2. Vers une meilleure prise en charge par l'État de ses missions de régulation

a) La crise aiguë du logement
(1) Un constat édifiant et alarmant

La question du logement présente une gravité et une acuité particulières outre-mer. En effet, la pression démographique, naturelle ou liée à l'immigration, y est plus forte qu'en métropole, les conditions climatiques rendent partout les enjeux liés aux logements plus complexes et la situation sociale des habitants de ces territoires est également plus fragile.

D'ailleurs, les prix des biens, à la vente ou à la location, même s'ils sont très variables selon leur nature, leur emplacement ou leur état, sont souvent supérieurs à ceux d'agglomérations de province.

2007

Loyer moyen
(en € par m²)

Brest

6,8

Nancy

7,4

Besançon

7,7

Strasbourg

7,9

Lille

8,0

Moyenne agglomérations de province

8,4

Bordeaux

8,5

Toulouse

8,5

Lyon

8,6

Rennes

8,7

La Réunion

8,9

Grenoble

9,0

Aix-en-Provence

11,1

Source : Observatoire des loyers privés de La Réunion et Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP), novembre 2008

(a) La construction de logements en nombre très insuffisant par rapport aux demandes, principalement dans le secteur social

Plus que toutes autres parties du territoire national, les collectivités ultramarines connaissent une crise du logement qui s'illustre tant par un déficit en logement social que par le caractère insalubre d'un nombre significatif de logements privés.

Cette situation concerne l'ensemble des DOM, quoique à des degrés variables.

En Guadeloupe , la demande de logements locatifs sociaux est évaluée à 12 250 pour un parc existant de 30 900 et une production annuelle comprise entre 1 200 et 1 500 logements locatifs sociaux (LLS) ou très sociaux (LLTS) ces dernières années. 72,7 % des demandeurs de logement locatif social disposent de moins d'un Smic mensuel et 13 % sont sans ressources. Les besoins dans le domaine du logement social restent considérables et l'obligation de construction de logements, résultant de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo), rend la résorption de ce déficit encore plus urgente. Le logement insalubre concerne près de 60 000 habitants, soit plus de 13 % de la population , et 18 000 logements, soit 10 % du parc de logements guadeloupéen.

En Martinique , la production de logements est en baisse importante et continue depuis plusieurs années, notamment en raison de l'absence de politique foncière efficace (programmation insuffisante, réserves foncières exsangues, difficultés d'acquisition de terrains, retards importants en matière de viabilisation et d'aménagement du foncier...). Cette situation est aujourd'hui aggravée par la rareté et le coût élevé du foncier viabilisé. Ainsi, moins de 200 logements sociaux ont été construits en 2007, contre 1 500 à 2 000 en moyenne au début de la décennie, alors que chaque année, près de 8 000 demandes de logements sociaux restent insatisfaites. Entre 2004 et 2007, 932 logements insalubres ont fait l'objet d'opérations de résorption de l'habitat insalubre. Cependant, la réalisation de ces opérations reste longue, notamment en raison des difficultés de relogement des familles.

En Guyane , le secteur locatif social connaît un déséquilibre structurel. Le parc locatif social comporte 11 000 unités, alors que plus de 13 000 demandes ne peuvent être satisfaites, 80 % de la population répondant aux conditions de ressources du logement locatif social . Cette situation est d'autant plus difficile que les prix dans le secteur locatif libre sont aussi élevés qu'en Île-de-France et que l'offre en accession sociale et intermédiaire est limitée à quelques dizaines d'unités par an alors qu'une production de 500 logements serait nécessaire.

Par ailleurs, en raison d'une grave pénurie de foncier et de logements disponibles, les logements illicites et insalubres, évalués à 10 000 aujourd'hui, connaissent une progression annuelle de près de 10 % ces dernières années. Plus de 30 000 personnes vivent dans ce type d'habitat. Des études récentes ont estimé à 30 % le taux de constructions illicites existantes, mais en flux, ce taux représenterait aujourd'hui près de 50 % du nombre des constructions nouvelles. Outre la fragilité de l'appareil de production, la carence de logements et le développement de l'habitat illicite résultent du déficit très important d'offre de terrains aménagés . Sur les cinq dernières années, le rythme moyen de construction de logements sociaux et aidés a été de 710 unités par an, tandis que seuls cent hectares de terrains par an ont été aménagés. Néanmoins, inversant cette tendance, l'année 2007 a vu le cap des mille logements financés franchi, ce qui représente une augmentation de 48 % par rapport à l'année précédente. De même, 5 550 logements sont actuellement en travaux pour en résorber l'insalubrité, ce qui est près de deux fois le nombre d'opérations intervenues en 2003.

Lors de son déplacement en Guyane, la mission a pu mesurer l'ampleur des projets de réhabilitation à réaliser ; guidée par le maire de la ville, elle a notamment visité plusieurs quartiers de Cayenne : le « village chinois », squat situé dans une zone inondable, le secteur Leblond où la commune projette de construire 400 logements, une école et un hôtel de police, à la place d'un bidonville, le site de Mirza, où la mission a constaté de visu les phénomènes de raccordement sauvage au réseau électrique, ou encore le quartier situé sur le flanc Ouest du Mont Baduel, principal projet de réhabilitation d'habitat insalubre de la ville, où 500 familles sont logées illégalement, dont 200 sur des parcelles menacées d'éboulement de terrain.

À La Réunion , les besoins en logement social sont aujourd'hui d'autant plus importants que la production des dernières années s'est fortement ralentie en raison de l'augmentation des coûts de production. Ainsi, sur les 9 000 logements construits chaque année, seuls 30 % relèvent du secteur social. Or, 74 % des foyers sont éligibles au logement social . Selon le secrétariat d'État à l'outre-mer, il convient donc qu'au moins 50 % de la production annuelle de logement à La Réunion - soit entre 4 500 et 5 000 unités - soient consacrés au logement social afin de ne pas aggraver les tensions actuelles. Cette production de logement social devrait se répartir en 2 000 LLTS, 1 000 LLS et de 1 500 à 2 000 logements en accession sociale : logements évolutifs sociaux (LES), prêts à taux zéro (PTZ), prêts sociaux location accession (PSLA). Toutefois, selon les projections du Gouvernement, le nombre des ménages éligibles au logement social devrait être de 340 000 à 440 000 à l'horizon 2030. Dans ces conditions, il serait nécessaire de construire en trente ans environ 250 000 logements neufs, soit 9 000 unités par an jusqu'à 2020, en abaissant ce nombre progressivement jusqu'à 7 000 unités en 2030.

Face à cette situation ancienne et persistante, la politique du logement est devenue une priorité de tous les gouvernements et a été adaptée aux besoins spécifiques des territoires. Le budget de l'État consacré au logement outre-mer a été identifié au sein d'une « ligne budgétaire unique » (LBU) et les moyens mis en oeuvre, même s'ils rencontrent des difficultés depuis quelques années, sont plus importants qu'en métropole : chaque année, 242 logements sociaux pour 100 000 habitants sont mis en chantier dans les DOM, contre 92 en métropole 168 ( * ) .

Malgré cela, les besoins ont été évalués dans une fourchette allant de 50 000 à 90 000 logements et, d'après les chiffres fournis par le secrétariat d'État à l'outre-mer, le nombre de demandeurs de logements sociaux s'établirait à environ 64 000 demandes non satisfaites.

* 168 Rapport Sénat n° 88 (2006-2007) de Henri Torre, au nom de la commission des finances : « Le logement en outre-mer, passer du discours à la réalité ».

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