CONCLUSION - PROGRESSER VERS UNE MEILLEURE CONTRIBUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

Hormis les problèmes de méthode que pose la mesure de la redistributivité (certains indices sont très sensibles aux valeurs moyennes de la distribution), l'impact redistributif des dépenses publiques peut être apprécié très diversement, en fonction du regard qu'on porte .

En premier lieu , le diagnostic variera selon que l'on s'attache à la distribution des dépenses publiques dans la population ou à leurs effets sur la distribution des revenus .

Dans la première approche, on pourra juger fortement redistributifs les systèmes en fonction du degré de concentration des dépenses publiques. Plus les personnes à faible revenu se voient attribuer une proportion élevée des dépenses publiques, plus on pourra souligner la logique redistributive du système.

L'inconvénient majeur d'une telle approche est que ce constat peut masquer l'existence d'une faible redistributivité quand celle-ci est mesurée au niveau de la totalité des revenus. Tel est souvent le cas pour les systèmes où l'intervention publique peut être fortement concentrée mais d'une ampleur si faible que ses effets redistributifs sont finalement modestes.

En second lieu , les constats relatifs à la redistributivité quantitative , peuvent différer assez nettement de ceux concernant des aspects plus qualitatifs de la redistributivité qui peuvent pour certaines politiques (l'éducation, par exemple) représenter l'objectif réellement poursuivi.

Enfin, comme pour d'autres questions essentielles que posent les dépenses publiques, seule une évaluation rigoureuse de la contribution des dépenses publiques à la redistributivité permet de fonder un jugement pertinent et donc d'engendrer des décisions publiques adaptées .

Le souhait de votre rapporteur est donc que les quelques aperçus sur la question de la redistributivité des dépenses publiques données dans le présent rapport puissent donner lieu à des approfondissements systématiques puisqu'aussi bien la redistributivité des dépenses publiques est, en même temps qu'une des justifications principales de l'intervention publique, une condition fondamentale de leur efficacité .

Or, de ce point de vue, les travaux réalisés pour le présent rapport n'inclinent pas à dresser un bilan sans nuances .

Globalement , la composante redistributive des dépenses publiques ressort comme faiblement développée . Seules les personnes les plus défavorisées - celles qui appartiennent aux deux premiers déciles de revenu - paraissent bénéficier d'une redistribution quantitative appréciable . Il est difficile d'estimer la proportion des dépenses publiques par laquelle cette redistributivité transite , mais au vu de la concentration du phénomène sur les très bas revenus et de l'universalité des dépenses publiques, cette proportion est sans doute faible .

Surtout, cette redistributivité quantitative n'a pas tous les prolongements qualitatifs qu'on pourrait souhaiter et c'est même peut-être pour cette raison qu'elle joue un si grand rôle pour les personnes qu'elle concerne. C'est probablement aussi pour cela que certaines dépenses publiques ont une ampleur particulière.

Sous cet angle, il est un domaine qui présente des enjeux fondamentaux : celui de la formation initiale .

La France n'est pas le seul pays à connaître des problèmes aigus d'efficacité de l'investissement public d'éducation . Pour une frange beaucoup trop importante de la population scolarisable, cet investissement, pourtant coûteux, n'a pas de « retours » décents, notamment au regard de l'objectif d'égalisation des chances. Le fait que ce problème existe dans d'autres pays ne doit pas conduire à nous en accommoder, d'autant qu'à côté de cet échec insupportable, l'investissement public dans l'éducation connaît en France des performances qui doivent être améliorées comme l'enseignent les travaux de l'OCDE.

Les fortes inégalités des résultats scolaires modifient, et inversent le point de vue quantitatif sur l'efficacité redistributive des dépenses publiques d'éducation qui, même sur ce terrain purement quantitatif, appelle des nuances .

Compte tenu de leurs prolongements en termes de parcours économiques et sociaux, il est très probable que ces inégalités entretiennent une pression à la hausse sur les dépenses publiques sociales de compensation des handicaps socioéconomiques. Dans le même temps, elles réduisent le potentiel de croissance de l'économie française. Elles sont donc, en tous points, pénalisantes et ce doit être une priorité que de les réduire .

En l'état , il est, semble-t-il, impossible de donner une traduction quantitative de cet objectif . On ne peut arguer de ce que certains pays paraissent enregistrer de meilleures performances avec moins de moyens pour établir qu'il pourrait être atteint sans ressources supplémentaires. Les comparaisons internationales, pour être utiles, ne peuvent tenir lieu d'évaluations.

La situation de la France, du point de vue de son investissement public dans l'éducation, présente des caractéristiques particulières avec, notamment, des singularités dans les niveaux de dépenses par cycle d'enseignement. Ces singularités sont attribuées à des spécificités organisationnelles dans la littérature disponible sur ce sujet et votre rapporteur les mentionne. Cependant, d'autres variables sont peut-être en cause comme, par exemple, les nécessités de l'aménagement du territoire. Il est essentiel de le diagnostiquer afin que la question de l'amélioration de la qualité des dépenses publiques d'éducation soit « purgée » du soupçon permanent de gaspillage des ressources qui pèse sur elle et soit replacée au centre des préoccupations.

Elle le mérite, comme pour toutes les dépenses publiques qui concourent à la formation du « capital humain », c'est-à-dire de la capacité des personnes à contribuer efficacement à la prospérité, d'autant que ces dépenses permettent certainement de réduire d'autres dépenses publiques plus exclusivement « réparatrices ».

I. LES TRANSFERTS PUBLICS SOCIAUX

A. LES TRANSFERTS SOCIAUX119 ( * ), UN FORT IMPACT SUR LE NIVEAU DE LA PAUVRETÉ

Il existe une forte corrélation entre le niveau des dépenses publiques sociales (ici les dépenses hors pensions et services publics de santé) et le taux de pauvreté des personnes de 15 à 64 ans (population en âge de travailler).

TAUX DE PAUVRETÉ PARMI LA POPULATION EN ÂGE DE TRAVAILLER ET DÉPENSES SOCIALES - EN 2000

Plus les dépenses publiques de transferts sont élevées, moins le taux de pauvreté est important . Avec des transferts sociaux publics autour de 9 points de PIB en 2000, la France connaît une pauvreté autour de 6 % 120 ( * ) . L'Italie, qui consacre environ deux fois moins de ressources aux transferts sociaux publics, a un taux de pauvreté à peu près deux fois plus élevé.

Les pays situés au-dessous de la diagonale enregistrent des performances relatives sur le front de la pauvreté supérieures à la moyenne pour un niveau donné de dépenses publiques sociales. L'inverse est vrai pour les pays situés au-dessus de la diagonale.

Le graphique ci-dessus peut ne pas complètement rendre compte de la contribution des dépenses publiques sociales à la redistribution des revenus, mais il comporte des enseignements sans ambiguïté sur la relation entre le niveau de l'intervention publique et le niveau de la pauvreté .

* 119 Hors retraite

* 120 Avec un seuil de pauvreté égal à 50 % de la médiane des niveaux de vie des ménages.

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