AVANT-PROPOS

La crise économique et financière actuelle, la plus grave que le monde ait connue depuis les années trente, se distingue par sa brutalité, son amplitude, son extension géographique et ses effets sur l'économie réelle .

Quelques chiffres permettent de prendre mieux conscience de son ampleur exceptionnelle :

- la production industrielle a chuté en moyenne de plus de 20 % dans la zone euro au premier trimestre de 2009 (en glissement annuel), et de 14 % aux Etats-Unis. Selon les prévisions publiées par le FMI début octobre 2009, le PIB des Etats industrialisés devrait reculer en moyenne de 3,4 % en 2009 puis progresser de 1,3 % en 2010 ;

- le nombre de chômeurs dans les pays de l'OCDE devrait progresser de plus de 25 millions entre fin 2007 et fin 2010 pour atteindre en moyenne près de 10 % de la population active ;

- le montant total des pertes et dépréciations enregistrées par les institutions financières entre le troisième trimestre de 2007 et la fin de l'année 2008 s'est élevé à près de 1.300 milliards de dollars, et le coût global de la crise pour le système financier atteindrait, selon le FMI, 3.400 milliards de dollars ;

- l'indice principal de la bourse française, le CAC 40, a perdu près de 60 % entre juillet 2007 et mars 2009 , dont un peu plus de 9 % le 6 octobre 2008 (soit le record de baisse en une journée) ;

- selon le FMI (prévisions d'octobre 2009), le déficit budgétaire des pays industrialisés atteindrait en moyenne 10,1 % du PNB en 2009 et 9 % en 2010 .

En réalité cette crise n'est pas née en septembre 2008 avec la faillite de la banque d'investissement Lehman Brothers , mais il y a plus de deux ans avec le retournement du cycle immobilier américain et la contagion du risque de défaut lié aux prêts « subprimes » dans les bilans d'acteurs financiers (banques, hedge funds , compagnies d'assurance...) fortement interconnectés entre eux.

A cette conjonction de facteurs, correspond une imbrication de responsabilités multiples, qui interdit de désigner tel ou tel fauteur de crise, pays ou opérateur. Au surplus, aussi graves soient-ils, les évènements de l'année écoulée viennent rappeler que les cycles et crises sont consubstantiels au capitalisme .

Nul doute que ces dernières années celui-ci s'était développé sur une base paradoxale : la finance s'était pour ainsi dire mise au service d'elle-même plutôt que des activités productives ; corrélativement, cette inversion s'était traduite par un « emballement » des standards implicites de rendement dans ce qui apparaît rétrospectivement comme une fuite en avant insoutenable : les taux de rentabilité à deux chiffres souvent exigés par les marchés n'étaient pas tenables à long terme, eu égard au rythme de croissance de l'économie mondiale. A certains égards, cette rentabilité supérieure au taux de croissance de l'économie mondiale n'était supportable à long terme qu'au prix d'une déformation dans le partage de la valeur ajoutée, qui peut apparaître comme une des causes du surendettement des ménages américains et donc du déclenchement des troubles actuels.

La crise doit être l'occasion d'une refondation sans remettre en cause pour autant les ressorts fondamentaux de l'économie de marché . Alors que l'optimisme semble revenir, le risque est réel que la perception des erreurs passées ne s'atténue et que la détermination qui a marqué l'action des gouvernements lors de l'éclatement de la crise il y a un an ne s'étiole pour justifier, derrière de bonnes paroles, un retour de fait aux errements du passé.

Le Parlement français a entendu s'impliquer dans la réflexion sur la refondation de la surveillance des flux financiers .

Un groupe de travail a ainsi été constitué à l'initiative du Président du Sénat pour regrouper douze parlementaires des deux assemblées dont la motivation commune, par delà les sensibilités politiques, a été de considérer que les questions financières étaient, malgré leur complexité, des choses trop sérieuses pour être laissées à la discrétion des seuls techniciens : le politique doit en effet se réapproprier les questions monétaires et financières.

Ses analyses, qui ont donné lieu à la rédaction de notes transmises avant chaque réunion du G 20 au président de la République 1 ( * ) , ont pu s'appuyer sur les travaux techniques menés au sein de chaque assemblée. Ainsi en marge de ce groupe, l'Assemblée nationale s'est plutôt concentrée sur la thématique des paradis fiscaux , dont les propositions ont d'ailleurs été reprises par le groupe de travail commun aux deux assemblées.

Le groupe de travail spécifique à la commission des finances du Sénat s'est quant à lui surtout concentré sur la question de la régulation des marchés financiers . Constitué le 20 mai 2009, il a procédé tout au long de l'année à de nombreuses auditions et a pu bénéficier des enseignements issus d'une série de déplacements organisés dans la cadre de la commission : mission du bureau de votre commission des finances aux États-Unis, visite du groupe de travail à la Banque centrale européenne à Francfort et à la Commission européenne à Bruxelles en septembre 2009, déplacements du rapporteur général enfin, à Berne et à Bâle d'une part, et à Londres d'autre part au printemps de la même année.

Sans revenir en détails sur le déroulement d'une crise maintes fois décrite, le présent rapport d'information vient tirer les leçons de ces travaux pour déterminer les principes et modalités d'une régulation plus complète et équilibrée des marchés financiers . Il prend également position sur les quatre propositions de règlement et la proposition de décision constitutives du « paquet sur la surveillance financière » 2 ( * ) que la Commission européenne a présenté le 23 septembre 2009 .

* 1 http://www.senat.fr/groupe_travail_situation_financiere/index.html.

* 2 Ces propositions sont les suivantes :

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la surveillance macro-prudentielle du système financier et instituant un Comité européen du risque systémique (E 4777) ;

- proposition de décision du Conseil confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques relatives au fonctionnement du Comité européen du risque systémique (E 4778) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité bancaire européenne (E 4779) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (E 4780) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité européenne des marchés financiers (E 4781).

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