EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mardi 23 juin 2009 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur, M. Jean Bizet, le débat suivant s'est engagé :

M. Hubert Haenel :

Chacun connaît l'actualité économique du sujet, mais il faut aussi rappeler l'actualité politique européenne puisque, en effet, le dernier Conseil européen des 18 et 19 juin a consacré une partie de ses conclusions sur la situation du secteur laitier, missionnant la Commission pour étudier des formules de stabilisation.

Je relève aussi le mot d'intimidation utilisé par le rapporteur. J'ai le souvenir de la manière dont certains ramasseurs de lait traitent les producteurs, avec même des menaces plus ou moins ouvertes. Il faut une volonté politique forte et des soutiens financiers pour faire face à la grande pression qui est ainsi exercée. Ainsi, j'ai pu créer une laiterie dans mon canton, mais avec combien de difficultés !

M. Jacques Blanc :

Le lait de montagne a ses spécificités. Il faut développer tout ce qui peut aider à la valorisation des produits, même en marge du système des appellations d'origine qui est, bien évidemment, très profitable aux productions. Je ne peux pas ne pas évoquer le lait de chèvre et le lait de brebis, apparemment plus facilement valorisés que le lait de vache.

Enfin, je ne crois pas que l'on puisse parler de crise européenne. L'Europe n'a pas provoqué la crise, mais fournit peut être, au contraire, un moyen d'aider à une meilleure organisation.

M. Simon Sutour :

La crise est emblématique mais je veux élargir le débat à d'autres productions. La production laitière a augmenté, mais les éleveurs vendent leur lait, même s'ils le vendent moins cher. Ce n'est pas le cas dans le secteur viticole puisque, même quand les produits sont moins chers, les viticulteurs ne vendent pas. Même s'il faut défendre la richesse et la diversité des productions agricoles, il me semble que les aides européennes sont déséquilibrées. En d'autres termes, les aides vont toujours aux mêmes et on ne pense jamais, ou, en tout cas, pas assez, aux productions méridionales.

La production de lait de chèvre se défend mieux, apparemment, que la production de lait de vache parce que les éleveurs valorisent eux-mêmes leurs produits. Ils s'en sortent alors même que le secteur n'est pas du tout aidé malgré des normes sanitaires drastiques. En d'autres termes, j'exprime le souhait d'une PAC mieux répartie. Les petits exploitants du sud doivent trouver leur place car ils enrichissent le tissu social au même titre que les éleveurs laitiers.

M. Gérard César :

Je crois devoir insister sur le fait que les producteurs de lait ne sont pas assez organisés, notamment au niveau régional. Je rappelle aussi que les producteurs étaient très opposés à l'introduction des quotas laitiers en 1984. Le retour à un protectionnisme européen, parfois revendiqué par les éleveurs français, me paraît aussi plutôt illusoire car l'Europe n'est pas un marché fermé.

M. Pierre Bernard-Reymond :

Ce rapport est utile, non seulement pour tous les sénateurs intéressés à un titre ou à un autre par la crise du lait, mais pour l'image même de notre commission. Comme l'a indiqué le rapporteur, il ne faut pas seulement travailler sur des propositions de textes ou en réaction à ces propositions, mais il nous faut prendre des initiatives. C'est ainsi que notre commission peut apparaître comme un centre de réflexion sur des questions d'actualité et celles du futur, notamment sur l'avenir de la PAC.

Même si l'interprofession est très difficile à organiser, surtout au niveau local, je pense que c'est une piste essentielle à suivre. La situation des éleveurs de montagne est très fragile car il existe des régions où la production est faible et où, surtout, les coûts de ramassage sont très importants, voire insupportables. Lorsque notre rapporteur indique que la collecte sera une des plus faibles des dix dernières années à l'automne, je suis plutôt inquiet pour les producteurs de montagne car, si l'un d'entre eux vient à défaillir ou se retire de la production, il peut entraîner tous les autres - contre leur volonté - car ils sont dépendants de la collecte d'ensemble. Cette collecte est souvent à la limite de la rentabilité et le retrait de quelques producteurs peut entraîner sa disparition. Or, si le lait n'est pas collecté, il ne peut plus y avoir de production. Ainsi, la crise générale en France et en Europe peut entraîner dans certaines régions des retraits définitifs.

M. Michel Billout :

La production laitière est liée à la sécurité alimentaire de la population. L'avenir de la filière est donc un enjeu public. En général, on n'envisage l'intervention publique que comme un moyen de corriger des situations ou des excès, et pas comme un moyen de les prévenir. Dès lors que le libre marché peut avoir des effets déstabilisateurs que l'on constate tous les jours, je milite pour une intervention publique plus importante et plus précoce.

M. Robert del Picchia :

Je veux simplement évoquer le cas de l'Autriche, qui a lancé une grande campagne de publicité pour relancer la consommation de lait et de produits laitiers. L'Autriche est le premier pays consommateur de lait bio. Je rappelle cette situation pour dire que, en complément des régulations de l'offre, on peut aussi agir sur la demande.

M. Hubert Haenel :

Cette étude vient d'une initiative personnelle de Jean Bizet. Il est très important que notre commission puisse être un organe de réflexion et de contribution aux débats en cours. Ce travail pourra être pris en compte par nos collègues sénateurs, notre administration nationale, mais aussi par la Commission européenne. J'ai évoqué les conclusions du Conseil européen, mais il va de soi que sur ce sujet, c'est la PAC du futur qui est en jeu.

M. Jean Bizet :

Il y a bien sûr une articulation avec la réforme de la PAC. Plus on avance, et plus on voit la nécessité de créer des alliances entre États membres pour sécuriser le budget. Quelques États sont très réservés à l'égard de la PAC, comme c'est le cas de la Suède qui va assurer la présidence de l'Union européenne dans quelques jours. La négociation du futur cadre financier sera difficile et toute action collective doit être encouragée.

Dans la suite des propos de mes collègues, je crois que l'Europe pourrait être un acteur majeur de la sécurité alimentaire des Européens.

Il me faut nuancer la comparaison avec le secteur du vin. Le lait a trois spécificités fortes : une contrainte de traite quotidienne, des investissements lourds et des contrôles sanitaires très pointilleux. Ce n'est peut-être pas suffisant pour justifier un différentiel avec d'autres productions, mais il faut garder à l'esprit les contraintes considérables de l'élevage laitier.

L'importance des circuits de distribution courts a été rappelée. Plus le produit final est fabriqué par le producteur, et plus le prix qu'il perçoit peut être rémunérateur. Là encore, le filtre de la distribution est crucial car, par exemple, c'est sur le lait bio que les grandes enseignes commerciales font le plus de marge. Je ne crois pas qu'il faille déplorer les normes sanitaires car il est très peu probable qu'elles aillent en diminuant, tant l'attente des consommateurs en matière de sécurité est grande.

L'organisation de l'interprofession, même difficile, est très utile. La formule du CNIEL - Centre national interprofessionnel de l'économie laitière - me paraît intéressante. Elle a été, hélas, entravée l'année dernière, mais devrait pouvoir servir de modèle régional à condition, bien entendu, de ne pas tomber dans l'entente illicite.

Concernant les quotas, il faut rappeler qu'une majorité d'États est opposée aux quotas, surtout pour pouvoir augmenter leur propre production. La France n'aime pas les mutations, et beaucoup de corporations n'aiment pas non plus qu'on leur dise une vérité qui les gêne. Je ne suis pas sûr que la France puisse faire revenir les États membres sur la décision collective d'abandonner les quotas en 2015. D'ailleurs, le pourrait-elle que ce ne serait pas une solution pérenne. Même si les productions nationales étaient limitées, l'Europe est un marché ouvert et il y aurait toujours, à un moment ou à un autre, des questions de surproduction ponctuelle. D'ailleurs, on peut parler de spécificité communautaire, mais pas de préférence communautaire, qui est un leurre.

La sécurité alimentaire est un concept fort, même s'il n'est pas toujours partagé par tous les États membres, qui craignent le retour à des systèmes de régulation trop administrés. Je partage, avec Michel Billout, l'idée d'une présence et d'une action forte de la puissance publique, tout en gardant la possibilité d'être réactif afin de profiter des opportunités du marché. Je remercie Pierre Bernard-Reymond. Je crois en effet que ce type de rapport, totalement ancré dans l'actualité, est certainement très porteur pour notre commission des affaires européennes.

Au-delà de la prospective, j'ai essayé d'agrémenter le rapport de quelques pistes originales. J'ai ainsi découvert la formule des distributeurs automatiques, tout spécialement en Alsace.

M. Hubert Haenel :

En effet, plusieurs producteurs et laiteries ont proposé des distributeurs automatiques de lait cru réfrigéré. Les machines sont d'origine suisse et donnaient satisfaction jusqu'à ce qu'elles soient interdites par la DRIRE - Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement - en raison de débitmètres actionnés manuellement. Elles devraient être à nouveau en service à l'automne 2009.

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé la publication du rapport d'information.

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