III. LA DÉCOMPOSITION FONCTIONNELLE DES DÉPENSES PUBLIQUES : LA PRÉDOMINANCE DES FONCTIONS NON-RÉGALIENNES

Depuis quelques années, les données traditionnelles de la Comptabilité nationale sont enrichies par la présentation des dépenses publiques selon une décomposition par fonction, en dix catégories d'intervention (voir l'encadré ci-dessous pour la méthode appliquée).

LA RÉPARTITION DES DÉPENSES PUBLIQUES PAR FONCTION :
PROBLÈMES DE MÉTHODE
_____

Les dépenses des administrations publiques sont ventilées suivant une nomenclature internationale définie dans le chapitre XVIII du système des comptes nationaux (SCN) de 1993 et révisée en 1999 : la COFOG (Classification of the Functions of Government). Cette nomenclature répartit les dépenses administrations publiques en dix catégories selon leur finalité.

Aux difficultés inhérentes à la détermination des dépenses publiques, déjà abordées, s'ajoutent ici les problèmes de répartition des dépenses par fonction . Dans le cadre du présent rapport, on ne peut tous les énumérer (au demeurant, il n'en existe pas de recension systématique à la connaissance de votre rapporteur). Mais, on peut en fournir quelques exemples tirés de la littérature ou des entretiens de votre rapporteur.

* Les dépenses d'intérêt de la dette , lorsque la finalité de ces dépenses ne peut être distinguée, sont comptabilisées dans la fonction « services publics généraux » alors que les intérêts payés par les administrations de sécurité sociale sont répartis entre santé et protection sociale.

* L'affectation des dépenses de transfert (transferts courants ou en capital) est faite suivant la dépense qu'elle finance lorsqu'elle est connue. Dans le cas contraire, elle figure conventionnellement en « services publics généraux ». C'est le cas de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée par l'État aux collectivités locales.

* Le partage entre dépenses de santé et de protection sociale est délicat et peut nuire à la comparabilité des résultats internationaux. Sont comptabilisés, dans les chiffres français :

- en santé : les dépenses concernant la prise en charge des soins de santé, soit les prestations en nature ;

- en protection sociale : les transferts en espèces aux ménages destinés à compenser les pertes de revenus dues à la maladie et aux accidents de travail (indemnités journalières).

* Pour les dépenses consacrées à la Défense, un problème d'imputation des soutiens aux industries peut exister puisque certaines de ces interventions peuvent être classées dans le groupe des dépenses consacrées aux affaires économiques.

* Les dépenses de recherche-développement sont tantôt classées dans le groupe des dépenses d'enseignement, tantôt dans d'autres catégories.

La nomenclature de classement fonctionnel des dépenses publiques peut être sommairement présentée comme suit :

* la division intitulée « services généraux des administrations publiques » couvre les dépenses relatives aux organes exécutifs et législatifs, aux affaires financières et fiscales, aux affaires étrangères, à l'aide économique extérieure, aux services
généraux, à la recherche fondamentale et au service de la dette. Toutefois, de cette catégorie sont exclues les dépenses clairement rattachées à des postes liés à l'une ou l'autre des fonctions de la classification, ce qui peut être le cas notamment pour les dépenses de recherche.

* la fonction « défense » couvre à la fois la défense militaire civile, l'aide militaire à l'étranger et la recherche et le développement expérimental dans le domaine de la défense nationale.

* les dépenses consacrées à l' ordre et à la sécurité publics couvrent essentiellement les services de police et de protection contre l'incendie, les tribunaux et les prisons.

* la catégorie « affaires économiques » couvre les programmes de soutien, les subventions et les dépenses d'infrastructure en faveur des industries extractives et manufacturières, de l'agriculture, du secteur énergétique, de la construction, des transports, des communications et des autres branches de service.

* les dépenses consacrées à la protection de l'environnement regroupent essentiellement la gestion des déchets (y compris la gestion des eaux usées), la lutte contre la pollution, la préservation de la diversité biologique et la protection de la nature, ainsi que les dépenses de R&D correspondantes.

* les dépenses consacrées aux logements et aux équipements collectifs couvrent la construction de logements, la mise à disposition d'équipements collectifs, l'alimentation en eau et l'éclairage public. Mais, les aides au logement octroyées aux ménages ne sont pas classées dans cette fonction mais dans la « protection sociale ».

* les dépenses consacrées à la santé couvrent les dépenses des administrations publiques relatives aux produits médicaux, appareils et équipements médicaux, services ambulatoires, services hospitaliers, services de santé publique et R&D dans le domaine de la santé.

* les dépenses consacrées à l' enseignement abritent les charges publiques liées aux différents niveaux d'enseignement (préprimaire, primaire, secondaire, supérieur non universitaire et universitaire), ainsi que les services d'enseignement non définis selon les degrés et les services subsidiaires. Elle couvre également la R&D réalisée dans le domaine enseignant.

* les dépenses consacrées aux loisirs, à la culture et au culte sont les services récréatifs et sportifs, les services culturels, les services de radiodiffusion et d'édition, les services religieux et les autres services « communautaires ».

* Enfin, la catégorie des dépenses de protection sociale regroupe les dépenses consacrées à la maladie et à l'invalidité, à la vieillesse, à la survie, à la famille et aux enfants, au chômage, au logement, aux autres formes d'exclusion sociale ainsi qu'à la R&D dans le domaine de la protection sociale.

Le cumul des dépenses des fonctions « Protection sociale » et « Santé » regroupe plus de la moitié des dépenses publiques en Europe (53,5 %). Avec l'« Enseignement », l'ensemble représente plus de deux tiers des dépenses publiques .

L'intervention publique concerne donc principalement aujourd'hui des « fonctions non-régaliennes ». Ce phénomène général invite à considérer avec un certain scepticisme les recommandations de « recentrer » l'État sur ses fonctions régaliennes (justice, diplomatie, sécurité...) . Mais, en même temps, il explique pourquoi il existe entre pays des différences de degré d'intervention publique. En effet, dans ces domaines, il peut y avoir une certaine substituabilité entre dépenses publiques et dépenses privées 15 ( * ) .

COMPARAISON EUROPÉENNE DES STRUCTURES DE DÉPENSES
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES PAR FONCTION (EN % DU TOTAL)

France

UE25

Allemagne

Espagne

Italie

Pologne

Royaume Uni

Suède

Protection sociale

41,2

40,1

46,5

33,9

37,2

42,7

37,3

42,4

Services publics généraux

13,9

14,1

13,0

13,3

18,3

13,2

10,9

14,1

Santé

13,5

13,4

13,4

13,6

13,1

9,7

15,5

12,4

Enseignement

12,0

11,3

8,7

11,5

10,6

13,7

13,2

12,5

Affaires économiques

6,0

8,4

8,1

11,2

8,5

7,4

6,7

8,4

Défense

3,6

3,6

2,5

2,9

3,1

2,7

6,2

3,6

Logement et équip t . collectifs

3,4

2,1

2,3

2,9

1,4

3,4

1,4

1,5

Loisirs, culture et culte

2,6

2,1

1,4

3,7

1,9

2,0

1,4

1,9

Ordre et sécurité publics

2,4

3,6

3,3

4,7

4,1

3,8

5,8

2,4

Protection de l'environnement

1,4

1,3

0,8

2,3

1,8

1,4

1,6

0,8

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

* De façon générale, la décomposition moyenne des dépenses publiques en Europe permet de constater hors dépenses de « Protection sociale » (40,1 % du total), la concentration des autres dépenses publiques dans trois catégories d'importance analogue : les « Services publics généraux » (14,1 % du total des dépenses publiques et 23,4 % des dépenses hors protection sociale), la « Santé » (respectivement 13,4 % et 22,4 %) et l'« Enseignement » (respectivement 11,3 % et 18,9 %).

Les dépenses dites d'« Affaires économiques » représentent un peu plus d'un dixième de l'ensemble des dépenses hors protection sociale (14 %) et la « Défense », 5,9 % des dépenses publiques.

ÉCARTS À LA STRUCTURE MOYENNE DES DÉPENSES PUBLIQUES
DANS L'UNION EUROPÉENNE PAR FONCTION (EN % DU TOTAL)

France

Allemagne

Espagne

Italie

Pologne

Royaume Uni

Suède

Protection sociale

+ 1,1

+ 6,4

- 6,2

- 2,9

+ 1,5

- 2,8

+ 1,2

Services publics généraux

- 0,2

- 1,1

- 0,8

+ 4,2

- 0,9

- 3,2

0

Santé

- 0,1

0

+ 0,2

- 0,3

- 3,7

+ 2,1

- 1,0

Enseignement

+ 0,7

- 2,6

+ 0,2

- 0,7

+ 2,4

+ 1,9

+ 1,2

Affaires économiques

- 2,4

- 0,3

+ 2,8

+ 0,1

- 1,0

- 1,7

0

Défense

0

- 1,1

- 0,7

- 0,5

- 0,9

+ 2,6

0

Logement et équipements collectifs

+ 1,3

+ 0,2

+ 0,8

- 0,7

+ 1,3

- 0,7

- 0,6

Loisirs, culture et culte

+ 0,5

- 0,7

+ 1,6

- 0,2

- 0,1

- 0,7

- 0,2

Ordre et sécurité publics

- 1,2

- 0,3

+ 1,1

+ 0,5

+ 0,2

+ 2,2

- 1,2

Protection Environnement

+ 0,1

- 0,5

+ 1,0

+ 0,5

+ 0,1

+ 0,3

- 0,5

* Cette structure moyenne des dépenses publiques est largement partagée dans tous les pays de l'Union. Hors le champ de la protection sociale, la dispersion des choix d'intervention publique est faible .

Pour l'échantillon présenté ici, les écarts maximaux de 6,4 points (en plus) et 6,2 points (en moins) observés en Allemagne et en Espagne respectivement, relativement à la « Protection sociale » une fois écartés , les autres différences par rapport à la structure moyenne apparaissent minimes :

- le Royaume-Uni se singularise un peu, avec une plus faible proportion des dépenses publiques consacrées à la « Protection sociale » et aux « Services publics généraux » et, en contrepartie, davantage allouées à la « Santé », à la « Défense » et à « l'Ordre et à la Sécurité publics ». Encore peut-on supposer que ces différences proviennent, pour une part, de problèmes de classement purement statistiques entre dépenses de « Protection sociale » et de « Santé », et de « Services généraux », de « Défense » et d'« Ordre et de Sécurité publics » ;

- l'Allemagne se distingue par la proportion relativement faible de ses dépenses d'éducation dans l'ensemble (16,2 % du total des dépenses hors protection sociale contre 18,9 % en moyenne) ;

- l'Italie alloue relativement beaucoup de moyens aux services publics généraux, mais on sait que cette situation est en partie attribuable au niveau des dépenses d'intérêt.

* Au niveau de l'OCDE, on retrouve ces ordres de grandeur avec quelques nuances. Pour les principaux pays de l'OCDE, la protection sociale absorbe une proportion moins élevée ( 37,7 %) des dépenses publiques, la santé 14,3 % ( 52 % du total pour ces deux fonctions ). L' enseignement concentre environ 5,5 % du total des dépenses publiques soit 57,7 % des dépenses publiques pour ces trois catégories, soit moins que leur niveau relatif en Europe.

Malgré un niveau des dépenses publiques plus élevé que la moyenne, la France a une structure de ces dépenses publiques proche de la structure moyenne des dépenses publiques en Europe.

* 15 Substituabilité qui trouve à s'exercer dans les faits, ainsi qu'on le verra dans la suite de la présente partie et qui, pour relativiser les enjeux attachés au niveau relatif des dépenses publiques, en termes d'utilisation globale des richesses économiques, a des conséquences sur les situations respectives des agents économiques, notamment du point de vue de l'égalité.

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