II. CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN ET CITOYEN ET DES SÉNATEURS DU PARTI DE GAUCHE

Le groupe de travail de la commission des finances sur la crise financière et la régulation des marchés a produit un important travail d'évaluation de la situation créée par les turbulences ayant agité les activités boursières et financières durant l'année 2008.

De manière relativement précise, le groupe de travail formule un certain nombre de propositions, visant, comme on a pu le voir dans le cadre d'autres groupes de travail comme de sommets internationaux, à donner de nouvelles bases aux activités de marché.

Cette contribution ne vise donc qu'à présenter, de manière synthétique, la position de l'un des membres du groupe de travail sur l'ensemble des problématiques visées.

Sur le constat des faits :

Si la violence et l'importance de la crise financière révélée l'an dernier en ont surpris plus d'un, le rapport indique que les prémices de la crise existaient bien avant l'été 2008.

Ce qui ne fait que rendre justice à tous ceux qui, comme les membres du groupe CRC SPG, estimaient, de longue date, que la dérégulation des marchés financiers, leur interpénétration sans cesse renforcée, leur construction systémique étaient autant de facteurs potentiels de crise.

Peu de temps encore avant le déclenchement de la crise de l'été 2008, au plus haut niveau de l'Etat comme dans la majorité sénatoriale, des voix s'élevaient pour appeler de leurs voeux un nouveau développement des activités financières, des activités de marché, de l'activité même de la place boursière de Paris.

On promettait alors emplois en nombre et développement économique ininterrompu là où nous avons vu émerger créances douteuses, contraction soudaine des effectifs, effondrement de la cote et soudaine dévaluation de nombre de portefeuilles de titres.

La crise qui a frappé les économies libérales en 2008 en a montré le caractère profondément inégalitaire.

Sur les propositions :

Le groupe de travail, pour l'essentiel, situe ses propositions dans le droit fil des recommandations formulées notamment par les différents sommets du G 20 qui se sont tenus depuis l'été 2008.

Les recommandations formulées, au-delà du caractère technique propre à certaines d'entre elles, sont en effet regroupées sous plusieurs orientations de fond.

Il s'agit donc d'agir sur les gestionnaires de fonds, d'encadrer les agences de notation, d'assurer la transparence sur les activités de marchés sur produits dérivés, de revenir sur les pratiques de marché, d'assurer la protection des investisseurs et des épargnants, de définir les voies et moyens d'une régulation conçue au niveau européen, d'adapter les normes comptables et de mesurer le risque systémique, de reposer la question de la rémunération des acteurs de marché et, enfin, de modifier la qualité des relations entre les banques et leurs clients.

Ce qui ressort des propositions formulées réside toutefois dans quelques attendus de fond.

Et le principal, c'est celui de la prudence.

Prudence quand il s'agit d'accueillir de nouveaux opérateurs de marché, prudence au regard de la « qualité » des prestations offertes, des garanties accordées aux déposants et épargnants, prudence vis-à-vis d'une nécessaire régulation des activités.

Mais cette exigence de prudence comme de transparence, quelle en est l'illustration ?

Elle demeure limitée puisque la régulation serait organisée par les acteurs de marché eux-mêmes et que le risque systémique serait en partie couvert, si l'on en croit les plus récentes déclarations de la ministre de l'économie et des finances, par une contribution extrêmement marginale demandée aux établissements de crédit pour faire face, au cas où, à ce risque systémique.

Observons d'ailleurs que le rapport néglige un élément essentiel de la crise : celui qui veut que les établissements de crédit n'ont pas encore produit l'effort essentiel d'apurement de la qualité de leurs actifs, que l'on n'a pas, dans les faits, passé les bilans bancaires « à la paille de fer » afin d'y isoler et d'y repérer avec précision le montant des actifs douteux comme des produits dérivés à risque.

Et cela alors même que les établissements de crédit, en tout cas en France, semblent décidés à se libérer au plus tôt des quelques obligations que la loi leur avait demandé de respecter pour l'attribution des aides publiques au redressement de leur bilan et au refinancement de leur activité.

Notons d'ailleurs que le débat sur la rémunération des dirigeants comme des « traders », qui a largement alimenté la controverse, est en réalité réglé par les faits.

Alors que les sommets du G 20 et les déclarations péremptoires au plus haut niveau de l'Etat laissaient penser que les règles du jeu allaient changer, voici que la plupart des établissements de crédit, en France comme à l'étranger (notamment aux USA), s'apprêteraient à verser à leurs dirigeants comme à leurs opérateurs de marché des gratifications d'un montant inégalé.

Sur la suite :

Les sénateurs du groupe CRC SPG ne pensent pas que les recommandations du groupe de travail soient suffisantes pour prémunir notre pays des effets d'une nouvelle crise systémique affectant les activités financières, ni pour mettre un terme à cette conception de l'économie qui fait que les activités de production, sous toutes leurs formes, doivent être vassalisées au profit de la stricte rentabilité financière et de la recherche continue de valorisation boursière des titres inscrits à la cote.

Nous ne croyons pas à cette dichotomie rassurante entre économie dite réelle et économie financière, tout simplement parce que les activités financières sont un élément de l'économie tout court.

Et que les activités de marché, depuis plus de vingt ans, préemptent largement sur la valeur ajoutée des activités de production, au point de conduire à la lente mais sûre destruction des facteurs de production.

La chute de l'emploi industriel dans notre pays, les plans sociaux à répétition, la mise en déclin des territoires, tout cela procède de la préemption - prédation exercée par les critères de rentabilité financière et les logiques en découlant en termes d'aménagement du territoire, des investissements productifs et de l'ajustement de la variable « travail salarié ».

Mettre un terme à cette logique prédatrice, consommatrice de valeur ajoutée, passe donc par l'affirmation d'un rôle renforcé de la puissance publique (et pas seulement en France) dans l'organisation du marché du crédit.

La régulation ne peut et ne doit être laissée à la seule appréciation des professionnels des marchés, fussent-ils parfaitement intègres.

La seule véritable indépendance en ces domaines, c'est celle qui découle de la qualité de personne publique.

Ceci dit, l'une des questions qui nous est posée par les derniers développements de la crise est celle de la maîtrise des outils de crédit, et singulièrement celui de la constitution d'un pôle public du crédit, associant des établissements dédiés, des institutions financières spécialisées et un certain nombre d'établissements aujourd'hui livrés à la concurrence et à ses aléas.

Ce pôle permettrait de répondre, dans ses interventions, aux besoins de crédit des PME, des ménages les plus modestes ou encore de définir les outils de financement de l'investissement local, de l'effort national en matière d'infrastructures et d'aménagement du territoire, de réponse aux enjeux environnementaux et sociaux d'une nouvelle croissance économique débarrassée de la pollution continuelle de la stricte rentabilité financière maximale.

Sans aller plus avant dans cette problématique, une question essentielle se pose également quant au rôle que doit jouer, dans un marché du crédit aux objectifs et aux finalités repensés, la Banque centrale européenne et cet instrument dont il faudrait enfin se servir au profit de la croissance et de l'emploi, c'est-à-dire l'euro.

Au terme de l'exposé de cette contribution succincte, nous ne pouvons que réaffirmer notre conviction que le simple retour à l'ordre des choses qui présidait avant la « tempête financière » de 2008 ne nous met pas en situation d'éviter qu'elle ne se reproduise.

Tous les indicateurs sont précis de ce point de vue : la santé des établissements de crédit se fonde aujourd'hui sur un accroissement de la marge d'intermédiation et sur le rationnement des crédits accordés à l'économie (ménages comme entreprises).

Le bilan des banques demeure largement pollué par les produits dérivés, ceux-ci ayant doublé depuis 2006 en valeur de bilan.

Toutes les conditions de nouvelles difficultés sont donc réunies.

Plus que jamais, un changement d'orientation politique, tant au niveau national qu'international, s'impose.

Ce sont là les points que nous escomptions relever à l'issue des travaux de ce groupe de travail.

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