B. LA TRANSMISSION A L'ÉCONOMIE RÉELLE

1. Un choc de demande susceptible d'affecter la croissance potentielle

Le travail d'inventaire des pertes liées aux « subprimes » n'ayant pas été commencé suffisamment tôt 6 ( * ) , les problèmes d'ajustement des passifs bancaires à un niveau de risques accru ont été considérablement aggravés.

La qualité des dettes privées par rapport aux dettes publiques s'est progressivement dégradée au cours des derniers mois. Cette évolution a suscité un « repli vers la qualité » qui s'est traduit par une accentuation généralisée des écarts de taux d'intérêt.

Il faut maintenant considérer les implications de la crise financière sur l'économie réelle.

A court terme, le problème le plus urgent est la reconstitution de la capacité de banques exsangues à reprendre leurs activités de financement de l'économie, ce qui suppose de restaurer leur capacité à couvrir leurs besoins de financement à court terme et d'augmenter leurs capitaux propres.

Mais, il faudra aussi compter avec les « effets de richesse négatifs » liés aux pertes patrimoniales (financières, immobilières) considérables subies par les agents économiques. Celles-ci ouvrent la voie à une baisse de la demande des agents pour restaurer leurs actifs (donc, à une forte hausse des taux d'épargne). Face à cette perspective, les administrations publiques peuvent agir avec vigueur dans un sens « contra-récessif ». La capacité des politiques budgétaires à aller dans ce sens dans les grands pays européens demeure incertaine, même si une application souple du pacte de stabilité et de croissance est envisagée, compte tenu des circonstances actuelles. En l'état, la coordination des politiques budgétaires est informelle ce qui est susceptible d'en réduire l'efficacité.

L'IMPACT DES BAISSES BOURSIÈRES SUR L'ÉCONOMIE

Des simulations réalisées pour COE-Rexecode ont tendu à évaluer l'impact d'une correction boursière de 20 % à partir du troisième trimestre 2008 dans les principaux pays développés (Etats-Unis, Japon, zone euro, Royaume-Uni), grâce au modèle Oxford Economics d'après lequel les principaux canaux de transmission d'un choc boursier à l'économie réelle passent par l'effet de richesse pour les ménages, l'investissement des entreprises (Q de Tobin 7 ( * ) ) et le bouclage international. La politique monétaire n'est pas prise en compte dans le modèle, car sa transmission aux marchés est jugé problématique, dans un contexte de tensions persistantes sur les marchés interbancaires.

Dans ces conditions, le PIB américain est amputé de 0,9 point en 2009, celui de la zone euro de 0,7 point et celui de la France de 0,5 point. Les effets récessifs se prolongeraient en 2010, suite à l'enclenchement d'une dynamique négative sur l'activité, notamment à travers la détérioration du marché du travail.

La même étude évalue l'impact d'une baisse de 20 % du cours du Brent à partir du second semestre 2008. Elle se traduirait par un surcroît de 0,3 point de PIB aux Etats-Unis , 0,1 point en zone euro et en France.

En neutralisant la politique monétaire, l'impact sur le PIB des chocs boursier et pétrolier serait donc de l'ordre de 0,6 point de PIB en 2009 aux Etats-Unis et dans la zone Euro et de 0,4 point en France.

Ces calculs donnent un aperçu de l'ampleur de l'impact des évolutions en cours , qui n'ont pas toutes été intégrées dans les prévisions disponibles à ce jour.

Source : Henriot (COE-Rexecode, octobre 2008)

La hausse du taux d'épargne est une perspective d'autant plus probable qu'à long terme les problèmes structurels qui ont rendu possible mais aussi nécessaire l'expansion excessive d'une économie d'endettement ne seront pas réglés. A cet égard, il faut souligner que, sans l'adjuvant de la dette, la demande n'aurait pas été suffisante pour nourrir une croissance qui, généralement, n'a pas buté sur des limites du côté de l'offre. La question des conditions du partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits est posée , question à laquelle il faut ajouter celle de savoir comment, le cas échéant, mettre en oeuvre de nouveaux équilibres. En tout état de cause, si le niveau des dettes privées devait baisser, il faudrait bien leur trouver un substitut pour alimenter la demande.

* 6 Cf. Note de conjoncture du service des études économiques et de la prospective (Sénat, octobre 2007).

* 7 Le Q de Tobin est une théorie des choix d'investissement élaborée en 1969 par l'économiste James Tobin. Elle définit un ratio Q = valeur boursière de l'entreprise / valeur de remplacement du capital fixe. Si Q > 1, l'entreprise a intérêt à investir. En pratique, les équations d'investissement du modèle comparent la productivité marginale du capital après impôt au taux d'intérêt à long terme.

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