2. Les arguments en faveur du maintien du statut actuel des MDPH en attendant la création des maisons de l'autonomie

a- La transformation du Gip en établissement public local envisagée par le Gouvernement suscite des réserves

Lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin 2008, le Gouvernement s'est fixé pour objectif de faire évoluer le statut des MDPH et de leur personnel pour leur permettre de remplir pleinement leurs missions, tout en respectant quatre principes :

- donner à l'Etat les moyens d'assurer son rôle de garant de l'équité territoriale ;

- confirmer le département dans son rôle de responsable de la MDPH et lui donner une certaine souplesse de gestion ;

- préserver l'innovation que constitue la participation des associations à la gouvernance des maisons ;

- poser les bases pour une évolution vers des maisons départementales de l'autonomie, dans le cadre de la création d'un cinquième risque de la protection sociale couvrant la perte d'autonomie liée à l'âge ou au handicap.

Trois options sont possibles :

- le maintien du Gip et son éventuel aménagement pour permettre une meilleure gestion des personnels et renforcer les garanties liées à son financement ;

- l'intégration du Gip dans les services du conseil général avec la création éventuelle d'un service unifié de prise en charge de la dépendance liée à la perte d'autonomie ou au handicap, c'est-à-dire une décentralisation complète des compétences des MDPH et de leurs personnels ;

- la création d'un établissement public administratif départemental , qui conserverait le statut hybride et ambigu du Gip, entre service décentralisé et déconcentré, l'Etat, le conseil général et les associations siégeant au conseil d'administration. Toutefois, si le statut de l'établissement public permet un fonctionnement relativement indépendant, la MDPH serait ainsi plus clairement placée sous l'autorité du conseil général. En conséquence, les personnels d'Etat pourraient être intégrés à la fonction publique territoriale, ce qui - d'après le Gouvernement - ne serait pas actuellement possible dans le cadre du Gip. Vos rapporteurs souhaitent néanmoins qu'une expertise juridique plus approfondie permette de confirmer cette affirmation.

Le tableau ci-après souligne les avantages et inconvénients de chaque scénario :

Avantages et inconvénients des différents statuts envisagés pour les maisons départementales des personnes handicapées

Statuts envisagés

Aménagement du Gip

Établissement public
administratif départemental

Intégration dans les services
du conseil général

Thème

Gouvernance

Pour le conseil général

Le président du conseil général (PCG) nomme le président du Gip et le CG est majoritaire.

L'établissement public administratif départemental (Epad) doit être créé par délibération du conseil général (article R. 315-1 du CASF).
Le PCG en est le président de droit.
La loi peut déterminer la composition du conseil d'administration en y incluant les partenaires actuels du Gip.

Responsabilité pleine et entière du président du conseil général, du fait d'une décentralisation des personnels et des compétences de la MDPH.

Cohérence de la gestion des services destinés aux personnes âgées et handicapées

Pour les associations de personnes handicapées

Participation garantie des associations représentatives des personnes handicapées à la Comex et à la CDAPH.

Acceptable si les conditions de leur participation au conseil d'administration (CA) et à la CDAPH sont garanties.

Crainte de voir le rôle de l'Etat diminuer par rapport au statut actuel du Gip, notamment en tant que garant de l'équité de traitement au plan national.

Rend difficile la participation des associations, qui jouent actuellement un rôle de veille sur l'équité des décisions prises et apportent une véritable expertise.

Pour l'Etat

Participation assurée de l'Etat à la Comex et au financement des MDPH. Animation du réseau et rôle de garant de l'équité territoriale confiée à la CNSA.

Participation possible de l'Etat au CA, ce qui lui permettrait d'assurer son rôle de veille et de garant de l'équité territoriale.

Désengagement de l'Etat du fait de la décentralisation des personnels intégrés à la fonction publique territoriale et des compétences qu'ils exercent au sein de la MDPH.

Aménagement du Gip

Établissement public
administratif départemental

Intégration dans les services
du conseil général

Thème

Modalités de gestion des personnels et de financement

Contribution financière de l'Etat

Compensation des postes non mis à disposition et crédits de fonctionnement correspondant aux dépenses des anciennes structures (CDES, Cotorep et SVA)

Deux problèmes : contributions multiples de plusieurs départements ministériels et de la CNSA et non-compensation de certains postes non mis à disposition.

La participation de l'Etat transiterait via la dotation globale de décentralisation (DGD), par un versement unique. La complexité disparaîtrait.

L'Epad présente l'avantage de permettre le transfert des personnels ainsi que le versement de sa participation dans la DGD.

La participation de l'Etat transiterait via la DGD, par un versement unique.
La complexité disparaîtrait.

Gestion du personnel de l'Etat mis à disposition

Instabilité des personnels, autorité hiérarchique différente de celle exercée par le directeur de la MDPH, différences statutaires problématiques (congés, formation, etc.).

Difficultés de remplacement des postes vacants, absence de perspective de carrière pour les personnels concernés.

Possibilité pour les personnels d'opter individuellement pour le détachement ou l'intégration dans la fonction publique territoriale.

Intégration dans la fonction publique territoriale avec une affectation à l'Epad.

Intégration dans la fonction publique territoriale et affectation dans le service correspondant du conseil général.

Devenir du personnel de droit public du Gip

Des contrats de droit public à durée déterminée et indéterminée sont possibles. Certaines MDPH y ont recours.

Des contrats de droit public à durée déterminée et indéterminée sont possibles.

Difficultés à prévoir pour certains contractuels (reprise d'ancienneté parfois dans certains départements).

Devenir du personnel de droit privé

Recrutement possible sous contrat de droit privé (médecins, ergothérapeutes ou autres) Largement utilisé par les MDPH pour certains professionnels de santé refusant tout autre statut.

La possibilité de continuer à employer du personnel de droit privé peut être maintenue si la loi qui institue la MDPH en Epad le prévoit expressément.

Impossibilité de maintenir les contrats de droit privé et difficulté de rémunérer les professionnels concernés à un niveau satisfaisant. Risque : départ des médecins, souvent rares et difficiles à trouver.

Agents
du conseil général

Possible mise à disposition du Gip. Représentent parfois une part importante de certaines MDPH.

Possibilité de mise à disposition, de détachement, ou d'affectation directe à l'Epad.

Pas de modification de statut. Les agents sont affectés à un autre service du CG.

Soumission au code des marchés publics

Le Gip n'est pas soumis au code des marchés publics mais à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et au décret du 17 décembre 2008 dont les procédures sont plus souples pour les faibles montants.

Possibilité de prévoir dans la loi que l'Epad n'est pas soumis au code des marchés publics, comme pour le Gip.

Le code des marchés publics doit être obligatoirement appliqué.

De nombreuses personnes rencontrées ou auditionnées par vos rapporteurs en conviennent : la question du statut des MDPH n'est pas centrale. Elle est en réalité le corollaire de deux sujets essentiels, qui devront être traités à court terme pour permettre aux MDPH de mener à bien les missions qui leur ont été confiées :

- la pérennisation des financements de l'Etat, et en particulier la compensation effective des postes non mis à disposition ;

- le statut des personnels mis à disposition qui les autorise à tout moment à demander un retour dans leur administration d'origine.

Outre la priorité qui doit être donnée à la résolution de ces deux difficultés, vos rapporteurs souscrivent aux principes fixés par le Gouvernement sur le maintien indispensable du rôle de garant de l'équité territoriale de l'Etat, le pilotage du conseil général, la participation et la prise en compte de l'évolution éventuelle des missions des MDPH liée à la prise en charge de la perte d'autonomie due au grand âge ou au handicap.

Si cela s'avérait juridiquement possible, leur préférence irait au maintien du Gip avec une clarification des contributions financières de l'Etat et une stabilisation des personnels mis à disposition, afin de ne pas bouleverser l'organisation encore fragile des maisons. Mais les explications données par les représentants des cabinets du ministère de la fonction publique et du secrétariat d'Etat chargé de la solidarité ainsi que par la direction générale des collectivités territoriales laissent à penser que seule la solution de l'établissement public administratif départemental permettrait de remplir ces différents objectifs, en particulier ceux de la stabilisation des personnels et de la participation des associations.

? Si vos rapporteurs conviennent que cette solution présente de nombreux avantages, ils s'inquiètent du fait que la transformation du Gip en établissement public administratif départemental proposée par le Gouvernement procède d'une décentralisation non avouée et dont ils estiment qu'il conviendrait de dessiner plus clairement les contours . Quelles compétences le Gouvernement entend-il transférer à cet établissement ? Dans quelles conditions financières envisage-t-il ce transfert ? Comment les missions du futur établissement public s'articuleront-elles avec le schéma départemental du handicap ? Enfin, n'y a-t-il pas un risque de retours massifs des personnels mis à disposition par l'Etat et le conseil général dans leur administration d'origine, du fait de l'absence de garanties plus précises sur leur statut, avec la perte d'expertise que cela suppose pour les MDPH ? En l'absence de certitudes sur les modalités de prise en charge de la perte d'autonomie liée à l'âge, il semble aujourd'hui difficile de répondre à l'ensemble de ces questions.

? Par ailleurs, l'hypothèse d'une intégration dans les services du département a la faveur de certains présidents de conseils généraux, qui considèrent qu'elle serait cohérente eu égard aux responsabilités qui leur ont été confiée dans le domaine de l'action sociale, et en particulier pour la gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa). Ils estiment que le département serait ainsi, plus clairement qu'aujourd'hui, reconnu comme étant le chef de file de la politique locale de l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Cette solution, qui a le mérite de la clarté dans le partage des responsabilités et permet une certaine mutualisation des moyens, présente néanmoins un double inconvénient :

- d'une part, le risque d'un désengagement de l'Etat de son rôle de garant de l'équité territoriale et de la politique du handicap, qui relèvent pourtant éminemment de la solidarité nationale ;

- d'autre part, la difficulté à conserver dans ce schéma la participation des associations représentatives des personnes handicapées aux MDPH, acquis majeur de l'organisation actuelle.

A cet égard, vos rapporteurs considèrent que la création proposée par certains d'un « conseil consultatif de l'autonomie » installé auprès du président du conseil général, en lieu et place des comités départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH), de la Comex et du comité départemental des retraités et personnes âgées (Coderpa), est sans commune mesure avec l'implication actuelle des associations dans l'évaluation des demandes et leur participation active à la prise de décision au sein des CDAPH.

Cette hypothèse n'a donc pas la préférence de vos rapporteurs.

b- Les incertitudes liées aux réformes en cours militent en faveur d'un statu quo temporaire

Outre les difficultés de personnels et de financement rencontrées par les MDPH, il est vrai que le contexte actuel et les réformes en cours justifient pleinement que la gouvernance des MDPH et leur place dans le dispositif sanitaire et médico-social soient reconsidérées.

Toutefois, vos rapporteurs jugent préférable, avant toute chose, de clarifier le contexte dans lequel les MDPH exerceront à l'avenir leurs missions. En effet, celui-ci devrait être amené à évoluer de façon substantielle du fait de la préparation de plusieurs réformes d'ampleur :

- d'abord, la réflexion engagée par le Gouvernement sur la création d'un cinquième risque de protection sociale , tourné vers la prise en charge de la perte d'autonomie liée au handicap ou au grand âge. Ce débat n'est pas encore tranché et le Gouvernement souhaite aboutir à un projet de loi au cours du premier semestre de 2010 ;

- liée à cette réforme, la perspective de la mise en place d'une maison de l'autonomie se précise. Une trentaine de départements pourraient se porter volontaires pour participer à l'expérimentation d'une maison pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer » 42 ( * ) (MAIA) et certains ont déjà suivi les préconisations de la CNSA 43 ( * ) , qui envisageait le rapprochement des dispositifs d'accueil en articulant, sous l'autorité des conseils généraux, les MDPH et les services destinés aux personnes âgées (Clic notamment) au sein de « maisons départementales de l'autonomie » ;

- autre chantier, la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée dans le secteur sanitaire, social et médico-social, et qui devrait se traduire notamment par la disparition des Ddass et la création des agences régionales de santé (ARS), ainsi que la réforme des collectivités territoriales, qui prévoit une éventuelle fusion des services du département et de la région.

Vos rapporteurs considèrent qu'il n'est pas opportun d'imposer deux réformes successives aux MDPH (changement de statut et passage à une maison de l'autonomie), qui ont déjà de nombreux défis à relever : changement de système informatique, résorption des stocks de demandes, formation de leurs équipes, amélioration de l'accueil et des procédures de traitement des demandes, etc.

S'ils reconnaissent, qu'à terme, il faudra reconsidérer le statut des MDPH, ils souhaitent que l'on prenne le temps d'examiner soigneusement chaque possibilité et que l'on puisse l'apprécier au regard des missions que le conseil général et les MDPH seront amenés à assumer en direction des personnes âgées et handicapées.

Ces évolutions devraient conduire au rapprochement des méthodes d'évaluation, quel que soit l'âge ou l'origine du handicap des personnes considérées, et permettre d'aborder des questions communes à la prise en charge du handicap et à la compensation de la perte d'autonomie.

Vos rapporteurs souhaitent néanmoins faire valoir, à ce stade, qu'il est impératif de préserver les spécificités de l'approche retenue par la loi du 11 février 2005 pour l'évaluation et la compensation du handicap. Les échanges organisés par la CNSA sur ce thème depuis le début de l'année 2009 mettent en évidence les différences de fond qui existent entre la logique de compensation du handicap et celle qui s'applique à la perte d'autonomie liée à l'âge, y compris dans le cas du vieillissement des personnes handicapées.

Aussi, dans un premier temps, il apparaît préférable de maintenir le Gip en renforçant les garanties financières liées à la mise à disposition des agents de l'Etat et à leur compensation , lorsqu'ils retournent dans leur administration d'origine ou partent en retraite. Nous en reparlerons.

Il conviendra ensuite, si l'impératif de stabilisation des personnels l'exige, de préparer la réforme éventuelle du statut des MDPH au regard de l'architecture qui sera retenue pour la prise en charge de la dépendance.

Outre une expertise juridique plus approfondie, cela suppose également au préalable une large concertation de l'ensemble des acteurs intéressés par la réforme : associations, personnels concernés par une éventuelle révision de leur statut de mise à disposition, présidents de conseils généraux, directeurs de MDPH, CNSA, etc. Or, à l'occasion de l'audition des organisations représentatives des personnels, vos rapporteurs ont observé que celles-ci n'avaient pas encore été informées de l'éventualité d'une réforme et des conséquences qu'elle pourrait avoir pour les personnels.

* 42 Plan Alzheimer annoncé par le Président de la République le 1 er février 2008.

* 43 Rapport du conseil de la CNSA - octobre 2007.

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