D. POUR UNE GESTION RÉNOVÉE DES RESSOURCES HUMAINES

L'ensemble des personnes auditionnées par la commission se sont prononcées en faveur d'une refonte majeure de la politique des ressources humaines de notre réseau culturel à l'étranger . De nombreuses inquiétudes ont été exprimées en effet par les personnels en poste à l'étranger :

- la formation et la professionnalisation des personnels sont ressenties comme très insuffisantes . À titre d'exemple, les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière ;

- la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeure relativement courte , trois ans en règle générale, alors qu'elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol ;

- les diplomates de carrière, qui se voient réserver les fonctions de conseiller culturel des ambassades ou de directeur d'établissement culturel, ont généralement tendance à obéir à une conception de l'influence culturelle en décalage avec les réalités locales du pays d'accueil .

Vos deux commissions estiment dès lors que le renouvellement de la politique des ressources humaines de notre dispositif culturel à l'étranger doit privilégier les priorités suivantes :

- le rattachement du réseau culturel à l'opérateur implique le transfert des agents culturels en poste vers l'opérateur . Ce transfert pourrait s'effectuer sur le modèle d'Ubifrance , dont les responsables n'ont cependant pas caché la complexité de la gestion d'une période de transition pouvant durer de deux à trois ans ;

- la future agence est appelée à prendre en charge la formation initiale et continue des personnels en postes dans le réseau culturel , dans les domaines relevant de sa compétence. À l'évidence, aux cinq jours de formation initiale aujourd'hui consentis aux personnels affectés en poste à l'étranger devra se substituer une période de formation initiale mieux adaptée aux besoins du poste. À cet égard, M. Bernard Faivre d'Arcier recommandait une durée moyenne de formation initiale de quatre semaines ;

- la continuité des parcours professionnels au sein du réseau culturel doit être améliorée. À ce titre, la durée d'immersion dans un pays d'accueil doit être augmentée pour s'aligner sur les règles en vigueur chez la plupart de nos partenaires (idéalement cinq ans) . En contrepartie, des efforts doivent être déployés pour que les personnels en poste à l'étranger se voient offrir la possibilité de renouer régulièrement le contact avec le milieu culturel français, le cas échéant en participant à des manifestations culturelles et des festivals organisés sur le territoire national, notamment en région. À cet égard, il est possible de s'inspirer du parcours de formation mis en place par le Goethe Institut 36 ( * ) ;

- une réflexion doit s'engager sur la possibilité de faire émerger, au sein de la fonction publique d'État, une spécialisation des carrières en lien avec la coopération culturelle, en s'appuyant sur un éventuel profil « communication et influence », suggéré par la commission du Livre blanc, qui pourrait couvrir la communication et les politiques en matière de culture, d'enseignement et d'attractivité ;

- l'émergence éventuelle d'un tel profil professionnel doit s'accompagner d'un renforcement de la mobilité interne (entre les administrations des ministères des affaires étrangères, de la culture, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche) et externe (par le recrutement de personnes issues de l'Université ou du secteur privé) ;

- souscrivant en cela à une recommandation du Livre blanc, vos deux commissions estiment indispensable d'améliorer la politique d'affectation et la gestion des carrières sur la base d'une charte de la gestion des ressources humaines qui intègrerait une plus grande objectivité des critères de sélection et une transparence accrue des procédures de nomination .

Selon vos deux commissions, seul le transfert de la gestion des ressources humaines du réseau culturel à l'agence permettrait de mettre en oeuvre ces axes de rénovation .

La gestion des personnels du réseau culturel par l'agence serait, en effet, pour elle un moyen de disposer de la pleine maîtrise de ses outils de mise en oeuvre de la politique culturelle de la France à l'étranger . Dès lors, il apparaît indispensable de permettre à l'agence de jouer sur les leviers de la formation initiale et continue, de la professionnalisation des métiers de l'action culturelle extérieure et de la continuité des parcours et des carrières au sein du réseau.

Cela suppose en particulier que l'agence se voie confier à terme la responsabilité, en étroite collaboration avec l'ambassadeur , des affectations, des mutations et du recrutement des personnels relevant de sa compétence dans les établissements culturels à autonomie financière, notamment en ce qui concerne les personnels d'encadrement (c'est-à-dire les directeurs de centres). Elle pourrait, dès lors, jouer sur les deux leviers suivants : la durée d'immersion et les procédures d'affectation .

Le transfert de la gestion des personnels à l'agence pose un certain nombre de difficultés qu'il convient d'analyser.

D'une part, un problème d'ordre pratique dans la mesure où un certain nombre d'agents de notre réseau culturel exercent également des activités liées à la promotion des échanges universitaires, mission qui devrait prochainement relever d'un opérateur distinct chargé de la mobilité et de l'expertise internationales.

D'autre part, une difficulté d'ordre juridique tenant à la grande variété de statuts des personnels du réseau culturel, parmi lesquels on recense notamment :

- 3 200 contractuels de droit français ;

- des personnels titulaires détachés ou mis à disposition dans les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et dans les instituts et centres culturels à l'étranger ;

- des recrutés locaux dans les services culturels des ambassades (SCAC) ;

- 4 700 recrutés locaux 37 ( * ) des instituts et centres culturels à l'étranger. Ces derniers étant des établissements culturels à autonomie financière (EAF), ils disposent d'une large autonomie de gestion qui leur confère une relative maîtrise de leurs emplois contractuels dans la limite des crédits de fonctionnement disponibles.

Cependant, ces deux difficultés méritent d'être relativisées .

En pratique, il ne semble pas impossible de distinguer, au sein des personnels du réseau culturel, ceux relevant de l'agence chargée de la coopération culturelle et linguistique et ceux relevant du futur opérateur chargé de la mobilité et de l'expertise internationales. À cet égard, l'expérience du transfert progressif d'une partie des services déconcentrés du ministère de l'économie à l'étranger à l'EPIC Ubifrance laisse penser que ce type de difficulté pratique peut être surmonté : au sein même des missions économiques de la France à l'étranger ont pu être identifiées les activités de nature commerciale des autres services de prospective économique et financière, préalablement au transfert des agents concernés à Ubifrance.

En outre, l'exemple d'Ubifrance nous enseigne que la diversité des statuts ne constitue pas nécessairement un obstacle insurmontable.

Au total, les deux principaux défis qu'emporte le transfert de la gestion des personnels culturels en poste à l'étranger à la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique peuvent être résumés de la façon suivante :

- à la différence de l'expérience d'Ubifrance (qui est appelé, à terme, à gérer un total d'environ 1 500 agents), la future agence pourrait se voir confier la responsabilité de la carrière de plusieurs milliers d'agents aux statuts disparates et évolutifs ;

- la volonté affichée par le ministère des affaires étrangères de rendre son réseau culturel et de coopération plus « polyvalent », pour répondre aux enjeux de la mondialisation dans leur globalité, ne doit pas faire obstacle à la reconnaissance de la vocation culturelle première des personnels gérés par l'agence .

Afin de relever ces défis, le transfert de la gestion des personnels du réseau culturel à l'agence suppose une volonté politique forte des pouvoirs publics de doter l'agence des moyens suffisants pour mettre en oeuvre une politique rénovée en profondeur des ressources humaines.

En tout état de cause, l'importance des emplois contractuels au sein de notre réseau culturel à l'étranger implique que leur transfert à l'agence s'effectue de façon souple, progressive et, le cas échéant, en aménageant une certaine marge de choix pour les agents concernés, à l'image de ce qui a pu prévaloir pour Ubifrance.

À tout le moins, il devrait être explicitement prévu que le transfert des agents du réseau culturel vers l'agence chargée de la coopération culturelle et linguistique devrait s'opérer dans le respect des conditions de statut et d'emploi qui sont les leurs .

De plus, la gestion par l'agence des personnels culturels en poste à l'étranger ne doit pas signifier son autonomie totale dans ce domaine vis-à-vis de son autorité de tutelle et notamment de son représentant au niveau local, à savoir l'ambassadeur. En s'inspirant de l'exemple d'Ubifrance, il pourrait être envisagé que les affectations et les mutations des responsables des établissements culturels à autonomie financière soient soumises à l' avis de l'ambassadeur et que ce dernier instruira les demandes d'affectation des personnels affectés par l'agence dans ses bureaux à l'étranger. Le maintien d'un droit de regard du chef de poste diplomatique sur les affectations dans les établissements culturels à autonomie financière, en particulier sur le choix de leurs directeurs , garantira ainsi que l'action des représentations locales de l'agence s'exercera dans le strict respect de la mission de coordination et d'animation du réseau qui incombe à l'ambassadeur en vertu de l'article 3 du décret du 1 er juin 1979.

Proposition n° 9 : Transférer progressivement la gestion des personnels du réseau culturel à la future agence, en lui confiant notamment la responsabilité de la formation initiale et continue et de la continuité des parcours et des carrières.

* 36 Les agents doivent suivre au départ une formation de six mois au siège central de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à la titularisation. Ils se voient ensuite régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand événement culturel en Allemagne.

* 37 Pour mémoire, les recrutés locaux des établissements culturels à autonomie financière sont financés en partie par des ressources propres et ne figurent pas dans le plafond d'emplois du ministère des affaires étrangères.

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