(2) Pour une meilleure défense des intérêts des départements d'outre-mer à Bruxelles

? Les intérêts professionnels des DOM sont assez bien représentés à Bruxelles, avec en particulier l'association EURODOM, dont le délégué général M. Gérard Bailly a d'ailleurs été auditionné par la mission commune d'information, mais aussi l'Union des entreprises des régions ultrapériphériques de la Communauté (UPEC), dont EURODOM est la composante des DOM et qui rassemble les différents intérêts économiques des sept régions ultrapériphériques, et l'association des producteurs européens de banane (APEB), qui rassemble les groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe, Martinique, Canaries et Madère.

? En ce qui concerne la représentation institutionnelle des régions ultrapériphériques à Bruxelles, la Conférence des présidents des régions ultrapériphériques , qui regroupe les présidents de région ou de province des sept régions ultrapériphériques, joue aussi un rôle important d'aiguillon vis-à-vis de la Commission européenne, avec laquelle elle entretient des relations régulières, et de proposition.

Il semble, aux yeux de votre mission commune d'information, que le dispositif de défense des intérêts des DOM au sein de l'administration française mériterait d'être renforcé.

Afin d'améliorer le suivi des questions européennes et de renforcer la prise en compte des intérêts spécifiques des régions ultrapériphériques par les institutions européennes, on pourrait envisager la création à Bruxelles d'un « Bureau permanent des outre-mer », éventuellement partagé avec les représentants des autres régions ultrapériphériques espagnole et portugaises.

? Au sein de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne , un conseiller est certes chargé des régions ultrapériphériques, mais son portefeuille est très large, puisqu'il comprend également les PTOM, le cadre juridique et financier de la politique régionale, ainsi que la politique maritime de l'Union européenne.

À titre de comparaison, l'Espagne dispose de deux représentants, l'un de l'Etat espagnol, l'autre des Canaries, et le Portugal de trois fonctionnaires, un diplomate au titre de l'Etat central Portugais et deux représentants au titre des deux régions. Il est vrai que les collectivités espagnoles et portugaises jouissent d'une plus large autonomie administrative que les DOM.

Il semble indispensable de créer autour du conseiller de la Représentation permanente une cellule renforcée et de lui adjoindre une ou deux personnes issues d'autres corps ayant une solide expérience outre-mer.

Proposition n° 60 : Se donner les moyens d'une Représentation permanente plus forte pour une défense plus musclée et mieux anticipée des intérêts des DOM auprès de l'Union européenne.

? Mais c'est surtout au sein de l'administration centrale et des administrations des collectivités ultra-marines, tant des services déconcentrés de l'Etat, que des administrations des collectivités territoriales concernées, que l'expertise européenne semble faire le plus défaut.

En veut-on quelques exemples ?

- Le rapport d'évaluation sur le régime de l'octroi de mer remis par la France à la Commission européenne, et dont la mission commune d'information a pu avoir connaissance, a été jugé par cette dernière très insuffisant et pas assez argumenté, comme cela a été indiqué aux membres de la mission commune d'information par le responsable chargé de ce dossier au sein de la direction générale de la fiscalité de la Commission européenne, qui est pourtant un fonctionnaire européen de nationalité française.

La Commission européenne considère, en particulier, que les autorités françaises n'ont pas démontré dans ce rapport l'impact réel de l'octroi de mer sur l'économie locale, notamment le nombre d'entreprises et le nombre d'emplois sauvegardés ou créés grâce à ce dispositif. La Commission devrait d'ailleurs demander des précisions supplémentaires aux autorités françaises ;

- Le taux de consommation des crédits européens est assez faible , de l'ordre de 40 à 60 % selon les collectivités concernées, avec de forts écarts entre-elles, et les crédits non utilisés sont reversés au budget communautaire.

Pour la période 2000-2006, le taux de consommation des crédits européens pour les 4 DOM s'établit de la manière suivante :

Guadeloupe

Total des crédits

(en millions d'euros)

Crédits programmés

(en millions d'euros)

Crédits payés

(en millions d'euros)

Taux de consommation

(en %)

FEDER

522,254

432,079

258,604

49,5 %

FSE

166,855

147,553

98,903

59,3 %

IFOP

4,397

4,303

2,058

46,8 %

FEOGA-O

140,175

109,711

69,040

49,3 %

TOTAL

833,683

693,647

428,606

51,4 %

Guyane

Total des crédits

(en millions d'euros)

Crédits programmés

(en millions d'euros)

Crédits payés

(en millions d'euros)

Taux de consommation

(en %)

FEDER

286,160

221,890

126,288

53 %

FSE

79,889

74,357

27,213

34,1 %

IFOP

5,422

5,118

4,198

77,4 %

FEOGA-O

66,089

59,091

38,084

57,6 %

TOTAL

389,562

360,457

195,784

59,3 %

Martinique

Total des crédits
(en millions d'euros)

Crédits programmés
(en millions d'euros)

Crédits payés
(en millions d'euros)

Taux de consommation
(en %)

FEDER

473,783

404,830

188,523

39,8 %

FSE

121,019

109,570

53,364

44,1 %

IFOP

7,196

6,902

3,644

50,6 %

FEOGA-O

101,792

89,527

58,244

57,2 %

TOTAL

703,791

610,831

303,776

43,2 %

La Réunion

Total des crédits

(en millions d'euros)

Crédits programmés

(en millions d'euros)

Crédits payés

(en millions d'euros)

Taux de consommation

(en %)

FEDER

823,386

686,287

357,231

43,4 %

FSE

459,735

485,395

267,392

58,2 %

IFOP

14,369

12,345

5,482

38,2 %

FEOGA-O

290,611

260,482

161,236

55,5 %

TOTAL

1 588,103

1 444,510

791,343

49,8 %

Source : CNASEA, « Etat d'avancement - Etat financier au 1 er juillet 2006 »

Les principales raisons qui expliquent les faibles taux de consommation des crédits tiennent à la complexité des procédures, aux excès de priorités et de projets, au manque de personnels qualifiés, mais aussi aux faibles ressources disponibles pour abonder les financements européens ;

- Enfin, lors de son audition, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a souhaité attirer l'attention de la mission sur un sujet particulièrement préoccupant à ses yeux, qui tient à la volonté de la Commission européenne de mettre en place une méthodologie particulière de calcul de compensation des handicaps résultant de l'éloignement. Il a indiqué que le système initialement proposé par la Commission européenne en la matière ayant été unanimement critiqué, la Commission attendait désormais de la part des autorités françaises une proposition de méthodologie alternative, mais que, en raison du retard de l'administration française à présenter cette proposition, on pouvait craindre que le système retenu ne soit pas favorable aux régions ultrapériphériques.

La quantification des effets économiques des handicaps permanents des RUP :
les limites d'un raisonnement par les surcoûts

La Commission européenne a proposé, dans sa communication du 26 mai 2004 :

- d'une part, de mettre en place un « programme spécifique de compensation des surcoûts » financé par le FEDER , en adaptant notamment les normes d'éligibilité des dépenses afin d'autoriser les aides au fonctionnement ;

- et, d'autre part, de mettre en oeuvre un « instrument d'évaluation systématique des handicaps des RUP et des mesures communautaires » assis sur la consolidation des données disponibles dans un système global d'évaluation plurisectorielle des handicaps des RUP. La Commission européenne a indiqué que cet exercice impliquerait « la nécessité de récolter régulièrement des données statistiques » et pourrait déboucher sur une adaptation des programmes existants dans différents secteurs, tels que l'agriculture, la pêche et l'appréciation des actions relevant de la concurrence, de la fiscalité et de la politique régionale.

Le « programme spécifique de compensation des surcoûts » s'est traduit par la mise en oeuvre d'un dispositif de compensation des « surcoûts liés aux handicaps » dans le cadre de la programmation 2007-2013 de la politique de cohésion économique et sociale financée par le FEDER. Ce dispositif a permis, d'une part, l'octroi d'aides au fonctionnement au titre des surcoûts structurels permanents, et, d'autre part, le soutien à des investissements rendus nécessaires par les handicaps des RUP et représentant donc des dépenses supplémentaires pour les entreprises. Ainsi, l'éloignement géographique des RUP de certaines zones d'approvisionnement entraîne des besoins en stockage supérieurs aux besoins constatés par les entreprises de même capacité en métropole. Ce dispositif s'est cependant vite révélé insuffisant faute de prendre en compte d'autres handicaps, comme l'étroitesse géographique des territoires concernés. En effet, la notion de « surcoût » , telle qu'elle est actuellement envisagée par la Commission européenne, ne concerne que les surcoûts dûment identifiables et quantifiables dans les comptes d'exploitation des entreprises. Elle ne concerne pas les effets économiques des handicaps sur les collectivités. Elle ne couvre pas non plus les effets indirects des handicaps sur les possibilités de développement ou de stratégie économique des entreprises pourtant fortement contraintes.

Concernant la mise en oeuvre de « l'instrument d'évaluation systématique des handicaps des RUP » , les travaux et études menés par la Commission européenne, en association avec les RUP et les trois États membres concernés, n'ont pas permis à ce jour d'aboutir à un système global et horizontal d'évaluation plurisectorielle des handicaps des RUP. En 2005, la Commission européenne avait lancée une étude, réalisée par le cabinet Langrand, et elle avait défini, sur la base de cette étude, un projet de méthodologie d'évaluation des surcoûts. Toutefois, les RUP et les trois États membres concernés se sont opposés, dès le lancement de l'étude Langrand, à la méthode retenue et à ses résultats. Ils se sont notamment opposés à la prise en compte des seuls handicaps quantifiables et au point d'étalonnage, qui consiste à comparer la situation des DOM uniquement par rapport à celle du continent européen, et pas à celle des pays et territoires voisins, alors que la réalité du marché est que les entreprises des DOM doivent faire face à une concurrence exercée principalement par les entreprises situées dans des pays tiers, notamment ACP. Pour cette raison, l'appréciation des conséquences des handicaps des RUP ne peut se fonder sur la seule considération du marché de l'Union européenne, mais doit se mesurer par rapport aux conditions économiques et sociales des pays tiers exportateurs avec lesquels les DOM se trouvent en situation de concurrence sur le marché européen.

Face à l'opposition des RUP et des trois États membres concernés, la Commission européenne a accepté de revoir son projet de méthodologie d'évaluation des surcoûts, sans pour autant renoncer à la mise en place d'un tel système. Elle attend donc désormais des propositions alternatives de la part des États membres, et notamment des autorités françaises.

Pour votre mission commune d'information, il est donc impératif de renforcer l'efficacité de notre dispositif administratif chargé des aspects européens.

Concernant l'administration centrale , il conviendra de trouver la bonne articulation entre la délégation générale à l'outre-mer, dont la mission commune d'information propose qu'elle soit désormais directement rattachée au Premier ministre, et le secrétariat général aux affaires européennes, structure interministérielle chargée de la coordination de la position française à Bruxelles.

Au niveau des services déconcentrés de l'État et des administrations des collectivités territoriales concernées , des services spécifiques en charge des questions européennes devraient être créés là où ils font encore défaut et les agents devraient se voir proposer une formation au droit communautaire et à la mise en oeuvre des programmes européens.

Proposition n° 61 : Améliorer l'expertise et la formation des services chargés des questions européennes, tant au sein de l'administration centrale qu'au niveau des administrations déconcentrées de l'Etat et des collectivités locales concernées.

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