EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 26 juin 2008 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO).

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a exposé les principales dispositions de la loi du 5 mars 2007 créant le droit au logement opposable (DALO) :

- les trois échéances qui prévoient l'ouverture d'un droit de recours amiable pour les personnes prioritaires à compter du 1 er janvier 2008, d'un recours contentieux devant le juge administratif au 1 er décembre 2008 et de la généralisation de ce recours contentieux au 1 er janvier 2012 à toutes les personnes qui n'ont pas obtenu de logement social à l'expiration d'un délai « anormalement long » fixé par département ;

- les cinq critères qui définissent les catégories prioritaires au titre du droit au logement opposable ;

- les délais impératifs portant sur l'examen des dossiers par les commissions de médiation et sur la proposition d'une présentation de logement ou de place d'hébergement par les préfectures.

Il a ensuite indiqué que le contrôle budgétaire avait pour objectif de vérifier la capacité de l'administration à mettre en place le dispositif dans les délais imposés, de mesurer les enjeux budgétaires d'un droit opposable pouvant conduire à la condamnation de l'Etat, d'évaluer le risque d'un échec du DALO, et de tirer les leçons de la première étape afin de préparer les échéances contentieuses. Il a précisé qu'il avait effectué plusieurs contrôles sur place à Paris et en Seine-Saint-Denis et qu'il se rendrait auprès d'autres commissions de médiation, avant de présenter ses conclusions définitives qui s'inscriront dans la perspective du projet de loi sur le logement qui doit être déposé à l'automne par le Gouvernement.

S'agissant de l'enjeu budgétaire du DALO, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a rappelé que le projet de loi de finances pour 2008 avait prévu la création de 100 équivalents temps plein supplémentaires (ETPT) et une dotation de 4,12 millions d'euros pour le fonctionnement des commissions et les frais d'instruction des dossiers. Il a indiqué que cette instruction avait été confiée, selon les départements, aux caisses d'allocations familiales (CAF), aux associations départementales pour l'information sur le logement (ADIL), et, à Paris, au groupement d'intérêt public « Habitat et interventions sociales ». La loi du 5 mars 2007 et le projet de loi de finances rectificative pour 2007 ont, pour leur part, prescrit une augmentation sensible de la programmation de constructions de logements très sociaux.

Le bilan du dépôt des dossiers de recours au 31 mai 2008 a confirmé l'absence du « raz-de-marée » redouté au vu de l'estimation initiale de la population concernée par le DALO, soit plus de 600.000 personnes. Le nombre de dossiers déposés s'élève à 26.009 pour les demandes de logement et à 1.689 pour les demandes d'hébergement.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a attribué la relative faiblesse de ces chiffres au manque d'information des personnes visées, au scepticisme des demandeurs et des associations, à la complexité du dispositif et aux lacunes de l'information statistique en matière de logement. Il a indiqué que, selon le ministère du logement, le nombre de dossiers serait de 80.000 environ à la fin 2007.

Il a évoqué ensuite les conditions d'installation des commissions de médiation, qui ont d'ores et déjà examiné 8.000 dossiers sur l'ensemble de la France, pour un taux de décision favorable de 42 %, aboutissant au relogement de 600 ménages.

Il a souligné que le bilan de la mise en oeuvre du droit du DALO faisait apparaître une extrême diversité des situations selon les conditions locales. Ainsi, 90 % des recours sont concentrés dans six régions et plus particulièrement en Ile-de-France, qui recueille 63 % des dossiers déposés.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a estimé que les conséquences de cette concentration des besoins n'avaient pas été tirées en ce qui concerne la répartition des moyens et que cette densité aurait justifié une différenciation dans les procédures prévues par la loi DALO. Il s'est également inquiété de l'insuffisance notoire du contingent préfectoral dans les attributions de logements sociaux, qui doit permettre de satisfaire les décisions favorables des commissions de médiation. Ainsi, la Préfecture de Paris disposerait de 1.000 logements annuels pour un « public DALO » estimé entre 30 et 40.000 personnes. Il a, cependant, précisé que les lacunes de l'informatisation en ce domaine étaient telles que le contingent préfectoral réel était, sans doute, le double du contingent connu, mais que les services des préfectures étaient incapables de l'identifier compte tenu de l'ancienneté et de l'absence de suivi des conventions conclues avec les organismes bailleurs.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a exposé ensuite ses premières conclusions. Concernant l'information du public, il a souhaité une implication plus forte des associations et surtout une collaboration entre les services de l'Etat et les communes et collectivités territoriales concernées. Estimant les capacités d'expertise actuelles des commissions de médiation trop limitées, particulièrement dans les zones de marché immobilier tendu, il s'est prononcé pour l'attribution de moyens supplémentaires permettant de réaliser de véritables enquêtes sociales sur les demandeurs et un contrôle sur place de l'état des logements. Il a jugé nécessaire une réduction des divergences de jurisprudence entre les commissions de médiation, en particulier sur l'interprétation des notions d'urgence et de bonne foi du demandeur. Il s'est déclaré en faveur d'un transfert de la gestion du contingent préfectoral du ministère de l'intérieur vers le ministère du logement.

S'agissant enfin de la situation très particulière de l'Ile-de-France, il a estimé que le Gouvernement devrait en tirer les conséquences pour renforcer la territorialisation de sa politique et adapter le cadre juridique et institutionnel du DALO en renonçant au principe de la commission de médiation unique et en élargissant le périmètre administratif au-delà du département. Il a jugé que, seule, la mutualisation du DALO en Ile-de-France permettrait de garantir l'objectif de mixité sociale.

Après les observations de MM. Jean Arthuis, président, et Adrien Gouteyron , M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a considéré que le seul contingent préfectoral ne permettrait pas de répondre aux besoins des demandeurs DALO et qu'il serait nécessaire d'élargir l'offre disponible en recourant, notamment pour les salariés pauvres, aux logements du 1 %.

La commission a alors donné acte à M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , de sa communication .

Réunie le mercredi 12 novembre 2008 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur le droit au logement opposable (DALO).

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a indiqué que son contrôle budgétaire sur la mise en oeuvre du droit au logement opposable, qu'il avait engagé en mai 2008, avait deux objectifs principaux :

- vérifier la capacité de l'administration à mettre en place, dans les délais extrêmement brefs qui lui sont imposés, le dispositif voté dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable ;

- mesurer les enjeux budgétaires et financiers de l'ouverture de ce nouveau droit.

Il a précisé avoir conduit des investigations complémentaires depuis la communication d'étape présentée le 26 juin 2008 devant la commission. Il a notamment évoqué sa participation aux commissions de médiation de Seine-Saint-Denis et d'Ille-et-Vilaine ainsi que l'audition du responsable du service des systèmes d'information du ministère de l'intérieur sur les systèmes de gestion du contingent préfectoral des logements sociaux.

Il a souligné également qu'un certain nombre de préconisations avaient fait l'objet d'amendements de la commission lors de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion en octobre 2008.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a ensuite présenté le dispositif du droit au logement opposable.

Il a énuméré les critères qui caractérisent les bénéficiaires prioritaires admis à exercer un droit de recours amiable devant les commissions départementales de médiation, sans attendre la fin du délai anormalement long défini au niveau départemental pour l'accès au logement social.

Il a observé que le recours contentieux devant le juge administratif serait ouvert le 1er décembre 2008 aux demandeurs prioritaires qui n'auront pas obtenu satisfaction après une décision favorable de la commission de médiation et qu'il serait élargi au 1er janvier 2012 à toutes les personnes éligibles au logement social qui n'ont pas obtenu de logement à l'expiration d'un délai anormalement long.

Il a ensuite présenté des éléments sur le bilan du droit au logement opposable à la date du 1er septembre 2008, précisant que plus de 40.000 recours, dont 93 % concernent le logement et 7 % l'hébergement, avaient été déposés sur la France entière, sur un rythme régulier de 5.000 recours par mois.

La répartition entre les régions, qui reste stable, fait apparaître une très forte disparité : près des deux tiers des recours sont déposés en Ile-de-France (soit 26.000) et près du quart à Paris (soit 9.200), 90 % des recours étant toujours concentrés dans six régions.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a souligné le décalage existant entre les besoins initialement estimés, soit près de 600.000, et le nombre des recours effectivement déposés. Il en a attribué la raison autant aux lacunes de l'information mise en place à destination des bénéficiaires qu'à l'incertitude entourant les chiffres du « mal-logement ».

Il a considéré que la modération de l'afflux des recours avait permis aux commissions de médiation de répondre globalement à la demande, dans la mesure où 46 % des recours déposés en vue de l'attribution d'un logement ont été examinés par ces commissions, qui ont donné une majorité de décisions favorables (57 %).

Il a observé, toutefois, que si l'accélération du travail des commissions avait permis d'améliorer le pourcentage de recours examinés, c'était au prix d'un examen très rapide des dossiers par les commissions les plus sollicitées et que subsistait, par ailleurs une divergence importante entre les jurisprudences des commissions.

Il a fait part de ses inquiétudes sur la capacité à faire face à la demande dans les zones tendues, qu'il s'agisse de l'examen des dossiers dans le délai de 6 mois imposé par la loi ou des propositions de logements adaptés qui doivent être faites aux bénéficiaires par les préfets dans un délai identique.

Il a toutefois souligné le taux élevé de refus (19 %) opposé par les bénéficiaires aux propositions de logement qui leur sont présentées.

Il a insisté aussi sur la nécessité de provisionner le coût des éventuelles condamnations de l'Etat, du fait de la mise en cause de sa responsabilité dans les recours contentieux, et a signalé le risque non négligeable d'un détournement de l'objet du droit au logement opposable, qui a été conçu comme une voie de recours ultime, mais pourrait devenir une « filière » supplémentaire pour l'obtention d'un logement social.

Abordant les améliorations souhaitables, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a évoqué la nécessité, à court terme, d'améliorer les conditions de travail des commissions et leur efficacité. Il a précisé qu'il avait défendu, sur ce point, deux amendements comme rapporteur pour avis de la commission sur le projet de loi de mobilisation pour le logement, l'un permettant la création de plusieurs commissions par département si nécessaire et l'autre mettant en place un guichet unique de réception des recours en Ile-de-France pour éviter les doubles examens de dossiers et alléger le travail des commissions. Il s'est déclaré convaincu qu'en 2009 seraient mis en place des systèmes de gestion informatique fiables pour la gestion des contingents préfectoraux et des recours.

Il a suggéré, à moyen terme, plusieurs voies d'optimisation des procédures et des financements disponibles, grâce à l'harmonisation des jurisprudences des commissions et à l'utilisation des contingents du 1 % Logement au profit des salariés pauvres.

Il s'est enfin prononcé pour une évolution de la législation permettant de prendre en compte le contexte particulier de certaines zones, notamment de l'Ile-de-France, et de redéfinir le périmètre de gestion actuel du logement et de l'hébergement d'urgence.

M. Jean Arthuis, président , s'est étonné de la divergence entre l'évaluation des besoins initiaux et le nombre effectif des demandes, suggérant que l'examen en urgence du projet de loi instituant le droit au logement opposable avait été entouré d'une « forte pression médiatique ». Il a observé également que le risque élevé de condamnation de l'Etat au titre du droit au logement opposable justifiait que la commission ait adopté un amendement visant à provisionner ce risque dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, au titre de la mission « Ville et logement ».

La commission a alors décidé, à l'unanimité, de publier ces travaux sous la forme d'un rapport d'information .

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