B. VERS UNE CROISSANCE POTENTIELLE PLUS FORTE ?

Le scénario macroéconomique associé à la stratégie des finances publiques s'inscrit dans un contexte d'élévation du rythme de la croissance potentielle de l'économie française.

Il s'agit d'une hypothèse qui rompt avec les perspectives jusqu'à présent disponibles et les plus couramment partagées.

Cette hypothèse est, en outre, posée dans le cadre d'une politique budgétaire de consolidation . Elle ne repose nullement sur les effets d'entraînements qu'une politique budgétaire expansionniste peut produire sur la croissance effective et, partant sur la croissance potentielle.

Au contraire, la programmation budgétaire suppose une impulsion budgétaire négative pour la croissance à court terme.

On rappelle que la croissance potentielle d'une économie représente la limite supérieure du rythme de croissance qu'elle peut atteindre sans inflation compte tenu des perspectives de sa population active et des gains de productivité qu'elle réalise.

Le concept de croissance potentielle a de multiples usages mais celui qui nous occupe ici renvoie à sa fonction de contrôle de vraisemblance des perspectives de croissance effective associées au projet de loi de programmation des finances publiques 58 ( * ) . Quant aux effets des politiques de consolidation budgétaire sur la croissance potentielle, ils seront abordés dans le titre III du présent chapitre.

Dans celui-ci, la croissance évoluerait au rythme de 2,5 % par an en moyenne entre 2010 et 2012.

La crédibilité de la prévision de croissance servant de base à la programmation des finances publiques dépend de l'exactitude du pronostic effectué quant à la croissance potentielle.

Si, en effet, la croissance potentielle devait s'élever au rythme anticipé, la croissance effective attendue en projection gagnerait en vraisemblance d'autant qu'un retard de croissance, accumulé en 2008 et 2009 devrait être rattrapé.

Si, en revanche, l'estimation de la croissance potentielle devait être sensiblement inférieure au rythme de croissance prévue (et donc plus basse que la toute dernière prévision de la DGTPE), le scénario macroéconomique servant de toile de fond à la programmation des finances publiques témoignerait d'attentes pour les moins optimistes.

Dans l'argumentaire du projet de loi, la croissance potentielle atteindrait un rythme annuel de l'ordre de 2,3 % entre 2008 et 2012. Cette dernière estimation, qui table sur une élévation régulière du potentiel de croissance économique jusqu'à 2,5 % en 2012, excède les estimations généralement produites , y compris celles émanant jusque là de la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) du MINEFE.

Or, celles-ci étaient déjà sensiblement supérieures aux estimations précédentes , réalisées avant les nouvelles projections démographiques de l'INSEE de juillet 2006 que votre délégation vous avait exposées en détail 59 ( * ) .

Avant celles-ci, la croissance potentielle pour 2008-2012 était estimée à 1,7 %.

LA CROISSANCE POTENTIELLE 2008-2015

Nouvelle projection

Ancienne projection 1

Croissance potentielle

2,1

1,7

Contribution du travail

0,1

- 0,1

Contribution du capital

0,8

0,6

Productivité globale des facteurs

1,2

1,2

1 Antérieure à l'actualisation des projections démographiques par l'INSEE.

Source : DGTPE

La révision intervenue alors aboutit à réestimer de 0,4 point par an la croissance économique potentielle pour la situer à 2,1 % . Dans un contexte où les perspectives de gains de productivité étaient inchangées (+ 1,2 % l'an), cette révision était venue d'hypothèses concernant la démographie.

Elles tenaient principalement à l'évolution de la population active, se référant aux effets de la réforme des retraites de 2003 sur le taux d'activité des seniors et à une augmentation du solde migratoire net (projeté à 100.000 par an au lieu de 50.000 60 ( * ) ).

Il existe une incertitude sur ces deux variables notamment attachée à l'employabilité réelle des cohortes démographiques en question et aux incidences de leur insertion dans le marché du travail sur les gains de productivité.

Pour certains, l'augmentation du taux d'emploi de personnes jusqu'alors exclues du marché du travail devrait se traduire par une baisse des gains de productivité. Il est pour eux contestable de cumuler les effets démographiques et le maintien de gains de productivité inchangés, comme ce fut le cas lors de la révision des estimations de croissance potentielle de 2006.

Pour d'autres, l'augmentation du taux d'emploi devrait, au contraire, pousser les gains de productivité à la hausse. Elle suppose, en effet, qu'un meilleur appariement entre qualifications et emplois intervienne. L'argument consiste à estimer que, dans une conjoncture de chômage élevé, des emplois peu qualifiés sont occupés par des individus disposant d'une formation supérieure aux postes qu'ils occupent. Une sorte de gaspillage du capital humain se produit que la résorption du chômage tend à réduire. Il faudrait alors réviser les gains de productivité du travail à la hausse à mesure que le chômage diminue.

Cette controverse, qui porte sur les effets d'entraînement d'une croissance effective forte sur la croissance potentielle , n'est pas un débat mineur ou purement académique. D'autres processus que celui ici décrit, qui porte sur l'équilibre du marché du travail, peuvent conduire à imaginer qu'un lien positif existe entre le rythme de la croissance et le niveau du taux de croissance potentielle. Qu'on songe, en particulier, aux effets associés à une croissance effective forte sur l'investissement. Ce lien conduit à considérer avec sérieux les effets des politiques macroéconomiques sur la croissance effective et sur la croissance potentielle. Il suggère de considérer que celle-ci n'est pas uniquement une contrainte pour les politiques économiques - qui, alors, devraient se limiter à en prendre acte - mais aussi un objectif possible de celles-ci (voir le III du présent chapitre).

Alors que la précédente révision de la croissance potentielle provenait de facteurs démographiques, celle qui soutient la programmation est attribuée à d'autres facteurs structurels. Une incertitude existe quant à cette nouvelle révision dont la justification repose sur les effets de la loi de modernisation de l'économie et du crédit d'impôt-recherche, invoqués pour expliquer pourquoi la croissance potentielle rejoindrait un rythme proche de 2,5 % en 2012 (contre 2,1 %).

Ces mesures, par leur nature même, ont des incidences un peu aléatoires et surtout retardées.

Mais, quoi qu'il en soit, il faut relever l'ampleur particulière des révisions de croissance potentielle effectuées ces dernières années.

*

* *

Au total , par rapport à 2006 , les prévisions de croissance potentielle auront été relevées de 0,6 point soit près d'un tiers de plus que leur état initial (1,7 %) .

Sans doute faut-il observer que ces révisions ne viennent que très marginalement d'une hypothèse sur l'accélération des gains de productivité ce qui réduit les aléas. Mais il faut également souligner qu'elles ne prennent pas en considération les perspectives, pourtant fondamentales pour l'avenir, d'une hausse structurelle du coût des matières premières dans un contexte de croissance mondiale soutenue, et qu'elles s'inscrivent dans un contexte de réduction structurelle de l'intervention publique qui pourrait avoir des effets défavorables, du moins selon certains points de vue.

En toute hypothèse, il vaut d'être souligné que l'accélération de la croissance économique potentielle est une condition forte de plausibilité du scénario économique ici évalué .

* 58 Un autre usage est explicité dans le présent rapport : celui qui conduit à faire de la croissance potentielle une variable d'appréciation de la nature de la politique budgétaire et, plus largement, de la position budgétaire d'un pays.

* 59 « Perspectives macroéconomiques et des finances publiques à moyen terme (2007-2011). 2011, au rendez-vous de la croissance et du désendettement ? Dix questions pour le moyen terme ». Rapport d'information n° 89 (2006-2007) du 23 novembre 2006, par M. Joël Bourdin .

* 60 Un relèvement du taux de fécondité est attendu mais n'exerce pleinement ses effets qu'au-delà.

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