N° 473

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires européennes (1) sur l'état de la transposition de la « directive services »,

Par M. Jean BIZET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Hubert Haenel , président ; MM.  Denis Badré, Michel Billout, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En février 2008, votre rapporteur avait déposé un premier rapport d'information sur la transposition de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services », qui doit intervenir avant le 28 décembre 2009 (1 ( * )) .

Ce rapport, après avoir rappelé les principales dispositions de la « directive services », présentait les enjeux, à la fois économiques et administratifs, de la transposition de ce texte en droit interne, exposait les modalités de cet exercice et en soulevait quelques-unes des difficultés.

À six mois de l'échéance, votre rapporteur a souhaité dresser un nouvel état des lieux de la façon dont la transposition de cette importante directive est préparée dans notre pays.

Il estime que, même si des questions, voire des inquiétudes demeurent, les principales dispositions de la directive, grâce aux efforts importants réalisés au cours de l'année écoulée, devraient être transposées d'ici la fin 2009, en particulier celles concernant les guichets uniques, qui constituent l'aspect le plus concret de la directive.

I. UNE TRANSPOSITION QUI SERA PROGRESSIVE

Compte tenu de l'ampleur des modifications législatives et réglementaires nécessaires à une transposition complète et définitive de la « directive services », seule une approche réaliste, du reste retenue à la fois par la Commission européenne et les États membres, permet d'apprécier la qualité de cet exercice.

A. L'APPRÉCIATION PRAGMATIQUE DU RESPECT DE L'ÉCHÉANCE

La transposition de la « directive services » donne lieu à des relations étroites, d'une part, entre la Commission européenne et les États membres, et, d'autre part, entre États membres eux-mêmes, qui permettent à la fois de créer une dynamique d'ensemble propice au respect de l'échéance et de faire prendre conscience du nécessaire pragmatisme en la matière.

1. La poursuite de contacts réguliers avec la Commission européenne

La Commission européenne estime que l'ensemble des États membres fournissent d'importants efforts en vue de la transposition de la « directive services ». Elle éprouve néanmoins une certaine inquiétude en constatant le décalage existant entre les engagements rassurants des États membres et les avancées concrètes auxquelles les administrations nationales sont parvenues. Elle observe également, dans certains États membres, une réelle insuffisance des ressources consacrées à la transposition de la directive.

Aussi la Commission exerce-t-elle une pression sur les États membres afin de les inciter à transposer la « directive services » dans les délais impartis. Elle a d'ores et déjà fait savoir que, pour déclencher les procédures d'infraction, elle se montrerait plus exigeante que pour d'autres directives.

Pour autant, la Commission continue à apporter son soutien aux États membres dans l'exercice de transposition.

Ainsi, les réunions du groupe d'experts mis en place par la Commission, à Bruxelles, se sont poursuivies. Il s'agit d'accompagner les États membres par un échange de bonnes pratiques et des expériences nationales. Ces réunions, très régulières en 2008 - il y en a eu 13, après 6 en 2007 -, sont moins fréquentes en 2009, la Commission préférant leur donner un caractère plus spécialisé, portant sur les téléprocédures ou la coopération administrative par exemple.

La Commission poursuit également ses « tournées » dans les capitales européennes, où elle rencontre les administrations nationales compétentes au cours de réunions bilatérales. Environ 60 de ces réunions se sont tenues en 2008. Elle a ainsi rencontré les administrations françaises concernées, à Paris, le 1 er décembre dernier.

La Commission organise par ailleurs des formations en direction des acteurs de la transposition, par exemple sur le système IMI ( Internal Market Information System ), ou système d'information sur le marché intérieur.

IMI est un réseau électronique qui vise à améliorer la communication et l'échange d'informations entre les administrations des États membres. Il n'est pas limité au champ de la « directive services », qu'il englobe certes, tout en le dépassant. La mise en oeuvre d'IMI requiert un important travail de préparation. Pour faciliter la tâche des États membres, la Commission coordonne la mise en oeuvre du projet pilote développé dans le cadre d'IMI portant sur la « directive services », qui se concentre sur un échantillon d'activités de services, dont la construction, la restauration, les architectes et les agences immobilières. Le projet pilote vise à préparer la voie à la mise en place d'un réseau pleinement opérationnel de coopération administrative, s'appliquant à l'ensemble des activités de services, avant la fin de l'année 2009.

Le projet pilote a été lancé lors de la conférence de sensibilisation sur l'IMI, organisée par la Commission, le 25 février 2009. Les premiers échanges d'informations sur les services dans le cadre du système IMI ont débuté en mars 2009. Le système a déjà été expérimenté avec succès dans le champ de la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, où il est maintenant opérationnel.

2. Une échéance globalement respectée en France

La Commission européenne estime que l'échéance du 28 décembre 2009 pour transposer la « directive services » sera respectée par la plupart des États membres, dont la France.

Selon la Commission européenne, la prise de conscience de l'importance de transposer la « directive services » dans les délais est réelle chez ses interlocuteurs français, mais elle s'interroge encore sur l'implication de l'administration française. Elle estime d'ailleurs que certains États membres sont bien plus en avance que la France, en particulier les Pays-Bas, le Danemark et la République tchèque, où les projets de textes législatifs de transposition seraient prêts à être inscrits à l'ordre du jour du Parlement. D'autres États membres, telles l'Espagne et la Suède, ne seraient pas loin de cette échéance. Au Royaume-Uni, la rédaction des textes de transposition est quasiment achevée, et le Parlement devrait entamer leur discussion à l'automne. En principe, cet examen parlementaire aurait lieu, pour l'essentiel, en commission et ne devrait pas concerner la séance publique.

L'étude comparative de Business Europe

sur la transposition de la « directive services » (novembre 2008)

En novembre 2008, Business Europe , qui regroupe au niveau européen les représentants des employeurs, dont le MEDEF pour la France, a présenté les résultats d'une étude comparative, intitulée Ready, Steady, Service ! , sur l'état de la transposition de la « directive services » dans les États membres, environ un an avant l'échéance.

Cette étude, basée sur les informations fournies par les fédérations nationales de Business Europe , porte sur cinq aspects de la transposition :

- le screening et la simplification de la législation nationale ;

- les guichets uniques ;

- les procédures électroniques et leur interopérabilité ;

- la liberté de services ;

- l'implication des différentes parties prenantes.

Chacun de ces cinq points a fait l'objet de recommandations, puis Business Europe a formulé les sept actions prioritaires suivantes en vue de la transposition :

1. Les gouvernements nationaux, dont ceux de l'Espace économique européen, devraient accentuer leur soutien politique et accroître leurs efforts pour assurer une transposition de haute qualité, tant au niveau législatif qu'administratif, de la directive d'ici le 28 décembre 2009.

2. Les États membres devraient s'appuyer sur les efforts entrepris afin d'assurer une transposition uniforme. A cet égard, les réunions d'experts nationaux actuellement en cours ou le manuel de transposition fourni par la Commission européenne apparaissent très utiles. Il convient, en revanche, de consulter davantage que cela n'est fait aujourd'hui les parties prenantes, et notamment les principales fédérations patronales au niveau national.

3. Le screening de la législation nationale devrait être accéléré et aboutir à la simplification et à la modernisation des règles nationales existantes. Couvrant l'ensemble des secteurs, il devrait être réalisé en coopération avec les parties prenantes. Il convient de coordonner et d'appuyer l'action des différentes autorités nationales responsables de la transposition.

4. Les guichets uniques doivent être dotés d'un équipement et d'un personnel approprié pour leur permettre, même avec un accès à distance, de mener à bien les deux missions qui leur ont été confiées par la directive, à savoir la transmission d'informations et le traitement des demandes.

5. Il convient de développer les procédures électroniques et leur interopérabilité, ainsi que les instruments qui facilitent l'utilisation des guichets uniques par les prestataires de services dans les différents États membres. A cet égard, il faudrait encourager l'usage des langues étrangères et, en particulier, de l'anglais.

6. Un registre public ou un site Internet à l'échelle européenne devrait être créé. Il comporterait l'ensemble des informations relatives à la transposition nationale, y compris les études d'impact, et serait mis à jour régulièrement. Il devrait être accessible dans l'ensemble des langues de l'Union européenne.

7. Avec l'aide de la Commission, les gouvernements nationaux devraient organiser une campagne de communication à grande échelle afin d'expliquer aux citoyens comme aux entreprises (les PME en particulier) les opportunités créées par la directive.

De cette étude comparative, Business Europe tirait la conclusion que l'état d'avancement des travaux de transposition était très inégal selon les États membres, certains ayant déjà accompli d'importants efforts, tandis que d'autres étaient très en retard. Des inquiétudes subsistaient donc. Pour autant, la situation a naturellement pu évoluer depuis cette étude, réalisée il y a maintenant plus de six mois.

Il n'en demeure pas moins que les autorités françaises ont pour objectif de respecter l'échéance du 28 décembre 2009 .

Certes, la France ne compte pas parmi les États membres les plus avancés, mais elle se situe dans une « bonne moyenne ». Les travaux techniques ont bien avancé au cours de l'année écoulée, en particulier sur les guichets uniques.

De même, le screening , c'est-à-dire le passage en revue de la législation au regard des dispositions de la directive, a réellement progressé. La Commission européenne a d'ailleurs reconnu l'énorme travail réalisé par l'administration française en la matière. L'essentiel de cet exercice a été réalisé avant l'été 2008. Pour autant, il n'est pas complètement terminé, puisque certaines dispositions font encore l'objet de discussions entre l'équipe chargée de la transposition et les différents ministères compétents pour savoir dans quelle mesure elles sont concernées par le screening .

Ce travail a toutefois été conduit de façon interne à l'administration. Sans doute gagnerait-il à être davantage connu par les différentes parties prenantes à la transposition. Il est regrettable que la France n'ait pas mis à la disposition du public un site Internet permettant de connaître les derniers développements de la transposition, contrairement à de nombreux États membres, tels que l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, la Pologne ou le Royaume-Uni.

Ce dernier a publié sur son site Internet une liste des dispositions législatives et réglementaires qui devront être modifiées pour être conformes à la directive. Lorsque la rédaction des textes de transposition sera achevée, ceux-ci figureront également sur le site et seront ainsi largement consultables. Si le screening de la législation nationale britannique est terminé, il est encore en cours pour la législation propre à l'Écosse, au Pays de Galle et à l'Irlande du Nord et au niveau des collectivités locales. Cet exercice serait toutefois achevé d'ici la fin de l'année.

Au contraire, le screening prendrait du retard dans les États fédéraux, compte tenu de la difficulté à obtenir des informations de la part des entités fédérées, alors même que seul l'État fédéral est responsable de la qualité de la transposition.

Par ailleurs, l'état d'avancement du screening dépend du caractère plus ou moins libéral de la législation initiale. Dans certains États membres, le secteur des services était déjà largement libéralisé avant même l'intervention de la directive, alors que, dans d'autres, les modifications à apporter pour effectuer la transposition sont bien plus substantielles, ce qui peut donner l'impression d'une lenteur des progrès. C'est aussi pour cette raison que les évolutions en termes d'allégements de charges consécutives au screening sont plus ou moins importantes. Ainsi, elles paraissent limitées au Royaume-Uni, sans doute parce que les formalités administratives dans ce pays sont déjà bien plus légères que dans d'autres.

Il convient également de noter une évolution tout à fait positive depuis un an, qui tient à la consultation des professionnels . Votre rapporteur avait précédemment regretté leur trop faible implication dans l'exercice de transposition. Ce n'est désormais plus le cas. Les professionnels, en particulier les fédérations nationales concernées, ont été incités à faire des propositions et à prendre des contacts avec leurs homologues dans les autres États membres, les architectes ou les vétérinaires par exemple, et avec les fédérations européennes. Des groupes de travail réunissant les professionnels ont également été constitués. L'implication de ces derniers est toutefois inégale, certaines fédérations professionnelles semblant réticentes aux perspectives d'évolutions induites par la « directive services ».

En revanche, ni les collectivités territoriales ni les partenaires sociaux n'ont été suffisamment impliqués dans les travaux de transposition en France.

Certains États membres ont davantage formalisé leur dialogue avec les différentes parties prenantes. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni, notamment, ont créé un site Internet performant, spécialement conçu pour échanger avec les professionnels et mettre en commun des bonnes pratiques.

3. Éviter une transposition bâclée

En réalité, il est fort probable qu'aucun État membre n'aura transposé la « directive services » de façon complète et définitive le 28 décembre prochain.

Cette transposition, compte tenu de l'ampleur de la tâche, sera en effet graduelle . Elle portera d'abord sur les principaux aspects de la directive, puis sera progressivement améliorée , par exemple en ce qui concerne les procédures électroniques.

La qualité de la transposition de la « directive services » devra être appréciée avec pragmatisme. Le pire serait sans doute de prendre le risque d'une transposition « bâclée » au nom du respect de l'échéance stricto sensu .

* (1) Rapport d'information n° 199 (2007-2008) du 7 février 2008.

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