EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le jeudi 19 novembre 2009 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur, Mme Bernadette Bourzai, le débat suivant s'est engagé :

M. Hubert Haenel :

Je constate que, compte tenu de l'importance des enjeux, l'Union européenne comme la France ont encore de réels progrès à accomplir pour atteindre les objectifs fixés par le Conseil européen de mars 2007. Il me paraît profondément regrettable que divers États membres soient impliqués dans des projets de gazoducs éventuellement concurrents. Les profonds changements socio-économiques qu'implique la réalisation des objectifs de la politique énergétique seront difficiles à réaliser en une dizaine d'années seulement. Enfin, une partie des investissements requis par le passage à une économie à faible intensité en carbone pourrait être financée grâce au « grand emprunt » qui fait actuellement l'objet d'un débat en France.

M. Didier Boulaud :

La Turquie occupe une place centrale dans la réalisation de certains grands projets de gazoducs, en particulier Nabucco et South Stream . Dès lors, j'estime que nous devrions prendre le temps de la réflexion pour définir notre position vis-à-vis de ce grand pays, dans le domaine énergétique comme dans d'autres, et nous défier de comportements à courte vue. Par ailleurs, les relations avec la Russie constituent le « noeud gordien » du dossier énergétique. De ce point de vue, je regrette l'action dispersée des États membres, et je forme le voeu que les dispositions du traité de Lisbonne nous conduisent à parler d'une seule voix avec Moscou. De même, il me paraît inutile de provoquer la Russie lorsque nous évoquons, par exemple, l'élargissement de l'OTAN à la Géorgie ou à l'Ukraine.

La Commission européenne a-t-elle mené des réflexions sur la région arctique, dont le potentiel paraît considérable ? Par ailleurs, où en est le projet allemand d'installer une immense centrale solaire au Sahara ?

M. Jacques Blanc :

Il existe différents projets de construction de centrales électriques fonctionnant à l'énergie solaire. Comment ces projets s'articuleront-ils avec l'anneau méditerranéen de l'énergie, dans lequel la Turquie aura un rôle à jouer ? Ce pays est également très impliqué dans la réalisation des différents projets de gazoducs. Enfin, quelles sont les perspectives de développement de l'énergie nucléaire grâce au projet ITER ?

M. Gérard César :

J'ai récemment effectué, au nom de la commission de l'économie, une mission à Mourmansk, en Russie, où existe un projet, dénommé Chtokman, pour exploiter un champ gazier se situant en mer Arctique. L'exploitation de cette réserve est confrontée à des problèmes techniques considérables, en particulier l'impossibilité de recourir à une plateforme fixe. La solution retenue consisterait à installer une plateforme flottante qui permettrait d'éviter les icebergs. Ce projet implique Gazprom ainsi que plusieurs compagnies européennes, dont Total. Néanmoins, la crise économique actuelle a freiné son développement. Je présenterai le 16 décembre prochain, à la commission de l'économie, un rapport d'information rendant compte de cette mission.

M. Richard Yung :

J'observe que plusieurs pays du nord de l'Europe ne semblent pas équipés en gazoducs et en oléoducs. Cela signifie-t-il qu'ils n'ont pas recours au gaz et au pétrole ? Pourrait-on envisager la création d'une organisation communautaire en matière d'énergie qui permettrait d'harmoniser des politiques énergétiques aujourd'hui relativement dissemblables selon les États membres ?

Mme Bernadette Bourzai :

Lorsque j'ai évoqué, lors de mon déplacement à Bruxelles, l'absence d'une politique énergétique commune, en référence à la politique agricole commune, mes interlocuteurs ont insisté sur la mise en oeuvre progressive d'une telle politique. La prise de conscience de la nécessité d'une politique énergétique commune plus intégrée est aujourd'hui une réalité. L'action de l'Union européenne sera déterminée par la nature des conclusions de la Conférence de Copenhague et sera donc différente selon que celle-ci aura su s'engager sur des objectifs contraignants ou se sera satisfaite d'un « consensus mou ». L'urgence d'une politique énergétique commune a non seulement des fondements économiques, mais aussi géopolitiques. Une telle politique devra être développée dans le cadre de la politique de voisinage, par exemple pour le Partenariat oriental.

La Commission européenne a annoncé la présentation en 2010 d'une communication sur l'anneau méditerranéen de l'énergie, qui devrait décrire les grandes lignes d'un plan destiné à compléter les connexions manquantes. Le projet allemand, dénommé Desertec, d'installer une immense centrale solaire au Sahara est controversé, tant du point de vue de sa faisabilité technique que de celui de son acceptabilité par les populations locales dont la satisfaction des besoins en énergie doit être prioritaire. L'Union européenne demeure prudente sur l'énergie nucléaire car beaucoup d'États membres ont des politiques très différentes en la matière ; si certains lui sont toujours très hostiles, d'autres, comme l'Allemagne, évoluent sur cette question. Le continent arctique présente un intérêt évident du point de vue énergétique ; pour autant, la Commission n'a pas consacré de développements spécifiques à ce sujet dans sa Deuxième analyse stratégique. Les relations de l'Union européenne avec la Russie doivent être, selon moi, marquées par la prise en compte de l'évidence de l'interdépendance énergétique. Certains États membres, les pays scandinaves en particulier, ont d'ores et déjà largement recours aux énergies renouvelables.

M. Didier Boulaud :

L'Union européenne devrait jouer un rôle fédérateur entre les différents États du nord de l'Europe, ainsi que l'Islande et la Norvège, sur la question arctique, au lieu de laisser les États membres agir individuellement. Ce continent, dont l'importance est cruciale en termes de voies d'approvisionnement énergétiques, pourrait à l'avenir être le terrain d'une confrontation avec d'autres puissances, comme la Russie ou le Canada.

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À l'issue de ce débat, la commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport.

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