D. UNE DIMINUTION PRÉOCCUPANTE ET UNE DISPERSION DES CRÉDITS

L'effort budgétaire consenti par la France en faveur de son rayonnement culturel a été évalué en 2007 à plus d'un milliard d'euros 12 ( * ) .

Ce chiffre est toutefois trompeur car il tend à mettre sur le même plan des financements très différents. De plus, il masque la baisse sensible des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure ces dernières années, qui s'est accentuée sensiblement en 2009.

Les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure sont dispersés entre plusieurs missions, puis, au sein de la même mission, entre plusieurs programmes.

Ainsi, le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État » ne regroupe pas l'ensemble des crédits consacrés par le ministère des affaires étrangères à l'action culturelle extérieure. En effet, il ne porte que sur les financements destinés à la coopération avec les États de l'Union européenne et les autres grands pays industriels du monde développé au sens de l'OCDE, ainsi que sur ceux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Pour avoir une vue globale des financements consacrés à l'action culturelle extérieure, il faut également tenir compte :

- des crédits consacrés à la coopération culturelle dans les pays en voie de développement et les pays émergents, qui relèvent du programme 209 de la mission interministérielle « Aide publique au développement » ;

- des crédits consacrés à l'action internationale du ministère de la culture, qui figurent dans le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du budget du ministère de la Culture.

Or, comme les rapporteurs pour avis des deux commissions l'ont souligné à plusieurs reprises dans leurs rapports budgétaires 13 ( * ) , la scission de la politique de rayonnement culturel et scientifique du ministère des affaires étrangères entre le programme 185 et le programme 209 est de moins en moins pertinente, puisqu'elle se fonde sur une liste de pays dits « développés » établie par l'OCDE.

À cet égard, un document budgétaire transversal regroupant l'ensemble des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure serait à la fois un gage de lisibilité et de cohérence de la dépense publique dans ce domaine.

Au total, le coût pour l'État du réseau culturel français, tous établissements confondus, ne dépasserait pas 136 millions d'euros en 2008 14 ( * ) , en additionnant les subventions de 60 millions d'euros aux centres et instituts culturels et de 12 millions d'euros aux alliances françaises, ainsi que le coût des personnels mis à disposition de 33 millions d'euros pour les centres et de 28 millions d'euros pour les Alliances françaises.

En outre, les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure font l'objet d'une forte baisse en 2009 .

Passant d'un montant de 105 millions d'euros en 2008 à un montant estimé à 92 millions d'euros dans le programme 185, les crédits consacrés au rayonnement culturel et scientifique dans les pays de l'OCDE (hors AEFE), accusent une baisse de - 13 % en 2009. Parmi ces 92 millions d'euros, une trentaine environ est affectée au réseau culturel et une vingtaine à la promotion de la langue française et de la diversité culturelle. Selon le document de programmation triennale, cette baisse devrait se poursuivre en 2010, pour atteindre 80 millions d'euros (- 11 %) et en 2011 pour n'atteindre plus que 77 millions d'euros (- 10 %).

La baisse des crédits consacrés aux projets de coopération culturelle est également visible au sein du programme 209 consacré à la coopération en direction des pays en développement : elle serait de l'ordre de - 19 % en 2009 (hors aide multilatérale).

Compte tenu de l'importance des coûts fixes du réseau, en particulier des dépenses de personnels ou de loyers, cette diminution a été principalement répercutée sur les crédits d'intervention. Ainsi, les dépenses de programmation culturelle des différents postes auraient été réduites de 15 % en moyenne, cette baisse pouvant atteindre parfois 30, voire 40 %.

Cette diminution des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure est d'autant plus préoccupante qu'elle fait suite à une série de baisses dans les années antérieures. En effet, on estime que les financements du ministère des affaires étrangères et européennes destinés au rayonnement culturel et scientifique auraient baissé de 10 % entre 2005 et 2008.

L'ampleur de cette baisse des crédits est telle en 2009 qu'elle menace désormais le coeur même de notre action culturelle extérieure.

C'est la raison pour laquelle vos deux commissions avaient fortement et de manière unanime dénoncé cette diminution des crédits consacrés à l'action culturelle et linguistique de la France à l'étranger, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009 15 ( * ) .

Comme le relèvent les rédacteurs du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, dans l'introduction de leur rapport, « on ne peut réduire indéfiniment ces effectifs et ces moyens sans remettre en cause les ambitions européennes et internationales assignées à notre action extérieure ».

Vos deux rapporteurs souscrivent entièrement à cette analyse.

LA PROGRAMMATION CULTURELLE « HORS LES MURS » :

LA PANACÉE ?

Face à la diminution des financements consacrés à l'action culturelle extérieure, la tentation existe de fermer les centres et instituts culturels français à l'étranger, afin de dégager des économies sur les coûts de fonctionnement de ces structures (loyers, dépenses de personnels, etc.) et de consacrer les financements disponibles à des programmations culturelles « hors les murs ». C'est d'ailleurs la tendance observée ces dernières années avec la fermeture de nombreux établissements par le ministère des affaires étrangères, notamment en Europe occidentale.

La programmation culturelle « hors les murs » est également vue comme un moyen d'assurer une plus large diffusion de la culture française, au-delà du cercle des amis de la France, et de favoriser les échanges avec les institutions et les artistes des pays d'accueil. Elle est d'ailleurs la règle suivie par le British Council.

Pour autant, favoriser la programmation culturelle « hors les murs » ne signifie pas qu'il faille fermer l'ensemble des centres ou des instituts culturels français à l'étranger.

D'une part, ce constat ne vaut pas pour tous les pays. En effet, dans certains pays, notamment en Afrique ou dans les Caraïbes, le centre ou l'institut culturel français joue un rôle très important dans la vie culturelle locale. Il est même parfois le seul espace culturel , comme à Haïti, par exemple, où la seule bibliothèque publique est celle de l'institut français.

D'autre part, les cours de langue nécessitent des bâtiments .

Enfin, certains centres ou instituts culturels sont des bâtiments historiques qui symbolisent par eux-mêmes une présence culturelle et sont fréquentés non seulement par la communauté française vivant à l'étranger mais aussi par les élites du pays. Ainsi, si le metteur en scène polonais Krzysztof Warilowski se produit à l'Opéra de Paris, c'est aussi parce qu'il a pendant longtemps fréquenté le centre culturel français de Varsovie. De même, en témoigne, dans le domaine de la littérature, la consécration de l'écrivain afghan Atiq Rahimi et de l'écrivain guinéen Tierno Monénembo, tous deux respectivement couronnés par les derniers prix Goncourt et Renaudot : ces deux auteurs ont d'abord assis leur notoriété sur les centres culturels français de leurs pays d'origine. Jean-Marie Gustave Le Clézio, certes français mais ancien membre actif du réseau culturel français au Mexique, et dernier prix Nobel de littérature, en offre une autre illustration.

En réalité, il existe une complémentarité entre l' intra muros et l' extra muros , l'un et l'autre se renforçant mutuellement.

* 12 Rapport d'information n° 428 (2007-2008) sur la crise de la diplomatie culturelle française de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

* 13 Voir les avis budgétaires de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères, et de M. Yves Dauge, au nom de la commission des affaires culturelles.

* 14 Selon une estimation du ministère des affaires étrangères et européennes.

* 15 Voir à ce sujet le communiqué de presse de la commission des affaires étrangères et de la défense du 19 novembre et celui de la commission des affaires culturelles du 20 novembre 2008.

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