N° 161

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 décembre 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet d' avenant au contrat d' objectifs et de moyens 2009-2012 entre l'État et France Télévisions,

Par M. Michel THIOLLIÈRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Michel Thiollière, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Aux termes de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, un contrat d'objectifs et de moyens (COM) d'une durée comprise entre trois et cinq années civiles doit être conclu entre France Télévisions et l'État.

L'actuel COM a ainsi été négocié pour une durée de quatre ans pour la période 2007/2010. Il peut , à cet égard , paraître étrange qu'un avenant , possibilité expressément mentionnée par l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, proroge de deux nouvelles années le COM, le portant ainsi à 6 ans, soit au-delà de ce que prévoit la loi. Par ailleurs, l'un des objectifs de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision était de faire du COM l'un des socles du programme des nouveaux présidents de France Télévisions et force est de constater que l'éventuel nouveau président nommé à l'été 2010 se verra imposer un COM courant jusqu'à 2012 .

Le présent avenant devrait ainsi être davantage présenté comme un nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2009/2012. Il est au demeurant positif que la tutelle ait pris acte des profondes mutations entraînées par la loi du 5 mars 2009 précitée et qu'elle ait souhaité engager le groupe dans une évolution organisée et maîtrisée, via la définition d'un nouveau COM.

D'emblée, le titre du nouveau contrat d'objectifs et de moyens place France Télévisions dans « l'ère du média global », ce qui a constitué l'une des préoccupations majeures de la loi du 5 mars 2009, notamment pour la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

L'avenant au COM décline ensuite les grands enjeux du groupe en plusieurs chapitres (stratégie éditoriale, média global, gestion et modernisation du groupe, gouvernance et plan d'affaires) au sein desquels sont fixés plusieurs objectifs (12 au total), lesquels sont évalués par une batterie d'indicateurs.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication, conformément à son « coeur de métier » a choisi de procéder à une analyse plus poussée de la question de la stratégie éditoriale définie pour France Télévisions et de la problématique du média global, sans pour autant se priver de donner un avis sur les dispositions relatives à la modernisation de la gestion du groupe, à la gouvernance et au plan d'affaires.

I. LA STRATÉGIE ÉDITORIALE DU GROUPE

Quatre objectifs sont poursuivis pour la stratégie éditoriale, dont les maîtres mots sont, aux termes du COM, « la créativité, la diversité et la citoyenneté ».

A. LA PROMOTION DES VALEURS IDENTITAIRES DU SERVICE PUBLIC

L'objectif n° 1 est la promotion des valeurs identitaires du service public, qui passe par la diffusion de programmes culturels, l'information et le débat citoyen, la diffusion de programmes sportifs, le reflet de la diversité française, l'identité culturelle et la promotion de l'apprentissage des langues étrangères.

1. La diffusion de programmes culturels

Comme dans le précédent COM, France Télévisions s'engage aux termes du présent avenant, à proposer au moins un programme culturel et de découverte en première partie de soirée sur son bouquet de chaînes. Il est indéniable que cette stratégie différencie largement la grille des chaînes du groupe de celle des chaînes privées, et que la politique menée à cet égard par le président, M. Patrick de Carolis, est une réussite . L'indicateur 1.1, dont le champ a été élargi aux oeuvres de fiction axées sur la découverte et la connaissance (adaptations littéraires, biographies, reconstitutions historiques), ce qui constitue un assouplissement réel, fixe ainsi à 365 le nombre de programmes culturels diffusés chaque année en première partie de soirée. La commission, très favorable à cet objectif, sera néanmoins vigilante à ce que les retransmissions de spectacles vivants, des magazines et documentaires de culture et d'émissions culturelles restent suffisamment nombreuses. A cet égard, il pourrait être imaginé qu'un sous-indicateur de suivi soit mis en place pour chaque catégorie de programmes (spectacles vivants, émissions musicales, magazines et documentaires de culture, émissions culturelles exceptionnelles et oeuvres de fiction culturelles

Par ailleurs, elle note que l'indicateur relatif au nombre de programmes culturels existe plutôt à titre d'affichage dans la mesure où, avec un champ plus restreint, France Télévisions a diffusé, en 2008, 870 programmes culturels en première partie de soirée.

2. L'information et le débat citoyen

Dans ce domaine, là où des « opérations communes » entre les chaînes du groupe sont préconisées dans le COM, c'est dorénavant la « mutualisation des moyens » qui est souhaitée, conformément aux objectifs fixés par la loi du 5 mars 2009. Deux indicateurs relatifs à la perception par le public du traitement par les chaînes de France Télévisions des questions relatives à l'information, au débat citoyen et aux grands problèmes de notre temps (2.2) et à la perception par le public du reflet de la diversité des points de vue par les programmes des chaînes de France Télévisions (2.3) sont fixés. Bien que ces indicateurs soient tout à fait pertinents, la commission a regretté :

- qu'ils soient uniquement produits dans le cadre du baromètre annuel de l'image des chaînes et que le conseil consultatif des programmes, constitué de téléspectateurs et prévu par l'article 46 de la loi du 30 septembre 1986, ne soit pas davantage utilisé ;

- et que l'ambition affichée ne soit pas à la hauteur de ce qu'on peut attendre du service public, l'objectif de 80 % fixé pour les deux indicateurs étant assez largement inférieur au résultat affiché en 2008 (83 % pour le premier et 84 % pour le second).

Elle propose donc qu'une cible plus élevée soit fixée avec une élévation progressive au cours du COM.

Par ailleurs, il pourrait être utile à l'information de la tutelle et des parlementaires que le nombre total d'heures consacrées à l'information au niveau national, et au niveau local, soit connu via un indicateur de suivi . L'idée qu'un objectif de qualité des journaux télévisés du groupe soit fixé ne paraîtrait pas non plus absurde, tant ils sont importants pour la vitalité de la vie démocratique française.

En outre, dans la mesure où le rôle de France Télévisions en matière de diffusion des débats parlementaires a été réaffirmé dans la loi du 5 mars 2009, il paraît utile qu'un indicateur de suivi relatif au nombre d'heures consacrées à la diffusion de débats parlementaires ou de magazines relatifs à ces débats soit créé.

3. La diffusion de programmes sportifs

Les objectifs de la chaîne en la matière restent similaires à ceux du précédent COM (présence sur les événements sportifs majeurs et les sports les plus fédérateurs), avec l'ambition d'utiliser les nouveaux supports de diffusion afin d'enrichir l'offre. La commission considère que ces choix sont tout à fait pertinents et estime que l'ajout d'un indicateur relatif au nombre de disciplines dont les épreuves ont été retransmises (et non pas seulement celles couvertes par un magazine ou un journal télévisé) est très utile. Elle regrette néanmoins encore une fois le manque d'ambition criant des objectifs cibles fixés dans le COM, et propose de les relever :

- ainsi, 70 disciplines devront être « traitées » alors que le nombre total de disciplines couvertes n'est jamais passé sous 95 depuis 2007 et qu'il s'agit d'une cible largement plus basse que celle fixée dans le précédent COM (100) ;

- seulement 20 disciplines devront être « retransmises » en 2010 alors qu'il s'agit d'une année de Jeux olympiques d'hiver, riches en disciplines, sur lesquels France Télévisions dispose des droits de diffusion ;

- aucun indicateur relatif à la couverture sportive via les nouvelles technologies n'a été fixé alors même que France Télévisions les utilise de manière tout à fait intéressante (Vendée globe, JO de Pékin).

4. Le reflet de la diversité française

Il s'agit d'un objectif louable que la loi du 5 mars 2009 a encore souhaité renforcer (article 3 modifiant l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 pour les programmes et article 6 pour la politique de ressources humaines). Si l'indicateur relatif à la perception du public du reflet de la diversité de la société française dans le cadre du baromètre annuel de l'image des chaînes est un bon instrument d'évaluation, il semble à bien des égards insuffisant :

- les cibles visées ne correspondent pas à celles retranscrites dans le dernier rapport d'exécution du COM, qui fixe une cible de 81 %, dans le cadre d'un changement de norme opéré en 2007 ;

- le rôle du comité permanent pour la diversité , créé récemment par France Télévisions, n'apparaît pas , ce qui pourrait donner l'impression qu'il s'agit davantage d'un outil de communication incantatoire que d'un instrument opérationnel de promotion de la diversité s'agissant à la fois de la gestion interne et des programmes ;

- à cet égard, il pourrait être intéressant que France Télévisions se rapproche de l'Observatoire de la diversité créé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, sous l'impulsion du législateur, afin de mettre en place un outil d'évaluation de la diversité dans les programmes de la chaîne, avec la fixation d'objectifs précis, éventuellement basés sur la comparaison avec d'autres chaînes du paysage audiovisuel français, France Télévisions devant être particulièrement exemplaire en la matière.

Par ailleurs, M. Yazid Sabeg, commissaire à l'égalité et à la diversité des chances, pourrait faire des propositions relatives à la promotion de la diversité qui concerneraient France Télévisions ; il sera donc utile que le groupe puisse les prendre en compte et adapter le cas échéant la politique qu'elle mène en la matière.

5. L'identité culturelle

France Télévisions a pour mission de favoriser la défense de l'identité française et européenne. Mais, alors que l'avenant au COM, comme l'actuel COM, préconise que France Télévisions soit « particulièrement volontariste sur le pourcentage de diffusion sur les antennes de programmes français et européens, notamment en matière de fiction », aucun indicateur de suivi (par exemple sur le nombre de programmes européens diffusés) ne permet de mesurer cette obligation, notamment s'agissant des programmes européens. Cette carence est d'autant plus regrettable que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication est pleinement convaincue que France Télévisions joue pleinement son rôle dans ce domaine.

Par ailleurs, l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, modifié par l'article 3 de la loi du 5 mars 2009 prévoit que « France Télévisions conçoit et diffuse en région des programmes qui contribuent à la connaissance et au rayonnement de ces territoires et, le cas échéant, à l'expression des langues régionales ». Si cette expression des langues régionales reste marginale et n'a pas vocation à devenir une mission prioritaire de France Télévisions, il pourrait être utile qu'un indicateur de suivi permette d'évaluer le respect de cette obligation législative.

6. La promotion de l'apprentissage des langues étrangères

Là encore, sur cette question, l'objectif est louable et novateur par rapport au précédent COM, mais fort peu documenté.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication avait pourtant introduit dans la loi du 5 mars 2009 une disposition imposant que le « cahier des charges de la société [de France Télévisions] précise les conditions dans lesquelles elle met en oeuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les oeuvres de fiction qu'elle diffuse, sa mission de promotion de l'apprentissage des langues étrangères prévue à l'article 43-11 », avec l'ambition clairement énoncée de fixer l'objectif que l'ensemble des programmes d'origine étrangère de France Télévisions soient diffusés en version originale sous-titrée , la télévision numérique terrestre rendant possible le caractère optionnel, pour le téléspectateur, de cette diffusion. En outre, les obligations relatives au sous-titrage pour les personnes malentendantes facilitent grandement cette entreprise.

Elle souhaite par conséquent qu'un indicateur soit créé avec un objectif de diffusion de versions multilingues des programmes étrangers approchant les 100 % en 2012 .

Les caractéristiques de l'objectif n° 1 relatif à la promotion des valeurs identitaires du service public ont ainsi été définies assez rigoureusement, mais les indicateurs restent trop peu nombreux et manquent bien souvent d'ambition.

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