3. La réforme foncière

Comme le relève le rapport du Comité pour la départementalisation de Mayotte, créé au sein du conseil général, « la situation du foncier à Mayotte présente une triple caractéristique qui entrave le développement de l'île : rareté, complexité, cherté ».

Ainsi, les règles de publicité foncière applicables à Mayotte doivent être révisées.

Depuis 1996, une politique de régularisation foncière consistant à reconnaître l'occupation coutumière des terres et à attribuer un titre de propriété, est mise en oeuvre par le CNASEA 23 ( * ) . Tout le territoire utile a été enquêté, les parcelles (22 047 parcelles sur une surface de 3 982 ha) et tous les occupants ont été recensés et identifiés. En revanche, l'attribution de titres de propriété est freinée par les insuffisances de l'état civil, sources d'insécurité juridique. Par ailleurs, certains villages comme Chiconi et Chirongui n'entrent pas dans la régularisation, en raison d'indivisions trop importantes. Ainsi, dans les années 60, à Chiconi, 74 personnes se sont regroupées pour titrer une propriété de 40 hectares. Aujourd'hui, plus de 4 000 ayant droits sont en indivision dans cette commune.

La réforme de la publicité foncière a été engagée par l'ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005 portant adaptation de diverses dispositions relatives à la propriété immobilière à Mayotte et modifiant le livre IV du code civil, qui tend à rapprocher du droit commun les dispositions relatives aux immeubles applicables à Mayotte.

Cette ordonnance modernise le régime de la publicité foncière afin d'offrir aux propriétaires d'immeubles, aux titulaires de droits réels immobiliers et aux tiers une sécurité juridique similaire à celle existant en métropole.

L'ordonnance abroge en effet le décret colonial du 4 février 1911, qui organisait la publicité foncière sur le fondement d'un système qui ne concernait que les personnes physiques et demeurait largement facultatif.

Ce caractère facultatif ne garantissait pas de manière uniforme la sécurité juridique des propriétaires ou titulaires de droits réels et celle des tiers au regard de la publicité foncière partielle qu'il instaurait. Lorsqu'il y avait un conflit de titres, le premier titre publié qui faisait foi, même s'il était postérieur. Ces conflits sont d'autant plus nombreux qu'un incendie de la Conservation Foncière en 1993 a entraîné la disparition de 3 000 titres.

L'ancien régime de publicité foncière constituait par ailleurs un obstacle à l'exercice de la liberté d'établissement des ressortissants européens, nécessaire à la qualité de région ultrapériphérique de l'Union européenne à laquelle Mayotte peut prétendre.

En outre, il compromettait la mise en place d'une fiscalité locale appuyée sur la propriété déclarée, ainsi que l'efficacité d'un cadastre qui n'enregistrait pas les mutations des fonds de terre, et freinait l'aménagement de l'espace, la situation juridique des parcelles demeurant méconnue.

Cependant, l'ordonnance n'organise pas une extension à Mayotte du régime de publicité foncière de droit commun, en raison notamment de l'introduction récente du cadastre et de la modernisation de l'état civil et de l'intérêt que conserve à Mayotte un système de publicité réelle. Elle modernise le régime en le rendant obligatoire, quel que soit le statut civil des personnes, les personnes morales y étant désormais assujetties. Aussi l'ordonnance remplace-t-elle le décret du 4 février 1911 par des dispositions relatives à :

- l'immatriculation de l'immeuble, à l'issue d'une procédure destinée à relever l'ensemble des droits existant sur l'immeuble, et l'inscription des droits réels immobiliers transmis ou constitués sur ces immeubles immatriculés deviennent obligatoires. Cette obligation concerne les personnes physiques comme les personnes morales ;

- l'obligation de rédiger un acte authentique pour publier un droit immobilier au livre foncier de Mayotte. Le recours au notaire devient donc obligatoire pour tout acte entre personnes de droit privé ;

- la simplification des procédures administratives et judiciaires.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2008.

Ainsi, la conservation de la propriété immobilière a succédé à la conservation de la propriété foncière. Elle est chargée de l'immatriculation et de la conservation de tous les titres fonciers. Tout droit réel immobilier, pour être opposable aux tiers, doit être inscrit à la conservation. C'est notamment le cas des hypothèques. La CPI délivre à la demande des certificats d'immatriculation et de situation juridique qui permettent aux usagers de connaître à tout moment les droits et servitudes se rapportant à un titre foncier.

Enfin, l'ordonnance donne une assise juridique incontestable à la politique dite « de régularisation foncière » de la collectivité départementale, afin de transformer en droit de propriété les droits coutumiers individuels sur des terrains de la collectivité durablement mis en valeur par leurs titulaires.

* 23 Centre National pour l'Aménagement des Structures d'Exploitation Agricoles.

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