N° 997

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

N° 417

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Annexe au procès-verbal de la séance

le 25 juin 2008

du 25 juin 2008

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

RAPPORT

sur

sur l' évolution du secteur de la micro/nanoélectronique ,

PAR M. CLAUDE SAUNIER,

Sénateur.

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX

Président de l'Office

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Henri REVOL

Premier Vice-Président de l'Office

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président

M. Henri REVOL

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député

M. Jean-Claude ETIENNE, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député

M. Pierre LAFFITTE, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

M. Claude SAUNIER, sénateur

Députés

Sénateurs

M. Christian BATAILLE

M. Philippe ARNAUD

M. Jean-Pierre BRARD

M. Paul BLANC

M. Alain CLAEYS

Mme Marie-Christine BLANDIN

M. Pierre COHEN

Mme Brigitte BOUT

M. Jean-Pierre DOOR

M. Marcel-Pierre CLÉACH

Mme Geneviève FIORASO

M. Roland COURTEAU

M. Alain GEST

M. Christian GAUDIN

M. François GOULARD

M. Serge LAGAUCHE

M. Christian KERT

M. Jean-François LE GRAND

M. Michel LEJEUNE

Mme Catherine PROCACCIA

M. Claude LETEURTRE

M. Daniel RAOUL

Mme Bérengère POLETTI

M. Ivan RENAR

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Bruno SIDO

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Alain VASSELLE

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi le 19 décembre 2006 par le Bureau du Sénat, en application de l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, sur l'actualisation du rapport établi le 8 avril 2003 relatif à l'évolution du secteur des semiconducteurs et ses liens avec les micro et nanotechnologies.

Il convient de rappeler que très rapidement après son début d'activité, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est intéressé au secteur des semiconducteurs. Trois rapports ont déjà été publiés sur le sujet.

Ainsi, le cinquième rapport approuvé par l'Office en 1989 et présenté par notre collègue Louis Mexandeau étudiait « l'évolution de l'industrie des semiconducteurs et de la microélectronique ».

De même, en 1994, l'Office a approuvé une étude de notre collègue Charles Descours sur « l'évolution du secteur des semiconducteurs et de la microélectronique ».

Puis en 2002, votre rapporteur a eu l'occasion de présenter son rapport sur « l'évolution des semiconducteurs et ses liens avec les micro et nanotechnologies ».

Le secteur des semiconducteurs est en effet stratégique : avec 265 milliards de dollars de chiffre d'affaires au niveau mondial (environ 3 millions d'emplois), le secteur des semiconducteurs contribue à générer plus de 1.300 milliards de dollars de chiffre d'affaires dans les industries électroniques (environ 18 millions d'emplois) et 5.000 milliards de dollars dans le secteur des services (100 millions d'emplois).

En outre, il détermine la compétitivité des entreprises dans la mesure où la microélectronique s'est répandue dans tous les secteurs d'activité et qu'elle est le principal moteur de l'innovation technologique et industrielle.

Or, depuis le dernier rapport sur ce sujet il y a cinq ans, le monde des semiconducteurs a connu des bouleversements importants. En octobre 2007, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a donc chargé votre rapporteur d'actualiser son étude en s'intéressant aux évolutions à la fois au niveau scientifique, économique du secteur ainsi qu'à son impact sur la société.

Il apparaît ainsi que la poursuite de la miniaturisation et le basculement de la microélectronique dans la nanoélectronique depuis le passage de l'épaisseur du trait de gravure à 90 nm en 2003 s'accompagnent d'une explosion des coûts de R&D, de conception et de production liés aux avancées technologiques.

Pour affronter ces coûts, l'industrie des semiconducteurs est contrainte à de profondes mutations. La déverticalisation du secteur des semiconducteurs avec la création d'entreprises dédiées à la fonderie en sous-traitance conduit à la coexistence de trois modèles : les sociétés intégrées; les « fabless », c'est-à-dire les sociétés sans capacités de production et les fonderies. En outre, les entreprises de semiconducteurs s'efforcent toutes de monter dans la chaîne de la valeur afin d'augmenter leurs marges.

Par ailleurs, le rôle croissant joué par le « More than Moore », à savoir l'intégration de plusieurs fonctions sur une puce, présente non seulement de nouveaux défis technologiques, mais également une opportunité majeure pour l'industrie européenne des semiconducteurs. En effet, les applications liées au « More than Moore » sont très nombreuses et constituent autant de nouveaux marchés porteurs dans les domaines de l'énergie, de la santé et des transports. En outre, l'investissement capitalistique pour les technologies dérivées est bien moindre que pour la poursuite de la miniaturisation.

Au-delà des évolutions scientifiques et économiques liées au secteur des semiconducteurs , leur omniprésence dans la vie quotidienne et les espoirs ou phantasmes qu'ils suscitent impliquent une réflexion éthique sur leur place dans la société.

L'industrie de la microélectronique apparaît comme un secteur potentiellement crucial pour surmonter les défis sociétaux du XXIème siècle tels que l'explosion des dépenses de santé, les coûts liés au vieillissement de la population, la maîtrise de la consommation d'énergie ou encore la gestion du trafic routier.

Néanmoins, la « pervasion » de la microélectronique présente deux inconvénients.

D'une part, son coût écologique est non négligeable : la microélectronique est une industrie très consommatrice en ressources naturelles (électricité, eau, matériaux rares) et fortement productrice de déchets . Le développement d'une « électronique verte » plus respectueuse de l'environnement est donc indispensable.

D'autre part, la protection des données à caractère privé apparaît de plus en plus difficile à mettre en oeuvre. La loi du 6 janvier 1978 modifiée le 6 août 2004 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et la création d'une commission nationale de l'informatique et des libertés avaient instauré le principe du développement de l'informatique dans le respect de la vie privée et des libertés individuelles. Néanmoins, ce principe apparaît de plus en plus fragilisé par l'amélioration et la diffusion des technologies de marquage et de traçabilité quasi-invisibles.

Enfin, face au volontarisme politique fort des Etats-Unis et de l'Asie visant à soutenir massivement le secteur des semiconducteurs jugé comme stratégique, la France et l'Europe apparaissent handicapées.

Certes, elles disposent de leaders industriels à la fois dans la microélectronique (SOITEC, ASML) et dans leurs principaux domaines d'application (l'automobile, l'éclairage, le photovoltaïque). En outre, l'Europe bénéficie de centres de recherche reconnus mondialement (LETI, IMEC) et s'est lancée avec succès dans la création de clusters ayant une vraie masse critique.

Néanmoins, l'industrie de la microélectronique aussi bien en France qu'en Europe est menacée par une méconnaissance de la part de nos dirigeants des enjeux stratégiques liés à la microélectronique et l'absence de stratégie industrielle pour maintenir l'emploi dans ce secteur très capitalistique.

L'industrie de la microélectronique en Europe serait-elle condamnée ?

Une telle évolution serait dramatique lorsqu'on sait que la microélectronique est responsable, avec l'industrie du logiciel, de 90 % des innovations réalisées dans des marchés aussi porteurs que l'automobile, la médecine, la logistique et l'énergie. Sans une industrie de la microélectronique française et européenne forte et indépendante, la compétitivité de secteurs entiers de l'économie serait remise en cause et durablement affaiblie au profit de nos concurrents asiatiques et américains.

* *

*

Il apparaît donc que l'analyse du secteur de la microélectronique conduit à une réflexion plus globale sur les ressorts de l'innovation et les conséquences de la globalisation sur l'économie européenne, avec une tendance lourde à la désindustrialisation.

Elle est également l'occasion de se pencher sur le fonctionnement de l'économie mondiale et sur le respect très varié des règles définies par l'Organisation Mondiale du Commerce.

Au-delà de l'état des lieux dressé par ce rapport, plusieurs suggestions sont formulées afin de renforcer l'industrie de la microélectronique française et européenne et de concilier l'essor de la microélectronique avec le respect des données privées et de l'environnement.

Il convient enfin de préciser que cette étude se limite délibérément au secteur des semiconducteurs. Les nanosciences et les nanotechnologies ne sont donc évoquées qu'en rapport avec la micro/nanoélectronique. C'est la raison pour laquelle les questions éthiques relatives à l'utilisation des nanotechnologies dans le domaine médical ne sont pas abordées. De même, sans méconnaître la légitimité des interrogations soulevées par l'utilisation croissante de nanomatériaux qui peuvent s'avérer toxiques pour l'homme et l'environnement, ce sujet n'occupe pas une place centrale dans ce rapport dans la mesure où le secteur des semiconducteurs est aujourd'hui relativement peu exposé aux risques liés aux nanoparticules.

I. UN SECTEUR CLÉ DE L'ÉCONOMIE EN PLEINE MUTATION

A. UN SECTEUR CLÉ DE L'ÉCONOMIE

Le paradoxe de l'industrie des semiconducteurs est qu'elle irrigue profondément la vie économique et les comportements sociaux tout en restant relativement confidentielle, à la différence, par exemple, de l'aéronautique. Ainsi, on s'intéressera plus aux applications de l'ordinateur personnel et des téléphones portables qu'aux composants qui permettent de les faire fonctionner. Pourtant, les semiconducteurs sont omniprésents dans la vie quotidienne et ont un poids économique décisif dans la mesure où leur diffusion technologique est en progression constante.

1. Une omniprésence dans la vie quotidienne

Depuis notre réveil jusqu'à l'extinction des lumières, nous sommes environnés d'objets qui fonctionnent grâce aux composants électroniques.

Le tableau suivant en donne quelques illustrations :

Cette « pervasion » de la microélectronique dans notre quotidien s'explique par une miniaturisation poussée qui s'appuie sur un coût de production exponentiellement décroissant.

D'une part, des composants élémentaires toujours plus petits permettent de gagner non seulement en vitesse et en consommation, mais aussi en taille et en poids (surtout pour les systèmes portables ou embarqués), élargissant sans cesse le champ d'application de la microélectronique.

D'autre part, la réduction de la taille des circuits intégrés entraîne une diminution du coût de production unitaire , ouvrant ainsi de nouveaux marchés. Pour rappel, le prix d'un mégabit de mémoire électronique équivalait à 75.000 € en 1973, alors qu'il s'élève aujourd'hui à 1 centime d'euro.

En outre, l'ajout de fonctionnalités nouvelles dans les circuits intégrés a ouvert de nouveaux champs d'application. Désormais, un téléphone sert non seulement à téléphoner, mais il permet d'écouter de la musique, de prendre, d'envoyer et de recevoir des photos et des vidéos, de s'orienter grâce au GPS, de surfer sur internet et de regarder la télévision.

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