sur le suivi des recommandations du comité, Mme Marie-Jeanne Philippe a souligné l'importance d'une implication des différents ministères concernés, tout en indiquant à Mme Gisèle Gautier, présidente , que le comité ne manquerait pas de tenir informée la délégation de l'état d'avancement de ses travaux.

Audition de M. Jean-Luc Sethi, entrepreneur, chef de file du Projet « 30.000 femmes sur les chantiers à l'horizon 2009 »,
et de Mme Odette Repellin, chef du département « Formation » de la Fédération française du bâtiment (FFB)

(7 mai 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Après avoir rappelé que la délégation avait choisi de travailler cette année sur le thème de l'orientation et de l'insertion professionnelles, sous l'angle de la recherche d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans les différents métiers, Mme Gisèle Gautier, présidente , a indiqué qu'elle avait pu recueillir, lors d'un déplacement en Loire-Atlantique, des témoignages de femmes qui avaient manifesté leur motivation à l'égard d'une insertion dans des métiers réputés masculins, et en particulier de jeunes femmes satisfaites d'avoir osé s'engager dans les métiers du bâtiment.

M. Jean-Luc Sethi a rappelé qu'il dirigeait une entreprise du secteur du bâtiment employant environ 50 personnes et qu'il était, au sein de la Fédération française du bâtiment (FFB), chargé au plan national de la féminisation des métiers. Il a précisé que le président de la FFB avait fixé comme objectif de porter les effectifs de femmes travaillant dans le bâtiment de 10 000 en 2004 à 30 000 en 2009. Il a observé que cet objectif, a priori très ambitieux, représentait très concrètement l'embauche d'une femme par semaine dans chaque département.

Puis il a présenté quelques indicateurs économiques sur le bâtiment en France, en rappelant que ce secteur, qui offre une palette de 29 métiers, devrait, en 2008 , enregistrer un taux de croissance de 3 % et créer 35 000 emplois. Il a chiffré à 32 % l'augmentation des salaires depuis 5 ans dans ce secteur et à 120 000 le nombre de recrutements prévus chaque année dans les 10 ans à venir, avec 500 000 logements à construire par an, dont 120 000 logements sociaux dès 2009.

Il a ensuite indiqué qu'en 2007, le nombre de femmes travaillant sur les chantiers et dans les ateliers s'élevait à environ 15 000, ce qui correspond à une augmentation de plus de 50 % depuis 2004, et diagnostiqué une poursuite de cette progression à court terme, en précisant que 9 300 femmes étaient en formation dans la filière des métiers du bâtiment en 2005 (dont 6 300 en formation initiale et 3 000 en reconversion professionnelle).

En réponse à une question de Mme Gisèle Printz sur la durée des formations, M. Jean-Luc Séthi a indiqué que celle-ci était très variable, en rappelant la diversité des métiers offerts.

Puis, évoquant les écueils traditionnels de la présence des femmes dans les métiers du bâtiment, il a constaté, sur le terrain, un élan nouveau de la féminisation et pronostiqué une accentuation de ce phénomène. Il a signalé, en particulier, que les centres de formation d'apprentis (CFA) du secteur du bâtiment accueillaient 167 filles fin 1993, 705 fin 2004 et 1 380 fin 2007, en précisant que ces chiffres correspondaient à une proportion d'1,85 % de filles dans les effectifs d'apprentis à fin 2007 contre 1,1 % à fin 2004.

Il a souligné la nécessité, pour parvenir à ces résultats et les consolider, d'aller au devant des « orienteurs » et de l'Éducation nationale, afin de convaincre que les femmes pouvaient s'orienter vers d'autres métiers que les métiers traditionnellement féminins. Il a souligné les multiples effets positifs induits par la présence des femmes sur les chantiers, en évoquant l'amélioration de la sécurité, de l'hygiène ou de l'ambiance générale. Il a ensuite évoqué les témoignages de femmes salariées dans le secteur du bâtiment, qui mettent en avant la régularité des horaires, à la différence, par exemple, des métiers de la restauration, et le fait que les métiers du bâtiment ne peuvent être délocalisés par les entreprises, tout en permettant aux personnels de se déplacer géographiquement s'ils le souhaitent. Il a particulièrement insisté sur l'utilité et la force de conviction des témoignages relatifs à des expériences réussies, tant de la part des salariés que des chefs d'entreprise, en faisant observer qu'il fallait aider ces derniers à surmonter leurs réticences à embaucher des femmes.

Puis M. Jean-Luc Sethi a estimé que la profession avait désormais « passé le cap » des préjugés initiaux et précisé, qu'aujourd'hui, la mécanisation des métiers, qui limite les exigences de force physique, ainsi que leur diversification, étaient favorables à l'emploi féminin. Il a cependant évoqué un obstacle spécifique au développement de l'embauche de femmes sur de petits chantiers : la réglementation oblige, en effet, a-t-il rappelé, à installer des sanitaires séparés pour les hommes et les femmes sur les chantiers. Il a souhaité un assouplissement de la réglementation sur ce point, en expliquant la difficulté de sa mise en oeuvre pour les petits chantiers, pour lesquels l'installation de sanitaires non mixtes est déjà difficile lorsqu'il n'y a que des hommes. Il a cité l'exemple d'une entreprise que l'Inspection du travail avait empêchée d'embaucher une apprentie en raison de ce problème.

Mme Gisèle Printz s'est demandé s'il n'y avait pas là, parfois, l'occasion de trouver un prétexte pour ne pas embaucher de femmes.

Mme Odette Repellin a alors distingué le cas des ateliers permanents, où la mise en place de sanitaires distincts ne soulève pas de difficultés, de celui des petits chantiers, où il est plus difficile de procéder à des installations adéquates.

M. Jean-Luc Séthi a précisé que des expérimentations avaient été conduites pour satisfaire les exigences posées par le code du travail en aménageant des véhicules, mais que cette solution présentait un coût excessif.

Par ailleurs, il a regretté que les contrats de mixité souffrent d'une insuffisance de moyens, en précisant, qu'en moyenne, seuls, deux contrats par département avaient été conclus.

Puis Mme Odette Repellin a rappelé les préalables de cette opération générale de féminisation des métiers du bâtiment menée par la FFB, en indiquant que des expérimentations avaient été effectuées depuis 2001 en zone rurale et que les résultats d'une étude réalisée en 2003-2004 sur les représentations de ce secteur dans l'opinion avaient permis de mesurer que, contrairement à ce que l'on aurait pu en attendre, le bâtiment n'avait pas une mauvaise image, mais souffrait d'un déficit de communication. En outre, elle a souligné que cette étude avait démontré que le public envisageait positivement l'arrivée des femmes sur les chantiers.

Évoquant les campagnes d'information et de sensibilisation mises en place en partenariat avec l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour faire découvrir les métiers du bâtiment aux femmes, elle a également insisté sur l'importance du témoignage des demandeurs d'emploi qui avaient travaillé précédemment dans d'autres secteurs et pouvaient établir des comparaisons éclairantes avec les conditions de travail offertes dans le bâtiment.

Elle a fait observer que, désormais, toute la communication émanant de cette branche professionnelle respectait le principe de mixité, en faisant, par exemple, apparaître systématiquement des femmes et des hommes sur les affiches. Elle a insisté sur le développement de l'information diffusée aux collégiennes, et plus généralement aux femmes, en précisant que ces campagnes avaient un effet également bénéfique sur l'image des métiers du bâtiment auprès des hommes.

M. Jean-Luc Sethi a évoqué les modalités concrètes des actions entreprises par la FFB, notamment les témoignages apportés dans les collèges. Il a, en particulier, décrit l'opération « Un jeune, un jour » permettant d'accueillir un collégien pendant une journée en stage dans une entreprise du bâtiment, qu'il avait initiée dans le Nord-Pas-de-Calais il y a plusieurs années. Il a précisé qu'il avait prolongé cette initiative en lançant l'opération « Un professeur, un jour », qui, en accueillant un enseignant pendant une journée dans une entreprise, permet bien souvent de transformer le scepticisme initial en une prise de conscience des possibilités offertes par ce secteur.

A Mme Gisèle Gautier, présidente , qui s'est demandé si d'autres branches d'activité avaient développé des initiatives similaires, Mme Odette Repellin a répondu que le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) s'y était également employé.

S'agissant des actions menées à l'intention des personnels des centres d'information et d'orientation (CIO), M. Jean-Luc Sethi a déploré qu'elles n'aient connu que des résultats mitigés.

A cet égard, Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté que les conseillers d'orientation-psychologues n'aient pas une connaissance suffisamment précise des métiers.

M. Jean-Luc Sethi a ensuite évoqué, à la demande de Mme Brigitte Bout , les actions de tutorat développées au sein de la FFB, et notamment les expériences de « marrainage » par des femmes salariées ou chefs d'entreprise, qui organisent l'accompagnement d'une femme nouvellement embauchée pour faciliter son intégration dans l'entreprise. Il a également mentionné les trophées « Bâtir au féminin » qui permettent de valoriser les chefs d'entreprise qui ont embauché des femmes dans leurs équipes, par l'attribution de prix, décernés aux niveaux régional et national, pour trois catégories d'entreprises, définies selon leur taille.

Mme Odette Repellin a expliqué que les femmes étaient désormais un peu plus accessibles qu'auparavant à un engagement dans les carrières du bâtiment, tout en reconnaissant que des efforts restaient à faire pour mieux sensibiliser les chefs d'entreprise.

Évoquant ses observations de terrain, Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné l'importance primordiale, selon les témoignages des intéressées, de la force de caractère et de la volonté de s'intégrer dans le milieu très masculin du bâtiment.

Approuvant ce propos, M. Jean-Luc Sethi a souligné que les femmes qui s'engageaient dans ce secteur jouaient un rôle de « pionnières », tout en estimant que ses rencontres quotidiennes démontraient que leur intégration était de plus en plus naturelle.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier présidente , Mme Odettte Repellin a précisé que les femmes avaient, de façon générale, moins de difficultés à s'intégrer, dans le secteur du bâtiment, au niveau des cadres, où elles sont plus nombreuses, qu'à celui des ouvriers (en 2006, on comptait 12,4 % de femmes parmi les cadres, contre 1,6 % parmi les ouvriers).

Mme Anne-Marie Payet s'est demandé quels moyens permettaient de soutenir les femmes et de les encourager à progresser dans leurs carrières. Elle a constaté qu'à La Réunion, les femmes faisaient preuve d'un dynamisme remarquable dans ce secteur, aujourd'hui très porteur en raison des besoins croissants en logements.

Rejoignant ce propos, M. Jean-Luc Sethi a constaté que, dans cette branche d'activité, les femmes se projetaient dans l'avenir plus que les hommes et étaient souvent plus ambitieuses dans leurs projets professionnels.

Il a considéré que le secteur du bâtiment, marqué par un contexte de pénurie de main d'oeuvre et par la perspective d'un départ à la retraite prochain de nombreux chefs d'entreprise âgés, offrait aujourd'hui beaucoup d'opportunités pour les femmes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu en félicitant les intervenants pour le dynamisme de leur démarche.

Audition, dans le cadre d'une table ronde,
de Mme Éveline Duhamel, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, secrétaire du bureau de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI),
accompagnée de Mme Catherine Seguin, directrice de cabinet du président de l'ACFCI
de Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, membre de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM)
de M. Jean-Pierre Boisson, président de la Chambre d'agriculture du Vaucluse, membre du bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA),
accompagné de M. Guillaume Baugin, chargé des affaires parlementaires à l'APCA

(14 mai 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que la présente audition s'inscrivait dans le cadre de la réflexion que conduisait cette année la délégation en vue d'un rééquilibrage entre hommes et femmes dans tous les métiers.

Elle a d'abord invité Mme Éveline Duhamel , présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, à présenter les constats qu'opèrent les chambres de commerce et d'industrie quant à l'inégale répartition des hommes et des femmes dans les différents métiers, ainsi que les remèdes qu'il lui paraissait possible d'y apporter.

Mme Éveline Duhamel a d'abord rappelé que, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, elle était en outre secrétaire au bureau de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), vice-présidente déléguée du Conseil européen femmes et entreprises, et bien sûr, chef d'entreprise.

Elle a indiqué que les neuf années qu'elle avait déjà passées dans le milieu consulaire lui avaient permis de constater la réalité des freins d'ordre psychologique, culturel ou familial, qui font souvent obstacle à la formation et au recrutement des jeunes femmes dans de nombreux métiers, relevant que ces freins étaient un peu plus puissants en zone rurale ou côtière que dans les grandes villes. Elle a expliqué que ces freins tenaient, par exemple, à la réticence des familles à l'idée de laisser partir une très jeune fille seule pour la grande ville, et aux difficultés de trouver un logement abordable, compte tenu des carences du logement étudiant.

Elle a indiqué que les chambres de commerce et d'industrie, qui sont aussi des acteurs de la formation, s'efforçaient par ce biais de faire mieux connaître la réalité des métiers. Elle a en effet relevé que, même si rien ne prédisposait ces métiers à un sexe plutôt qu'à un autre, les enseignants avaient cependant tendance à orienter leurs élèves en fonction de leur genre, en aiguillant les filles vers les métiers du secteur tertiaire, considérés comme plus « féminins ». Elle avait pu constater récemment encore, à l'occasion d'une réunion avec des chefs d'entreprise, les difficultés que ceux-ci avaient à admettre que les métiers de la logistique pouvaient aussi convenir à des femmes. Elle a cependant estimé que toute attitude trop volontariste pour favoriser l'accès des femmes à certains métiers pouvait s'avérer contre-productive, du fait des réactions négatives qu'elle était susceptible d'entraîner.

Elle a cependant jugé que les chambres consulaires avaient pour devoir d'améliorer l'organisation des métiers, de façon à ce que les femmes qui souhaitent les exercer puissent concilier plus facilement leur exercice avec leurs responsabilités de mère ou de grand-mère, voire avec les fonctions auxquelles elles peuvent aussi légitimement aspirer dans la vie civile ou la vie politique. Elle a évoqué, notamment, la question des horaires, déplorant qu'actuellement, dans beaucoup d'entreprises, des réunions importantes aient fréquemment lieu le mercredi, ou dans la soirée.

Présidente de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, Mme Danielle Nicolas a indiqué qu'elle était en outre membre du conseil économique et social de Lorraine, chef d'entreprise et mère de famille. Elle a noté que le secteur de l'artisanat, qu'elle représentait, employait trois millions d'actifs dont un tiers, environ, de femmes, cette proportion augmentant d'ailleurs régulièrement.

Présentant les actions conduites en faveur de l'emploi des femmes dans l'artisanat, elle a d'abord évoqué la charte signée en 2004 avec Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, pour promouvoir l'apprentissage et les métiers de l'artisanat auprès des jeunes filles, ainsi que la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises qui, en conférant un statut au conjoint collaborateur du chef d'entreprise, a constitué une avancée très appréciable. Elle a cependant souhaité que le bénéfice de ce statut puisse être étendu au partenaire d'un pacte civil de solidarité (PACS). Elle a estimé que des progrès lents mais réguliers étaient enregistrés en faveur d'une promotion des métiers dépourvue de tout a priori sexiste, citant l'exemple d'une jeune femme satisfaite de s'être engagée dans le secteur de la carrosserie.

Elle a ensuite indiqué que l'APCM avait installé un réseau de référents pour promouvoir la parité et l'égalité dans les entreprises, qui travaillaient en réseau, s'informaient sur les initiatives qu'ils prenaient et se communiquaient les évaluations dont celles-ci faisaient l'objet.

Évoquant ensuite le projet d'université des métiers, dans lequel sont déjà engagées quelques chambres de métiers, et qui doit, à terme, être étendu à l'ensemble des régions, Mme Danielle Nicolas a indiqué qu'il avait pour objectif de permettre à des jeunes femmes déjà dotées d'un bon bagage général de créer des entreprises et de trouver les compétences dont elles ont besoin dans différents métiers, ainsi que de suivre une formation au « management ». Il lui a semblé indispensable d'accompagner ainsi des projets de création de PME, qu'elle a jugés potentiellement très nombreux. Elle a en effet noté que beaucoup de chefs de très petites entreprises avaient le sentiment qu'ils s'exposeraient à des risques importants s'ils augmentaient leurs effectifs au-delà de dix salariés, et qu'il convenait donc de les accompagner pour leur donner les compétences de gestion dont ils ont besoin pour développer leur affaire.

Elle a précisé que l'APCM travaillait, en ce domaine, en liaison avec la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE).

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité savoir quels étaient les arguments qu'employaient le plus couramment les chefs d'entreprise pour justifier leur refus de recruter une femme.

Mme Éveline Duhamel a indiqué que ces réserves n'étaient généralement pas exprimées directement, mais qu'elles se traduisaient par des avertissements détournés de nature à faire fléchir la détermination des candidates, en leur expliquant, par exemple, au cours de l'entretien d'embauche, que le poste à pourvoir demandait une grande disponibilité qui n'était pas nécessairement conciliable avec leurs responsabilités familiales.

Elle a estimé qu'il n'en était pas moins nécessaire, même si ce type de procédé n'était pas de nature à dissuader une femme vraiment déterminée, de sécuriser psychologiquement les femmes grâce à des modes de garde d'enfants qui leur permettent de travailler l'esprit libre sans être perpétuellement confrontées aux difficultés qui résultent de l'insuffisance du nombre de places disponibles en crèche et de leurs horaires trop stricts, ainsi que du coût des gardes à domicile qui les mettent hors de portée de bien des bourses, difficultés qui sont renforcées en cas d'enfant malade ou de déplacement professionnel. Elle a donc recommandé le développement de crèches parentales, estimant que ces petites structures plus souples étaient davantage de nature à rassurer les mères.

Elle a estimé qu'il convenait aussi de développer plus qu'aujourd'hui les formes de télétravail, qui sont susceptibles de constituer une réponse intéressante au problème du travail des femmes, ou des handicapés.

Elle a cependant élevé une mise en garde contre le risque d'effets « boomerang » de politiques trop volontaristes pour assurer une stricte parité dans le monde du travail, redoutant qu'elles n'alimentent, comme toutes les formes de discrimination positive, la suspicion sur le mérite des femmes qui auraient réussi.

Mme Éveline Duhamel a ensuite confirmé à Mme Gisèle Gautier, présidente , que les femmes continuaient de ne s'orienter qu'en petit nombre vers les métiers considérés comme masculins, estimant que les milieux professionnels n'étaient pas seuls responsables de cet état de fait, qui résulte aussi des influences familiales.

M. Jean-Guy Branger a relevé que les propos tenus par les intervenantes étaient intéressants et parfaitement cohérents avec les autres auditions conduites par la délégation, et souligné l'intérêt qui s'attache à la proposition de développer les crèches parentales. Il a estimé qu'on demandait en effet beaucoup aux femmes, qui doivent être à la fois épouses, mères et professionnellement actives. Il a appelé à une prise de conscience sur la nécessité d'assouplir les horaires des garderies scolaires, estimant que les associations de parents pouvaient mettre sur pied des systèmes qui fonctionnent très bien, sur la base du volontariat de ceux qui disposent d'un peu de temps, et le cas échéant avec le soutien financier des collectivités territoriales.

M. Alain Gournac , tout en jugeant que les choses progressaient dans la bonne direction, s'est cependant étonné de ce que les chambres de commerce et d'industrie ne se soient pas engagées dans l'organisation de crèches, notamment pour permettre aux femmes qui travaillent de faire face à des imprévus : une réunion qui se prolonge le soir ou un déplacement. Il a regretté que les entreprises s'en remettent un peu trop systématiquement aux pouvoirs publics locaux pour mettre sur pied un système de garde, alors qu'elles pourraient jouer un rôle important, à condition, bien sûr, de se regrouper, particulièrement pour les entreprises artisanales.

Mme Éveline Duhamel a expliqué qu'elle avait en effet tenté de créer une crèche dans une zone industrielle et commerciale, mais n'était cependant pas parvenue à fédérer les entreprises sur ce type de projet. Elle s'est cependant déclarée convaincue que la création de crèches par les chambres de commerce et d'industrie, ou du moins les plus importantes d'entre elles, serait quelque chose de très positif. Elle a aussi plaidé en faveur du développement des horaires à la carte, et du télétravail.

Tout en se déclarant persuadée de la nécessité pour les entreprises de se montrer plus attentives à la question des horaires de travail, Mme Danielle Nicolas a estimé, en se fondant sur son expérience de chef d'entreprise, qu'on ne devait pas négliger pour autant le poids que représente pour une PME le remplacement des femmes qui partent en congé de maternité, puis en congé parental, et le financement des indemnités de précarité qui sont dues à leurs remplaçants à l'issue de leur contrat à durée déterminée. Elle a également évoqué la nécessité pour les femmes de suivre une formation adaptée pour se remettre à niveau après une interruption de carrière liée à l'éducation des enfants.

Soulignant l'importance des problèmes spécifiques des très petites entreprises (TPE) ou des PME, Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite rappelé son initiative tendant, par voie d'amendement au projet de loi de finances pour 2008, à maintenir le dispositif d'aide financière aux entreprises de moins de cinquante salariés pour le remplacement de leurs salariées parties en congé de maternité. Elle a regretté que son amendement, adopté par le Sénat, n'ait cependant pas pu, en raison du désaccord du Gouvernement, être définitivement retenu. Puis elle a interrogé le représentant des chambres d'agriculture sur la féminisation des métiers de l'agriculture.

M. Jean-Pierre Boisson , président de la chambre d'agriculture du Vaucluse, a tout d'abord évoqué la féminisation croissante de la profession d'exploitant agricole, depuis une dizaine d'années, en prenant l'exemple du vignoble de Châteauneuf-du-Pape, où s'installent aujourd'hui à parité femmes et hommes. Il a ensuite souligné que la féminisation était très importante, au-delà de 50 %, parmi les salariés des organisations professionnelles agricoles, en précisant qu'un certain nombre de femmes devenaient désormais directrices de chambres d'agriculture. En revanche, il a indiqué que les effectifs d'hommes demeuraient largement majoritaires parmi les salariés des exploitations agricoles, en expliquant cette situation par la pénibilité du travail, ainsi que les contraintes horaires. Il a toutefois observé que la présence des femmes était notable dans les activités de conditionnement des produits agricoles. Il a estimé que, dans les métiers agricoles où les femmes étaient présentes, l'égalité salariale était respectée.

Mme Christiane Kammermann a chaleureusement félicité Mmes Éveline Duhamel et Danielle Nicolas pour leurs parcours, avant de s'interroger sur les métiers de l'artisanat les plus prisés par les femmes et de demander des précisions sur le statut des différentes catégories de conjoints d'artisans impliqués dans la gestion de l'entreprise familiale. Évoquant ensuite l'orientation des femmes vers des professions traditionnellement masculines, elle a considéré que celle-ci ne se justifiait que si les intéressées y aspiraient vraiment.

M. Jean-Pierre Boisson a indiqué que la mécanisation agricole avait progressivement réduit le nombre de tâches qui ne sont pas accessibles aux femmes. Il a souligné que certaines femmes étaient attirées par le travail de la terre.

Soucieuse de combattre les stéréotypes de genre, Mme Danielle Nicolas a évoqué le cas concret de jeunes filles qui, dans le secteur de la carrosserie automobile, exercent avec succès leur talent d'artiste et de peintre. Elle a ensuite précisé que la coiffure, l'esthétique et plus généralement les services étaient les domaines de prédilection de l'artisanat féminin.

Observant que bien des enfants ne connaissent que les métiers de leurs parents, elle a souhaité que les conseillers d'orientation puissent leur ouvrir le plus tôt possible de nouvelles perspectives professionnelles. Prolongeant cette analyse, elle a préconisé de multiplier les rencontres entre les artisans et tous les personnels susceptibles d'éclairer les choix d'orientation des élèves. Déplorant les cas d'orientation « par défaut », elle a cité le cas concret d'un bon élève motivé par l'entrée dans la vie active comme électricien, mais dissuadé de suivre cette voie par les conseillers d'orientation et finalement conduit à se diriger vers la boucherie, après un échec de la poursuite de ses études dans l'enseignement général.

Puis Mme Danielle Nicolas a précisé que le statut de conjoint d'artisan ne s'adressait qu'à celui qui participe effectivement à l'entreprise artisanale, en souhaitant la prise en compte du partenaire pacsé au même titre que celle de l'époux. Elle a ensuite regretté une certaine carence de statistiques détaillées qui permettraient de suivre avec précision l'évolution de la place des femmes dans les différents secteurs de l'artisanat.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité que cette préoccupation soit relayée par la délégation sous forme de recommandation dans le cadre de son prochain rapport d'activité.

M. Jean-Guy Branger a estimé que la féminisation des exploitations agricoles dépendait largement de leur nature, de leur superficie et de leur activité. Sur la base de son expérience de terrain, il a confirmé la présence de femmes dans les exploitations laitières ou les exploitations mixtes qui produisent à la fois des céréales et du lait, avant de témoigner de la capacité des femmes à manipuler efficacement des moissonneuses-batteuses sur les exploitations céréalières.

M. Jean-Pierre Boisson a distingué de nouveau le cas des conjointes d'exploitants agricoles ou des femmes chefs d'exploitation, de plus en plus nombreuses, et celui des salariées agricoles, encore assez rares.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors interrogé une nouvelle fois les intervenants sur leur analyse des maillons faibles du dispositif d'orientation scolaire.

Mme Éveline Duhamel a évoqué les partenariats mis en place entre les professions artisanales et les rectorats pour faire découvrir les métiers aux élèves des classes de quatrième et troisième. Elle a cependant regretté la difficulté de trouver des entreprises volontaires pour organiser des visites et signalé les nouveaux obstacles auxquels sont confrontées les entreprises pour accueillir des élèves : soumises depuis plusieurs années à des prescriptions plus sévères en matière de sécurité, des entreprises du secteur de l'automobile ou de la verrerie, par exemple, ont dû cesser d'organiser des visites scolaires particulièrement intéressantes. Puis elle a déploré que les enseignants n'accompagnent pas toujours les enfants lors de ces visites et n'organisent pas systématiquement des séances de préparation en amont. Elle a souhaité la généralisation de l'option de découverte professionnelle en classe de troisième, aujourd'hui facultative, et le renforcement des initiatives existantes, comme les « Journées portes ouvertes » ou les « Nuits de l'orientation », compte tenu de leur succès. Elle a enfin cité la mise en place d'actions permettant aux professeurs d'effectuer, sur la base du volontariat, des stages de plusieurs jours en entreprise et souhaité le développement de ces pratiques.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que la délégation avait, à plusieurs reprises, bien perçu la nécessité de mieux former les maîtres à l'orientation, en les sensibilisant à la réalité de l'entreprise et aux perspectives de féminisation de certains secteurs.

Mme Danielle Nicolas a estimé qu'une « révolution culturelle » était en cours dans le monde du travail et pronostiqué qu'avec l'évolution des esprits, l'approche des métiers ne serait sans doute plus la même d'ici à quelques années. Elle a cependant regretté la persistance de fréquentes orientations « par défaut » vers l'artisanat et de fausses représentations des métiers de ce secteur, qui négligent notamment les transformations induites par les progrès technologiques. Puis elle a exhorté tous les acteurs de l'orientation à insuffler aux élèves, dès leur plus jeune âge, le goût de l'entrepreneuriat, synonyme d'un choix de liberté, en soulignant le caractère particulièrement gratifiant, pour les femmes, de la réussite à la tête d'une entreprise. Elle a d'ailleurs fait observer que la situation de chef d'entreprise permettait aux femmes de s'organiser plus facilement pour concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Mme Danielle Nicolas a enfin souligné que, de manière générale, l'artisanat ne se situait absolument pas dans une démarche de discrimination à l'égard des femmes et que le déficit actuel de main-d'oeuvre dans certains métiers imposait à ce secteur de rechercher et d'accueillir tous les talents et les compétences.

A la demande de Mme Gisèle Gautier, présidente , Mme Danielle Nicolas a précisé que les secteurs d'activité en tension de main-d'oeuvre étaient actuellement le bâtiment, le tourisme et la restauration, ainsi que les services.

M. Jean-Pierre Boisson a rappelé que les chambres d'agriculture ne menaient pas d'activités de formation scolaire, celle-ci s'effectuant essentiellement dans le cadre de lycées agricoles publics et privés et des Maisons Familiales Rurales. Il a ensuite évoqué la mise en place d'un réseau de « fermes éducatives » destinées à faire découvrir l'agriculture aux élèves, ainsi que les interventions des chambres d'agriculture dans les établissements d'enseignement pour présenter les métiers agricoles. Il a enfin signalé que le processus de modernisation des exploitations agricoles nécessitait un développement de la formation continue, et constaté un certain manque de moyens dans ce domaine.

Audition de Mme Nathalie Le Breton, présidente de l'Union nationale des associations « Retravailler », accompagnée de Mme Françoise Fillon, déléguée générale

(21 mai 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a évoqué le parcours professionnel des intervenantes. Puis elle a rappelé que la délégation s'attachait à cerner les solutions susceptibles de permettre de rééquilibrer les métiers du point de vue de l'égalité des femmes et des hommes, et qu'elle était particulièrement soucieuse d'améliorer les conditions de l'orientation au sein du système scolaire, afin de favoriser un tel rééquilibrage.

Mme Nathalie Le Breton a alors présenté l'association « Retravailler », en rappelant qu'elle avait été créée en 1974, à l'initiative de Mme Évelyne Sullerot, afin d'aider les femmes ayant interrompu leur vie professionnelle pour élever leurs enfants à se réinsérer dans le monde du travail. Elle a insisté sur la nécessité de redonner de l'estime de soi à ces femmes parfois confrontées à un univers masculin réticent. Aujourd'hui, a-t-elle précisé, l'association, qui a évolué, s'adresse aussi bien aux femmes qu'aux hommes et s'attache à faire progresser la mixité des métiers, qui a généralement des incidences positives sur l'évolution des conditions de travail. A cet égard, elle a cité des professions dans lesquelles la mixité a progressé, en indiquant, par exemple, que l'arrivée des femmes avait contribué à favoriser la diminution de la pénibilité physique du métier de facteur.

Mme Nathalie Le Breton a indiqué que l'association comptait 450 salariés répartis sur l'ensemble du territoire, dans près d'une centaine d'antennes départementales. Elle a ensuite évoqué l'axe fondamental de l'action de l'association, qui est de promouvoir l'orientation professionnelle continue et la formation professionnelle tout au long de la vie, en faisant observer que « l'égalité professionnelle ne se décrète pas » et en soulignant, compte tenu de la prégnance des stéréotypes, la nécessité de continuer à agir pour désenclaver les bastions professionnels masculins ou féminins.

Puis, présentant les moyens d'action de l'association, elle a insisté sur l'efficacité de la démarche qui consiste à amener les femmes au contact des métiers réputés masculins, comme ceux du bâtiment et des travaux publics (BTP), pour leur faire prendre conscience de l'inadéquation des images stéréotypées qu'elles y rattachent. Pour illustrer son propos, elle a notamment précisé qu'on recensait aujourd'hui 75 % de femmes dans les métiers de la verrerie, secteur autrefois considéré comme masculin, car cette filière avait travaillé sur son image et su accueillir des femmes.

Dans le souci de permettre aux femmes de faire valoir leurs compétences dans leur vie professionnelle, Mme Nathalie Le Breton a présenté comme une solution à courte vue la technique du « placement » qui consisterait, par exemple, à imposer un emploi de caissière à une femme titulaire d'un diplôme de niveau Bac + 3. Elle s'est, en outre, demandé si de telles pratiques n'étaient pas de nature à créer de graves désillusions.

Mme Françoise Fillon a, pour sa part, estimé que l'association « Retravailler » était en danger, en s'inquiétant de la diminution de ses moyens financiers, et notamment de ceux provenant de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Elle a regretté, elle aussi, que l'on passe aujourd'hui d'une « logique d'orientation » à une « logique de placement ».

Après s'être félicitée de la contribution de l'association à la généralisation du travail des femmes, elle a déploré que la France, malgré une forte participation des femmes à la vie professionnelle, reste « loin du compte » du point de vue de l'égalité professionnelle, avec un différentiel salarial qui demeure de l'ordre de 25 %.

Puis elle a analysé les caractéristiques de « l'enclavement du travail des femmes », en distinguant une double discrimination, à la fois verticale, qui se manifeste par l'existence d'un « plafond de verre », et horizontale, dont témoigne le fait que 70 % des femmes qui travaillent demeurent concentrées dans six groupes de professions sur vingt-sept. Précisant que la discrimination verticale était en voie de légère diminution, mais que l'enclavement des femmes dans les métiers les moins bien rémunérés tendait plutôt à s'aggraver, elle a souligné que le parti pris de la mixité professionnelle était l'un des socles de la philosophie de l'association « Retravailler ».

Elle a alors évoqué l'origine des stéréotypes professionnels, en faisant observer que l'orientation des femmes vers les métiers de l'éducation, du secteur social ou de la santé pouvait s'analyser comme le prolongement, dans la sphère marchande, du rôle joué par la mère dans la sphère privée. Elle a jugé essentiel de « casser cette césure » qui fait dériver la ségrégation professionnelle du partage des rôles familiaux, en estimant qu'à l'appui de cette démarche, l'argument économique, tiré de l'augmentation des besoins de main-d'oeuvre dans certains secteurs traditionnellement « masculins », aurait sans doute plus de poids que le rappel des enjeux démocratiques et de justice sociale.

Puis elle a indiqué que l'association considérait comme « stratégique » de placer au premier rang de ses priorités l'orientation professionnelle des femmes en situation de crise, qui ont perdu leur emploi, et qui, bien souvent isolées en raison des séparations de plus en plus fréquentes des couples, sont contraintes, par le « principe de réalité », de se diriger vers des métiers en tension « estampillés masculins ».

Elle a regretté que, plus en amont, à l'adolescence, au moment des choix d'orientation, les filles aient tendance à « mélanger identité sexuelle et identité sexuée » et se dirigent massivement vers les métiers connotés comme féminins, du secteur social en particulier, qui leur paraissent susceptibles de permettre une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente , Mme Françoise Fillon a précisé que le phénomène de ségrégation horizontale du travail féminin se manifestait, contrairement aux idées reçues, de manière comparable en France et dans les pays du Nord de l'Europe.

Puis, évoquant les moyens d'action de l'association, elle a insisté sur l'importance d'une information approfondie sur les métiers et de la promotion des compétences des femmes auprès des entreprises, grâce à l'établissement par ces dernières de « référentiels de compétences » clairs. Elle a également présenté comme essentielle la féminisation des noms de métiers, qui aide les femmes à se projeter sur des activités jusqu'alors sémantiquement masculines.

Par ailleurs, afin de combattre les fausses représentations, Mme Françoise Fillon s'est appuyée sur l'analyse des trois stéréotypes qui se dégagent des différentes études conduites à travers l'Europe et tendent à empêcher la mixité des métiers : la pénibilité physique, la moindre disponibilité des femmes et la notion de « compétences différenciées ». Elle a démontré que ces trois stéréotypes ne résistaient pas à un examen réaliste.

S'agissant tout d'abord de la pénibilité physique, elle a pris l'exemple du métier d'infirmière, qui est particulièrement pénible, et a souligné que les progrès de l'ergonomie permettent désormais un accès égalitaire des femmes et des hommes dans la plupart des métiers, comme en témoigne le secteur du bâtiment.

Constatant ensuite que la créativité professionnelle est toujours meilleure dans les « collectifs de travail » mixtes, elle a rappelé, en ce qui concerne l'argument de la moindre disponibilité, d'une part, qu'il existait un certain nombre de femmes sans enfant, qui vivaient mal de ne pas être dans la « normalité » représentée par la maternité : jeunes, elles n'accèdent que rarement aux postes de responsabilité, car leurs employeurs appréhendent une éventuelle maternité ultérieure et, à partir de 40 ans, elles sont parfois bloquées dans leur carrière, en étant considérées comme des « personnalités potentiellement dangereuses », car suspectées de ne pas être équilibrées. D'autre part, toujours au sujet du problème de la disponibilité, elle a estimé qu'il fallait raisonner en termes de « parentalité », et non de maternité, en favorisant l'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants. A cet égard, prenant l'exemple du congé parental, elle a constaté que si la loi avait évolué, il n'en était pas de même des us et coutumes.

Enfin, elle a estimé que la notion de compétences différenciées ne s'observait pas chez les enfants : c'est à l'adolescence que peuvent apparaître des différences, en particulier en matière d'orientation spatiale, ce clivage sexué des compétences relevant, selon elle, de freins culturels. L'enjeu majeur, a-t-elle rappelé, est de « casser » ces représentations, ce qui implique le lancement de vastes chantiers d'action sur les stéréotypes que diffusent les parents, ainsi que les enseignants, et des interventions massives en matière de formation et de sensibilisation de tous les acteurs de l'orientation.

Mme Françoise Fillon a jugé essentiel de mettre les femmes « en situation » professionnelle, pour leur démontrer par l'expérience qu'elles ont les compétences requises pour exercer avec succès des métiers qui leur paraissaient, a priori , inaccessibles. Elle a cité, à cet égard, des expériences qui, grâce à un partenariat entre différents acteurs de l'insertion professionnelle comme l'AFPA ou les chambres consulaires, ont permis d'insérer des femmes dans l'agriculture, l'artisanat ou le bâtiment, par exemple, et des hommes dans le secteur des services à la personne. Elle a cependant déploré une certaine « réticence machiste » qui se manifeste parfois du côté du petit artisanat et freine la reprise d'activité par des femmes.

Mme Nathalie Le Breton a alors évoqué la « double entrave » que constituent, pour les femmes, les soins apportés aux enfants, jusqu'à 45 ans, et ceux apportés aux parents âgés, à partir de 55 ans. Elle a affirmé la nécessité d'un meilleur accompagnement des femmes au cours de ces périodes de leur vie, pour éviter le risque que celles-ci ne doivent faire face à des situations de grande précarité et de solitude en fin de carrière.

Mme Gisèle Gautier, présidente , rejoignant ces propos, a jugé la situation des femmes « seniors » particulièrement préoccupante. Elle s'est ensuite demandé pourquoi, lorsqu'un métier se féminisait, sa rémunération avait tendance à décliner et les hommes à s'en détourner. S'agissant de la féminisation des noms de métier, elle a confié qu'elle avait elle-même autrefois pu considérer comme dévalorisant le terme de « sénatrice », mais qu'elle était désormais très favorable à son utilisation.

Mme Françoise Fillon lui a répondu en qualifiant l'enjeu linguistique d'« essentiel », et en estimant que la sémantique, qui contribue à structurer les représentations, était un révélateur des résistances à la féminisation des métiers. Affirmant que « l'égalité a sa langue à construire », elle a fait observer que « féminiser l'emploi » signifiait littéralement donner une dimension féminine à un métier, ce qui l'amenait à préférer l'emploi d'une expression comme « augmentation du nombre de femmes dans une profession ».

Elle a confirmé que la présence féminine avait pour conséquence de faire évoluer les conditions d'exercice d'une profession, en prenant l'exemple des chauffeurs d'autobus. Symétriquement, elle a estimé que le travail des hommes dans les maternités ou les crèches était souhaitable et qu'il avait le mérite de « réintroduire le père » dans ces structures.

Estimant contre-productif de « rallumer la guerre des sexes », elle a fait référence aux travaux de Françoise Héritier, anthropologue, qui démontrent, dans toutes les cultures, la prévalence du masculin sur le féminin, ce qui peut s'expliquer, à l'origine, par la volonté des hommes de garder leur pouvoir sur leur progéniture, par un phénomène psychologique de compensation de leur incapacité à donner la vie. Rappelant enfin que les femmes étaient aujourd'hui en moyenne plus diplômées et plus qualifiées que les hommes, elle a toutefois jugé opportun d'utiliser cet argument avec discrétion.

Mme Christiane Hummel a demandé aux intervenantes des précisions sur les moyens, les modalités d'action et les partenaires de l'association.

Mme Françoise Fillon a précisé que l'association recevait 25 000 personnes par an, dont 70 % de femmes, pour la plupart en recherche d'emploi, et qu'elle travaillait avec des partenaires tels que l'ANPE, les conseils régionaux ou les conseils généraux. Elle a également indiqué que l'ANPE adressait à l'association « Retravailler » des personnes « en rupture d'emploi ».

Mme Christiane Hummel a constaté qu'elle n'avait eu connaissance, dans son département, de l'existence de l'association « Retravailler », ni par le biais de l'ANPE, ni par celui de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), alors qu'en tant que maire, elle s'impliquait très souvent dans les parcours de femmes souhaitant retravailler.

Mme Françoise Fillon a saisi cette occasion pour souhaiter que l'ANPE puisse améliorer son partenariat avec l'association « Retravailler ». S'agissant des autres partenaires de l'association, elle a évoqué le rôle des conseils régionaux, au titre de l'information ou de l'orientation, et des conseils généraux, en ce qui concerne les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI).

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné l'intérêt des déplacements de terrain de la délégation, en évoquant le déplacement récent en région nantaise, qui avait permis de voir sur le terrain des expériences réussies d'insertion professionnelle de femmes dans des métiers traditionnellement masculins, menées notamment par l'AFPA.

Mme Françoise Fillon a indiqué que l'association « Retravailler » avait mis en place un programme de sensibilisation des formateurs de l'AFPA sur la question de la mixité des métiers, cet organisme ayant souhaité s'engager sur la voie de l'égalité.

Mme Nathalie Le Breton s'est inquiétée de la diminution des moyens accordés par l'ANPE à l'association « Retravailler » qui s'efforce, aujourd'hui, de rechercher de nouveaux marchés auprès des entreprises.

Mme Christiane Hummel a souligné le rôle essentiel des maires dans le partenariat permettant de venir en aide aux personnes à la recherche d'un emploi.

Puis, interrogée par Mme Gisèle Gautier, présidente , sur la politique de communication de l'association, Mme Nathalie Le Breton a mentionné le site Internet, avec le portail « Femmes-Emploi », et sa présence dans divers salons. Mme Françoise Fillon a précisé que le portail « Femmes-Emploi » connaissait un succès inattendu et s'efforçait aujourd'hui de proposer un « coaching en ligne ». Mme Nathalie Le Breton a également évoqué l'action menée au niveau européen.

A Mme Gisèle Gautier, présidente , qui s'est demandé concrètement comment parvenir à transformer les mentalités, Mme Françoise Fillon a fait observer qu'il ne fallait pas toujours compter sur les femmes ayant réussi pour faciliter le parcours des autres, en regrettant qu'à partir d'un certain niveau de réussite, les femmes n'aient souvent plus véritablement conscience de la situation dans laquelle se trouvent une grande majorité de leurs semblables.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté la sous-représentation des femmes dans toutes les instances de décision de la vie économique, sociale, syndicale et culturelle.

Rejoignant ce propos, Mme Françoise Fillon a souhaité une mobilisation culturelle pour faire évoluer les représentations, en constatant que les actions mises en place sur ce sujet ne réunissaient, la plupart du temps, que des « publics convenus » et que la prise de conscience de ce problème n'était pas suffisamment démocratisée. Elle a, par ailleurs, préconisé que l'égalité entre les hommes et les femmes soit intégrée dans les programmes d'instruction civique. Enfin, elle a évoqué l'existence d'outils pédagogiques remettant en cause les stéréotypes, qui peuvent être utilisés en milieu scolaire, Mme Christiane Hummel déplorant cependant que ces outils ne soient pas suffisamment connus.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est néanmoins félicitée de l'amélioration, parmi les nouvelles générations de femmes, de la capacité à prendre la parole et à oser bousculer les habitudes.

Acquiescant à ce propos, Mme Nathalie Le Breton a souligné la nécessité d'assurer la visibilité des femmes qui ont réussi et de soutenir les femmes simultanément dans tous les domaines, en indiquant, par exemple, qu'une femme dévalorisée dans son milieu familial risquait d'en subir le contrecoup dans sa vie professionnelle.

ANNEXE 2 : COMPTE RENDU DU DÉPLACEMENT EN LOIRE-ATLANTIQUE

Compte rendu du déplacement en Loire-Atlantique

Jeudi 3 avril 2008

Participantes : Mmes Gisèle Gautier, présidente, Yolande Boyer, Christiane Kammermann et Anne-Marie Payet.

Dans la matinée , les membres de la délégation ont participé à une réunion de travail dans les locaux de l' Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) , à l'occasion de laquelle elles ont pu rencontrer des jeunes femmes bénéficiaires d'une formation organisée par l'AFPA.

En préambule, M. Michel Messina, directeur, a souligné que la présence des femmes avait beaucoup progressé dans les secteurs du bâtiment et de l'industrie, même si des difficultés subsistaient pour l'insertion professionnelle des femmes dans ces secteurs. Il a fait observer que certaines branches, comme le bâtiment, avaient fait des efforts pour améliorer les conditions de travail et les salaires, et réduire la pénibilité. D'une manière générale, il a regretté que les métiers manuels soient souvent méconnus et n'aient pas toujours une bonne image.

Mme Laurence Bichon, représentante de l'AFPA, a présenté les différentes actions menées par l'AFPA en faveur de l'élaboration de projets professionnels grâce à des « formations découverte », puis de la mise en oeuvre de ces projets grâce à des « formations qualifiantes », notamment dans les métiers du bâtiment, mais aussi en tournage, fraisage, soudure...

Elle a précisé que l'AFPA préparait les jeunes femmes à affronter des chefs d'entreprise parfois encore étonnés de voir des femmes s'orienter vers des métiers masculins 34 ( * ) et souhaitant être rassurés quant à leur disponibilité. Elle a évoqué l'exemple d'une jeune femme qui, dans un premier temps, avait été orientée vers un métier d'éducatrice de jeunes enfants, alors qu'elle voulait faire de la mécanique auto, et qui avait réussi à s'insérer dans ce secteur après une formation à l'AFPA et deux stages de courte durée dans des garages.

Relevant que pour la plupart, les jeunes femmes trouvaient des emplois dans les entreprises où elles avaient fait un stage précédemment, le directeur a estimé qu'il fallait parvenir à susciter un « déclic » chez les entreprises pour leur permettre de surmonter leurs réticences.

Évoquant les « jeudis de l'AFPA » (journées de découverte des métiers de l'industrie et du bâtiment), il a souhaité que de telles initiatives soient multipliées pour montrer concrètement le quotidien de la pratique des métiers.

Il a souligné la nécessité d'un « chaînage » avec les différents intervenants, afin de relayer les campagnes d'information nationales par des actions sur le terrain, au plus près des bassins d'emploi. En outre, il a regretté que les conseillers d'orientation-psychologues n'aient pas forcément conscience de l'ouverture des métiers de l'industrie et du bâtiment aux femmes et risquent, de ce fait, de les décourager.

Puis il a présenté les actions de validation des acquis de l'expérience (VAE), en insistant sur leur intérêt et en déplorant que ces procédures soient encore peu utilisées.

Mme Cécile Ajello a précisé que le dispositif de VAE avait été mis en place en 2002, sur le fondement de la loi de modernisation sociale et d'une directive européenne sur la formation tout au long de la vie. Ouvert à tous ceux qui justifient d'au moins trois ans d'expérience professionnelle, ce dispositif permet d'obtenir une qualification sans retourner en formation.

Plusieurs jeunes femmes présentes ont témoigné avec satisfaction de leur réorientation vers des métiers manuels (menuiserie, logistique, bâtiment, peinture, carrelage...), grâce à des formations délivrées par l'AFPA, après une première expérience professionnelle dans des métiers très différents (hôtesse de caisse, vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter, responsable d'une agence de publicité...). Une femme d'une cinquantaine d'années, ancienne fleuriste, puis employée dans le secteur du prêt-à-porter et ensuite licenciée, a expliqué que la VAE lui avait permis de « rebondir » professionnellement et d'obtenir un titre de niveau « Bac + 2 ».

En réponse aux questions des sénatrices, les jeunes femmes en formation ont apporté les précisions suivantes :

- les contraintes de pénibilité physique peuvent généralement être surmontées, notamment grâce à des formations « gestes et postures », même si certains métiers, comme la maçonnerie, restent difficiles d'accès pour les femmes ;

- les femmes sont souvent confrontées à des réticences de leurs collègues au début et doivent affronter de « petits bizutages », mais sont finalement appréciées pour leur travail soigné et minutieux ;

- il existe parfois aussi des réticences à accueillir des hommes dans des professions où les femmes sont majoritaires, comme par exemple le personnel d'une maison de retraite ;

- les salaires sont « en principe » identiques à niveau de qualification égal ;

- les femmes qui s'engagent dans des métiers dits masculins ne le font pas « par défaut », mais avec une vraie détermination et sans perdre pour autant leur féminité ;

- l'ANPE n'est pas du tout ouverte aux demandes de changement de métier et renvoie systématiquement des offres correspondant au métier précédemment occupé ;

- les conseillers d'orientation-psychologues ne connaissent pas concrètement les métiers ; les forums de découverte des métiers sont bien plus utiles car ils permettent de rencontrer des professionnels.

En conclusion, M. Michel Messina, directeur, a souhaité que la politique d'orientation soit « territorialisée » pour s'adapter au plus près des besoins des bassins d'emploi à moyen terme, soulignant que la mise en place d'un atelier technique pour organiser une formation nécessitait à la fois des délais et un investissement importants 35 ( * ) . Il a évoqué la difficulté de trouver des formateurs suffisamment expérimentés et l'intérêt de recourir à des formateurs seniors. Il a jugé préférable d'utiliser les dispositifs juridiques de formation existants, plutôt que d'en créer de nouveaux. Enfin, il s'est déclaré favorable à une plus grande diversification des choix et des parcours professionnels.

A l'issue de cette présentation des actions de l'AFPA, Mme Marie-Laure Nault, conseillère emploi du Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) de Nantes, a présenté les actions menées par le CIDFF en faveur de l'orientation et de l'insertion professionnelle des femmes.

Elle a tout d'abord rappelé que le CIDFF était un lieu d'accueil et d'information, information gratuite et confidentielle, sur les droits, pour tout public et en particulier les femmes. Les CIDFF ayant une mission d'intérêt général confiée par l'État, leur objectif est de favoriser l'autonomie sociale, professionnelle et personnelle des femmes, et l'égalité entre les hommes et les femmes. L'élargissement des choix professionnels constitue l'un des moyens de favoriser l'insertion professionnelle des femmes.

Elle a précisé que le Bureau d'accompagnement individualisé vers l'emploi (BAIE) permettait d'apporter aux femmes, par un suivi personnalisé, une aide dans les étapes successives de leur recherche d'emploi :

- d'une part, le BAIE assure un accompagnement individuel des femmes dans leur orientation et leur insertion dans des métiers où elles sont traditionnellement peu représentées ;

- d'autre part, des actions collectives sont menées par le BAIE, notamment en partenariat avec la déléguée aux droits des femmes et à la parentalité de la mairie de Saint-Herblain, et des organismes de formation comme l'AFPA ou l'ICAM : constitution de groupes de femmes qui souhaitent diversifier leurs choix professionnels (« Femmes vers des horizons nouveaux »), avec un travail de bilan sur les représentations des rôle et place des femmes dans la vie familiale et professionnelle, et des visites en entreprise ; organisation d'ateliers collectifs pour soutenir la démarche d'insertion professionnelle des femmes (connaissance du marché de l'emploi , élargissement des choix...).

La diversification des choix professionnels, au-delà de la quinzaine de métiers vers lesquels les femmes s'orientent massivement, constitue, selon Mme Marie-Laure Nault, un outil majeur pour l'insertion professionnelle, mais pas une réponse automatique aux besoins de main-d'oeuvre recensés sur le marché de l'emploi. Il faut en effet confronter la motivation et le projet professionnel de l'individu avec les débouchés réels du marché du travail ; par exemple, le travail à temps partiel n'est pas possible dans le secteur du bâtiment, mais en revanche peut être offert dans le secteur des transports.

Mme Marie-Laure Nault a précisé que le CIDFF intervenait aussi auprès de groupes de femmes en formation, ainsi qu'auprès des scolaires et des professionnels de l'orientation, de la formation et de l'insertion.

Selon Mme Marie-Laure Nault, les interventions effectuées par le CIDFF en milieu scolaire, en classes de cinquième, quatrième et troisième, dans des zones urbaines ou rurales, sur le thème de la mixité des métiers, font apparaître les constats suivants :

- le clivage entre les filles et les garçons au niveau des idées d'orientation est bien marqué (pour les garçons, métiers manuels ou techniques : automobile, transports, informatique, sécurité, sciences, agriculture ; pour les filles : soins aux enfants, soins esthétiques...) ;

- les filles se positionnent sur un nombre plus limité de métiers que les garçons et délaissent totalement les métiers techniques ou scientifiques ;

- les métiers cités par les enfants sont des métiers « visibles », connus d'eux, car présents dans leur environnement familial ou dans les services de proximité, ou bien très médiatisés ;

- la diversification se révèle être plus difficile dans les milieux défavorisés et, en milieu rural, se heurte à des réticences à la mobilité de la part des jeunes et de leurs familles, notamment pour des raisons financières (coût des études, du logement...) ;

- les élèves semblent avoir intégré les principes de l'égalité entre les sexes et de la mixité des métiers, mais ont tendance à projeter sur l'autre sexe des métiers stéréotypés, les filles projetant sur les garçons des métiers plus prestigieux que ceux projetés par les garçons sur elles.

Par ailleurs, Mme Marie-Laure Nault a insisté sur la nécessité de relayer les actions en faveur de l'élargissement des choix professionnels auprès des professionnels de l'orientation, de la formation et de l'insertion.

Le CIDFF organise ainsi chaque année des actions de formation d'une durée d'une semaine environ à l'intention des acteurs de l'orientation, de la formation et de l'insertion professionnelle, afin de les faire réfléchir sur les rôle et place respectifs des femmes et des hommes, et de les préparer à accompagner et à encourager l'élargissement des choix professionnels.

Enfin, Mme Marie-Laure Nault a indiqué que le CIDFF était partenaire de l'Espace Simone de Beauvoir, association menant des actions pour la défense et la promotion des droits des femmes dans les domaines économique, social, culturel et politique. A ce titre, le CIDFF est représenté au jury du « prix Marguerite Thibert » décerné chaque année par l'Espace Simone de Beauvoir à l'occasion de la Journée internationale de la femme, qui récompense des projets professionnels non traditionnellement féminins. Ce prix permet de sensibiliser le public en faisant connaître des parcours d'orientation différents, atypiques et originaux et d'encourager de tels projets, tout en interpellant sur les difficultés et obstacles rencontrés par les jeunes filles et les femmes.

Selon Mme Marie-Laure Nault, les difficultés les plus fréquemment rencontrées par les intéressées sont les suivantes :

- trouver des patrons qui acceptent de prendre des femmes en stage, ainsi que parfois, trouver un lieu de formation ;

- se faire accepter par des collègues ou élèves masculins, et être confrontées aux préjugés à l'égard de la présence des femmes dans ces filières ;

- avoir un soutien de l'entourage pour la garde des enfants et l'organisation familiale ;

- affronter des remarques sexistes de la part de formateurs ou de professeurs.

Dans l'après-midi , les membres de la délégation se sont rendues dans les locaux de l' Institut catholique d'arts et métiers de Nantes (ICAM) , où elles ont pu assister à une présentation des actions de formation continue menées par l'ICAM en faveur de l'orientation et de l'insertion professionnelle des femmes, et rencontrer des jeunes filles et jeunes gens en formation dans cet établissement.

M. Jean-Louis Bigotte, directeur, a tout d'abord rappelé que l'ICAM était une école de formation d'ingénieurs « arts et métiers », créée à Lille en 1898, un deuxième site ayant été créé à Nantes en 1988 et un troisième à Toulouse en 1993. Cette école, ouverte aux femmes depuis 1974, accueille désormais 10 à 30 % de femmes au sein de promotions d'une centaine d'élèves ingénieurs chaque année. Elle dispense une formation d'ingénieur appréciée en management d'équipes de production et comprend également un département de formation continue, une collaboration étant organisée entre les élèves ingénieurs et les stagiaires en formation continue, notamment dans le cadre des ateliers.

Dressant un tableau des actions menées par l'ICAM en matière d'orientation et de formation professionnelles, Mme Martine Lavie, adjointe au directeur, a ensuite évoqué le « Booster », outil de présentation ludique des métiers industriels à l'intention des jeunes, conçu par l'ICAM et financé par des crédits du Fonds social européen : installé dans un camion itinérant qui parcourt toute la France, le « Booster » prend la forme d'un jeu vidéo mettant en scène l'histoire d'un « challenge » dans le milieu industriel.

Par ailleurs, elle a présenté les « matinées découverte », le mercredi, et les « journées découverte » le vendredi, organisées par l'ICAM pour faire découvrir le milieu industriel à des personnes en réflexion sur leur orientation : au cours de ces journées, peuvent être visités des ateliers de soudure, fraisage, électricité...

Elle a estimé que ce n'était pas la représentation des métiers qui était importante, mais son ressenti, insistant sur la nécessité de se sentir en équilibre dans son projet professionnel.

En réponse à la question d'une sénatrice, le directeur a évoqué les dispositifs de formation en alternance organisés en partenariat avec certains pays d'Afrique centrale, et a insisté sur le souci de favoriser la plus grande mixité possible entre les élèves ingénieurs et les stagiaires de la formation continue, notamment à travers des rencontres sur des thèmes d'actualité.

Il a en outre indiqué qu'environ 70 % des stagiaires trouvaient un emploi en sortie de qualification, l'insertion professionnelle passant généralement d'abord par l'intérim, puis par un CDD et un CDI.

Les jeunes femmes stagiaires présentes, en formation de chaudronnerie et de soudure, ou en réflexion sur le choix d'une qualification professionnelle, ont été appelées à apporter leurs témoignages sur le thème de l'orientation des femmes vers des métiers industriels.

Plusieurs jeunes femmes en formation de chaudronnerie ont fait part de leur satisfaction de devenir « chaudronnières », après des premières expériences professionnelles variées et plus ou moins réussies dans des secteurs très différents, ou des successions de « petits boulots ». Les actions d'information menées par l'ICAM dans le cadre des « journées découverte » leur ont permis de découvrir ce métier de travail sur le métal pour lequel elles sont très motivées, même si elles considèrent qu'elles ont « plus à prouver » que les garçons et se heurtent parfois à des réticences de leur entourage et, en particulier, de leur conjoint.

Ces jeunes femmes font partie d'un groupe en formation de chaudronnerie comprenant 8 filles et 7 garçons, ce qui semble tout de même assez exceptionnel au niveau de la présence féminine dans ce type de formation.

Interrogées par les sénatrices sur leur perception du système d'orientation, elles ont souligné l'inadaptation d'un système qui oriente « par défaut » les filles en difficultés scolaires vers des formations de secrétariat ou de comptabilité, ou vers des BEP jugés peu intéressants (BEP de couture, par exemple), et qui ne permet pas de découvrir concrètement les métiers.

Elles ont également déploré l'insuffisance, voire l'inexistence, de l'information et du suivi apportés par l'ANPE.

Par ailleurs, d'autres problèmes ont été évoqués comme celui de l'absence de reconnaissance des diplômes étrangers, contraignant une stagiaire à devoir repasser un CAP alors qu'elle est pourtant titulaire d'un diplôme d'un niveau bien supérieur, ou celui des inégalités du niveau de rémunération des stagiaires selon leur statut 36 ( * ) .

A l'issue de cet échange de vues, les sénatrices membres de la délégation ont pu visiter le camion abritant le « Booster », ainsi que des ateliers utilisés pour la formation continue.

Enfin, les sénatrices se sont rendues à la Maison de l'orientation et de l'emploi (MOE) de Carquefou, où Mmes Catherine Lecomte, responsable, Isabelle Gouret, conseillère orientation et emploi, et Françoise Guillaume, conseillère emploi, ont présenté les actions menées par la MOE en faveur de l'orientation et de l'insertion professionnelles des femmes.

Mme Catherine Lecomte a rappelé que la Maison de l'orientation et de l'emploi avait été créée en 1990 à l'initiative de Mme Gisèle Gautier, alors maire de Carquefou, qui avait tenu à ce que cette structure municipale au service des habitants de la commune soit baptisée « Maison de l' orientation et de l'emploi », et non pas seulement « Maison de l'emploi », comme ailleurs.

Service de proximité connu du public et des entreprises, la MOE est aussi un lieu d'échange et d'écoute, et donc de lien social. Elle emploie cinq agents (4 équivalents temps plein) : une responsable et conseillère emploi et entreprises, une chargée d'accueil et de gestion des offres et trois conseillères en orientation et en emploi.

A Carquefou, 56,96 % des demandeurs d'emploi sont des femmes (contre 49,38 % seulement dans l'agglomération nantaise). En mars 2008, 545 personnes étaient inscrites à la MOE (demandeurs d'emploi, scolaires ou salariés), dont 66 % de femmes et 36 % de moins de 26 ans.

Les services offerts en matière d'emploi sont les suivants :

- accompagnement individuel par une même personne référente ;

- positionnement sur des offres d'emploi ;

- ateliers de dynamisation animés par des bénévoles (chefs d'entreprise ou cadres) offrant des rencontres hebdomadaires sur des thèmes tels que les techniques de recherche d'emploi, la gestion du stress, l'image de soi ;

- ateliers de soutien pédagogique, également animés par des bénévoles (notamment issus du monde de l'enseignement), répondant à des demandes particulières telles que l'apprentissage d'une langue ;

- club de recherche d'emploi permettant de bénéficier de l'effet induit de la prospection en groupe.

En matière d'emploi, l'accompagnement individualisé à la recherche d'emploi comprend un soutien dans la démarche de recherche, une aide à la rédaction des CV et lettres de motivation, une préparation à l'entretien d'embauche, une aide à l'utilisation de sites Internet liés à l'emploi et au positionnement sur des offres d'emploi, ainsi qu'à la recherche de formations.

Cet accompagnement individualisé s'adresse notamment à des femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants et doivent reconstituer leurs compétences professionnelles en suivant des formations ; pour ces femmes, les actions en faveur du « maintien de l'employabilité » sont très importantes.

Les services offerts en matière d'orientation sont les suivants :

- accompagnement individuel des jeunes et des adultes, du collégien au salarié, en passant par les femmes en congé parental ou qui souhaitent retravailler, adapté à la situation de chacun ;

- élaboration de projets à partir de « bilans des intérêts » par le biais d'entretiens individuels, passations de tests, utilisation de logiciels spécifiques... ;

- recherche de formation ;

- mise à disposition d'outils et de documentation.

A la différence de l'orientation effectuée par les conseillers d'orientation-psychologues, qui font partie du système scolaire et se basent donc sur les résultats scolaires, cette orientation se fonde sur le bilan des intérêts des demandeurs, et n'aborde donc les résultats scolaires que dans un deuxième temps. Elle s'inscrit dans la durée, avec une succession de 5, 6, 7 ou 8 rendez-vous pour un même élève.

En outre, depuis 1996, la MOE met en oeuvre chaque année l'action « A la découverte des métiers », forum d'information d'une demi-journée à l'intention des élèves de classes de quatrième et troisième, permettant la découverte des différents métiers et secteurs d'activité ainsi que des échanges avec des professionnels sur la réalité des métiers. En 2008, ce forum a rassemblé 70 professionnels et 400 visiteurs dont 200 jeunes. Lors d'une année antérieure, l'accent avait été mis sur la parité : un binôme composé d'un homme et d'une femme avait ainsi représenté chaque métier.

Enfin, depuis 1998, la MOE organise chaque année l'action « Rendez-vous vers l'emploi », manifestation annuelle d'ampleur régionale qui réunit en un même lieu des représentants des entreprises, des agences de travail temporaire, des structures d'accompagnement et des centres de formation présentant des métiers porteurs, ainsi qu'une bourse de l'emploi et des conférences, sur une centaine de stands. 2000 visiteurs s'y rendent chaque année et 150 à 200 « solutions d'emploi » y sont trouvées.

Dans le cadre de ce « Rendez-vous pour l'emploi », des actions spécifiques ont été menées à deux reprises en faveur des femmes et ont soulevé un grand intérêt :

- en 2002, un car avait été installé pour faire découvrir aux femmes les métiers de l'industrie, du bâtiment, de la plasturgie... ;

- en février 2007, a été mise en oeuvre une semaine de recrutement au féminin, concernant des secteurs tels que les transports, la grande distribution ou la banque.

* 1 Assemblée nationale, n° 571, XIII e législature.

* 2 Rapport d'information n° 95 (2006-2007) : « Une étape nouvelle pour la parité ».

* 3 Adopté par l'Assemblée nationale le 25 mars 2008 (Sénat, n° 241, 2007-2008)

* 4 Rapport d'information n° 252 (2007-2008) : « Lutte contre les discriminations ».

* 5 Mmes Christiane Kammermann, Elisabeth Lamure, Anne-Marie Payet, Isabelle Debré, Brigitte Bout, M. Alain Gournac, Mmes Catherine Procaccia, Sylvie Desmarescaux et Esther Sittler.

* 6 Qui avait remplacé le Sénat sous la IV e République.

* 7 Rapport d'information n° 375 (2006-2007), juillet 2007

* 8 Données sociales 2006- La société française - collectif INSEE.

* 9 Cf. infra II - A -2 - a)

* 10 Education at a glance - OCDE 2005 - Regards sur l'éducation, synthèse annuelle des données et analyses de l'OCDE dans le domaine de l'éducation 2007.

* 11 Daune-Richard A.-M., 2001, Hommes et femmes devant le marché de l'emploi, in La Dialectique des rapports hommes-femmes, Paris, PUF

* 12 « Égalité des chances entre filles et garçons dans le système éducatif : de quoi parle-t-on ? »

* 13 Cf. infra II - A - 1

* 14 Quatrième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion social - Paris - La Documentation française, 2006, 164 p.

* 15 C'est-à-dire ayant un revenu en-dessous du seuil de pauvreté, défini comme 60 % du revenu médian.

* 16 Mme Marie Duru-Bellat, 1990, « L'École des filles. Quelle formation, pour quels rôles sociaux? » Paris, L'Harmattan

* 17 400 offres d'emplois parues entre mars et juillet 2007.

* 18 Bulletin du 4 avril 2006.

* 19 Source : Conseil national de l'Ordre des médecins.

* 20 Rapport annuel Fonction publique - Faits et chiffres 2006-2007, p. 130 et suivantes.

* 21 Rapport d'information n° 345 (2001-2002) de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des Lois

* 22 Cette proportion est plus élevée encore dans l'enseignement privé : 73,7 %..

* 23 André Rauch « Le premier sexe - Mutations et crise de l'identité masculine ».

* 24 Rapport d'information n° 441 (2006-2007) fait par M. Yannick Bodin, au nom de la commission des Affaires culturelles et de la mission d'information, présidée par M. Jacques Legendre, portant sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles.

* 25 Les filles représentent :

- 25 % des effectifs des sections maths physique/sciences de l'ingénieur (MPSI) ;

- 29 % des effectifs des sections physique-chimie/sciences de l'ingénieur (PCSI) ;

- 10 % des effectifs des sections physique-technologie/sciences de l'ingénieur (PTSI).

* 26 Vouillot Françoise, Structuration des pratiques éducatives parentales selon le sexe de l'enfant , in Enfance , n° 4, 1986

* 27 62 % des citations au total chez les mères qui le placent en première position, contre 53 % et troisième position chez les pères.

* 28 « S'orienter pour mieux réussir » , rapport n° 81 (1996-1997), fait par MM. Adrien Gouteyron, Jean Bernadaux, Jean-Pierre Camoin, au nom de la mission d'information sur l'information et l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires.

* 29 « Regards sur l'enseignement supérieur et l'action culturelle des États-Unis » , rapport n° 239 (2006-2007)

* 30 « Le module de découverte professionnelle » MM. René Cahuzac, Raymond Riquier, Jacques Thierry, janvier 2007.

* 31 Cf. article L. 6112-2 du code du travail.

* 32 Question écrite n° 2990 sur l'accueil de la petite enfance, publiée au JO Questions Sénat du 27 décembre 2007.

* 33 Rapport d'activité 2006-2007, « Quelle place pour les femmes dans les médias ? », n°375 (2006-2007)

* 34 Le cas d'un chef d'entreprise qui déchirait systématiquement les CV des femmes a été cité au cours de la réunion.

* 35 Par exemple, 400 000 euros pour un atelier de formation à la construction de l'Airbus A380.

* 36 Les chiffres de 540 ou 650 euros par mois ont été cités.

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