L'ANALYSE CRITIQUE DES STRATÉGIES DE PRÉVENTION DE L'OBÉSITÉ

JEAN-MICHEL BORYS - DIRECTEUR DU DÉVELOPPEMENT DU GROUPE « PROTÉINE », CO-DIRECTEUR DU PROGRAMME « EPODE »

Jean-Michel BORYS

Monsieur le Président, Madame la Présidente, merci de me céder très temporairement votre place que je vais vous rendre dans les quelques minutes qui viennent. Je voulais vous remercier de votre invitation et je voulais remercier Marie-Aline Charles de sa très brillante présentation, très claire et très synthétique, et qui m'évoque deux remarques immédiates.

La première, c'est qu'effectivement il y a un point très sensible sur lequel l'Office devrait probablement se pencher, la nécessité d'une prévention précoce de l'obésité de l'enfant puisque manifestement, dès l'âge de cinq ans, il y a déjà beaucoup de choses qui se sont passées. On retrouve exactement ces mêmes résultats dans notre cohorte EPODE puisque l'on mesure chaque année 50 000 enfants âgés de cinq à douze ans et dans ces 50 000 enfants, on a le même type de chiffres, c'est-à-dire qu'à l'âge de cinq ans pratiquement on retrouve un taux d'obésité qui varie selon les villes de 3 à 6 ou 8 %, mais ce taux reste relativement stable avec l'âge. Cela pose donc la vraie question d'une intervention très précoce.

La deuxième question c'est évidemment : quel type d'intervention ? Et pour cela je pense qu'il y a besoin d'une forte recherche dans ce domaine, pour savoir ce que nous pouvons concrètement, sur le terrain, préconiser de manière, je dirais « sage », et qui ne fasse pas de dommages collatéraux par la suite. Je pense que c'est peut-être aussi une des missions de l'Office d'insister sur cette nécessité de la recherche pour savoir quels sont les vrais facteurs sur lesquels on peut réellement avoir une influence plutôt que de partir un petit peu dans tous les sens.

L'objet de mon topo aujourd'hui - c'est complètement impossible, Monsieur le Président, de le faire en dix minutes ou en quinze minutes - c'est de faire une évaluation des stratégies de prévention. Je me suis beaucoup appuyé bien sûr sur la littérature. Je vais donc vous présenter dans un premier temps - je vais aller extrêmement rapidement -, ce que l'on entend par prévention pour arriver très directement dans le vif du sujet : quelles sont les approches de prévention en population, et non pas à l'échelon individuel ?

Pourquoi prévenir l'obésité ? On va passer sur cette question puisque tout le monde sait que c'est un déterminant de nombreuses maladies et que l'on ne sait pas la guérir aujourd'hui, que les objectifs de la prévention sont, comme le disait Marie-Aline Charles, certes d'éviter une prise de poids et de gras excessive, mais surtout de réduire ce que l'on appelle les comorbidités, c'est-à-dire les pathologies associées. Il est également très important de souligner que la prévention de l'obésité se situe dans une perspective beaucoup plus large de bonne santé, par exemple de croissance harmonieuse de l'enfant, de prévention des maladies cardio-vasculaires, de certains cancers etc.

La stratégie fondée sur une approche de la population par rapport à la stratégie d'une approche purement thérapeutique semble a priori moins coûteuse - il y a pas mal de publications qui vont dans ce sens, j'en ai mis quelques-unes sur ces diapositives.

En matière de prévention, il peut y avoir soit une approche individuelle chez des gens à risque, donc « je suis à risque de diabète, auquel cas on me dépiste et on me fait suivre des règles qui vont m'éviter de prendre du poids, qui vont me faire rendre plus actif etc., pour éviter de devenir diabétique » soit une approche de population : on intervient sur tout le monde en se disant que l'on va réduire le niveau de risque et modifier ce que l'on appelle la distribution des facteurs de risque.

C'est donc cette courbe qui illustre les différentes approches. On déplace le niveau de risque d'une population, c'est un peu l'objet des études de stratégie de prévention de l'obésité. L'approche de population peut être soit universelle, l'idée étant de changer les comportements individuels à travers des campagnes de marketing social - qui consistent à utiliser toutes les techniques traditionnelles du marketing mais au profit d'une cause de santé et sociale, en l'occurrence ici l'obésité - soit d'éducation communautaire bien évidemment, mais tout en sachant que cela peut renforcer paradoxalement les inégalités en termes de santé. Je crois qu'il faut être extrêmement vigilant dans ces approches de prévention de population afin de ne pas renforcer les inégalités qui existent et qui sont déjà très larges, en particulier dans le domaine de l'obésité et de l'obésité de l'enfant.

À côté de cela, il y a la prévention ciblée, toujours en approche de population, sur des groupes vulnérables, et je pense que l'on y reviendra tout au long de l'après-midi.

Pour une meilleure efficacité, il n'y a pas de recette miracle, il faut faire les deux, c'est-à-dire qu'il faut à la fois avoir une approche de population, mais elle n'est pas efficace si l'on ne prend pas parallèlement en charge les sujets à risque et notamment dépistés, et une approche individuelle, qui est moins efficace si la communauté n'est pas préparée dans le même temps à avoir des modifications de comportement ou d'environnement.

Les mesures préventives de l'obésité visent in fine l'équilibre de la balance énergétique, c'est-à-dire que si l'on veut qu'il y ait moins d'obèses, il faut que, globalement, il y ait peut-être moins d'apports énergétiques et plus de dépenses, probablement les deux, dans notre société où malheureusement on est arrivé dans un environnement qui favorise plutôt la prise de poids. Il faut donc modifier des éléments qui conditionnent les choix individuels et des préférences, et tout cela est sous-tendu par un contexte social et physique et ce n'est pas uniquement « mange moins ! » ou « bouge plus ! » qui vont entraîner cela. Tout cela dépend en grande partie de l'environnement, du mode de vie et des infrastructures communautaires d'où le rôle majeur que vous, politiques, avez dans ce domaine de la prévention.

Donc cela, c'est juste pour vous montrer les schémas très savants que l'on fait dans les sociétés très savantes sur l'obésité pour vous montrer que ce n'est pas uniquement mono-factoriel. Il y a plein de facteurs qui interviennent, à la fois biologiques mais également sociaux, réglementaires, législatifs, communautaires, comportementaux etc., et que les lieux de la prévention de l'obésité ne se limitent pas à l'école. Cela se passe aussi dans la famille, dans l'entreprise, dans la ville, au niveau des réglementations, au Parlement, etc.

Face à cette complexité, il faut trouver un équilibre entre le contrôle comportemental individuel et les facteurs environnementaux, qui sous-tendent cet équilibre entre les calories que l'on avale et celles que l'on dépense, mettre en place des actions locales, nationales, internationales conjointes - tout ce que je vous raconte là est issu de la littérature - avoir des stratégies de promotion de santé et de santé publique pour atteindre toute la communauté et des cibles associées. Il faut agir également sur l'environnement pour rendre le contexte plus favorable à un meilleur contrôle des facteurs de santé. C'est là où vous avez un rôle au niveau législatif et réglementaire. Les acteurs médicaux dans cette démarche de prévention de l'obésité ont finalement un rôle assez modeste au regard de la complexité des déterminants qui nécessitent donc cette approche environnementale et législative beaucoup plus qu'une approche clinique et individuelle. Là je parle bien de prévention, bien sûr, et non pas de prise en charge. Il faut donc travailler en amont, pas uniquement en aval, et toujours avoir en tête cette notion de populations vulnérables, défavorisées qui ne sont pas toujours capables de trouver par elles-mêmes les solutions.

Pour en arriver aux interventions, globalement, les grandes stratégies de lutte contre l'obésité connaissent quatre phases : l'information du consommateur, les campagnes de santé publique, la restriction du marketing et de la communication, les actions de terrain. C'est en tout cas ce qui s'est fait jusqu'à maintenant. Je ne dis pas que c'est ce qu'il faut faire dans cet ordre-là, mais c'est ce qui s'est fait depuis ces 30 dernières années.

Donc, information du consommateur, je ne ferai pas trop de commentaires, mais vous voyez qu'aux États-Unis cela fait 30 ans ou 40 ans qu'il y a les Nutritions Facts sur tous les aliments. Ce n'est pas pour autant que cela a eu un effet majeur sur l'obésité dans ce pays. Il y a d'autres pays qui utilisent des systèmes d'information des consommateurs, par exemple les Traffic lights , les feux vert, orange, rouge sur les aliments. Une autre stratégie : le Green keyhole , en Suède, où l'on place ce petit trou de serrure vert sur les aliments dits « vertueux » pour orienter le choix des consommateurs vers ce type d'aliments. Il y a donc déjà toute une campagne d'information qui existe dans différents pays avec différentes méthodes qui sont toujours en discussion au niveau de la Commission européenne.

Le problème de tout cela, c'est une difficulté de compréhension. Cela demande quand même des bases minimum en nutrition pour intégrer l'ensemble de ces messages, en particulier le labelling américain. Ce n'est pas facile de comparer les produits dans un même contexte et puis surtout, toute cette démarche-là repose sur l'idée que les consommateurs font des choix rationnels. Or quand vous passez devant une boulangerie et que vous êtes fort affamé en sortant de cette réunion, vous n'allez pas forcément faire un choix rationnel, nutritionnel, lorsque vous sentirez la bonne odeur du petit pain au chocolat ou d'autre chose. Il y a donc cette dimension qui n'est pas souvent prise en compte dans ce type de démarche.

Seconde grande étape : les campagnes d'information. C'est assez rigolo de voir ce qui se passe dans la littérature, vous ne voyez pas la dernière diapositive en bas à droite : « la toupie japonaise » - il y a les toupies, les pyramides, les pagodes, les assiettes - enfin chacun essaie d'illustrer avec sa culture ce que devraient être les apports alimentaires pour essayer de faire comprendre à la population la manière de se nourrir. Là aussi, c'est difficile de toucher les personnes qui appartiennent aux classes défavorisées, d'adapter les messages aux consommateurs. Et finalement que voit-on ? On voit que les consommateurs savent à peu près, à l'issue de ces campagnes, comment s'alimenter mais bien sûr ils ne le font pas. Il y a donc un effet clair sur les représentations mais moins démontré sur les comportements. Néanmoins, tout ceci est extrêmement utile parce que cela permet de créer un phénomène de sensibilisation qui ensuite permettra la mise en place effective d'actions concrètes comme on va le voir dans les diapositives suivantes.

Troisième étape : limitation du marketing et de l'accès à certains produits. Je crois que l'on est en plein dans le coeur de l'actualité puisque cela se discute en ce moment même à l'Assemblée nationale. Il y a des choses qui ont déjà été mises en place : la suppression des collations, des distributeurs dans les collèges. D'autres sont en projet ou ont été évoquées : la suppression, par exemple, des produits sucrés en front de caisse, les taxes nutritionnelles, la limitation de la publicité etc. Tout cela fait aujourd'hui l'objet de beaucoup de débats, et pas uniquement en France, c'est un phénomène très international, très partagé. Cette diapositive, sans entrer dans le débat ni la polémique, pour montrer qu'il y a une baisse du volume publicitaire au Royaume-Uni, notamment à destination des enfants, mais malheureusement, pendant la même période, l'obésité continue d'augmenter. Ce n'est donc pas si simple que cela, c'est peut-être un des éléments à discuter mais ce n'est probablement pas la solution miracle que l'on va trouver à ce niveau-là.

Les actions de terrain et les interventions communautaires : je me sens un peu plus à l'aise puisque depuis 1992, avec Madame le Sénateur Bout, nous avons mis en place des actions à Fleurbaix Laventie et nous avons eu finalement l'heureuse surprise de voir que cela pouvait être intéressant en termes de dynamique. Mais il n'y a pas que Fleurbaix Laventie sur terre. Il y a des centaines d'autres études qui ont été publiées et les études d'intervention se heurtent à plusieurs écueils. Il y a tout d'abord l'approche scientifique, c'est un dialogue que l'on a souvent avec Marie-Aline Charles, entre la science d'un côté et l'action de l'autre, sachant que toute action doit être évaluée et que toute action n'est pas forcément scientifique. Ce sont donc de grands débats que nous avons mais qui ont des incidences très directes, c'est-à-dire que lorsqu'une intervention, une action n'est pas formatée comme une étude scientifique, elle est impubliable, incommunicable et elle n'a donc peu ou pas de valeur. C'est un énorme handicap que l'on a rencontré, que beaucoup d'autres équipes qui font des interventions dans le monde rencontrent aussi. Aujourd'hui, il y a une grosse réflexion, au niveau de l'Organisation mondiale de la santé et de la Commission européenne, pour trouver un moyen d'évaluation pragmatique de ce type d'intervention qui puisse être communiquée à la communauté et bénéficier finalement à la communauté. Cela fait qu'il y a donc de très nombreuses initiatives, peu recevables, avec les critères actuels, c'est un des vrais problèmes sur lequel on se penche actuellement. La prévention et la mise en place d'initiatives holistiques sont vraiment un champ nouveau de la recherche en obésité. Là aussi, c'est une difficulté dans la recherche scientifique. Nous, scientifiques, nous sommes assez formatés pour montrer que tel facteur peut être effectivement un facteur de réduction : par exemple, regarder moins la télévision est associé à moins d'obésité. Mais la vraie vie ce n'est pas uniquement de regarder moins la télévision, c'est de regarder moins la télévision, mais aussi de bouger plus, de manger moins de ceci ou de cela. C'est donc une approche beaucoup plus globale qui contient énormément de facteurs sur lesquels on va intervenir et cela, au niveau scientifique, c'est extrêmement difficile d'évaluer sur quels facteurs il est préférable d'intervenir. Il n'y a pas de réponse à cela, il faut intervenir sur tout.

Il y a donc eu des études d'intervention publiées, et là je ne me suis pas trop fatigué, j'ai repris dans Circulation , qui est la revue nord-américaine de American Heart Association , une remarquable revue qui a été faite sur les interventions en population et qui reprend absolument tout ce qui s'est publié avec 400 et quelques références solidement documentées, plus une autre revue qui avait été faite plus spécifiquement sur l'obésité de l'enfant, donc sur les études d'intervention. Pour les résumer, de manière malheureusement extrêmement sommaire, en deux, trois diapositives, ce que l'on dit à chaque fois c'est que ce type d'études chez les enfants et les adolescents a des effectifs réduits, ce qui était moins le cas de celles que nous avons pu mener ensemble sur une durée limitée, Fleurbaix Laventie c'est quinze ans. Une nécessaire implication de la famille : c'est un point commun que l'on retrouve partout, c'est-à-dire que si on essaie d'agir seulement sur les enfants, cela ne marche pas, si on essaie d'agir seulement sur l'école, ce n'est pas mal mais c'est loin d'être suffisant, il faut donc avoir une implication de la famille et probablement, au-delà de la famille, de la communauté environnante.

Il n'y a pas d'âge idéal pour intervenir, mais ce sont de vieilles études, je pense que lorsque l'on aura les réponses aux questions posées par Marie-Aline Charles, à savoir ces déterminants extrêmement précoces de l'obésité et que l'on pourra intervenir de manière extrêmement précoce, en sachant comment intervenir, on aura probablement, à mon avis, une réponse sur un âge relativement bas. Aujourd'hui, il y a des pistes sur le sommeil, sur la petite enfance, c'est quelque chose de très important, Marie-Aline l'a largement souligné, sur la grossesse également. Donc dans l'étude EDEN on va avoir, là aussi, des renseignements intéressants. Il y a des effets qui sont très variables dans les interventions, selon le sexe et selon les ethnies, il y a peu d'efficacité des programmes purement pédagogiques ou nutritionnels, c'est-à-dire les programmes qui ne s'occupent qu'au niveau pédagogique et de l'école. Finalement cela ne marche pas très bien. Il y a par contre une efficacité qui est assez intéressante des mesures globales qui intègrent à la fois l'activité physique - qui ressort vraiment comme l'un des déterminants majeurs sur lesquels on peut jouer et intervenir pour la prévention de l'obésité de l'enfant, je pense que le Professeur Oppert en parlera tout à l'heure - et globalement, dans toutes ces études, il y en a à peu près un tiers à la moitié qui ont un impact sur le poids et sur la corpulence. Mais les seules qui ont un impact sont celles qui s'adressent à la fois à l'alimentation, à l'activité physique et à la famille. Dans toutes ces études, il y en a une seule qui est associée à un risque de sous-poids, et cela aussi c'est important à prendre en compte puisque l'idée c'est quand même de ne pas faire de mal lorsque l'on essaie de faire de la prévention.

Il y a toute une série d'études qui concernent les règlements et les législations. Il y a des interventions qui ont été faites au niveau des politiques de transport - locales et nationales -, des écoles, de la promotion de l'activité physique, sur le lieu de travail, sur les systèmes d'information, nous en avons parlé. Les meilleures pistes aujourd'hui, dans toutes les études qui ont été publiées, cela reste la promotion de l'activité physique, l'intervention dans les entreprises pour les adultes et la sensibilisation des professionnels de santé. Juste un exemple : l'exemple finlandais qui est probablement le plus beau. C'est une étude qui n'a pas du tout été menée dans le cadre de l'obésité mais dans le cadre de la prévention des maladies cardio-vasculaires il y a une trentaine d'années. Elle a été menée dans la région de Nord Carélie en Finlande et qui a en fait consisté à réduire la consommation de graisses saturées, essentiellement apportées par des produits laitiers, pour réduire le taux de maladies cardio-vasculaires. Cela, c'est l'objectif.

Quand on regarde le résultat tout en bas : diminution de 60 % des maladies cardio-vasculaires. Mais pour arriver à ce résultat extrêmement spectaculaire, il a fallu faire toute une réorientation des filières économiques, avoir une orientation multifactorielle au niveau de l'ensemble des communautés, une intervention réglementaire, législative. C'est donc véritablement une approche extrêmement globale et holistique, et globalement, lorsque l'on fait tout cela, on peut effectivement obtenir des résultats, ici dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, mais très probablement également dans la prévention de l'obésité et des autres maladies liées au mode de vie. Cela, c'est juste un graphique qui montre l'évolution des comportements alimentaires dans cette région du monde suite à une campagne qui n'a pas porté que dans les écoles mais qui s'est vraiment intéressée à toute la société, y compris au niveau des filières économiques.

En France, les étapes sont à peu près respectées, il y a une bonne sensibilisation. L'INSERM nous a sensibilisés depuis très longtemps à ce problème de l'obésité et de ses conséquences. Les leaders politiques ont une bonne conscience de ce problème de l'obésité. On est quand même l'un des seuls pays où il y a un office dédié à l'obésité, au moins à l'Assemblée nationale. Il y a donc une bonne sensibilisation globale de la population qui se fait notamment au travers du Programme National Nutrition Santé, mis en place en 2000 et renouvelé depuis. Il y a des actions de proximité pour modifier les normes sociales qui existent. On a donc besoin de continuer dans cette voie et d'avoir cet accompagnement à la fois législatif, urbanistique, des acteurs économiques et associatifs. Le PNNS c'est une approche globale qui est centrée sur l'alimentation et la santé plus que sur l'obésité en soi, c'est un programme qui fait la promotion d'une alimentation saine mais aussi d'une activité physique avec toute une série d'actions que vous connaissez. Cette diapositive pour vous montrer que finalement la connaissance du repère sur les fruits et légumes, manger cinq fruits et légumes, eh bien vous voyez qu'en mai 2005, 21 % de la population avait connaissance de ce repère, trois ans plus tard on arrive à 43 % de la population. Est-ce que cela veut dire que parce que l'on connaît, on va faire ?

Diapositive suivante : quand on regarde, toujours dans la même enquête faite par l'INPES, le changement des habitudes alimentaires, on a 21 % des personnes qui déclarent avoir changé leurs habitudes alimentaires et 17 % qui déclarent avoir changé leurs habitudes d'achat. C'est déjà un bon point.

Des interventions il y en a plein, mais il y en a très peu de publiées. J'ai mis FLVS 1 ( * ) en tête, en tout bien tout honneur, Madame la Présidente, mais bien sûr les études Val-de-Marne, ICAPS en Alsace, dans l'Hérault le conseil régional a mis pas mal de choses en place, la Communauté Urbaine de Bordeaux a fait pas mal de choses, il y a EPODE, donc il y a réellement en France beaucoup d'interventions sur le sujet.

Ici une diapositive d'une publication de Monique Romon, ici présente, du mois dernier sur Fleurbaix Laventie et l'évolution de l'obésité de l'enfant et du surpoids durant les douze dernières années. Cela montre qu'effectivement, durant la première période de l'expérience où on était surtout focalisé au niveau des écoles, on voit que finalement on n'a pas un impact majeur sur l'obésité. Alors que quand toute la collectivité se mobilise autour de ce thème, il y a là un impact réel en termes de prévalence de l'obésité de l'enfant. Il y a un impact réel mais qui concerne également tous les niveaux socio-économiques et ça, c'est quelque chose d'extrêmement important parce que bien souvent dans les études de prévention, on voit une efficacité dans les classes sociales les plus favorisées et beaucoup moins d'efficacité dans les classes sociales les plus défavorisées. Cette démarche communautaire qui met en route l'ensemble des deux villes de Fleurbaix Laventie a effectivement eu un impact, y compris dans les populations les plus défavorisées.

Suite à cela, EPODE s'est mis en place en France et en Europe. Aujourd'hui il y a plus de 200 villes qui sont concernées dans ces pays. L'Australie vient d'annoncer aujourd'hui même le lancement de cette méthode pour les petits Australiens et les habitants australiens. C'est quelque chose qui a pris une certaine ampleur et le concept d'EPODE repose sur tout un système de roues. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de choses qui existent au niveau local mais on essaie de faire en sorte de coordonner l'ensemble de ces actions et des acteurs locaux pour entraîner une modification des normes sociales au niveau de la population ; lorsqu'il y a une modification des normes sociales, il devient beaucoup plus facile de modifier ces comportements.

Cette diapositive pour montrer la tendance actuelle des données des villes EPODE, puisque l'on pèse et l'on mesure tous les enfants âgés de cinq à douze ans dans l'ensemble des villes EPODE, ce qui représentait dans les dix premières villes 26 000 enfants pesés et mesurés chaque année. Ça représente aujourd'hui, avec ce que l'on appelle les "villes de l'extension", plus de 50 000 enfants. On obtient donc ce type de graphique et je ne vais pas trop commenter là-dessus.

La première conclusion : réglementations et législations pour modifier les comportements. Oui, cela fait partie des politiques de prévention, c'est quelque chose d'important qui doit être discuté à la fois sur la disponibilité, l'accessibilité, le coût des calories. Il y a toute une série de mécanismes qui peuvent être mis en oeuvre. Ce sont plus les discussions entre partenaires qui peuvent déterminer ce qu'il faut faire, sur les capacités d'activités physiques, et il y a là un rapport remarquable, le rapport PNAPS du Professeur Toussaint, qui a été remis très récemment à Madame la Ministre Bachelot, sur comment finalement promouvoir l'activité physique au niveau de la société. Je vous invite, ceux qui ne l'ont pas encore découvert, à le lire attentivement parce que c'est une mine d'or de simplicité et de pragmatisme. Il y a également une nécessité d'avoir des relations entre le public et le privé, et notamment ce que l'on appelle les acteurs économiques du privé, pour développer des attitudes santé au niveau des produits et des salariés. Et puis cette histoire de réglementation, cela se passe tant au niveau local qu'au niveau français, bien sûr, et européen.

Deuxième axe : changer les pratiques organisationnelles. Là aussi, ce sont des recommandations issues de toutes ces publications. Changer les pratiques organisationnelles cela veut dire qu'au niveau des écoles, des entreprises, des centres de soins, il faut identifier tous les acteurs susceptibles de porter des messages santé-prévention. C'est la démarche que nous avons essayé de mettre en place à EPODE et c'est quelque chose qui est effectivement assez efficace en termes de modification des normes sociales. Changer les organisations au niveau d'audiences captives pour influencer ces normes sociales : par exemple promouvoir dix minutes d'activité physique sur place, c'est quelque chose que l'on peut aisément faire dans beaucoup de collectivités. Et également mettre en place des interventions multifactorielles, pas uniquement sur la nutrition, mais également sur l'activité et sur des changements cognitifs.

Troisième axe : mobiliser les communautés. Donc initier cette mobilisation communautaire comme une stratégie de promotion de santé, utiliser les communautés qui sont le plus à même à identifier les problèmes et à s'approprier les solutions. Lorsque vous avez une ville qui a envie de s'impliquer, qui s'approprie le programme EPODE, cela fonctionne mais lorsque vous avez une ville qui fait EPODE parce que c'est bien et que cela fait chic, cela ne marche pas. Il faut qu'il y ait une réelle appropriation de la communauté. Il faut avoir des actions « en râteau » - non plus impulsées par le haut - associer bien sûr des partenariats académiques, et donner une assistance technique et méthodologique aux communautés. Et là je pense qu'avec la loi qui est en discussion aujourd'hui avec les communautés de territoire et la création des ARS, Agences Régionales de Santé, il y a une réelle opportunité à développer des structures susceptibles de donner des assistances techniques et méthodologiques dans le cadre de la prévention de l'obésité. Le dernier numéro du New England Journal of Medecine , une revue très prestigieuse, cite EPODE comme l'une des voies à suivre, pas uniquement EPODE, mais ce type d'action communautaire.

La prévention de l'obésité - c'est la dernière diapositive - s'inscrit dans une problématique de santé globale liée au mode de vie. Elle est évidemment multifactorielle, à la fois comportementale, environnementale, sociale, économique, législative, médicale. Il faut mettre en place des démarches globales et pas uniquement centrées sur un aspect. Il faut qu'il y ait une recherche beaucoup plus forte dans le domaine pour que les conseils, les consignes et ce que l'on souhaite faire évoluer soit scientifiquement validé. Et puis bien évidemment, notre credo c'est de développer des actions au niveau des territoires de santé, c'est manifestement ce qui fonctionne le mieux lorsque l'on regarde la littérature internationale.

Pardonnez-moi, Monsieur le Président, d'avoir usé de votre siège aussi longtemps.

Jean-Claude ETIENNE

Merci ami, merci de le rendre, et puis je vais passer au prochain intervenant surtout. Merci beaucoup et félicitations pour cette belle prestation. Je propose, si Brigitte est d'accord, que nous épuisions, non pas les intervenants, mais les sujets mis à l'ordre du jour pour la première table ronde avant d'ouvrir la discussion pour des raisons d'organisation du temps. J'appellerai donc le Professeur Dominique Langin.

* 1 « Fleurbaix Laventie Ville Santé ».

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