III. AUX CONFINS DU SANITAIRE ET DU MEDICOSOCIAL : UNE ASSURANCE SPÉCIFIQUE POUR LES SOINS LES PLUS LOURDS

Au cours des vingt dernières années, la question de la réforme de la prise en charge des soins de santé a fait l'objet de multiples rapports et de nombreux débats aux Pays-Bas. Le principe du maintien d'une distinction entre, d'un côté, les soins les plus lourds, réputés ne pas pouvoir être assurés par un opérateur privé, et, de l'autre, les soins de santé les plus courants a fait l'objet d'un consensus permanent. Les réformes conduites à partir de 2004, et entrées en vigueur le 1 er janvier 2006, n'ont pas supprimé cette distinction .

A. UN PÉRIMÈTRE D'INTERVENTION TRÈS LARGE

La loi AWBZ sur l'assurance des soins de longue durée a été promulguée le 14 décembre 1967. Son entrée en vigueur s'est déroulée progressivement à compter du 1 er janvier 1968. Son objectif est d'offrir à toutes les personnes résidant aux Pays-Bas une couverture contre les risques liés aux affections de longue durée et à la perte d'autonomie, que cette dernière soit provoquée par le handicap ou le vieillissement.

1. Une prise en charge globale des assurés

La présentation traditionnellement faite de la loi AWBZ comme étant l'instrument de prise en charge des soins les plus lourds est porteuse d'ambiguïté . Cette législation ne se borne pas en effet à organiser le suivi des seules pathologies impliquant des traitements au long cours : elle ne constitue donc pas uniquement le pendant néerlandais des dispositions prévues en France pour la couverture des patients souffrant d'affection de longue durée (ALD).

En réalité, le système AWBZ a un champ plus large puisque, outre les maladies chroniques et les longs séjours hospitaliers, ce dispositif assure également la prise en charge de la perte d'autonomie, c'est-à-dire des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes , tant dans leur besoin d'hébergement de longue durée que pour la fourniture d'une assistance quotidienne. Certaines dépenses de prévention, l'assistance aux familles et l'accès aux structures d'hébergement, sont également couvertes dans ce cadre par des financements publics. Enfin, les dépenses liées aux interruptions volontaires de grossesse pratiquées dans les établissements de santé, dont le remboursement n'est pas assuré par les contrats d'assurance soins de santé ( ZVW ), sont également financées par l'AWBZ .

En revanche, la psychiatrie a été retirée du champ de l' AWBZ pour être transférée dans celui de la loi ZVW le 1 er janvier 2007.

Il s'agit donc d'un dispositif qui va au-delà de la simple prise en charge sanitaire des assurés et comprend une dimension sociale et médico-sociale très importante . Ce système illustre, en outre, la priorité définie par les autorités sanitaires et sociales du pays en faveur du maintien à domicile le plus longtemps possible des malades et des personnes âgées dépendantes.

2. Une recherche permanente d'optimisation de la dépense

a) L'individualisation des prestations

Le régime AWBZ compte 1,2 million de bénéficiaires.

La délivrance des prestations aux assurés est soumise à plusieurs conditions , notamment une procédure de contrôle médicalisé. Celle-ci relève de la compétence du centre d'indication thérapeutique ( Centrum indicatiestelling zorg - CIZ ) qui est chargé d'évaluer les besoins de chaque demandeur (prestations de soins ou aide au maintien à domicile) et d'établir un protocole de prise en charge. Toute chose égale par ailleurs, elle est comparable à celle suivie, en France, pour la prise en charge des patients souffrant d'une affection de longue durée ou pour la demande d'allocation personnalisée d'autonomie (Apa).

Les prestations offertes dans le cadre de l'AWBZ sont déterminées de façon thématique et non pas de manière détaillée. Cette approche a été privilégiée afin d'adapter les prestations de ce régime aux demandes individuelles exprimées par les assurés.

Sept thématiques ont été retenues : l'aide ménagère, les soins personnels (toilette, repas), les soins infirmiers, le développement de l'autonomie (assistance d'appui, ergothérapie), les actions sur le comportement (en matière de troubles psychiatriques, par exemple), la prise en charge d'une pathologie (traitements, rééducation) et les séjours en établissement.

Le système a été profondément modifié en 1995. Alors que jusqu'à cette date toutes les prestations étaient fournies en nature, les assurés peuvent désormais opter pour une allocation financière . C'est ce que l'on appelle le budget lié à la personne (persoonsgebonden budget - PGB). Le versement d'une prestation en espèces n'est toutefois possible que pour certains types de prise en charge, comme les soins infirmiers ou l'aide à domicile par exemple. Une telle modalité n'est en revanche pas prévue pour la rééducation ou les séjours en établissement qui sont toujours délivrés sous forme de prestations en nature.

Le recours au PGB est accessible à toute personne qui a besoin de soins au titre de l' AWBZ pendant une durée de plus de trois mois. Il permet à l'assuré de disposer d'une plus grande liberté de choix et d'organisation . Ce dernier peut notamment désigner lui-même les prestataires auxquels il souhaite recourir. En contrepartie, les dépenses engagées doivent être régulièrement justifiées auprès des organismes gestionnaires de l'aide.

Le montant du PGB dépend de l'état de santé du patient . En 2008, il peut ainsi varier de 1 221 euros (soins infirmiers limités à une heure par semaine) à 43 716 euros par an (soins infirmiers entre seize et vingt heures par semaine).

La création de ce dispositif s'inscrit dans une double logique d'amélioration du service délivré à l'assuré et de recherche d'une meilleure efficience de la dépense, l'individualisation de la prise en charge étant réputée contribuer à ce dernier objectif.

b) Le transfert d'une partie des charges vers les collectivités territoriales

Au cours des dix dernières années, le volet assistance sociale et ménagère a représenté le poste de dépenses le plus important au sein du dispositif AWBZ, avec des hausses annuelles comprises entre 8 % et 12 %. Cette situation est le reflet d'une politique volontariste, soutenue par la société néerlandaise, en matière de maintien à domicile des personnes âgées. Elle est également la conséquence très directe d'une jurisprudence, datant de 2001, qui confère aux prestations de l' AWBZ le statut de mesures de compensation exigibles de plein droit par tous les citoyens confrontés à une situation de perte d'autonomie sur longue durée.

Confrontés à cette évolution dynamique des dépenses de cette branche de la protection sociale, les pouvoirs publics ont estimé nécessaire de réagir rapidement en développant une politique de prévention et de prise en charge plus active des prestations.

Un premier pas en ce sens a été fait dans les années quatre-vingt-dix avec la loi sur le bien-être ( Welzijnswet ) et la loi d'aide aux handicapés (WVG) . La loi sur le soutien local ( Wet maatschappelijke ondersteuning - WMO ), entrée en vigueur le 1 er juillet 2006, poursuit et approfondit cette démarche.

L'objet de la loi WMO est de parvenir à une meilleure maîtrise des coûts et d'optimiser les interventions en faveur du maintien à domicile, en transférant aux communes les crédits et la responsabilité de toutes les prestations d'assistance sociale, de caractère non médical.

En pratique, l'Etat verse aux communes une dotation prélevée sur des ressources fiscales affectées. La commune peut compléter cette dotation avec ses propres ressources, mais elle en conserve quoiqu'il arrive le bénéfice, même si elle ne l'utilise pas en totalité pour financer l'aide sociale aux ressortissants de l' AWBZ.

Ce transfert de charges a eu pour première conséquence une « démédicalisation » des interventions à domicile. Afin de contenir les coûts, les communes ont eu, en effet, tendance à recourir à des aides ménagères ou à des aides soignants pour prendre en charge les actes de « nursing » auparavant assurés bien souvent par des infirmières.

Une autre conséquence a été le recentrage des moyens dégagés dans le cadre de l' AWBZ sur la prise en charge sanitaire des personnes souffrant des pathologies les plus lourdes. Le schéma de partage qui en résulte évoque celui que l'on connaît en France pour les personnes âgées dépendantes, selon lequel est confiée à l'assurance maladie la responsabilité des soins et aux départements le financement de l'aide ménagère.

Par ailleurs, dans un second temps, les pouvoirs publics néerlandais n'ont pas hésité à réduire le montant des prestations versées aux personnes âgées . Une réforme sévère, menée parallèlement à l'adoption de la loi WMO , a rendu les conditions d'accès au système plus restrictives.

D'autres réformes sont en cours de préparation pour améliorer l'efficience des dépenses et la capacité d'innovation dans ce secteur, afin d'assurer ainsi la pérennité du dispositif. Les mesures arrêtées dans ce cadre n'affecteraient pas directement les assurés. L'objectif prioritaire des pouvoirs publics est en effet de réformer l'offre de soins en agissant sur le fonctionnement des établissements d'hébergement et les modes d'intervention des professionnels de santé.

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