ANNEXE 2 - Comptes rendus des auditions

M. François LEBEL, maire du 8ème arrondissement de Paris - (Jeudi 12 juin 2008)

M. François Lebel a présenté son projet de « vitrine de la gastronomie française » sur les Champs-Élysées, rappelant que 300 à 400 000 visiteurs - et jusqu'à 500 à 600 000 en fin de semaine - fréquentent cette avenue chaque jour.

Cet afflux de visiteurs a un effet sur le montant des loyers, qui se situent au troisième rang mondial pour leur cherté : la conséquence est la disparition progressive des enseignes les moins rentables au profit des grands groupes mondialisés, contribuant ainsi à une banalisation de « la plus belle avenue du monde ».

La création d'un lieu où seraient présentés les nombreux produits de nos terroirs aux milliers de visiteurs, aussi bien étrangers que français, qui en ignorent parfois l'existence, permettrait de faire connaître notre patrimoine gastronomique et l'histoire de nos provinces. Il s'agit donc de matérialiser, dans ce lieu très visible de rendez-vous culturel, ludique et commercial, un patrimoine qui est « immatériel ». Un objectif serait notamment d'inciter les visiteurs à aller à la découverte des lieux de production.

Des colloques, des ateliers, cours de cuisine, démonstrations ou dégustations, des jeux-concours, « trophées des saveurs » ou d'autres animations culturelles pourraient y être organisés.

Une telle vitrine ne peut être rentable qu'en mobilisant des sources de financement diversifiées :

- un pourcentage prélevé sur le chiffre d'affaires des ventes, étant entendu que les étrangers hors Union européenne devront bénéficier de la vente hors taxe ;

- une participation des chambres consulaires, des syndicats professionnels, des groupements de producteurs voire des syndicats d'initiative ;

- enfin, des subventions de régions.

M. François Lebel a ajouté que la Ville de Paris devrait s'intéresser à ce projet, de même que les conseils généraux.

Des surfaces commerciales étant actuellement disponibles sur les Champs-Élysées, en particulier dans certaines galeries commerciales, il y a une réelle opportunité à saisir pour créer rapidement cette « vitrine de la gastronomie ». Il a ajouté qu'un tel lieu répondrait à une forte demande, si l'on considère le succès de manifestations telles que le Salon des Saveurs, qui a lieu deux fois par an à Paris. A la différence des boutiques « duty free », cette vitrine proposerait des produits authentiques et artisanaux.

En conclusion, M. François Lebel a indiqué que l'annonce du Président de la République sur la demande d'inscription de notre gastronomie auprès de l'UNESCO avait servi de déclencheur pour présenter ce projet. Il a considéré que la richesse de notre sol offre à notre cuisine une grande diversité de produits et que l'inventivité de nos chefs la porte à la qualité d'un art.

M. Jean MUSITELLI, conseiller d'Etat, ancien ambassadeur et délégué permanent de la France auprès de l'UNESCO, membre de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (Vendredi 13 juin 2008)

Rappelant avoir participé à la genèse de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, en tant qu'ambassadeur et délégué permanent de la France auprès de l'UNESCO de 1997 à 2002, M. Jean Musitelli a jugé excellente l'idée de proposer l'inscription de notre gastronomie. Celle-ci répond en effet aux principes généraux énoncés par ladite Convention, faisant notamment référence à un patrimoine « transmis de génération en génération » , « recréé en permanence » et procurant « un sentiment d'identité » .

Cependant, il a souligné que la mise en oeuvre de ce projet, qui relève d'une démarche diplomatique, serait délicate. Aussi a-t-il insisté sur la nécessité d'adopter une méthode ajustée au contexte et à l'esprit de l'UNESCO, afin que la France se donne les meilleures chances de succès.

En ce sens, il s'est interrogé, tout d'abord, sur la terminologie la mieux adaptée pour présenter le dossier : il a considéré que la notion de « gastronomie », compte tenu de sa consonance élitiste, serait dangereuse à manier vis-à-vis de l'UNESCO, dont le projet s'inscrit davantage dans la valorisation des cultures et traditions populaires. Il a préféré que soient mis en avant les termes de « patrimoine culinaire » ou d'« arts culinaires » français.

Il a ajouté que les conditions d'application de la Convention de 2003 vont être précisées par des directives opérationnelles, devant être adoptées par l'Assemblée générale des Etats parties lors de sa prochaine session, du 16 au 19 juin 2008. A cette occasion, l'Assemblée générale élira, pour un mandat de deux ans, son nouveau président, qui pourrait être un Français, M. Chérif Khaznadar, président de la Maison des cultures du monde : fin connaisseur du concept de patrimoine immatériel, il faudra tâcher de le convaincre de la pertinence du dossier.

Or, ce projet soulève plusieurs types de difficultés auxquelles il faudra pouvoir répondre :

- son ampleur tout d'abord, dans la mesure où il s'inscrit à l'échelle nationale, alors que la Convention vise des « éléments » du patrimoine ; il faudra donc mettre en avant, à travers un travail d'inventaire en cours de réalisation, le fait que le patrimoine culinaire français forme un tout, autour des notions d'unité et de diversité constitutives de notre identité nationale ;

- en outre, il s'agit d'un patrimoine reconnu et « florissant », alors que la Convention insiste sur la notion de sauvegarde ; toutefois, il existe deux listes : une « liste de sauvegarde » d'une part, qui concernera le patrimoine en péril et bénéficiera des ressources financières mobilisées par le comité ; une « liste représentative », d'autre part, qui n'a pas vocation à recevoir des financements ; c'est dans ce dernier cadre que s'inscrit la démarche de la France : il ne s'agit donc en rien de « muséifier » la cuisine française, puisque la dimension de renouvellement est essentielle ;

- enfin, il convient de prendre en compte le paysage géopolitique de l'UNESCO - où sont représentés nombre de pays pauvres ou en développement -, de surcroît dans le contexte actuel de crise alimentaire ; il faudra que la France trouve de quelle façon convertir cette difficulté en atout.

En outre, plusieurs erreurs seront à éviter :

- d'une part, l'exaltation d'un « nationalisme des fourneaux » ; il a recommandé, au contraire, de faire preuve de beaucoup de modestie dans la présentation du projet ;

- d'autre part, toute démarche à caractère commerciale ou mercantile est à proscrire ; la cuisine française n'a d'ailleurs nul besoin de la reconnaissance de l'UNESCO pour s'exporter.

M. Jean Musitelli a souligné, en revanche, un certain nombre d'éléments à valoriser :

- le souci de solidarité et de coopération internationales, qui est l'un des principes fondateurs de l'UNESCO : aussi faudra-t-il mettre en avant, dans le dossier puis dans la mise en oeuvre du projet, l'objectif visant à favoriser les échanges, les rencontres, le dialogue constructif avec les autres pays, en ciblant par exemple sur quelques pays du Sud des actions concrètes de coopération ;

- un modèle d'agriculture durable et raisonnée ;

- la dimension de diversité ;

- l'ouverture aux autres cultures dont a toujours fait preuve la cuisine française.

Il a insisté, enfin, sur la nécessité de ne pas découpler les deux aspects du dossier - l'expertise technique et scientifique d'un côté, la démarche diplomatique de l'autre - et de s'assurer de la forte adhésion des élus locaux, qui sera aussi cruciale que pour les dossiers d'inscription au patrimoine culturel « matériel ».

En réponse à Mme Catherine Dumas , il a confirmé que l'éducation au goût devrait effectivement constituer un volet très important du dossier. Celui-ci doit s'accompagner d'un plan de gestion qui désignera les autorités responsables et déclinera les mesures de valorisation de ce patrimoine. Il a suggéré que ces dernières recouvrent le plus large spectre possible : éducation au goût, dimension internationale, politique de santé publique...

En conclusion, il a souligné combien la notion de patrimoine était fédératrice et a estimé que l'engagement du Président de la République était déterminante pour que ce projet ait les meilleures chances d'aboutir. Si la candidature française devait être retenue par l'UNESCO, la France aurait ainsi fait preuve d'audace en ouvrant la voie à des candidatures d'autres pays. Il ne faut donc pas hésiter à faire preuve de créativité.

M. Jacques MOUCLIER, président de la Fédération des Cristalleries et Verreries à la main, président d'honneur de la Confédération française des métiers d'art (Vendredi 13 juin 2008)

M. Jacques Mouclier a d'abord cité quelques données de cadrage sur le secteur des arts de la table :

- il représente un chiffre d'affaire de 1,6 milliard d'euros, dont 50 % à l'exportation (principalement vers les États-Unis et le Japon, et vers les Émirats Arabes Unis) ;

- on compte 97 entreprises, de vingt à plus de mille employés, spécialisées dans la porcelaine, la faïence, le verre, le cristal et l'orfèvrerie ;

- ces entreprises emploient environ 20 000 salariés.

Il a indiqué que ce secteur était néanmoins confronté à d'importants handicaps :

- d'abord, les habitudes des consommateurs changent : ainsi, la part des arts de la table sur les listes de mariage a chuté de 40 à 4 % ;

- ensuite, les entreprises sont des industries de main d'oeuvre : les prix (qui atteignent près de 300 euros pour un verre par exemple) sont directement impactés par le renchérissement du coût de la main d'oeuvre ; or, une amélioration interne des coûts, notamment par l'introduction d'une dose de mécanisation, se heurte rapidement à des limites ;

- enfin, le secteur est confronté à la concurrence étrangère, des pays à bas salaires comme la Chine, mais également d'un pays comme l'Allemagne, qui, grâce à la mise en place de la TVA sociale, a permis d'alléger le poids des cotisations sociales.

Les entreprises du secteur se sont diversifiées afin de compenser le déclin du secteur des arts de la table, vers la lustrerie ou encore la joaillerie (qui représente désormais 25 % du chiffre d'affaire de Baccarat).

Mme Catherine Dumas a relevé que le patrimoine gastronomique renvoyait également au « contenant », à la façon de présenter le produit, et donc aux arts de la table. Elle a souhaité que le projet d'inscription de ce patrimoine auprès de l'UNESCO apporte une opportunité de rebond pour le secteur des arts de la table. Elle a également souligné l'importance de l'éducation pour sensibiliser à ces arts.

M. Jacques Mouclier a ajouté que les grandes entreprises de ce secteur véhiculaient une part de notre identité à travers le monde et que le design jouait un rôle de plus important dans le domaine de la cuisine.

Puis il a souligné l'intérêt du crédit d'impôt création ainsi que du label « entreprises du patrimoine vivant », institué par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et délivré par une commission placée auprès du ministre en charge de l'industrie. De grandes marques de la mode ou des arts de la table, aussi bien que de petits artisans, ont reçu ce label, qui leur accorde certains avantages, dont une subvention par apprenti, et leur assure une publicité. Le secteur de la gastronomie n'est pas concerné, cependant, par ce label.

Enfin, en termes de formation, il a précisé qu'il fallait 10 à 15 ans pour faire un bon verrier, formé « sur le tas ». Par ailleurs, il a créé, il y a plus de trente ans, en lien avec l'éducation nationale et non sans difficultés, une école à Moulins, pour former des verriers à chaud et à froid et des dessinateurs en arts appliqués.

MM. Jean-Robert PITTE, géographe, président de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires, Francis CHEVRIER, délégué général de la Mission et de l'Institut européen d'histoire des cultures de l'alimentation (IEHCA), Pierre SANNER, délégué général adjoint de la Mission, et Mme Sophie VILLERS, chargée par le ministère de l'agriculture et de la pêche d'une mission temporaire d'accompagnement du projet (Vendredi 13 juin 2008)

M. Jean-Robert Pitte a indiqué, au préalable, que la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires était née dans le cadre de l'Institut européen d'histoire des cultures de l'alimentation (IEHCA), réseau de chercheurs créé à Tours en 2002 et qui a noué des liens étroits avec les professionnels des métiers de la bouche et les écoles hôtelières.

L'idée de candidature de la France auprès de l'UNESCO pour l'inscription de sa gastronomie au patrimoine culturel immatériel de l'humanité a émergé des réflexions conduites au sein de cet Institut, avant que le Président de la République ne l'évoque à l'occasion de l'inauguration du Salon de l'agriculture. L'objectif est de fédérer l'ensemble des Français autour de cette thématique qui transcende les régions ainsi que les milieux sociaux et pourrait ainsi devenir une véritable « cause nationale ».

Il a souligné que les Français étaient légitimement fiers de leur culture alimentaire, de ce que leur cuisine a produit et des nombreux ouvrages qui ont été écrits sur elle. Ainsi, une majorité d'entre eux - y compris des grands chefs - sont convaincus que c'est en France que l'on mange le mieux. Il a estimé, néanmoins, qu'il nous fallait réinvestir ce pan essentiel de notre patrimoine : en effet, de moins en moins de personnes font réellement attention à leur alimentation et d'autres pays ont réalisé de grands progrès en termes de créativité culinaire.

Il s'agit donc de réaffirmer que l' « on se nourrit de culture » et que la gastronomie, la cuisine quotidienne, l'art du « bien manger », sont des actes culturels tout autant que des vecteurs de plaisir partagé et de lien social.

La Mission française, créée sous la forme d'une association loi 1901, a commencé à fonctionner grâce au concours de bénévoles issus pour la plupart de l'IEHCA. Mais il lui faut désormais l'investissement de collaborateurs permanents, afin d'élaborer et de rédiger un dossier de candidature solide, à la hauteur des exigences imposées par l'UNESCO.

M. Francis Chevrier a ajouté que la démarche de la France était humble et qu'elle se voulait utile à l'ensemble des peuples, en valorisant la cuisine comme un acte culturel.

Il a déploré, à cet égard, le manque d'intérêt de nos ministres de la culture pour cet élément de notre patrimoine : ainsi il n'existe pas, au sein de l'administration centrale, de service ou personne dédiée à la culture culinaire.

Or, il faudra démontrer devant l'UNESCO que, pour nous Français, la cuisine fait partie de notre culture et de notre patrimoine et qu'elle constitue une part importante de notre identité. En envoyant ce message fort, la France ouvrira une voie ; d'autres pays ou communautés seront ensuite libres de faire de même, s'ils l'estiment important.

Le plan de gestion qui sera présenté par la France pour mettre en valeur ce patrimoine et en assurer la transmission devra comporter des mesures sérieuses et ambitieuses : ce sera l'élément le plus important du dossier de candidature.

En effet, les attentes de l'UNESCO sont très exigeantes et la France devra donc arriver déterminée. La difficulté est d'autant plus grande qu'un grand nombre de personnes, notamment le prochain président du Comité intergouvernemental, avancent que la Convention de 2003 n'a pas été pensée pour les « pays riches » : elle aurait été conçue pour permettre à des pays du Sud de faire inscrire des éléments de leur patrimoine, la convention de 1972 ayant plutôt favorisé les pays dotés d'un riche patrimoine monumental.

M. Francis Chevrier a souligné que des moyens seront nécessaires pour constituer le dossier mais aussi expliquer la démarche auprès des Français : l'esprit de la Convention de 2003 est en effet très différent de celui de la Convention de 1972, puisque le patrimoine culturel immatériel ne renvoie pas à un patrimoine figé et en péril mais à un patrimoine « recréé en permanence » .

En effet, chacun doit se sentir concerné : la démarche n'est pas une « affaire de grandes toques ». L'adhésion des Français à la démarche sera capitale aux yeux de l'UNESCO.

Il a considéré que le terme de « patrimoine alimentaire », qui, à la différence du « patrimoine culinaire », recouvre explicitement le vin, serait le plus approprié pour présenter le dossier. Cependant, il a reconnu qu'en termes de communication, c'est en général la notion de « patrimoine gastronomique » qui est mise en avant : c'est d'ailleurs en ces termes que le Président de la République s'est exprimé au Salon de l'agriculture.

M. Jean-Robert Pitte a précisé que les grands chefs avaient un rôle à jouer, pour « tirer tout le monde vers le haut ». Il a dit sa préférence pour le terme de « gastronomie », étymologiquement l'art de bien se nourrir, qui doit perdre toute connotation liée au luxe car la démarche est trans-sociale.

M. Francis Chevrier a ajouté qu'il faudra également veiller, au moment où l'on décidera du bon terme, à sa traduction en anglais.

Il a précisé, ensuite, s'agissant des moyens nécessaires, qu'il faudrait, dans un premier temps, permettre à la Mission de fonctionner puis, dans un second temps, assurer la mise en oeuvre du plan de gestion. Il a suggéré la création d'une structure de type fondation pour mener à bien cette dernière mission.

En effet, M. Jean-Robert Pitte a souligné que l'État devait s'engager au départ : la Mission n'a pas jugé opportun de répondre favorablement aux propositions de financement émanant de grands groupes privés.

Mme Catherine Dumas a reconnu qu'un engagement financier de l'État serait un moyen de concrétiser une volonté politique.

Puis M. Francis Chevrier a précisé que la Mission avait évalué son budget à un million d'euros, ce qu'il a comparé au budget de fonctionnement d'une petite scène nationale. Il lui faut encore réunir une grande part de cette somme pour prétendre déposer un dossier au 31 août 2009.

Mme Sophie Villers a indiqué que le ministère de l'agriculture lui avait confié, depuis le mois de mai, une mission temporaire de soutien à la mise en place opérationnelle de la Mission. Le ministère s'est fixé comme principe de ne pas allouer de subvention directe à la Mission, mais de mobiliser des financements extérieurs, émanant des collectivités territoriales ou de partenaires privés.

Le ministère de la culture et de la communication, qui sera chargé d'instruire le dossier, avant l'envoi de la candidature auprès de l'UNESCO, ne délèguera pas de moyen à la Mission car il considère qu'il ne peut être « juge et partie ».

Les autres ministères concernés sont :

- le ministère chargé du tourisme, prêt à soutenir la démarche mais qui ne prévoit pas d'y consacrer des moyens particuliers ;

- le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Jean-Robert Pitte a indiqué que celui-ci venait de promettre la mise à disposition d'un universitaire auprès de la Mission à compter de la rentrée 2008 ;

- le ministère des affaires étrangères et européennes, qui, dans un premier temps, aidera la Mission à avoir une lecture commune des directives opérationnelles que va adopter l'UNESCO ; ce ministère sera ensuite mobilisé sur l'action diplomatique, qui sera primordiale pour porter le dossier.

Comme il s'est avéré difficile pour la Mission, dans un premier temps, de mobiliser des financements extérieurs alors qu'elle doit pouvoir être rapidement opérationnelle, Mme Sophie Villers a fait savoir que le ministère de l'agriculture avait proposé un dispositif transitoire : ainsi, il va mettre à disposition de la Mission une personne en contrat à durée déterminée (CDD) et lui fournir des locaux, une secrétaire et les équipements nécessaires.

Quant aux financeurs extérieurs, ils devront, dans un premier temps, être plutôt généralistes. Les collectivités territoriales seront mobilisées au fil de l'inventaire qui sera réalisé région par région.

Elle a insisté, en outre, sur l'important volet communication qu'il faudra prévoir, en le comparant à celui d'un dossier de candidature aux Jeux Olympiques. La Mission s'articulera ainsi autour de quatre pôles :

- un pôle « expertise scientifique », qui sera essentiel pour définir, notamment, le champ précis de la candidature : faudra-t-il ainsi inclure au dossier la façon de servir ou les arts de la table ?

- un pôle financier ;

- un pôle « pouvoirs publics », car ceux-ci seront des interlocuteurs permanents pour la Mission ;

- un pôle « communication », auquel pourrait ponctuellement contribuer des étudiants de l'école de communication de l'Institut d'études politiques de Paris dans le cadre d'un projet collectif.

M. Pierre Sanner a souligné qu'il serait en effet essentiel de transmettre des messages forts, relayés, via des spots télévisés par exemple, par des personnalités et les collectivités territoriales, afin que le plus grand nombre de Français adhèrent à la démarche : il s'agit simplement de dire que la gastronomie fait partie de notre culture. Il sera également important de montrer que notre cuisine est riche d'influences multiples et qu'elle a elle-même « essaimé » un peu partout dans le monde.

M. Jean-Robert Pitte a également insisté sur l'importance de ces échanges interculturels : d'un côté, la cuisine française a toujours reçu des influences de l'étranger ; de l'autre, elle est aujourd'hui réinterprétée par des chefs étrangers. Il s'agit donc d'une culture vivante, généreuse.

Mme Sophie Villers a rappelé que l'idée de la France était d'ouvrir une porte. Elle a fait observer, néanmoins, qu'un dossier porté par l'Espagne et l'Italie, pour faire inscrire la « diète méditerranéenne » au patrimoine immatériel de l'UNESCO, aurait été évoqué lors d'un conseil européen l'an dernier. Il faudra que la France soit vigilante à l'égard de ce projet, qui s'inscrirait dans le cadre de la future Union de la Méditerranée.

En conclusion, M. Francis Chevrier a indiqué que, même si le Président de la République a évoqué un dépôt de candidature en 2009, le dossier ne sera transmis que quand il sera prêt, car la France ne peut pas se permettre l'échec. Il a souligné, enfin, que le soutien des parlementaires à la démarche sera très important.

M. Thierry MARX, chef cuisinier au Château Cordeillan-Bages à Pauillac (Mardi 17 juin 2008)

M. Thierry Marx a vu dans le projet de candidature auprès de l'UNESCO une opportunité de mettre en avant la visibilité internationale de notre cuisine française, sa capacité constante à sublimer ses apports extérieurs, sa formidable diversité qui résulte des richesses de nos régions et enfin l'alliance entre la tradition et l'innovation qui la caractérise.

Il a souhaité, cependant, que cette démarche n'ait pas pour objet de créer un « panthéon » de la cuisine française ou de figer une certaine conception de la tradition, portée par ceux qui pourfendent les partisans de l'innovation dont il fait partie.

Il a souligné combien la France était perçue, à l'étranger et notamment en Asie, comme un « phare » du « savoir-être à table » et du « savoir-manger », en faisant observer que, dans notre pays, « il n'y a pas de mets qui ne suscite de mots. » Il a insisté sur la nécessité de continuer à faire évoluer notre cuisine, dont la grande force est d'avoir toujours été innovante, en suivant les évolutions de notre société.

Dans le souci d'assurer la protection de notre patrimoine culinaire et de notre cuisine populaire, il a dit son attachement à promouvoir la « cuisine de rue ». En s'inspirant de ce qui existe au Japon, il s'agit d'éduquer le goût des jeunes et des adultes de toutes les classes sociales et de proposer une alternative à la « malbouffe » : en effet, les bistrots, devenus des lieux relativement « haut de gamme », ne remplissent plus cette mission comme jadis. Il a présenté le projet qu'il conduit actuellement, en ce sens, avec la mairie de Blanquefort en Gironde, visant à proposer, au sein du lycée hôtelier, une formation aux personnes souhaitant créer de telles microentreprises dans le domaine de la cuisine française. Ce projet fait suite à une première idée de « bus école », proposée à la ville de Bordeaux mais qui n'avait finalement pas abouti : l'objectif était, de même, d'initier et de former à la gestion d'entreprises de cuisine de rue, mais dans le cadre d'un bus constituant en lui-même une oeuvre d'art et circulant de lieux en lieux. En outre, une première opération lancée à Blanquefort, « Toute la ville cuisine », avait montré la capacité de la cuisine à tisser du lien social entre les habitants, quelles que soient leurs origines.

Rappelant qu'il intervenait auprès de détenus en fin de longues peines ainsi que dans le cadre d'ateliers de cuisine aux « Restos du coeur », M. Thierry Marx a souligné que le fait de partager des plats avec ces personnes permettait, en effet, de créer un véritable échange et de les aider à se reconstruire : de par sa diversité et sa technicité, la cuisine française constitue un formidable outil de communication.

Il a souligné, par ailleurs, l'importance d'agir en direction du milieu scolaire, en défendant l'idée que le chef de cuisine des restaurants scolaires fait partie de la communauté éducative : une initiative a été lancée, en région Centre, pour les aider à améliorer la présentation et la qualité des plats ; elle rencontre un réel succès.

Puis il a insisté sur la nécessité d'attirer davantage de jeunes vers les métiers de la cuisine : il a suggéré, à cet égard, de concentrer la formation dans le temps et de réduire le temps d'apprentissage, pour permettre aux jeunes de s'installer plus rapidement dans un métier épanouissant et créatif, dont ils ont toutes les raisons d'être fiers. Il s'est inquiété, en outre, qu'un grand nombre de chefs « seniors » soient sur le point de quitter le métier, souhaitant qu'ils puissent rester, d'une façon ou d'une autre, des vecteurs de transmission d'un savoir-faire auprès des plus jeunes générations.

Il a rappelé que son parcours avait été difficile, depuis les banlieues populaires jusqu'à son entrée, à quinze ans, chez les Compagnons du Devoir. Après un séjour à Sydney, il est rentré en France et a eu la chance de rencontrer notamment MM. Joël Robuchon puis Bernard Loiseau. Il a gagné la reconnaissance de ses pairs en obtenant, dans chacune de ses nouvelles cuisines, une étoile au Guide Michelin, y compris au restaurant où il exerce actuellement dans le Médoc, après un séjour en Asie du Sud-Est puis au Japon.

Il a également créé un laboratoire de recherche scientifique à Paris, « cerveau collectif » réunissant des personnes extérieures au milieu de la cuisine, mais au service de son évolution. Il a rejoint, en outre, le mouvement « Génération C. », regroupant de jeunes chefs soucieux de valoriser l'esprit de créativité qui imprègne la cuisine française.

Enfin, M. Thierry Marx a appuyé l'idée consistant à organiser, une fois par an ou tous les deux ans, de grands entretiens réunissant des chefs, médecins, chercheurs ou autres observateurs extérieurs au métier, permettant de débattre des grands enjeux de notre cuisine, par exemple en termes de nutrition, de promotion d'une agriculture raisonnée, de nouvelles tendances en matière de cuisine mais aussi de design et d'architecture culinaires...

Il a cité l'exemple d'un colloque organisé l'an dernier en Espagne, au cours duquel des chefs étaient invités à présenter leurs avancées en termes d'innovation. Il a ajouté que de tels entretiens permettraient, d'une part, de promouvoir un métier qui a profondément évolué, mais qui garde encore parfois une mauvaise image, et prouveraient, d'autre part, le dynamisme de la cuisine française et la place qu'elle occupe dans le monde.

M. Guy SAVOY, chef cuisinier (Mercredi 18 juin 2008)

M. Guy Savoy a estimé que le projet de candidature auprès de l'UNESCO visait à faire prendre conscience aux Français de la grande diversité de notre patrimoine culinaire, des spécialités de l'ensemble de nos régions, mais aussi de nos métiers de bouche. En effet, tout le monde n'a pas connaissance de cette grande richesse de nos territoires. Or, cette diversité est véritablement propre à la France : le nombre de variétés de pains et de fromages en sont une illustration.

Il a souligné que ce patrimoine, issu des spécificités de nos terroirs, de l'observation et du savoir-faire des hommes, fait pleinement partie de notre culture. Il renvoie, en amont, à l'ensemble de notre filière agricole.

Par ailleurs, il a indiqué qu'un grand nombre de chefs français sont sollicités à l'étranger et y exportent leur savoir-faire : tel est le cas, par exemple, au Japon, où beaucoup de restaurants « trois étoiles » ont un chef français. Mais la demande s'accroît fortement, ces dernières années, dans des pays comme la Russie, l'Ukraine ou l'Inde.

A cet égard, il a indiqué qu'il avait été contacté pour participer à un projet d'école hôtelière à Pondichéry : le développement d'une classe moyenne en Inde crée en effet une très forte demande en ce domaine.

Il a souligné, ensuite, l'impact de ce patrimoine gastronomique en termes économique et touristique. Citant un récent article paru dans Le Monde , il a fait observer que le chiffre d'affaires tiré de l'exportation des vins français représentait l'équivalent de 180 Airbus... Cependant, il a indiqué qu'il restait des efforts à faire, dans un grand nombre de domaines, pour renforcer l'attractivité de notre pays et donc valoriser notre grand potentiel.

Il a précisé, ensuite, qu'il faisait appel à plus de 460 fournisseurs pour l'approvisionnement de son restaurant. Des personnes de 14 nationalités y travaillent, dans un esprit de respect réciproque et d'épanouissement dans le travail.

Il a souhaité que l'école et les institutions relaient un message fort pour revaloriser les métiers de bouche et leur « redonner de la noblesse ».

M. Jean-Paul LESPINASSE, président de Lenôtre, membre du Club des Cent14 ( * ) (Mercredi 18 juin 2008)

M. Jean-Paul Lespinasse s'est d'abord étonné de la volonté de classer ou de codifier la gastronomie, celle-ci étant par nature éphémère et évolutive.

Il a mis en garde contre toute tentation hégémonique, considérant que la cuisine devait être ouverte aux diverses influences étrangères, ainsi que le traduit le concept de « fusion food ». Il a estimé, en outre, que la France n'avait pas le monopole en matière de tradition et d'inventivité culinaires. Il a cité, à cet égard, la créativité des chefs espagnols.

Mme Catherine Dumas a précisé que le concept de « patrimoine culturel immatériel » était une notion nouvelle pour l'UNESCO, renvoyant aux notions de transmission, de promotion et d'innovation.

M. Jean-Paul Lespinasse a souligné qu'à cet égard, il était essentiel pour notre pays d'assurer la sauvegarde, la préservation et la transmission des savoir-faire, alors que certains sont en voie de disparition. Il a souhaité, notamment, une politique de formation plus volontariste et une revalorisation de l'apprentissage dans les métiers qui peinent à se renouveler, comme la boulangerie, la pâtisserie ou la charcuterie. Il a indiqué que l'Italie était performante sur ce point.

S'il est crucial de préserver ce savoir-faire, il ne saurait être question, cependant, de prétendre se l'approprier ou de chercher à l'ériger en modèle universel. Ainsi, à partir de pieds de vigne français, on produit désormais du vin dans un grand nombre de pays, y compris depuis peu en Éthiopie.

M. Jean-Luc GERMOND, chef cuisinier du Sébastopol à Lille, président du Club des Tables Gourmandes de Lille-Métropole (Vendredi 20 juin 2008)

M. Jean-Luc Germond a défini, tout d'abord, la gastronomie comme « un art en perpétuel mouvement ». Il a indiqué que la France est un pays « phare » en ce domaine et que nombre de touristes sont attirés dans notre pays par notre art de vivre et notre patrimoine gastronomique.

Il a considéré que la cuisine fait partie de notre culture et que le projet de candidature auprès de l'UNESCO constitue une démarche positive pour accompagner l'ensemble de ceux qui oeuvrent dans ce domaine, de la production jusqu'à la création.

Il a présenté, ensuite, le Club des Tables Gourmandes de Lille-Métropole, qui a été créé il y a plus de dix ans, avec l'appui de la Chambre de commerce et d'industrie, de la ville et de la région, pour valoriser le savoir-faire des chefs de la région. Il réunit 28 chefs, convaincus que la bonne cuisine se fait à partir de bons produits.

Ce Club est né de la volonté de promouvoir le Nord à travers son patrimoine gastronomique très riche, par une mise en valeur des produits et des recettes locales parfois oubliés. Des produits sont en effet spécifiques à la région, tels que le chicon, certaines variétés de pommes de terre, le jus de houblon, la barbe de capucin - sorte d'endive cultivée depuis plus de 150 ans dans des cavernes souterraines lilloises, les catiches, et dont il reste aujourd'hui quatre ou cinq producteurs -, les lingots du Nord - sorte de haricots blancs -, etc. Par ailleurs, la région a un rapport important à la terre : elle est extrêmement riche en maraîchers, producteurs de céréales ou éleveurs, qui font partie de la filière gastronomique. Il existe également un grand nombre de micro-brasseries artisanales.

Ce Club organise des manifestations et édite un certain nombre de brochures :

- un guide des restaurants, qui paraît tous les deux ou trois ans ; le dernier valorise, en parallèle, le patrimoine architectural, afin de promouvoir la région ;

- un livre « Envie de santé », destiné à donner, de façon ludique, le goût de cuisiner et de manger plus sain, en respectant les produits et le code des saisons ; ce livre a été diffusé dans le monde entier.

Le Club a également un site internet, qui reçoit plus de 4 000 visites par mois, venant du monde entier.

M. Jean-Luc Germond a souligné que pour valoriser et magnifier le produit, il fallait, au préalable, le connaître et le respecter.

S'agissant de la démarche de candidature auprès de l'UNESCO, il s'est réjoui que ce soit un signe d'un intérêt porté à notre patrimoine culinaire. Il a estimé que la France était tout à la fois riche de ses produits, de son sol et de son savoir-faire. Nombre de nos chefs, qui exercent à l'étranger, sont des « ambassadeurs » de notre cuisine : au sein de l'association des maîtres cuisiniers de France, dont il est membre, près de 80 chefs sur plus de 300 exercent ainsi à l'étranger.

Il a souligné, enfin, que la cuisine est un échange, un art vivant qui se nourrit des différentes expressions et interprétations que les différents cuisiniers donnent des produits, y compris de ceux qui viennent du monde entier, et de la valeur-ajoutée qu'ils y apportent. La richesse de notre gastronomie vient d'abord de nos régions et campagnes profondes, qui ont toutes une identité culinaire forte et sont un vivier de produits dont certains sont appelés à disparaître.

Entretien téléphonique avec M. Marc SPIELREIN, président-directeur général de la SEMMARIS, Rungis Marché International (Vendredi 20 juin 2008)

M. Marc Spielrein a jugé excellente l'idée de candidature auprès de l'UNESCO pour l'inscription de notre patrimoine gastronomique : celui-ci est en effet reconnu au plan international. Il en est de même de la qualité de nos productions agricoles et de nos filières de mise en valeur des produits, jusqu'à notre tradition en matière de restauration. La France occupe sur ce point une position exceptionnelle. Elle est performante en matière de recherche et d'innovation dans ce domaine.

Le marché de produits frais de Rungis, qui est le plus grand au monde, illustre cette notion de patrimoine gastronomique ; il réalise un chiffre d'affaires de 7,2 milliards d'euros, dont environ 15 % à l'exportation. C'est une source d'approvisionnement dont la qualité et la diversité sont reconnues.

Il a insisté, en outre, sur l'importance du concept de « terroir », qui est très spécifique à la France même s'il se retrouve également dans d'autres pays comme l'Espagne ou l'Italie. Le terroir résulte de la conjonction d'un terrain, de conditions climatiques et du savoir-faire des hommes ; c'est l'union des ressources naturelles et du talent des hommes, de leur culture et de leurs traditions.

Enfin, c'est en France que s'est développée, dès le 18 ème siècle, toute une littérature sur les recettes de cuisine.

Il en a conclu que notre pays avait de bonnes raisons de s'engager dans cette démarche, à laquelle le marché de Rungis apporte son soutien.

Cependant, il a relevé des difficultés techniques, tenant notamment à la définition de notre patrimoine gastronomique : en effet, celui-ci évolue dans le temps ; il accueille, acclimate et assimile des produits et recettes venus de l'extérieur... Aussi sera-t-il nécessaire de bien préciser, au préalable, ce que la France souhaite faire inscrire.

Il a indiqué, toutefois, que ces difficultés ne devaient pas décourager toute initiative : en effet, cette capacité d'évolution et d'assimilation fait également la force de notre cuisine française. Cette dernière a donné une expression particulière à des produits et recettes venus d'ailleurs. La reconnaissance de ces apports étrangers n'affaiblit donc pas le dossier de candidature : il constitue au contraire un élément de consensus à mettre en avant. Par ailleurs, il a souligné que notre pays dispose de ressources académiques et universitaires solides sur ce sujet, qui seront un appui pour cerner le sujet.

Enfin, il a indiqué que la démarche de la France devra être modeste, et qu'il sera par ailleurs très positif de donner une grande visibilité populaire à ce projet, afin que tous les Français s'y reconnaissent.

M. Jean LHERITIER, président de Slow Food France (Vendredi 20 juin 2008)

M. Jean Lhéritier a rappelé qu'il faisait partie, depuis 2006, du comité de soutien en faveur de l'inscription par l'UNESCO du patrimoine alimentaire français sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, qu'a constitué l'Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation (IEHCA).

Il a indiqué, ensuite, que Slow Food est un mouvement international et populaire né en Italie dans les années 1980. Il a été avant-gardiste, en réfléchissant à la façon de produire et consommer mieux, dans un contexte marqué par l'obsession productiviste. Il réunit environ 100 000 membres dans 150 pays ; le mouvement commence à être reconnu en France, où il compte environ 2 000 adhérents. Il se décline, enfin, au niveau local, au sein de « convivium » : il en existe une quarantaine en France, plus de 500 en Italie et environ 150 aux États-Unis.

Il a souligné que, si la France était alors plus perméable que l'Italie à l'industrialisation, notre pays avait néanmoins entrepris, sous l'égide du Conseil national des arts culinaires (CNAC), un important travail d'inventaire de son patrimoine gastronomique.

Slow Food organise tous les deux ans, à Turin, un Salon du Goût ( Salone Internazionale del Gusto ) qui se tient en même temps que des rencontres entre paysans du monde entier ( Terra Madre ) : cette manifestation, qui comporte une dimension éthique, constitue une référence mondiale. Les rencontres entre paysans s'inscrivent en effet dans la logique de maintien et de développement des productions locales : la Banque Mondiale a montré que ces productions et économies vivrières étaient la solution pour nourrir l'humanité.

Par ailleurs, Slow Food cherche à donner aux consommateurs des outils pour apprendre à connaître les produits et développer ainsi l'éducation au goût : 250 laboratoires du goût ont été créés, sous la forme d'ateliers.

A partir de 2000, le mouvement s'est également préoccupé de la biodiversité, en procédant à un recensement des produits et en identifiant ceux - dénommés « sentinelles » - qui sont enracinés dans une pratique alimentaire locale mais néanmoins menacés de disparition : un plan de promotion est proposé pour chacune de ces « sentinelles », qui représentent un enjeu économique majeur car les grands chefs sont à la recherche de tels produits. Le navet noir de Pardailhan, le Pélardon affiné, la volaille Coucou de Rennes ou la lentille blonde de la Planète de Saint-Flour sont quelques exemples de produits « sentinelles » français.

M. Jean Lhéritier a souligné, ensuite, qu'il était possible de bien manger sans payer plus cher, citant à cette égard la campagne « 12 gestes pour manger mieux » lancée par son association.

Il a estimé que la démarche engagée par la France auprès de l'UNESCO avait vocation à donner une dignité à la culture alimentaire, dans une approche globale, comprenant l'agriculture, le goût, la dimension sociale de partage et de plaisir de la table qui s'est peu à peu étriquée. Il a souligné, à cet égard, qu'il était essentiel de modifier les comportements afin de retrouver cette dimension de plaisir : ainsi, son association a rédigé, en 1989, un « Manifeste du droit au plaisir ».

Puis il a relevé que ce nouveau regard porté sur la gastronomie, à travers ce projet de candidature, a fasciné les chefs.

De par la richesse de son patrimoine gastronomique, la France se doit de jouer un rôle pionnier, en ouvrant la voie à d'autres pays pour cette reconnaissance de la dignité des cultures alimentaires. Il ne s'agit donc pas d'opposer la gastronomie française aux autres cuisines. Il a estimé, par ailleurs, que le rejet de la candidature de la cuisine mexicaine tenait notamment à un manque de préparation du dossier.

Il a souligné, en outre, sur la nécessité de décloisonner, par cette approche globale, les savoirs des producteurs, chefs et chercheurs.

Puis il a insisté sur l'éducation à faire auprès des jeunes, pour qui la gastronomie est bien souvent un autre univers. Il a souhaité que des cours de culture alimentaire soient introduits dans les écoles, citant en exemple les initiatives de « jardin écoles » mises en place en Angleterre. Il a indiqué, de surcroît, que le Royaume-Uni venait d'annoncer l'introduction de cours de cuisine obligatoires au collège.

Mme Catherine Dumas ayant relevé la dimension d'intégration de la cuisine et l'importance, également, de développer la bonne alimentation dans l'hôpital et les prisons, il a cité le travail mené par son association auprès des maisons de retraite, avec la création de jardins potagers, ou encore l'action menée l'an dernier par Slow Food Italie auprès de 300 prisons.

Il a souligné, enfin, sur la nécessité pour la France, dans le cadre de cette démarche de candidature, de prouver, d'une part, que l'ensemble de la population est attachée à cette culture gastronomique et, d'autre part, de mettre en oeuvre les moyens d'en assurer la transmission.

M. Cyril LIGNAC, chef cuisinier, présentateur d'émissions de cuisine (Vendredi 20 juin)

M. Cyril Lignac a estimé que la cuisine française incarne la notion de partage et qu'elle renvoie à l'image et à l'identité de notre pays.

La France a, en effet, une culture culinaire, un patrimoine et des terroirs d'une grande richesse et d'une diversité exceptionnelle. Il existe des traditions gourmandes dans toutes les régions. Cette richesse vient notamment de la diversité des sols et des climats existant d'un bout à l'autre de notre territoire : la France est ainsi une terre agricole, propice à l'agriculture et à la viticulture.

Relevant que l'on ne fait pas de bonne cuisine sans de bons produits, il a insisté sur la nécessité d'avoir une vision globale de la gastronomie, qui s'inscrit dans une chaîne allant de l'agriculteur jusqu'au restaurateur.

Il a souligné que Paris était, aux yeux d'un grand nombre de touristes étrangers, la « capitale de la gastronomie ». De grands restaurants, situés dans des lieux d'exception, allient art architectural et gastronomie.

Par ailleurs, des créations, en pâtisserie notamment, nous sont propres et nombre de grands chefs étrangers sont venus se former en France, comme par exemple l'anglais Gordon Ramsay auprès de Joël Robuchon. Enfin, la France exporte nombre de ses produits.

Aussi, M. Cyril Lignac a considéré que l'inscription de notre patrimoine gastronomique auprès de l'UNESCO serait une reconnaissance de ce savoir-faire - véritable « travail d'orfèvre » - qui fait partie de notre culture.

Puis il a rappelé être originaire de l'Aveyron, pays agricole de culture gastronomique traditionnelle. Après avoir travaillé auprès de MM. Pierre Hermé, Alain Ducasse et Alain Passart notamment, il a eu l'opportunité d'ouvrir son propre restaurant et de présenter, dans ce cadre, à une série d'émissions de télévision : le concept était de donner leur chance à des jeunes en difficulté, en les formant aux métiers de la cuisine ; ce restaurant emploie aujourd'hui 27 employés et sert 70 couverts par jour.

Les expériences médiatiques qui ont suivi ont permis de montrer que la cuisine se partage et qu'il est possible de se donner du plaisir tous les jours à partir de choses simples. Leurs bons résultats en termes d'audience ont également permis de montrer un engouement des Français pour la cuisine : cet intérêt se traduit également par le nombre et le succès dans les kiosques des ouvrages ou revues spécialisées ; son magazine, « Cuisine by Cyril Lignac », se vend à 80 000 exemplaires tous les deux mois.

Il a indiqué, ensuite, que le documentaire « Vive la cantine ! », qui a été un grand succès, visait à faire retrouver aux enfants le plaisir de manger, en améliorant l'alimentation dans les cantines tout au long de l'année, et non pas seulement pendant la « Semaine du goût ».

Dans le même sens, il participe à une opération du ministère de l'agriculture, qui sera lancée à la rentrée prochaine en lien avec le ministère de l'éducation nationale, et consiste à faire distribuer des fruits aux enfants pendant la récréation.

Puis il a considéré essentiel de développer des cours de cuisine dans les écoles et a indiqué préparer un concept d'émission autour de cette idée, une bonne alimentation étant la base de notre capital santé.

M. Stéphane BLOHORN, président des Fromageries Androuët (Lundi 23 juin 2008)

Soulignant que le fromage est l'un des piliers de notre gastronomie, M. Stéphane Blohorn a indiqué qu'il en existe, en France, plus de 1 000 variétés.

La production du fromage, qui remonte à la période néolithique,  est ancrée dans une tradition très ancienne : elle est apparue en même temps que l'élevage, afin de répondre à la nécessité d'assurer la conservation du lait ; elle est liée à notre patrimoine culturel, puisque les fermes laitières - dont certaines sont classées au titre des monuments historiques - ou les caves d'affinage, représentent un patrimoine très riche ; enfin, elle traduit une part de notre identité culturelle, au travers des nombreuses fêtes, rites et traditions populaires qui y sont liées, comme par exemple les fêtes de la transhumance en Aubrac.

On compte aujourd'hui environ 90 000 exploitations laitières et plus de 3 000 producteurs de fromages.

Il existe des méthodes et techniques de fabrication ou d'affinage très différentes d'une région à l'autre : cette diversité est liée à la nature, puisque les hommes ont dû s'adapter à des climats et terroirs particuliers.

Il a relevé, ensuite, que les Appellations d'origine contrôlée (AOC) ou Indications géographiques protégées (IGP) traduisent un lien fort des produits avec l'identité des régions. Toutefois, il a regretté que ces systèmes de protection aboutissent à figer par écrit les modes de production et à les uniformiser selon un cahier des charges, alors que ces productions sont marquées par l'importance de la tradition orale et une forme d'empirisme qui risquent ainsi de se perdre.

Il a souligné la nécessité de protéger l'extraordinaire diversité fromagère de notre pays, menacée par l'industrialisation, le changement des modes de vie et l'évolution des technologies en réponse aux risques sanitaires.

A cet égard, il a regretté que le lait, devenu d'une certaine façon « trop propre » du fait des traitements et de la sélection des germes qu'il subit, s'est appauvri au plan gustatif par rapport au « lait cru », qui est un lait vivant : cette standardisation des produits altère la notion de « terroir », qui renvoie au contraire à des arômes spécifiques tenant à la richesse des pâturages, à l'exposition au soleil...

Il a indiqué, ensuite, que la Maison Androuët, fondée en 1909, a été la première à présenter et faire découvrir une variété de fromages venant de productions artisanales des différentes régions, alors que les fromagers ne vendaient jusqu'alors que des productions locales.

La Maison compte aujourd'hui six points de ventes à Paris, employant 15 personnes, et un à Stockholm.

Elle est citée dans tous les guides touristiques et attire notamment beaucoup de visiteurs japonais. Le Japon, qui est l'un des rares pays à n'avoir jamais produit de fromages, est devenu le premier importateur.

M. Stéphane Blohorn a souligné, enfin, les difficultés de la profession à recruter. Cette formation se fait soit « sur le tas », soit au sein d'une école créée à l'initiative du syndicat des fromagers détaillants. Or, celle-ci ne forme que 15 fromagers par an.

Il a estimé important que la démarche d'inscription du patrimoine gastronomique français au patrimoine de l'humanité puisse aboutir, afin de renforcer l'attractivité de ces formations et de ces métiers, mais aussi afin de protéger un certain nombre de pratiques. Faisant observer que deux groupes industriels, assurant à eux seuls plus de 82 % de la production de camembert, font pression pour la disparition de la production au lait cru, il a jugé nécessaire d'aider les petits producteurs à assumer les coûts supplémentaires élevés liés à ce mode de production.

M. Jacques PUISAIS, fondateur et vice-président de l'Institut du Goût (Lundi 23 juin 2008)

Chimiste et oenologue de formation, M. Jacques Puisais a rappelé, au préalable, qu'un produit alimentaire possède trois propriétés : nutritionnelle, hygiénique et organoleptique. A la différence des deux premières, cette dernière propriété, qui s'assimile au goût, ne se mesure pas mais s'apprécie da façon sensorielle. En effet, le goût n'existe pas en tant que tel : il est ressenti individuellement, puis mémorisé ; mais on ne revit jamais le même instant.

Il a indiqué avoir mis au point, dans les années 1970, une méthode d'analyse sensorielle. Puis il a créé, en 1976, l'Institut français du goût, devenu ensuite Institut du goût.

Il a développé, dans ce cadre, les premières classes d'éveil au goût, qui ont concerné au total 100 000 élèves dans les écoles ; des enseignants volontaires ont suivi, en outre, des formations. Cette méthode, traduite dans un manuel, « Le goût chez l'enfant », a été diffusée en Suède et plus récemment au Japon : ce dernier pays a rendu obligatoire, il y a moins d'un an, l'éducation au goût dans les écoles ; celle-ci est essentielle, en effet, pour favoriser l'intégration, le maintien des liens familiaux, etc., et donc lutter contre les formes de délinquance juvénile.

Il a regretté que les expériences conduites en France à partir de la fin des années 1970 aient été depuis abandonnées : soulignant qu'« avaler sans goûter n'est que ruine du palais », il a souhaité que la démarche engagée en faveur de la reconnaissance mondiale de notre patrimoine gastronomique permette notamment de faire prendre conscience de l'importance de cette dimension sensorielle, qui permet de dépasser tout clivage mais suppose une éducation au goût. L'Institut du goût a édité un CR-Rom, « Le Goût et les cinq sens », qui permettrait de relancer de telles initiatives, comme va le faire la Louisiane à partir de ce support. Il a également évoqué un manuel, « Le goût et l'idée : apprendre à manger en famille », qui devrait selon lui être distribué à tous les parents.

Définissant, ensuite, la gastronomie comme l'« acte de faire bonne chère », de bien manger et bien boire, il a indiqué que celle-ci était un dialogue entre un « émetteur » - le produit authentique, de saison - et un « récepteur » averti et intéressé. Il a distingué la gastronomie de la cuisine et de l'alimentation, cette dernière étant une nécessité vitale, tout en soulignant que la gastronomie n'avait rien d'élitiste : au contraire, c'est un moyen de faire que les gens se rassemblent et retrouvent le sourire.

Puis il a fait observer que la France, de par sa position géographique singulière et ses climats variés, avait des dispositions exceptionnelles en matière de production : ainsi, ses productions viticoles et fromagères, notamment, sont le résultat d'un biotope précis.

Il a indiqué que la richesse de notre patrimoine gastronomique était respectée de par le monde : au Japon, les écoles de cuisine enseignent les cuisines japonaise, chinoise et française.

Il a plaidé, ensuite, dans un souci de qualité mais aussi d'aménagement du territoire, en faveur d'une relance d'une agriculture de proximité, faisant observer que c'est d'abord à partir des produits locaux de la ferme que s'est écrite l'histoire de notre gastronomie. En ce sens, il a lancé l'idée d'« auberges à la française », qui s'approvisionneraient à partir de ces productions de proximité.

Mme Sandrine GARBAY, oenologue, maître de chai au Château d'Yquem (Lundi 23 juin 2008)

Mme Sandrine Garbay a indiqué, au préalable, que sans être issue du monde de la viticulture, elle a décidé de suivre, à 18 ans, une formation en oenologie à l'Université de Bordeaux, afin d'approfondir son intérêt pour la chimie et la biologie en l'appliquant à un produit concret. Se découvrant une passion pour le vin, elle a ensuite poursuivi sa formation en passant un doctorat en oenologie. Bordeaux est l'une des cinq écoles d'oenologie, avec celles de Reims, Dijon, Montpellier et Toulouse.

Elle a relevé, ensuite, que les femmes sont encore peu nombreuses dans la profession, même si celle-ci a tendance à se féminiser.

Puis elle a rappelé que le Château d'Yquem, où elle exerce les fonctions de maître de chai, produit, à Sauternes, un vin liquoreux dont la spécificité repose sur la notion de « pourriture noble » : il s'agit d'un petit champignon qui se développe sur le pied de vigne et entraîne une surconcentration en sucre ; il faut réunir pour cela des conditions climatiques spécifiques, alternant humidité et périodes sèches. De fait, la production de vins liquoreux reste assez limitée dans le monde : elle se retrouve également en Allemagne, en Alsace, en Autriche, en Hongrie, sur les coteaux du Layon ou encore en Afrique du Sud.

Château d'Yquem produit annuellement environ 100 000 bouteilles, soit 1 000 hectolitres, sur une production totale de 40 000 hectolitres de vins de Sauternes. 80 % de cette production est exportée, notamment aux États-Unis et au Japon, mais également à Singapour, Hong-Kong, en Europe du Nord, en Italie ou en Russie...

L'histoire du domaine est ancrée dans l'Histoire : il y existe des vignes depuis le Moyen-Âge ; en 1593, les droits de tenure du domaine, appartenant à la couronne de France, ont été donnés à un notable local, Jacques Sauvage ; en 1711, ses descendants, anoblis par Louis XIV, ont racheté ces droits, devenant propriétaires du domaine ; ce sera une femme, Françoise Joséphine de Sauvage, épouse du comte de Lur-Saluces, qui prendra, au décès de son mari, la tête du domaine en 1785 et qui le sauvera de la Révolution.

Le domaine est classé « premier cru supérieur » depuis 1865. Depuis 1999, le principal actionnaire en est le groupe LVMH (Louis Vuitton / Moët Hennessy). Le domaine est géré depuis mai 2004 par M. Pierre Lurton.

S'agissant du projet d'inscription à l'UNESCO de notre patrimoine culinaire, Mme Sandrine Garbay a estimé que cette démarche était pleinement justifiée, dans la mesure où les étrangers sont en général admiratifs de la richesse de notre gastronomie et de notre qualité de vie.

Elle a indiqué qu'un important travail d'éducation restait à mener afin de faire découvrir toutes les associations possibles entre mets et vins, mais aussi le vocabulaire spécifique à la dégustation. Cette approche intellectuelle du vin suscite un intérêt de plus en plus grand, notamment de la part des étrangers qui viennent en France pour suivre des stages de formation dans des « écoles du vin ».

Elle a souligné, enfin, l'ancrage du patrimoine viticole dans notre histoire, puisque l'existence du vignoble français remonte à l'Antiquité. La production est restée très localisée sur les sols les plus propices à une production de qualité, d'où ce concept de « terroir » qui nous est assez spécifique. Les pays étrangers importent à la fois nos techniques de production viticole et les hommes et femmes qui incarnent ces savoir-faire.

A Yquem, les procédés de vinification sont restés ancestraux.

Entretien téléphonique avec M. Chérif KHAZNADAR, président du conseil d'administration de l'association Maison des cultures du monde, président de l'Assemblée générale des États partie à la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (UNESCO) et président du Comité culture de la Commission nationale française pour l'UNESCO (Jeudi 26 juin 2008)

M. Chérif Khaznadar a estimé que le patrimoine gastronomique français n'a pas sa place sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, cette candidature ne correspondant ni à l'esprit ni à la lettre de la Convention de sauvegarde de 2003.

En effet, celle-ci a d'abord cherché à rétablir un équilibre entre les pays du Sud et les pays occidentaux, dans la mesure où la Convention de 1972 sur le patrimoine culturel mondial a davantage « favorisé » ces derniers, dotés d'un patrimoine architectural plus important.

Ainsi, la Convention de 2003 a fait suite à une série d'initiatives de l'UNESCO portant sur la reconnaissance des folklores et des traditions populaires, et notamment au programme de Proclamation des « Chefs d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité », qui a permis de valoriser des formes d'expression spectaculaire ou rituelle dont les pays du Sud sont riches.

Il a précisé, ensuite, que la procédure en vue d'une inscription sur la Liste représentative était très simple et légère, dans la mesure où cette inscription n'ouvre pas droit à un soutien financier : le dossier à remplir, qui va être mis en ligne cette semaine sur le site de l'UNESCO, consiste en un questionnaire en quatre pages. Aussi, il a jugé disproportionnée les dispositifs qui se mettent en place actuellement pour préparer la candidature de la gastronomie française.

L'élément dont il est demandé l'inscription doit être défini dans le dossier de candidature, celui-ci précisant clairement que cet élément « doit être une pratique, une représentation ou une expression spécifique, rattachée à une communauté donnée, plutôt qu'un vaste domaine de création ou un ensemble indéfini de manifestations culturelles lié à une zone géographique. »

Il a rappelé, par exemple, qu'au titre des Chefs d'oeuvres, c'était ainsi le théâtre No qui avait été classé, et non le théâtre japonais dans son ensemble.

Indiquant que le projet de candidature française avait reçu un écho plutôt défavorable au sein des experts du patrimoine immatériel à l'UNESCO, il s'est demandé, en effet, comment il serait possible de définir un ensemble si large. Il a estimé, néanmoins, qu'il serait possible d'identifier un ou des élément(s) de ce patrimoine culinaire, renvoyant à des savoir-faire, des modes de vie ou des formes d'expression spécifiques.

M. Jacques LE DIVELLEC, chef cuisinier au restaurant Le Divellec à Paris (Jeudi 26 juin 2008)

M. Jacques Le Divellec a indiqué, tout d'abord, qu'il avait pu mesurer, au cours de ses nombreux voyages, l'intérêt que suscite notre cuisine française à l'étranger : on retrouve ainsi des bases de celle-ci dans quasiment toutes les cuisines du monde ; notre cuisine s'est également enrichie dans ces échanges avec les autres pays.

Il a évoqué, ensuite, un projet qu'il a mis en place il y a quelques années avec l'UNESCO : un bateau a sillonné les côtes méditerranéennes, avec pour fil conducteur l'olivier, symbole de la Méditerranée. Chacune de ses escales, donnant lieu à des manifestations culturelles et folkloriques, a permis de découvrir les différentes façons dont cet arbre est cultivé et dont ses fruits sont cuisinés d'une région à l'autre.

Puis il a indiqué avoir écrit 15 livres, afin de transmettre ce qu'il a appris et de promouvoir le respect des produits. L'un d'eux, écrit avec le Père Alain de La Morandais et intitulé « A table avec Moïse, Jésus et Mahomet » , s'intéresse aux traditions culinaires des trois grandes religions monothéistes et met en lumière, au-delà de leurs différences, bien des points de convergence.

Il a considéré que le projet d'inscription de notre patrimoine gastronomique au patrimoine de l'humanité était une idée formidable, afin de mettre en avant et de défendre l'influence qu'exerce notre cuisine de par le monde, mais également afin d'apporter une reconnaissance aux professionnels du secteur.

Il a indiqué avoir formé plus de 150 apprentis tout au long de sa carrière. Il a également été responsable des examens et concours en Région Poitou-Charentes et conseiller auprès du recteur, et a oeuvré en faveur de la création d'un lycée hôtelier à la Rochelle, où il a exercé jusqu'en 1983 : ce dossier a abouti après plus de 10 ans de démarches.

Soulignant l'importance de l'intelligence de la main, qui permet à de nombreux jeunes de s'épanouir, il a dénoncé un certain laxisme de notre enseignement professionnel. Il a préconisé, d'une part, que les enseignants venant « contrôler » les apprentis pendant leur stage restent plusieurs jours avec eux, et, d'autre part, que des anciens professionnels soient sollicités pour accompagner ces jeunes. Il a souhaité que ces derniers puissent être mieux informés de ce qu'est réellement le métier.

Enfin, rappelant que son restaurant est spécialisé dans la cuisine du poisson, il a dénoncé les excès de la pêche en gros, estimant que notre siècle sera sans doute le dernier où l'on pourra déguster du poisson sauvage. Il a relevé, en outre, que la plupart des gens ne connaissent qu'une dizaine de poissons, alors qu'il en existe plus de 300 variétés.

M. Alexandre CAMMAS, cofondateur du mouvement « Le Fooding » (Jeudi 26 juin 2008)

M. Alexandre Cammas a indiqué, au préalable, qu'après avoir fait l'école hôtelière, il a été serveur puis maître d'hôtel, avant d'être recruté par le journal Libération pour écrire une chronique gastronomique. Il a ensuite été rédacteur en chef d'un supplément au magazine Nova, « Boire et manger », et a travaillé, par ailleurs, au guide Gault-Millau.

Il a lancé, en 1999, le terme de « fooding », contraction de « food » et de « feeling », afin de promouvoir une vision nouvelle de la cuisine, plus ouverte sur ce qu'est la cuisine française actuelle, dans toute la richesse de sa diversité, et donc représentative du « goût de l'époque » : plutôt que de faire de la France un « musée » d'une gastronomie normée, l'objectif est ainsi de mettre en avant la personnalité et la sensibilité des chefs, c'est-à-dire des talents individuels et authentiques. D'autres termes renvoient à cette idée, tels que celui de « terroir mental » évoqué par M. Alain Ducasse, « cuisine au feeling » ou encore « cuisine d'auteur »...

Un autre objectif est de rendre, ainsi, la cuisine plus attractive afin de susciter des vocations auprès des jeunes, mais également de montrer que notre cuisine française peut encore continuer à servir d'aiguillon, en ayant un temps d'avance sur son époque.

Après un premier projet organisé en décembre 2001, le bureau du « Fooding » a été créé en 2003. Il comprend aujourd'hui six personnes employées à temps plein, la plupart étant des jeunes d'environ 25 ans, tous passionnés de cuisine. Le mouvement a eu un très grand nombre de retombées dans les médias : il propose sur son site et dans des magazines des critiques de restaurants, et organise également un grand nombre d'évènements, notamment les « grands pique-niques » d'été, qui réunissent plusieurs milliers de personnes, invitées, pour un droit d'entrée de cinq euros, à déguster des plats préparés par des grands cuisiniers. Le Fooding organise par ailleurs des actions « citoyennes », par exemple au profit d'Action contre la faim.

Au sujet du projet d'inscription de la gastronomie française au patrimoine de l'humanité, il a regretté que cela puisse être interprété comme une volonté de démontrer que notre cuisine serait la meilleure au monde. Il a considéré que le seul point positif de la démarche était qu'elle mettait en avant la dimension culturelle de la cuisine. Préférant le terme de « culture culinaire » à tous les autres, il a estimé que la cuisine était en effet un fer de lance de notre culture. Il a regretté que ce secteur, éclaté entre les différents ministères potentiellement concernés - agriculture, tourisme, culture... - soit finalement laissé à l'abandon.

Il a estimé que la France n'avait guère d'intérêt à s'engager dans cette démarche d'inscription à l'UNESCO, et qu'elle y avait d'ailleurs davantage à perdre qu'à gagner, en prenant le risque d'aller vers un échec. Puis il a considéré que la Mission chargée de préparer le dossier de candidature ne reflétait pas notre cuisine française, dans la mesure où elle ne comprend pas de chefs représentant la « nouvelle génération ».

Il aurait préféré que l'énergie déployée dans le but de cette candidature serve plutôt à mener des actions concrètes.

Il a insisté, à cet égard, sur une idée qui consisterait à organiser, au moins une fois par an, un grand événement autour de la gastronomie, par exemple dans un lieu aussi prestigieux que le Grand Palais, afin de montrer que « les choses bougent ».

Il a estimé, enfin, que les écoles hôtelières devaient évoluer, renvoyant, à cet égard, au travail sur les défis de l'hôtellerie-restauration réalisé en 2007, à la demande du Premier ministre, M. Dominique de Villepin, par la mission présidée par M. Thierry Costes. Il a souligné que nombre de jeunes chefs, parmi les plus créatifs, étaient des autodidactes. Puis il a insisté sur l'importance de « faire rêver » les jeunes dans ces écoles et dans les centres de formation par apprentissage, par exemple par des « cours mobiles d'hôtellerie-restauration », leur montrant qu'il est possible de se construire un bel avenir dans ces métiers.

M. Éric KAYSER, artisan boulanger (Vendredi 27 juin 2008)

M. Éric Kayser a indiqué avoir suivi une formation en apprentissage en boulangerie avant d'entrer chez les Compagnons. Il a été formateur pour l'Institut national de la boulangerie et a travaillé à l'étranger, avant d'ouvrir sa première boulangerie rue Monge à Paris, en septembre 1996. Son entreprise sera présente, à la fin de l'année, dans 15 pays au total, faisant travailler, directement ou indirectement, de 3 à 4 000 personnes. Elle compte une trentaine de magasins à Paris, employant 500 personnes environ. Les boulangeries font appel à des procédés de haute technologie, tout en conservant une qualité artisanale.

Les boulangeries Kayser utilisent les matières premières des pays où elles sont implantées dans la fabrique du pain et s'adaptent aux us et coutumes et aux différences de goûts. Ainsi, au Japon, elles préparent du pain au thé vert ou à base de fleurs de cerisiers.

Il a créé une école en Russie, et envisage d'en ouvrir une autre au Sénégal notamment. Il souhaiterait également trouver un espace pour en ouvrir une à Paris.

Puis il a insisté sur la nécessité de mieux communiquer sur cette profession, de développer les formations y conduisant et de redonner ses lettres de noblesse à un métier qui a été dénigré et qui est aujourd'hui confronté à des difficultés de recrutement. Il a souhaité, notamment, que l'on dise aux jeunes que ce métier permet de bien gagner sa vie et peut ouvrir des perspectives de carrière intéressantes, comme devenir indépendant, travailler dans le commercial ou travailler à l'étranger.

Au regard du projet de candidature de la gastronomie française à l'UNESCO, il a souligné que le métier de boulanger fait appel à des connaissances et un savoir-faire pour transformer la farine en pain, en prenant en compte les conditions de température, d'air ou d'humidité. Il a estimé qu'il s'agit d'un véritable métier d'alchimiste, d'un métier millénaire transmis de génération en génération. Il a indiqué être lui-même la 5 ème génération d'une famille de boulangers et de meuniers. Cette candidature offre une reconnaissance à tous ceux qui oeuvrent dans ces métiers.

Il a fait observer que les étrangers qui souhaitent apprendre le métier de boulanger viennent en France, ou font appel à des Français, pour acquérir un savoir-faire que nous avons su préserver, en conservant des recettes ancestrales tout en les adaptant aux techniques modernes.

Il a souligné, ensuite, que l'image de la France dans le monde reste indissociable du pain et que la profession de boulanger reste liée à l'image de notre pays à l'étranger.

Il a indiqué qu'une boulangerie est un lieu de rencontre et de dialogue. Dans les petits villages, elle constitue un élément du patrimoine rural, façonnant l'image des territoires et contribuant à leur valeur attractive.

Rappelant que le premier pain au levain naturel était apparu du temps des Égyptiens, il a précisé qu'il existe aujourd'hui de 200 à 300 variétés de pains : à l'origine, chaque région avait son propre blé et donc son pain spécifique.

Il a considéré, enfin, que la réglementation sur le « pain de tradition française » a permis de sauver la profession, en créant des points de repère pour faire du meilleur pain et préserver des savoir-faire.

MM. Stephan RIVIERE, intendant de la Présidence du Sénat, Gilles POYAC, chef de cuisine, Pascal GRIERE et Jérôme LEMINIER, seconds de cuisine (Vendredi 27 juin 2008)

M. Stephan Rivière a indiqué être devenu intendant de la Présidence du Sénat en 2004, par le hasard des rencontres, et après avoir exercé au sein du groupe Accor puis à l'Assemblée nationale. Il est devenu, en 2007, Meilleur Ouvrier de France « Maître des arts et du service de la table ».

M. Gilles Poyac a indiqué être chef de cuisine de la Présidence du Sénat depuis 1994, après avoir travaillé auprès de MM. Pierre Gagnaire et Alain Chapel puis à l'ambassade de France à Londres. Il est entré en apprentissage à l'âge de 15 ans. Il a été Meilleur Ouvrier de France en 2000.

M. Pascal Grière est second de cuisine depuis 1999. Entré en apprentissage à 16 ans, il a notamment exercé au Ritz. Il est Meilleur ouvrier de France 2004. Il a indiqué, par ailleurs, être membre de l'Académie culinaire de France, de l'Association des meilleurs ouvriers de France et de l'association des Toques françaises.

Également second de cuisine depuis 1999 et Meilleur ouvrier de France en 2004, M. Jérôme Leminier , après une formation en apprentissage en Bretagne, a exercé à la Tour d'Argent, auprès de Bernard Loiseau et au Plazza Athénée.

Ils ont remporté le Bocuse d'Or en 2007.

S'agissant du projet d'inscription de notre patrimoine gastronomique à l'UNESCO, M. Stephan Rivière a considéré que ce serait l'opportunité de mettre l'accent sur la capacité de la France à assurer la transmission d'un savoir-faire par la formation : en effet, dans notre pays, l'apprentissage est développé et le compagnonnage garde une grande importance ; trois apprentis travaillent tout au long de l'année dans les cuisines de la Présidence du Sénat. L'importance que l'on accorde à la gastronomie se mesure, en outre, par l'existence de concours prestigieux tels que celui des Meilleurs Ouvriers de France ou le Bocuse d'Or, qui est un concours international, mais également de nombreux concours régionaux. On ne compte plus, par ailleurs, le nombre de guides portant sur le sujet.

Il a insisté sur la vocation de tous les grands chefs à transmettre leur savoir et sur les multiples échanges dont se nourrit la cuisine : garder une recette pour soi, c'est la laisser mourir. En effet, chacun interprète une recette selon sa personnalité, sa sensibilité, les influences étrangères ou régionales qu'il a reçues. Il a souligné que la passion est au coeur de ces métiers.

M. Gilles Poyac a souligné, dans le même sens, que les rencontres jouaient un rôle essentiel pour progresser dans le métier et y trouver sa voie, soulignant l'importance des « parrainages ». Il a indiqué que c'était une belle reconnaissance, pour les jeunes apprentis, de se voir remettre un prix au Sénat, à l'occasion du concours des « Meilleurs apprentis de France », organisé par la Société Nationale des Meilleurs Ouvriers de France.

Il a exprimé, néanmoins, la crainte que l'inscription de notre patrimoine gastronomique à l'UNESCO ne conduise à figer toute évolution.

MM. Christian DELHAYE, directeur général des Cartes et Guides Michelin, et Jean-Luc NARET, directeur du Guide Michelin Vendredi 27 juin 2008

M. Christian Delhaye a indiqué que les guides Michelin ne représentent, certes, que moins de 0,5 % du chiffre d'affaire du groupe Michelin, mais qu'ils contribuent de façon très importante à sa renommée et lui confèrent une image positive. Il s'agit donc d'un positionnement très stratégique pour le groupe.

Le « Guide rouge » a été créé en 1900 par Edouard Michelin, pour accompagner la mobilité des « chauffeurs », avec l'arrivée de l'automobile. Il a été vendu à plus d'un million d'exemplaires cette année et est diffusé dans plus de 80 pays.

Par ailleurs, Michelin a créé, en 1908, le premier bureau des itinéraires. Aujourd'hui, le site internet, qui propose des itinéraires et conseille des restaurants et hôtels, reçoit environ 500 millions de connexions par an.

M. Jean-Luc Naret a ajouté qu'en dehors du Guide France, il existe à présent 12 guides pays, un guide des bonnes tables d'hôtes et des bonnes « petites tables » par région.

Le Guide sur Tokyo a été lancé cette année en Europe : il a été vendu à 100 000 exemplaires en 24 heures. Tokyo est ainsi devenue la ville la plus « étoilée » ; c'est également celle où il existe le plus de restaurants puisqu'on en compte plus de 170 000, contre 13 000 à Paris.

Environ 45 000 restaurants sont recommandés de par le monde, par le biais d'un système de distinction et d'un système de classification, reposant sur des inspections anonymes. Chaque inspecteur, à la recherche des meilleures adresses, rédige près de 1 200 rapports par an. L'équipe réunit près de 70 inspecteurs à plein temps en Europe ; la moyenne d'âge est de 43 ans. On compte très peu de femmes, sauf aux États-Unis, où elles sont majoritaires.

A la différence du système de distinction, qui prend en compte le cadre et le service, la classification en étoiles, revue chaque année, ne repose que sur la qualité de la cuisine, selon des critères tenant au choix des produits, à la qualité des cuissons, à la personnalité du chef, à la régularité et au rapport qualité-prix : ainsi, « les étoiles sont dans l'assiette ». Seuls 5 % des restaurants sélectionnés sont « étoilés » ou « étoilables ».

Le Guide reçoit environ 45 000 lettres par an, qui entrent en compte dans les évaluations et peuvent déclencher une visite d'inspecteur.

On compte 500 restaurants étoilés en France et 1 700 dans le monde : 73 restaurants « 2 étoiles » en France et 173 dans le monde, et enfin 27 restaurants « 3 étoiles » en France sur les 68 distingués dans le monde. La France reste le pays le plus étoilé et Paris est la ville où il existe le plus de restaurants « 3 étoiles » : 9 contre 8 à Tokyo. Cependant, c'est désormais Tokyo qui est la ville la plus étoilée.

Les chefs les plus « étoilés » sont Joël Robuchon (18 étoiles), Alain Ducasse (15 étoiles) et l'anglais Gordon Ramsay (10 étoiles).

40 % des restaurants répertoriés à Tokyo sont français et beaucoup de restaurants « 3 étoiles » à New York ont un chef français : cela montre que notre cuisine française s'exporte bien. Même si nous ne sommes pas les seuls, notre patrimoine gastronomique est reconnu et incontesté.

Le Guide Michelin, dont la 100 ème édition paraîtra en mars prochain, reste une référence au niveau international et y figurer est une reconnaissance pour les établissements. Il doit donc se montrer sans complaisance. Or, les retombées d'un classement ou d'un déclassement sont importantes : une étoile permet en général d'augmenter de 15 % le chiffre d'affaire ; 3 étoiles permettent d'attirer une clientèle internationale.

S'agissant de la démarche engagée pour l'inscription par l'UNESCO, il a estimé qu'elle était intéressante pour la reconnaissance de notre gastronomie. Il s'est demandé, cependant, si cela ne conduirait pas à figer un patrimoine et des recettes.

M. Gérard CAGNA, chef cuisinier, conseiller auprès du président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), membre de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (Vendredi 27 juin 2008)

M. Gérard Cagna a d'abord indiqué être membre, en tant que trésorier, de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires, aux côtés des autres chefs André Daguin, président de l'UMIH, et Guy Savoy.

Il a estimé que la démarche engagée par la France auprès de l'UNESCO était importante pour transmettre, promouvoir et innover dans le domaine de notre patrimoine culinaire et des coutumes alimentaires.

Toutefois, il a mis en garde contre le danger qu'il y aurait à prétendre que notre cuisine serait la meilleure au monde : il s'agit plutôt d'aborder notre cuisine comme un élément constitutif de notre culture.

Puis il a cité plusieurs termes auxquels ce projet d'inscription fait écho : territoire et géographie, hommes et histoire, produits et nourriture, transmission et innovation, diversité et métissage.

Il a salué, ensuite, l'approche plus universelle mise en avant par les grands chefs Relais et Châteaux, dans l' « appel de Séville » qu'ils ont lancé pour soutenir la démarche française.

Il a souligné, en effet, combien la cuisine française sert de passerelle, de médiation, entre les cuisines et les hommes du monde entier. La notion de partage est également au coeur de la cuisine : ce sont en effet la langue et l'alimentation qui rapprochent les hommes.

Il a reconnu, cependant, qu'une difficulté tenait à la bonne définition du champ de la demande d'inscription, soulignant la nécessité de ne pas garder une approche trop « franco-française » et de mettre en avant la notion de coutumes culinaires. Il a indiqué que Jean-Claude Ribaud, chroniqueur gastronomique au Monde avait mis en avant le fait que la démarche française pouvait apparaître en décalage avec l'esprit de la Convention de l'UNESCO, d'abord pensée pour valoriser le patrimoine immatériel de pays du Sud.

* 14 Le Club des Cent, club de gastronomes présidé par M. Jean Solane, a été fondé en 1912 par M. Louis Forest. Il réunit, une fois par semaine, 100 membres titulaires et 18 stagiaires.

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