II. LE PROJET D'INSCRIPTION AU PATRIMOINE IMMATÉRIEL DE L'HUMANITÉ : LE SENS ET LES ENJEUX DE LA DÉMARCHE

A. LA RECONNAISSANCE PAR L'UNESCO DE L'IMPORTANCE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL...

1. La genèse et les objectifs de la Convention de 2003

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée par la Conférence générale de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) le 17 octobre 2003 , lors de sa 32 e session, est issue d'un long travail de recherches mené par l'UNESCO, en vue de reconnaître la fonction et la valeur des expressions et pratiques culturelles vivantes , de faire prendre conscience de leur importance et d'en assurer la protection, le respect et la mise en valeur .

Comme le montre l'encadré ci-après, le point de départ de cette réflexion a été l'adoption, le 16 novembre 1972, de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, concernant les sites et monuments remarquables. A l'instar de ce mécanisme reconnu et estimé de protection du patrimoine « matériel », il a dès lors été question de doter le patrimoine « immatériel » d'un instrument permettant d'en assurer la préservation.

En ce sens, une première étape importante a été l'adoption, en 1989, de la Recommandation de l'UNESCO sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire : de caractère non contraignant, elle a néanmoins incité des États membres à adopter des mesures législatives ou administratives et à dresser un inventaire de leur patrimoine culturel immatériel.

En outre, la démarche de valorisation et de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel s'est traduite dans différents programmes de l'UNESCO :

- le programme pour la sauvegarde des langues en danger , lancé en 1993 et visant à contribuer à la promotion et à la protection de la diversité linguistique à travers le monde ;

- le programme des « Trésors humains vivants » , lancé en 1994 sur le modèle des « Trésors nationaux vivants » du Japon ; son objectif est d'encourager la création de tels systèmes nationaux permettant d'honorer les détenteurs d'un savoir-faire traditionnel rare et exceptionnel et de les encourager à en assurer la transmission ; en France, la création, par arrêté du 15 novembre 1994, du titre officiel de Maître d'art s'inscrit dans ce cadre ;

- enfin, le programme de « Proclamation des chefs d'oeuvre du patrimoine culturel immatériel de l'humanité » , institué en 1997 : cette nouvelle distinction internationale a permis d'attirer l'attention sur les exemples les plus remarquables de notre patrimoine vivant, dans le but de les partager, de les célébrer et de les sauvegarder ; le programme a ainsi permis de sensibiliser la communauté internationale à la valeur et à la diversité des expressions culturelles portées par ce patrimoine, ainsi qu'à l'urgence d'agir pour assurer sa transmission ; en trois Proclamations successives - en 2001, 2003 et 2005 - 90 « chefs d'oeuvres » issus de 70 pays ont été distingués 5 ( * ) .

Ce dernier programme a servi d' étape préalable à l'élaboration de la Convention. Celle-ci consacre, de par son caractère d'instrument normatif international contraignant, la stratégie de sauvegarde du patrimoine immatériel. Son entrée en vigueur, le 20 avril 2006 , marque la fin du programme des Chefs d'oeuvre, intégré à la Convention.

La Convention compte à ce jour 95 États parties . La France en est devenue le 54 ème , le 11 juillet 2006.

La genèse de la Convention de 2003 : éléments de chronologie


1972 - Lors de l'adoption de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, plusieurs États membres soulignent l'importance qu'ils accordent à la sauvegarde de ce qui s'appellerait plus tard le patrimoine immatériel ;


1973 - La Bolivie propose d'ajouter un Protocole à la Convention universelle sur le droit d'auteur afin de protéger le folklore ;


1982 - L'UNESCO met en place un Comité d'experts sur la sauvegarde du folklore ; création de la section pour le patrimoine non-matériel ;


1982 - La Conférence mondiale sur les politiques culturelles (Mondiacult), organisée à Mexico, reconnaît l'importance du « patrimoine culturel immatériel » et inclut ce dernier dans sa nouvelle définition de « culture » et de « patrimoine culturel » ;


1989 - La Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire est adoptée par la Conférence générale ;


1994 - L'UNESCO lance le programme « Trésors humains vivants » à la suite d'une proposition formulée par la République de Corée ;


1996 - Le rapport intitulé « Notre diversité créatrice » souligne que la Convention de 1972 n'est pas appropriée pour la célébration et la protection de l'artisanat ou des formes d'expressions telles que la danse ou les traditions orales, et plaide en faveur d'autres formes de reconnaissance adaptées à la diversité et richesse du patrimoine existant dans le monde entier ;


1997/1998 - L'UNESCO lance le programme de Proclamation des chefs-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité ;


1997 - En juin, l'UNESCO et la Commission nationale marocaine organisent à Marrakech une Consultation internationale d'experts sur la préservation des espaces culturels populaires ;


1999 - L'UNESCO et la Smithsonian Institution organisent conjointement à Washington une conférence intitulée « Évaluation mondiale de la Recommandation de 1989 sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire : pleine participation et coopération internationale » ;


2001 - En mai, la première Proclamation 19 espaces culturels ou formes d'expression culturelle se voient décerner le titre de chefs-d'oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité. Les États membres de l'UNESCO adoptent la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, ainsi que son plan d'action ;


2003 - La Conférence générale, au cours de sa 32è session, adopte la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en octobre. En novembre, lors de la deuxième Proclamation, 28 nouveaux espaces culturels ou formes d'expression culturelle enrichissent la liste des Chefs-d'oeuvre ;


2004 - L'Algérie dépose son instrument de ratification le 15 mars, devenant ainsi le premier État partie à la Convention ;


2005 - La Proclamation de 43 nouveaux Chefs-d'oeuvre amène le total à 90 ;


2006 - La Convention entre en vigueur le 20 avril.

Source : UNESCO

* 5 Parmi ces 70 pays, 14 sont en Afrique, 8 dans les Etats arabes, 30 dans la région Asie-Pacifique, 21 en Europe et 17 en Amérique latine et aux Caraïbes.

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