III. LES PERSPECTIVES EN FRANCE

A. LA FRANCE EN POSITION SINGULIÈRE

La France, qui a une longue tradition de monopole, n'a pas manifesté une ferveur excessive face à la libéralisation du transport ferroviaire. Elle réagit même avec une certaine défiance qui est apparue dès les premiers signes d'ouverture. L'articulation entre l'ouverture à la concurrence et la LOTI instaurant le monopole de la SNCF est un noeud qu'il faudra trancher.

1. La transposition du premier paquet ferroviaire en France : la création de Réseau Ferré de France.

La transposition de la directive 91/410 fut une première « épreuve ». Dès cette époque, la France montre sa capacité à échafauder des solutions aussi hasardeuses que contestables. Le terrain choisi n'est pas la concurrence proprement dite mais un domaine connexe, qui conditionne la mise en oeuvre de la libéralisation : la séparation entre le réseau et l'exploitation de services ferroviaires.

Après un intermède provisoire entre 1995 et 1997 d'une séparation purement comptable entre les deux, la France choisit de séparer le réseau (13 ( * )) , qui relève désormais de Réseau Ferré de France (RFF) et l'exploitation assurée par la SNCF.

Cette séparation a été décidée en 1997. Elle résulte de la loi 97-135 du 13 février 1997 portant création de Réseau Ferré de France, complétée par son décret d'application adopté quelques semaines plus tard.

Le partage entre les deux entités est cependant plutôt particulier . En effet, s'il y a bien une séparation juridique stricte entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur historique, l' exécution des missions confiées est confié audit opérateur auquel l'infrastructure vient d'être retirée...

Ainsi, en dépit d'une distinction apparemment claire entre le gestionnaire et l'infrastructure (RFF) et le gestionnaire délégué (la SNCF ), la SNCF est à la fois client et sous-traitant de RFF. À l'inverse, RFF est à la fois l'unique fournisseur de service d'accès au réseau pour la SNCF, entreprise ferroviaire, et l'unique client de la branche infrastructure de la SNCF, fournisseur des services de régulation de RFF. Ainsi, il y a à la fois une séparation institutionnelle et une imbrication fonctionnelle entre les deux établissements, tous deux sous la tutelle de l'État...

La situation ainsi provoquée ne peut que créer des frictions : sur la répartition du patrimoine ferroviaire, sur l'exécution de travaux d'infrastructure, sur l'allocation des capacités (14 ( * )) , et en définitive, sur l'ouverture du réseau à la concurrence elle-même. RFF étant supposé, au minimum, neutre (voire favorable à une utilisation plus intense du réseau ?) tandis que la SNCF ne peut, comme toute entreprise en situation de monopole, qu'avoir des réticences à abandonner le sien.

Ainsi, « la France a procédé en pratique à une transposition a minima de la directive » (15 ( * )) et s'est engagée dans les conséquences du processus communautaire à reculons. La réforme déterminante consistant à distinguer les deux entités (RFF et SNCF) n'a eu dans les faits qu'assez peu de conséquences pratiques. « L'erreur de l'époque a été de considérer que, puisque les modifications réelles n'intervenaient qu'à la marge, le fonctionnement du système ne méritait pas d'être examiné dans sa globalité. » (16 ( * )) Un nouveau train de réformes allait bientôt l'obliger à reconsidérer la question.

* (13) Décret n° 97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau Ferré de France.

* (14) Sur tous ces points, voir H. Haenel, op cit., JQA, chapitre I. B.

* (15) H. Haenel- op cit. T.I. - chapitre IA.

* (16) H. Haenel - op cit. TI, chapitre I A.

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