2. Un conseil d'orientation stratégique, espace de concertation interministériel

a) Associer le ministère de la culture et les autres ministères concernés à l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger

Une place privilégiée dans l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger doit être aménagée tant pour le ministère de la culture que pour les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Vos deux commissions rappellent qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2007-994 du 25 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication , ce dernier « met en oeuvre, conjointement avec les autres ministres intéressés, les actions de l'État destinées à assurer le rayonnement dans le monde de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie . Il contribue à l'action culturelle extérieure de la France et aux actions relatives aux implantations culturelles françaises à l'étranger ». Le ministère de la culture doit donc avoir toute sa place dans l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger ; en conséquence, vos deux commissions estiment qu'une place privilégiée doit lui être consentie aussi bien au niveau de l'élaboration de notre politique culturelle extérieure qu'au sein des organes dirigeants du futur établissement public.

La négociation interministérielle devrait se traduire, dans un premier temps, par un meilleur équilibre entre le nombre de représentants du ministère des affaires étrangères et celui du ministère de la culture au sein du conseil d'administration du futur établissement public .

Le conseil d'administration a également vocation à comprendre des représentants des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche. À ce titre, tous les ministères représentés au conseil d'administration du futur établissement public devraient signer le contrat d'objectifs et de moyens le liant à l'État.

D'autre part, la négociation interministérielle doit également s'effectuer bien en amont, dans le cadre d'un conseil d'orientation stratégique réunissant périodiquement les représentants des différents ministères concernés. Il est en effet indispensable qu'un espace de discussion interministériel soit aménagé pour que d'autres ministères puissent participer, de façon effective et régulière 34 ( * ) , à la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger.

b) Impliquer les collectivités territoriales dans la définition de notre politique culturelle extérieure

L'action extérieure des collectivités territoriales est devenue incontournable dans la pratique des relations internationales chez l'ensemble de nos partenaires européens : comme le soulignait la présidence française de l'Union européenne en 2008, « la coopération décentralisée entre villes et régions, quel que soit le niveau territorial considéré, dispose aujourd'hui de moyens parfois supérieurs à ceux des États » 35 ( * ) .

Issue d'une longue tradition de jumelages, la coopération décentralisée a connu, en France, une montée en puissance significative depuis que son principe a été consacré par la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 pour l'administration territoriale de la République : les collectivités et leurs groupements se sont ainsi vu reconnaître la possibilité de conclure des conventions avec les collectivités territoriales étrangères « dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France ».

Le dispositif de soutien et d'accompagnement de l'action extérieure des collectivités territoriales a été complété, en 2007, par la loi n° 2007-147 du 2 février 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements , votée à l'initiative de notre collègue M. Michel Thiollière, qui modifie le code général des collectivités territoriales pour permettre aux collectivités territoriales de conclure, dans le respect des engagements internationaux de la France, des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au développement et pour mettre en oeuvre ou financer, si l'urgence le justifie, des actions à caractère humanitaire.

Dans ces conditions, les collectivités territoriales françaises ont multiplié les accords de coopération avec leurs homologues étrangers, dont les volets culturels leur permettent notamment de mobiliser les milieux artistiques et éducatifs locaux au travers de projets concrets. Principalement orientée vers l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche, la coopération culturelle décentralisée peut également concerner les domaines du tourisme durable, de la préservation du patrimoine et du développement des institutions et des industries culturelles.

Fondée sur une logique d'échanges et d'intérêt réciproque , la coopération décentralisée constitue ainsi un levier d'action exceptionnel pour donner une traduction concrète à la promotion de la diversité culturelle , axe fondamental de notre politique extérieure.

Toutefois, la coordination entre l'État et les collectivités territoriales dans la conduite de notre politique culturelle extérieure apparaît insuffisante .

Les mécanismes de coordination entre l'action culturelle extérieure menée par l'État et la coopération culturelle décentralisée

Le ministère des affaires étrangères encourage la coopération décentralisée en offrant aux collectivités territoriales les services de la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT), rattachée au directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, les co-financements qu'il met en place, ainsi que les services de son réseau d'ambassades et des experts des directions du Quai d'Orsay. Grâce à des appels à projets lancés chaque année, la DAECT apporte un soutien financier à de nombreux projets menés par les collectivités territoriales françaises. Elle soutient également les réseaux nationaux ou les structures de concertation ou de coordination régionale.

Dans le domaine plus spécifiquement culturel, l'opérateur CulturesFrance et les collectivités territoriales ont institué un cadre d'action afin de développer des actions communes pour le développement de projets à l'international.

En 2008, CulturesFrance gérait 23 conventions de partenariats , pour la plupart triennales et financées à parts égales, avec les collectivités territoriales françaises (villes, communautés d'agglomération, départements, régions) et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). La mise en commun des moyens et des expertises permet de faire découvrir, à l'étranger, des artistes fortement implantés dans leur ville ou leur région, d'accueillir en retour, sur le territoire français, des créateurs du monde entier et de tisser des liens durables entre équipes artistiques françaises et étrangères. Les projets de coopération (actions de formation, coréalisations, échanges d'artistes en résidence, etc.) sont privilégiés, le dispositif permettant également d'accompagner des projets de promotion, de diffusion et d'échanges artistiques.

En 2008, le budget global affecté aux conventions CulturesFrance-Collectivités territoriales s'élevait à 2,205 millions d'euros dont 1,105 million d'euros pour CulturesFrance.

Source : CulturesFrance et ministère des affaires étrangères et européennes.

Toutefois, vos deux commissions estiment que les risques de chevauchement ou de contradiction entre la politique culturelle extérieure de l'État et l'action extérieure des collectivités territoriales demeurent. Il est, par conséquent, indispensable de renforcer la coordination entre ces deux composantes de notre action culturelle à l'étranger.

Elles estiment nécessaire de s'appuyer sur une charte définissant les principes généraux de l'action des collectivités territoriales à l'étranger, permettant de concilier la libre administration de ces dernières et le caractère régalien de notre diplomatie culturelle .

Dans cette logique, en même temps que les interventions des collectivités territoriales devraient faire l'objet de consultations préalables auprès du ministère des affaires étrangères, ce dernier devrait être encouragé à mettre tout en oeuvre pour faciliter les échanges artistiques entre les collectivités françaises et étrangères, notamment en matière de délivrance de visas aux artistes concernés.

Surtout, vos deux commissions estiment indispensable d'associer les collectivités territoriales à l'élaboration de notre stratégie culturelle à l'étranger, en garantissant leur participation au conseil d'orientation stratégique évoqué précédemment.

Proposition n° 3 : Impliquer davantage le ministère de la culture et les autres ministères concernés ainsi que les collectivités territoriales dans la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger au sein d'un conseil d'orientation stratégique.

c) Associer les milieux culturels et artistiques à la mise en oeuvre de notre action culturelle à l'étranger

Pour l'élaboration des stratégies de rayonnement de la culture et de la langue françaises à l'étranger, le président de l'agence pourrait également s'appuyer sur un comité scientifique qu'il présiderait afin d'assurer l'information régulière des différents secteurs intéressés et, en tant que de besoin, d'organiser toute concertation qu'il estime utile. Ce comité scientifique devrait également comprendre des représentants des Alliances françaises ainsi que des représentants des collectivités territoriales .

Proposition n° 4 : Créer un comité scientifique auprès de l'opérateur afin d'associer en amont et en aval les milieux culturels et artistiques, les Alliances françaises ainsi que les collectivités territoriales à la mise en oeuvre de notre diplomatie culturelle.

Enfin, vos deux commissions insistent pour que la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger prenne en compte les deux éléments fondamentaux suivants : la dimension européenne et la promotion de la diversité culturelle sur le fondement de la convention de l'UNESCO d'octobre 2005.

En effet, vos deux commissions sont convaincues que la reconnaissance de la culture comme une composante à part entière de notre diplomatie ne peut s'imposer sans mettre en avant la dimension européenne de notre action extérieure. La France est appelée à jouer un rôle de premier plan dans la construction d'une Europe politique où la culture doit être un des fondements de l' « unité dans la diversité » .

Comme le rappelait notre collègue M. Yves Dauge, dans un contexte de crise démultiplié (crise financière, énergétique et alimentaire), la France est également attendue au tournant sur la réalité et la sincérité des principes qui forgent sa diplomatie d'influence , au premier rang desquels figurent la diversité culturelle et le multilatéralisme. La France, en partenariat avec d'autres pays, et notamment les pays francophones, a un rôle essentiel à jouer dans la défense du « bien public mondial de la diversité culturelle ».

* 34 L'expérience du conseil de l'audiovisuel extérieur de la France, qui n'a quasiment plus fonctionné depuis 1996, devrait inviter le Gouvernement à s'assurer que les futures instances interministérielles soient libérées de la lourdeur et du formalisme de leurs modalités de fonctionnement.

* 35 Note du ministère des affaires étrangères et européennes sur le rôle des collectivités territoriales dans les relations culturelles extérieures de l'Union européenne.

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