Audition du Général Marcel VALENTIN, président du conseil d'administration de l'Epide (Établissement public d'insertion de la défense) - (1er avril 2008)

M. Christian DEMUYNCK, Président - M. le Général Marcel Valentin, je vous remercie d'avoir accepté d'intervenir devant la Mission commune d'information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Je vous demande de bien vouloir nous excuser pour ce retard. Mais le sujet est tellement dense que nous avons souvent tendance à débattre au-delà de l'horaire prévu. Je vous invite à présenter la structure que vous présidez et notamment à évoquer les problèmes que vous avez pu rencontrer dans la lutte contre l'exclusion et à nous soumettre quelques propositions pour les résoudre. Le rapporteur et nos collègues vous poseront ensuite des questions.

M. le Général Marcel VALENTIN - M. le Président, Mmes et MM les sénateurs, je vous remercie de m'avoir convié à témoigner devant vous. Je suis ici, car je suis convaincu de l'utilité de l'établissement public dont je préside le conseil d'administration.

L'établissement public d'insertion de la Défense (EPIDe), plus communément appelé Défense, deuxième chance, représente un dispositif qui s'adresse à des jeunes âgés de vingt ans et déjà des perdants de la vie, à la fois en échec scolaire, en échec professionnel et confrontés à des difficultés familiales ; d'où l'exclusion, voire même la délinquance, dans lesquelles ils sont souvent tombés, la solitude dont ils souffrent et leur éloignement des réalités du monde du travail, certains d'entre eux n'ayant même pas l'idée de se rendre dans les organismes susceptibles de les aider.

Ces jeunes, destinés à rester marginaux s'ils ne sont pas aidés, sont donc la cible de l'EPIDe. Sur la base du volontariat, ils se déplacent dans nos centres de deuxième chance, avec l'espoir de pouvoir prendre un nouveau départ dans la vie. Notre objectif est de les aider à briser la spirale de l'échec et de la marginalisation de laquelle ils sont prisonniers en leur enseignant les conditions nécessaires à leur insertion dans la société.

Pour répondre à cette ambition, le contenu pédagogique de l'EPIDe comporte trois modules. Le premier d'entre eux consiste à dispenser aux jeunes femmes et aux jeunes hommes que nous accueillons une formation comportementale et civique vouée à leur procurer des repères, des gestes et des connaissances leur permettant de s'intégrer au sein de la société dans laquelle ils vivent. Il s'agit également de leur donner confiance en eux-mêmes et de les rendre conscients de leur capacité à être utiles. Ce volet pédagogique constitue le coeur et la spécificité de notre dispositif. Sa réussite repose sur la qualité de l'encadrement dit de contact. Ce dernier est assuré surtout par d'anciens militaires, ayant l'habitude d'inculquer la motivation et le dépassement de soi.

Le deuxième module de ce projet pédagogique vise à l'enseignement des savoirs fondamentaux que représentent la lecture, l'écriture, le calcul et l'informatique. Sans la maîtrise de ces savoirs, les jeunes ont en effet peu d'espoir de s'intégrer dans la société moderne. Ils leur sont apportés par des équipes enseignantes disposant de capacités d'adaptation et d'innovation dans leur travail, leur permettant d'intéresser et de faire progresser leurs élèves, pour lesquels les méthodes traditionnelles ont échoué.

Le troisième module de notre action consiste à dispenser des formations professionnelles, qui doivent déboucher sur un emploi dans un secteur caractérisé par une forte demande en main d'oeuvre : le bâtiment et les travaux publics, les services à la personne, les services aux entreprises, la restauration et l'hôtellerie. Les formations que nous octroyons sont menées en partenariat avec l'Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes), l'ANPE et des entreprises concernées par les métiers visés. Les connaissances acquises par les stagiaires pendant leur passage dans nos centres sont validées par des diplômes : attestations de formation civique, certificats de formation générale, attestation de formation aux premiers secours, brevet d'initiation à l'informatique, attestation de sécurité routière et au moins un certificat de qualification professionnelle.

Les formations se déroulent dans un internat, du dimanche soir au vendredi après-midi. Elles sont d'une durée minimale de six mois, renouvelables trois fois, et s'adressent à des jeunes âgés de 18 à 21 ans révolus.

L'EPIDe existe depuis deux ans et neuf mois. Il est placé sous la double tutelle du Ministère de la Défense et du Ministère de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi. Il est constitué de vingt-deux centres à ce jour, lesquels accueillent 2 000 stagiaires et contribuent, de manière significative, à l'insertion sociale des jeunes défavorisés. C'est pourquoi la principale proposition que je vous soumets est de soutenir notre action, en particulier en incitant les autorités de l'État à dégager les financements nécessaires à son fonctionnement.

M. Christian DEMUYNCK, Président - Merci M. le Président. Je passe la parole à M. Bernard Seillier, notre rapporteur.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Je vous remercie pour cette présentation. Je souhaiterais vous poser quelques questions. Comment sont sélectionnés les jeunes qui entrent dans vos centres ? A quel cahier des charges doivent répondre vos établissements ? Quel est le profil socio-économique des stagiaires ? Avez-vous des données chiffrées permettant de mesurer l'efficacité des stages que vous proposez.

Pensez-vous que la fin de la conscription a aggravé l'exclusion des jeunes ? Le système de solidarité répond-il aux défis posés par la pauvreté et l'exclusion ? Enfin, avez-vous des propositions à nous soumettre pour améliorer le fonctionnement des institutions et les processus de réinsertion ?

M. le Général Marcel VALENTIN - A l'origine, la sélection des jeunes appelés à rejoindre nos centres s'opérait lors de leur convocation aux journées d'appel et de préparation à la défense. C'est en effet grâce à ces journées que la direction du service national a pu constater qu'environ 60 000 jeunes par an, pour une classe d'âge donnée, sont en échec scolaire total et dérivent vers une marginalisation sociale ; des jeunes qu'elle informe de l'existence des centres de deuxième chance et dont les noms sont transmis à la direction des ressources humaines de l'EPIDe, laquelle adresse aux personnes repérées un courrier de relance à l'approche de leurs 18 ans. En effet, notre dispositif reposant sur le volontariat, il n'est pas question qu'elles rejoignent un de nos centres avant d'être majeures.

Toutefois, plusieurs mois se passant entre la date de la journée d'appel et de préparation à la défense et l'accession à la majorité des jeunes en échec scolaire au moment de leur passage dans les casernes, certains d'entre eux, quand ils fêtent leurs dix-huit ans, ont oublié notre existence. Il existe donc une différence relativement importante entre le nombre de jeunes en situation d'échec, qui sont repérés au moment de la journée d'appel et de préparation à la défense, et ceux qui se présentent dans nos établissements. Toutefois, depuis que nous avons établi des liens étroits avec elles, les missions locales d'insertion (environ 500 en France) nous adressent des jeunes en proie à des difficultés et pour lesquels elles estiment que les autres dispositifs d'insertion ne fonctionnent pas. Actuellement, 40% des jeunes entrent dans nos centres suite à la journée d'appel et de préparation à la défense, 40% grâce au travail réalisé par les missions locales d'insertion, 20% suite à la visite de notre site Internet, consulté par plus de 10 000 visiteurs par mois.

Une seconde sélection est opérée par la suite lorsque les jeunes se présentent dans les établissements. Nous écartons de nos centres les cas pathologiques les plus marqués, qui demandent des traitements médicaux, et les personnes totalement inaptes physiquement. Les stagiaires doivent en effet pratiquer beaucoup de sport au cours de leur formation comportementale et participer, après trois ou quatre mois de présence, à un stage à l'extérieur du centre, au cours duquel ils s'exercent à l'accrobranche, au VTT, à la descente en kayak et à des marches de nuit. En aucun cas, nous ne leur inculquons un entraînement paramilitaire.

Nous faisons en sorte que nos établissements soient créés dans des lieux :

- se caractérisant par un vivier de jeunes défavorisés suffisant ;

- Disposant d'un bassin d'emploi local nous permettant d'atteindre nos objectifs en matière d'insertion professionnelle. La formation professionnelle s'effectue à l'échelon local, au sein d'entreprises désireuses d'employer les stagiaires qu'elles ont contribués à former ;

- où il existe des infrastructures adaptées, permettant d'héberger les jeunes, de les nourrir et de les instruire ;

- abritant un nombre suffisant de militaires à la retraite.

Néanmoins, en raison de la volonté politique de développer ce dispositif avant les élections présidentielles et législatives de 2007, nous avons dû créer, dans la précipitation, des centres de deuxième chance ne satisfaisant pas à ces critères. Du coup, nous devrons en fermer trois en 2008.

M. Guy FISCHER - Ce n'est pas bien.

M. le Général Marcel VALENTIN - Lorsque notre directeur général reçoit des ordres, il se doit de les exécuter. Il me semble indispensable d'accorder une deuxième chance à des jeunes défavorisés. Ceux qui exécutent le stage avec succès sortent grandis de nos établissements et parviennent à convaincre d'autres jeunes de leur entourage de saisir leur première chance, notamment à l'école. De ce point de vue, les stages n'assurent pas seulement la prévention de la délinquance. Ils constituent également un dispositif curatif, chargé de remédier aux échecs du système scolaire. Je pense donc qu'il est nécessaire d'améliorer les conditions de scolarité des jeunes.

Les méthodes que nous appliquons dans les centres de deuxième chance pourraient, par exemple, être appliquées dans les zones d'éducation prioritaire, avec des enseignants assistés, pendant leurs cours, de personnes chargées d'assurer le maintien de la discipline.

Comme vous le savez, le secteur de la défense est souvent le premier touché lors de réduction des dépenses de l'Etat. Il est ainsi envisagé d'en restreindre substantiellement les effectifs. Une partie des militaires pourrait se voir offrir la possibilité de se reconvertir dans l'éducation nationale où il serait bénéfique, par ailleurs, de réduire le nombre d'élèves dans les classes situées en zone d'éducation prioritaire.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Quel est l'effectif optimum de vos centres ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Notre approche était économique au départ. Nous estimions en effet que plus un centre serait de taille importante, moins le coût par stagiaire serait élevé. Nous nous sommes aperçus, au contact des réalités et en raison de notre difficulté à gérer les jeunes, que nos établissements ne peuvent pas abriter plus de 240 personnes. Actuellement, nos centres les plus importants accueillent environ 200 stagiaires. Leur gestion, étant individuelle, nécessite beaucoup d'efforts.

De plus, certains des jeunes présents dans nos centres n'y sont que parce qu'ils ont commis des actes de délinquance et qu'un juge leur a promis d'être cléments avec eux s'ils acceptaient d'effectuer un stage parmi nous. Par conséquent, nous accueillons des individus dont la seule motivation est d'échapper à un règlement judiciaire, ce qui ne facilite pas le travail de nos cadres, peu habitués à côtoyer ce genre de public. Nous souhaitons donc que nos centres ne soient pas trop fréquentés, de manière à ne pas devoir gérer en même temps un nombre trop important de jeunes turbulents.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Quelle est la durée des stages ? Comment le suivi des jeunes est-il organisé ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Les stages durent un an, une durée de six mois n'étant pas insuffisante. Deux à trois mois sont en effet nécessaires pour inculquer aux jeunes les règles comportementales leur permettant d'accepter la remise à niveau scolaire et la formation professionnelle dont ils ont besoin.

Des stagiaires restent, toutefois, plus d'un an dans nos établissements. Il arrive même que certains d'entre eux ne veuillent plus en partir.

Cependant, beaucoup de jeunes (40%) arrêtent le stage pendant son déroulement, notamment au cours des deux premiers mois où ont lieu quatre cinquièmes des abandons, les départs étant dus surtout, pendant cette période, à un refus de se soumettre à la moindre discipline et d'acquérir des repères.

Pour les personnes qui vont au terme de leur stage, trois-quarts sortent de nos centres avec un emploi durable, sous forme de CDI ou de contrat de formation en alternance. Il s'agit d'un excellent taux. A titre de comparaison, en France, 75% des jeunes démarrent leur carrière professionnelle par le biais d'un CDD et seulement 40% des bénéficiaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) accèdent à un emploi durable. Nous obtenons donc de très bons résultats. Les entreprises apprécient en particulier le savoir-être de nos stagiaires et leur respect des horaires de travail.

M. Christian DEMUYNCK, Président - L'internat est-il une nécessité absolue ? D'autres cadres que d'anciens militaires pourraient-ils intervenir dans vos centres ? Combien coûtent ces derniers ?

M. le Général Marcel VALENTIN - L'internat est nécessaire si nous voulons inculquer aux jeunes une discipline de vie et les éloigner de leur milieu habituel. Nous nous sommes aperçus d'ailleurs, notamment à Bordeaux, que notre recrutement devient plus difficile lorsque nos centres sont situés en ville.

Le système de l'internat permet, en outre, aux jeunes de participer à des travaux d'intérêt général et de suivre des études le soir dans le cadre de leur formation scolaire. Il est donc indispensable et même souhaité par certains, en particulier les personnes sans domicile fixe qui représentent entre 5% et 10 % des personnes que nous accueillons. Ces jeunes demeurent dans nos centres le week-end et leur présence dominicale exige un encadrement et des financements supplémentaires.

L'avantage de faire appel à d'anciens militaires pour encadrer nos centres réside dans le fait que ces derniers détiennent un certain nombre de connaissances et se caractérisent par un engagement personnel total et une attention permanente envers le respect de la discipline. Ils veillent également à ce que les jeunes aient une présentation correcte et, pour ce faire, ils leur apprennent à être bien peignés et les dissuadent, dans la perspective de futurs entretiens d'embauche, d'avoir des tatouages et piercings. Tous nos enseignants et les jeunes que nous accueillons ont obligation de porter un uniforme bleu marine. Nos centres représentent les seuls endroits de France où les enseignants sont en uniforme. Nous apprenons également à nos stagiaires à se lever tôt le matin et à être respectueux des formateurs et cadres.

Concernant le financement de nos établissements, celui-ci est relativement complexe. Notre budget de fonctionnement est attribué, en grande partie, par le Ministère de l'Emploi dans le cadre du plan de cohésion sociale. Toutefois, depuis cette année, le Ministère du Logement et de la Ville y participe également au travers du Plan banlieues et égalité des chances. Contribuent également à notre budget de fonctionnement le Ministère de l'Intérieur et le Fonds social européen. Nous ne disposons pas de budget d'investissement.

Quant au Ministère de la Défense, il met à disposition de nos centres d'anciens militaires et un certain nombre de biens immobiliers et de terrains en pleine propriété. Ces biens représentent 49% du capital d'une société immobilière anonyme que nous avons créée et baptisée IIDE (Immobilier, Insertion, Défense, Emploi). Les 51% restants de son capital sont apportés en numéraire par la Caisse des dépôts et consignations.

La société immobilière effectue les travaux de rénovation nécessaires dans les locaux existants et engage la construction de bâtiments neufs. Elle perçoit les loyers payés par les établissements, privés donc de budget d'investissement, lesquels s'acquittent de loyers auprès également d'associations et de collectivités locales, en raison notamment de l'occupation de bâtiments dédiés à des colonies de vacances, et paient des prestataires de services.

Jusqu'en 2007, le coût de revient d'un stagiaire s'élevait à 30 000 euros par an. Ce montant passera à 35 000 euros en 2008, du fait de notre impossibilité à bénéficier d'économies d'échelle et du maintien de certaines dépenses incontournables.

Pendant un an, il sera nécessaire de stabiliser la vie de nos établissements car ils sont devenus opérationnels très rapidement. Ainsi, en raison d'une forte volonté politique, nos deux premiers centres ont été inaugurés alors même qu'ils ne jouissaient d'aucun budget encore.

Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens pour notre établissement public. Ce texte devrait être présenté à notre conseil d'administration le mois prochain. Il traduira notre ambition d'accueillir 5 000 stagiaires en 2011, pour un coût annuel de 30 000 euros par jeune et un budget de 150 millions d'euros (contre 94 millions d'euros en 2008).

Enfin, nos établissements participent de la prévention de la délinquance pour un coût largement inférieur à celui des centres fermés. Dans ces derniers, chaque jeune délinquant coûte en effet 210 000 euros par an. Il convient donc de se demander s'il est préférable de payer 210 000 euros pour accueillir des jeunes qui ont sombré dans la délinquance ou 30 000 euros pour en empêcher d'autres d'y tomber.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Une double tutelle s'exerce sur votre association ? Quel financement en tirez-vous ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Le Ministère de la Défense ne nous accorde aucun financement pour nos dépenses de fonctionnement, mais nous fournit du matériel et abrite, dans ses locaux, le siège de notre établissement. En 2008, 50 millions d'euros nous ont été attribués par le Ministère de l'Emploi, 20 millions d'euros par le Ministère du Logement et de la Ville, 3 millions d'euros par le Ministère de l'Intérieur et 8 millions d'euros par le Fonds social européen.

Nous avons acquis des terrains sur lesquels il nous est impossible de bâtir un centre, les maires des villes où se trouvent ces terrains s'opposant à notre présence par peur de voir nos jeunes importer de la délinquance. N'ayant d'autre choix, nous allons devoir céder les parcelles. Le produit de leur vente permettra de compléter notre budget, fixé à 94 millions d'euros.

Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE - Quel est le statut des jeunes pendant leur séjour et en quoi vos structures se différencient-elles des centres fermés ?

M. Guy FISCHER - Compte tenu du statut de vos formateurs, certains de vos stagiaires s'engagent-ils dans l'armée à la sortie des centres et, si oui, quel est leur nombre ?

Vous avez eu l'honnêteté d'expliquer que votre projet a été porté politiquement. Néanmoins, j'ai cru comprendre que l'avenir de vos établissements n'est pas assuré. Ainsi, dans le contexte actuel marqué par 60 000 suppressions d'emplois dans le secteur des armées, vos centres ne risquent-ils pas de voir leurs financements réduits ?

Je sais très bien, pour être un élu des Minguettes, quartier très populaire de Lyon, qu'il est difficile de redonner des repères à ces jeunes.

M. le Général Marcel VALENTIN - Nos établissements se différencient nettement des centres fermés. Les portes des chambres de nos jeunes ne sont pas verrouillées et ceux-ci ne vivent pas dans un univers carcéral. Concernant leur statut, ils disposent d'un contrat de volontaire pour l'insertion, régi par le code du service national.

Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE - Sont-ils rémunérés ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Ils sont payés 300 euros par mois. La moitié de ce montant leur est attribuée comme argent de poche. L'autre moitié ne leur est donnée qu'à la fin de leur séjour.

Pour répondre à leur demande, nous permettons à de nombreux jeunes, en échange d'une participation financière symbolique de leur part, de passer le permis de conduire. Par ailleurs, nous avons convaincu la SNCF de mettre à leur disposition une carte jeune, dont nous payons une partie du montant, pour leur permettre de rentrer chez eux le week-end.

Concernant nos liens avec le monde militaire, nous ne sommes pas un centre de recrutement pour l'armée, laquelle d'ailleurs a refusé d'intégrer certains de nos jeunes dans ses rangs. Toutefois, si nos stagiaires ambitionnent de devenir des militaires, nous les préparons à réaliser leur objectif. Entre 5% et 10% de nos jeunes entrent dans l'armée au terme de leur formation ; une proportion susceptible de s'accroître suite aux initiatives prises par le Ministre de la Défense, M. Hervé Morin, dans le cadre du Plan égalité des chances et si nos jeunes bénéficient, comme nous l'espérons, du parcours militaire découverte.

Par ailleurs, nous travaillons en ce moment avec la police nationale et la brigade des sapeurs-pompiers de Paris pour permettre à nos stagiaires d'être recrutés en tant qu'adjoints de sécurité ou de pompiers.

M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Le recrutement des enseignants et des personnels d'encadrement est-il aisé ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Nous n'avons aucun mal à recruter des enseignants. Ils sont très peu nombreux à être détachés du Ministère de l'Éducation nationale. La plupart de nos formateurs ont un statut de contractuel.

Nous connaissons davantage de difficultés pour embaucher d'anciens militaires situés dans la tranche d'âge qui nous intéresse, c'est-à-dire ayant entre quarante et cinquante ans, ceux-ci étant soumis à la règle du cumul et donc à l'impossibilité de bénéficier d'un salaire plus élevé que celui auquel ils ont droit dans l'armée tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge de la retraite prévu pour leur grade Nous avons donc saisi les autorités afin d'obtenir une dérogation à cette règle, celle-ci existant déjà pour les personnels du service santé des armées en poste dans le secteur civil.

M. Guy FISCHER - A quel montant s'élève leur rémunération ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Le salaire d'un directeur de centre ne dépasse par 2 000 euros. Le montant des rémunérations diminue au fur et à mesure que nous descendons dans la hiérarchie.

M. Guy FISCHER - Est-il possible de cumuler ce salaire avec une retraite ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Oui si la personne a atteint l'âge de la retraite.

M. Christian DEMUYNCK, Président - J'ai mis en place un système relativement comparable dans ma ville en Seine-Saint-Denis. La principale différence est que les jeunes accueillis sur mon territoire ne sont pas internes.

Je souhaite revenir sur vos choix concernant l'implantation de vos établissements. Vous avez expliqué que vos centres sont construits là où il existe une forte présence de jeunes en difficulté et d'anciens militaires, un bassin d'emploi et des infrastructures adaptées. Envisagez-vous d'ouvrir un établissement en Seine-Saint-Denis ? Beaucoup de jeunes de ce département sont en effet sans emploi et dans l'attente d'une remise à niveau et de formations.

M. le Général Marcel VALENTIN - Nous aurions implanté un établissement en Seine-Saint-Denis si nous avions pu y disposer d'un lieu avec une capacité d'accueil suffisante. Les jeunes en difficulté de ce département sont accueillis dans les deux centres dont nous sommes propriétaires en Île-de-France (Montry et Haute-Maison) et dans celui que nous gérons dans la Somme, à Doullens précisément.

La Ministre de l'Intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie, souhaite la création de ce centre en Seine-Saint-Denis.

Les implantations de nos établissements doivent avoir lieu en périphérie des grandes villes et non loin de celles-ci. Sinon, elles se traduiront par des échecs. C'est ainsi que nous allons fermer un centre, pas assez fréquenté en raison de son éloignement avec Lyon.

M. Guy FISCHER - Vous avez effectivement implanté un centre dans une propriété que vous a vendue le Conseil général du Rhône.

M. le Général Marcel VALENTIN - Nous devons malheureusement fermer ce centre. Toutefois, nous envisageons d'en créer un nouveau, près de Lyon, ainsi qu'un autre à proximité de Toulouse. Leur réalisation est liée à l'obtention des financements nécessaires à leur construction.

M. Jean-François HUMBERT - Pourrions-nous connaître les lieux d'implantation de vos vingt-deux centres ?

M. le Général Marcel VALENTIN - La plupart de nos établissements se trouvent dans le nord et le nord-est de la France. Nous sommes présents, en région parisienne, à Val-de-Reuil, Montry et Montlhéry, plus au nord, à Compiègne, Doullens, Saint-Quentin et prochainement à Cambrai, dans les Alpes, à Annemasse, dans l'Isère, à Autrans, dans le Rhône, à Saint-Clément-les-Places, et, dans l'Ain, à Ambronay.

Un autre de nos établissements est situé dans les quartiers Nord de Marseille où la municipalité nous a beaucoup aidés à réaliser cette implantation. Quatre-vingt stagiaires y sont actuellement accueillis, pour cent cinquante candidats en liste d'attente. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est dans ce centre que l'attrition est la moins élevée.

Des établissements ont vu le jour également à Bordeaux, à Giel, dans l'Orne, et à Alençon. Nous allons malheureusement devoir fermer celui de Vitré. Sa fermeture sera compensée par l'ouverture, au printemps, d'un établissement à Bourges, et, au début de l'année prochaine, d'un centre au Havre.

M. Jean-François HUMBERT - Existe-t-il un centre en Franche-Comté ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Nous possédons un centre de taille réduite dans ce département. Nous projetons, si nous en avons les moyens, de créer un établissement à Dijon.

M. Christian DEMUYNCK, Président - Vos établissements sont-ils mixtes ?

M. le Général Marcel VALENTIN - Nos centres sont mixtes en effet. Ils sont composés à 75% de garçons et à 25% de filles. Ces dernières sont moins concernées par l'échec scolaire.

M. Christian DEMUYNCK, Président - Je vous remercie pour toutes ces informations.

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