(b) Des marges de progrès certaines

Il existe toutefois encore des progrès importants à accomplir. Ainsi, il semble indispensable de poursuivre le renforcement des personnels de la police aux frontières en Guyane, afin de prendre en particulier en compte les conséquences à court terme de l'édification du pont sur l'Oyapock.

Par ailleurs, des propositions d'aménagement des dispositifs en vigueur ont été suggérées lors des auditions et déplacements effectués par la mission.

Les services de la police aux frontières et de la gendarmerie ont ainsi évoqué auprès de votre rapporteur la pérennisation des dispositifs temporaires institués en Guadeloupe , de même que l'extension de la bande littorale dans laquelle, dans ce territoire, il peut être procédé à des contrôles d'identité en vue de vérifier la régularité du séjour. Par ailleurs, afin de faciliter en pratique l'éloignement des équipages étrangers interpellés en Guyane, il a été proposé que la possibilité de maintenir les marins arraisonnés en centre ou local de rétention pendant l'organisation des mesures de rapatriement soit expressément mentionnée dans la loi.

Pour lutter contre les trafics en tous genres sur le fleuve Maroni , en Guyane, l'intérêt d'une fermeture du fleuve de nuit a également été souligné. Pour se concrétiser, elle nécessiterait néanmoins une décision bilatérale franco-surinamienne.

Lors de ses déplacements dans les quatre DOM, la question de la non appartenance de ces territoires à l'espace Schengen a suscité certaines critiques, notamment en raison du fait que les ressortissants de certains États sud-américains - à commencer par le Brésil - pouvaient entrer sur le territoire européen de l'Union européenne sans visa, alors que celui-ci est exigé pour qu'ils se rendent en Guyane. Cependant, la mission relève que l'exclusion des quatre DOM de l'espace Schengen permet d'apporter une réponse adaptée à la pression migratoire qui s'exerce plus particulièrement sur ces territoires. Elle donne en effet au Gouvernement la possibilité d'aménager l'exigence de visas en fonction des données spécifiques de chaque DOM et confère donc une plus grande flexibilité à l'État en matière migratoire 185 ( * ) .

L'adaptation des règles d'acquisition de la nationalité française dans les DOM, ou, à tout le moins, dans ceux qui connaissent une forte immigration illégale, a également été évoquée lors des déplacements de la mission. Cette mesure a été présentée comme le moyen de limiter l'attractivité des territoires ultramarins en matière migratoire.

La mission souligne néanmoins que cette attractivité repose largement sur la croyance infondée que la naissance sur le territoire français confère à elle seule la nationalité française .

Or, le fait de naître sur le territoire national ne permet à un enfant de bénéficier automatiquement de la nationalité française qu'à la condition qu'il soit né de parents inconnus ou que ceux-ci soient apatrides ou insusceptibles de lui conférer leur nationalité 186 ( * ) . Hors de cette hypothèse peu courante, la nationalité française ne peut être accordée, à sa majorité, à un étranger né en France de parents étrangers qu'à la condition que, à cette date, il ait en France sa résidence effective et y ait eu sa résidence habituelle pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans 187 ( * ) .

En outre, l'acquisition de la nationalité française par naturalisation est soumise à des conditions strictes : l'étranger doit notamment justifier, sauf dans des cas limitativement énumérés, d'une résidence habituelle en France d'une durée de cinq ans à compter de sa demande de naturalisation ainsi que de la régularité de son séjour 188 ( * ) .

Ces conditions strictes expliquent que le nombre d'acquisitions de la nationalité française par des étrangers résidant dans les DOM soit faible , tant en valeur absolue que par rapport aux acquisitions par des personnes résidant en métropole. Ainsi, en 2006, il n'y a eu que 1 189 acquisitions par déclaration ou naturalisation dans les DOM, sur un total de 147 800 acquisitions pour la France entière, soit environ 1,34 %.

Par ailleurs, le fait pour un étranger d'être parent d'un enfant ayant la nationalité française n'empêche pas juridiquement son éloignement du territoire.

La mission constate, en tout état de cause, que la possibilité d'un droit de la nationalité différencié dans les DOM ne semble pas juridiquement acquise .

Elle semble même prohibée par le régime d'assimilation prévu par l'article 73 de la Constitution. Comme l'a relevé la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, ce régime n'autorise pas, en l'état, la mise en place de règles dérogatoires en matière de droit de la nationalité, que ces règles soient édictées par les autorités de la République ou qu'elles le soient en vertu du pouvoir d'adaptation reconnu aux départements et régions d'outre-mer 189 ( * ) . Il est en effet douteux que l'aménagement du droit de la nationalité puisse être jugé par le Conseil constitutionnel comme « justifié » par les contraintes particulières de tout ou partie des DOM.

La mise en oeuvre d'une telle différenciation dans le cadre de l'article 74 ne reçoit pas, quant à elle, de réponse évidente sur le plan juridique. Comme l'ont montré les travaux de la commission d'enquête du Sénat, les avis des juristes divergent fortement en la matière. Des modalités particulières d'accès à la nationalité ont certes longtemps existé dans les territoires d'outre-mer 190 ( * ) mais ont été abrogées lors de l'entrée en vigueur du nouveau code de la nationalité, en 1993. On peut donc se demander si la jurisprudence désormais bien affirmée du Conseil constitutionnel sur l'unité de la République et le principe d'égalité des citoyens devant la loi n'empêcherait pas, désormais, un tel retour en arrière, dès lors que l'article 74 de la Constitution n'autorise pas expressément un droit de la nationalité dérogatoire dans les collectivités qu'il régit 191 ( * ) .

La mission estime que si la mise en oeuvre d'une telle mesure était malgré tout jugée envisageable juridiquement dans l'hypothèse d'une évolution statutaire des DOM, il n'est pas certain qu'elle serait réellement efficace pour endiguer l'afflux d'étrangers en situation irrégulière.

Plus qu'une restriction supplémentaire des conditions d'accès à la nationalité, il convient avant tout de faire en sorte que les populations voisines des collectivités ultramarines comprennent que la naissance en France n'empêche pas l'exercice des procédures d'éloignement, tant en ce qui concerne l'enfant que ses parents, et que cette seule naissance ne saurait suffire à lui conférer la qualité de ressortissant français.

* 185 Les ressortissants des États suivants sont ainsi exemptés de visa, quel que soit le motif de leur séjour dans les DOM : Andorre, Argentine, Brunei Darussalam, Canada, Chili, Costa-Rica, Croatie, El Salvador, Guatemala, Honduras, Malaisie, Monaco, Nicaragua, Nouvelle Zélande, Panama, Paraguay, Saint-Marin, Saint-Siège, Uruguay. Il en est de même des ressortissants des États suivants, lorsqu'ils ne viennent pas exercer une activité professionnelle : Australie, Brésil, Brunei Darussalam, Corée du Sud, États-Unis, Israël, Japon, Mexique, Singapour, Venezuela.

* 186 Articles 19 et 19-1 du code civil.

* 187 Article 21-7 du même code.

* 188 Article 21-17 du même code.

* 189 Rapport n° 300 (Sénat, 2005-2006), tome 1, p. 187.

* 190 Voir, par exemple, la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française pour les territoires d'outre-mer.

* 191 Rapport précité, p. 189.

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