2. Des efforts a priori supérieurs à ceux de nos principaux partenaires, malgré une inversion de tendance indéniable

Selon les informations communiquées par le ministère des affaires étrangères et européennes, les dépenses publiques des autres pays comparables en faveur de la promotion de leur culture à l'étranger apparaissent a priori moindres que le budget consacré par la France , même si les périmètres budgétaires ne sont pas toujours comparables.

a) Les efforts français sont très conséquents en comparaison avec les investissements des autres pays développés

Le budget total de l'institut Cervantès, subventionné à 88,7 % par l'Etat espagnol, représentait 89,4 millions d'euros en 2007. Ce budget est en hausse en 2008, mais sans commune mesure avec l'investissement réalisé par la France.

En Allemagne, le budget consacré en 2008 à l'action culturelle à l'étranger de 680 millions d'euros, dont 180 millions d'euros pour les Instituts Goethe, 117 millions d'euros pour les écoles et 120 millions d'euros pour la coopération universitaire.

Le British Council disposait de 183 millions de livres annuels pour l'exercice 2006-2007.

b) La stagnation des moyens, et la diminution réelle de certains budgets d'intervention, crée un sentiment paradoxal chez les agents

Il est difficile de mesurer l'évolution de l'investissement public en faveur de la promotion de la culture française à l'étranger, faute de séries de chiffres disponibles sur longue période. La dispersion des crédits, l'absence de document synthétique et le changement de nomenclature induit par la LOLF en 2006 empêche des comparaisons fiables.

Néanmoins, dans ses grands équilibres, la dépense publique consacrée à la culture à l'étranger apparaît stable depuis plusieurs années. Au sein de cette dépense, les différentes politiques publiques apparaissent diversement traitées .

L'enseignement français à l'étranger (AEFE) est apparu globalement préservé, même si certains soulignent à juste titre que l'ensemble des demandes de scolarisation dans les établissements français ne peuvent être satisfaites. La décision d'assurer la gratuité progressive de la scolarité des enfants français à l'étranger a une conséquence paradoxale : elle augmente les dépenses consacrées aux lycées français à l'étranger 10 ( * ) sans augmenter le rayonnement international de notre système d'enseignement. Elle pourrait produire un effet d'éviction sur les dépenses de rayonnement culturel comme votre rapporteur spécial l'a démontré au cours de l'examen du projet de loi de règlement.

Extrait de la contribution de votre rapporteur spécial sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007 relative à la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l'étranger

« A horizon 2020, la mesure de gratuité pourrait représenter, en année pleine à effectifs et frais de scolarité constants, 260 millions d'euros. En réalité, la montée de la dépense pourrait bien être plus rapide que l'échéance de 2020 : « l'attente des familles » scolarisant des enfants dans les petites classes pourrait conduire à un élargissement des bourses sur critères sociaux pour apaiser certaines impatiences. Il y a là une inflation préoccupante. Si le montant de 260 millions d'euros est un minimum, il conduira néanmoins à augmenter le financement public de l'enseignement français à l'étranger de l'ordre de 80 %. Si ce montant était ajouté aux crédits de paiement de la mission « Action extérieure de l'État », celle-ci serait conduite à progresser de 11 %. 30,5 % des crédits de l'action extérieure de l'État serait alors dévolus à la communauté française, ce qui altèrerait le sens des missions d'un Quai d'Orsay a priori consacré à la conduite de notre action diplomatique.

L'hypothèse d'une augmentation des crédits du Quai d'Orsay étant peu probable à horizon même lointain, une large partie des besoins budgétaires consacrés à la mesure de gratuité sera financée par redéploiements. Elle obligera à des choix drastiques : le réseau culturel à l'étranger représente, à titre de comparaison, selon le rapport annuel de performances pour 2007, 141,6 millions d'euros. Le réseau diplomatique a un coût, selon le même document, de 425 millions d'euros. C'est vraisemblablement sur ces postes que serait gagé le surcroît de dépense lié à la prise en charge des frais de scolarité à l'étranger : les autres lignes budgétaires sont très faibles ou contraintes : il en est ainsi des 663 millions d'euros dévolus aux contributions internationales, et des 56,6 millions prévus au titre des institutions européennes.

La nouvelle dépense aura, en outre, mécaniquement un effet d'éviction sur les crédits de modernisation et d'agrandissement des établissements français à l'étranger, en gestion directe ou conventionnés, dont les besoins supplémentaires sont évalués à 50 millions d'euros, et qu'il paraît dès lors peu vraisemblable de financer sur fonds publics ». (...)

« La mesure devrait conduire à faire évoluer le nombre d'enfants français scolarisés dans les établissements à la hausse. La dépense publique progresserait dans la même proportion. Ceci aurait pour effet de réduire la part d'enfants étrangers, du pays d'accueil, et de réduire fortement la fonction de rayonnement de nos établissements à l'étrange ».

De la même manière, les crédits consacrés à l'organisation internationale de la francophonie et à l'audiovisuel extérieur ont été préservés au cours des derniers exercices . Au sein de l'audiovisuel extérieur, les crédits ont pu globalement progresser en raison de la création de France 24. Cette création ne s'est pas encore accompagnée d'une rationalisation des moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur 11 ( * ) . Votre rapporteur spécial, puisqu'il n'est pas compétent sur la mission « Medias », n'a pas souhaité examiner plus avant cette politique dans le présent rapport d'information, tout en soulignant qu'elle méritera l'examen attentif du Parlement lorsque le chantier engagé à la demande du Président de la République sera arrivé à son terme

La question des moyens consacrés au réseau culturel à l'étranger est plus incertaine. Le seul chiffre communiqué par le ministère des affaires étrangères et européennes est celui de l'évolution du nombre de centres culturels. Entre 1997 et 2008, le nombre de centres culturels à l'étranger est passé de 173 à 144 . Ce mouvement de repli n'est pas propre à la France : le Royaume-Uni, avec le British Council, et l'Allemagne, avec le Goethe Institut, ont également réduit leur réseau, dans des proportions équivalentes voire supérieures. Ce repli est déjà ancien puisque le nombre de centres culturels est passé de 173 en 1997 à 150 en 2001 : le rythme de suppression s'est ralenti depuis. Il a concerné pour l'essentiel l'Europe, et au premier chef l'Allemagne, qui a supporté 15 suppressions de centres culturels, soit 50 % du total.

Il est vrai néanmoins que l'on enregistre pour les centres culturels une tendance au reflux, sur un plan quantitatif, quand d'autres pays (Espagne, Chine..) déploient leur réseau, mais restent bien en-deçà du réseau français 12 ( * ) .

Dans l'esprit de votre rapporteur spécial, il convient désormais de procéder de manière différente en ce qui concerne l'évolution du réseau, en évitant, comme d'ailleurs pour les consulats, une approche binaire fermeture/ouverture. Votre rapporteur spécial souhaite une gamme diversifiée de présence culturelle dont le centre culturel n'est pas l'expression unique, ni même la plus adaptée. Dans certains cas, le transfert de centres culturels au réseau de l'Alliance française constitue une piste à privilégier .

Carte des ouvertures et fermetures d'instituts et centres culturels en Europe de 1999 à 2007

Source : division géographique de la direction des archives du ministère des affaires étrangères et européennes

L'évolution du nombre de centres culturels ne résume évidemment pas l'évolution budgétaire du réseau à l'étranger , puisqu'il convient de prendre en compte également les services de coopération et d'action culturelle (SCAC). La masse salariale du réseau culturel à l'étranger a subi une évolution contrastée, entre des baisses d'effectifs parfois significatives et des rémunérations de recrutés locaux, souvent indexées sur une inflation importante dans un certain nombre de pays, qui ont pu globalement progresser. Ainsi, au centre français de culture et de coopération (CFCC) du Caire, les effectifs rémunérés par le Quai d'Orsay ou rémunérés localement sont passés de 197 en 1997 à 233 en 2001 , avant de repasser à 202 en 2005, puis à 173 en 2008.

S'agissant des crédits d'intervention, ceux-ci ont connu une diminution sensible au cours des dernières années , pour les ambassades apparaissant moins prioritaires. Il faut relever que la définition de ces priorités est plus souvent diplomatique que culturelle. La baisse des crédits publics est parfois plus que compensée par l'apport de fonds privés, provenant des entreprises, qui induisent un changement de culture intéressant au sein du réseau culturel.

Au Caire, la dotation du centre français de culture et de coopération a baissé entre 2007 et 2008 de 11 %, sur la base il est vrai d'un niveau de crédits élevé.

Ces baisses de crédits ont rendu indispensables de faire des choix . Un responsable de centre culturel confiait ainsi à votre rapporteur spécial qu'il travaillait mieux aujourd'hui, avec des moyens certes plus limités qu'auparavant. Certaines diminutions de crédits ont eu pour effet de s' interroger sur l'efficacité de certaines politiques, d'éviter la situation acquise de certains partenariats, et de dégager des lignes de force, au sein de programmes d'actions plus clairs, luttant ainsi contre la dilution et l'émiettement des lignes budgétaires dont souffrent de nombreux services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et centres culturels.

Une telle logique de réduction des moyens ne constitue pas pour autant une politique. Elle a évidemment ses limites : la détermination de ces limites exige une vision d'ensemble , qui consiste à définir les objectifs précis de l'action culturelle à l'étranger, et les modalités administratives pour y parvenir.

* 10 Votre rapporteur spécial ne tient pas compte des dépenses de l'AEFE consacrées aux enfants français dans le « milliard d'euros » de la culture française à l'étranger.

* 11 Cf. les arbitrages en cours, entre le sous-titrage du journal de France 2 aux Etats-Unis (coût de 100.000 euros) et la reprise du canal occupé par ce journal par France 24, pour un coût sans doute supérieur.

* 12 Il y aurait aujourd'hui 210 antennes Confucius dans le monde, dans certaines ne sont pas des centres culturels, mais des classes (six en France). Elles sont présentes dans 64 pays.

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