C. SUR LA BASE DE QUELS CRITÈRES LA PÉRÉQUATION DOIT-ELLE ÊTRE RÉNOVÉE ?

Le critère du potentiel fiscal existe depuis la mise en place de la DGF en 1979 et intervient dans la répartition de toutes les dotations de péréquation existantes.

Potentiel fiscal et potentiel financier

Selon les dispositions des articles L. 2334-4, L. 3334-6, L. 3334-6-1 et L 4332-8 du CGCT, le potentiel fiscal d'une collectivité territoriale est obtenu en appliquant aux bases d'imposition des quatre taxes directes locales * les taux moyens nationaux d'imposition à chacune de ces taxes. Les bases utilisées sont les bases majorées des bases exonérées sur décisions des collectivités territoriales. Depuis 1999 ** , s'ajoute la compensation versée au titre de la suppression de la part salaires des bases de taxe professionnelle. Le montant ainsi obtenu correspond au montant que percevrait une collectivité territoriale si elle appliquait les taux moyens nationaux à des bases non exonérées à la suite des choix locaux. Autrement dit, il permet d'appréhender la richesse potentielle des collectivités territoriales .

Le potentiel fiscal est un élément du potentiel financier .

Ce dernier, défini aux mêmes articles du CGCT que le potentiel fiscal, est égal au potentiel fiscal, majoré de la dotation forfaitaire (et, le cas échéant, de la dotation de compensation) perçue par une collectivité territoriale l'année précédente (hors compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, qui figure déjà dans le potentiel fiscal) et, pour les départements, de la moyenne sur cinq ans des droits de mutation à titre onéreux.

*Taxe professionnelle, taxe d'habitation, taxe foncière sur le foncier bâti et taxe foncière sur le foncier non bâti

**Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999

Le potentiel fiscal est mis à mal par la suppression de la taxe professionnelle, d'une part, et par le développement des nouvelles dotations de compensation liées à cette suppression, d'autre part. De nombreuses pistes de réforme sont examinées. Le potentiel financier notamment pourrait remplacer le potentiel fiscal. Toutefois, un tel choix nécessite de s'interroger sur le périmètre à retenir , à savoir l'inclusion ou non des dotations de compensation, comme par exemple les sommes allouées au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), ce qui reviendrait à prendre en compte dans la péréquation des dotations budgétaires de l'État et à les considérer comme des produits fiscaux.

Un des critères central de répartition de la péréquation devant donc être redéfini, l'occasion se présente d'une réflexion plus large sur les critères de redistribution des ressources entre collectivités territoriales. Vos rapporteurs ont choisi d'attirer l'attention sur deux critères destinés à rendre les dispositifs de péréquation plus efficaces : le critère de revenu global des habitants et le critère de population.

S'agissant du critère de revenu global des habitants , on retiendra le système de péréquation de ressources mis en place en Allemagne et présenté par M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat, lors de la table ronde sur la péréquation du 10 février 2010. Le dispositif allemand s'appuie, entre autres, sur un reversement de 42 % du produit de l'impôt sur le revenu aux Länder, les sommes correspondantes étant réparties entre eux en fonction de leur richesse respective. Vos rapporteurs jugent pertinente la prise en compte du revenu par habitant dans la mesure où elle a permis, dans les pays européens utilisant cette notion comme critère de répartition de la péréquation, une forte égalisation des ressources des collectivités territoriales.

Il convient néanmoins de savoir quel périmètre doit être retenu pour définir le critère de revenu. Vos rapporteurs estiment que l'assiette fiscale la plus pertinente, permettant de prendre en compte la quasi-globalité des ressources des contribuables, est celle de la contribution sociale généralisée (CSG). Ils recommandent de ne pas retenir l'assiette de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), compte-tenu des trop nombreuses exonérations prévues qui fausseraient l'évaluation des richesses des territoires.

L'assiette de la contribution sociale généralisée

Selon les dispositions des articles L. 136-1 à L. 136-9 du code de la Sécurité sociale, de la loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale, et de l'article 72 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, la CSG est assise sur le montant brut des rémunérations, indemnités, allocations, primes y compris les avantages en nature ou en espèce versés au salarié en contrepartie ou à l'occasion du travail .

Entrent également dans l'assiette de la CSG les indemnités journalières de Sécurité sociale versées dans les cas de maladie, maternité ou paternité, accidents du travail et maladies professionnelles, les contributions patronales de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire * , les indemnités de licenciement ou de mise à la retraite, les abondements versés par l'entreprise au titre du plan d'épargne entreprise ou pour la souscription d'actions de sociétés, l'allocation parentale versée par l'employeur aux salariés en congé parental d'éducation ou travaillant à temps partiel pour élever leur enfant, ou encore les indemnités allouées aux mandataires sociaux et dirigeants à l'occasion de la cessation de leur fonction, en totalité en cas de cessation volontaire, pour la fraction imposable dans le cas contraire.

*A l'exception de celles destinées à financer les régimes de retraite à affiliation légalement obligatoire et les régimes de retraite à prestations définies.

S'agissant du critère de population , de nombreuses études montrent le lien entre l'accroissement des charges des collectivités territoriales et l'évolution démographique. Ceci s'explique par la distorsion d'attribution de certaines dotations de la DGF en faveur des communautés urbaines, mais aussi en faveur des petites communes isolées, d'une part, et par le décalage entre la croissance démographique et sa prise en compte dans le calcul des dotations de la DGF basée sur la population , d'autre part.

Cependant, les nouvelles procédures de recensement , issues de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, visent, à travers un recensement annuel, à mieux prendre en compte l'augmentation ou la baisse de population afin de mettre fin à ce décalage .

Les nouvelles procédures de recensement

Depuis 2009, existe un dispositif de recensement de la population permettant d'actualiser tous les ans la population à prendre en compte dans le calcul des dotations de l'État, conformément aux dispositions de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Cette procédure rénovée de recensement repose, pour les communes de moins de 10.000 habitants, sur une enquête exhaustive à raison d'un cinquième des communes chaque année. Cette méthode permet ainsi de fournir régulièrement une population légale actualisée ainsi qu'une description statistique du territoire. Les populations légales issues des nouvelles procédures de recensement ont ainsi été authentifiées, pour la première fois, par le décret n° 2008-1477 du 30 décembre 2008 authentifiant les chiffres des populations de métropole, des départements d'outre-mer, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour des raisons d'égalité de traitement entre les communes, la population légale de toutes les communes est calculée par référence à l'année du milieu du cycle 2004-2008, c'est-à-dire l'année 2006. La population prise en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) 2009 est donc celle arrêtée au 1er janvier 2006 ; celle qui sera utilisée pour le calcul de la DGF pour 2010 fera ensuite référence à l'année 2007, etc.

On note encore que le critère de population doit être considéré avec prudence : les études économétriques réalisées par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi démontrent que le critère d'augmentation des charges des départements n'est ni la dépense sociale, comme on pourrait s'y attendre, ni la croissance démographique, mais la part dans la population des personnes de plus de 60 ans.

Le critère de population s'apprécierait donc différemment selon le niveau de collectivités territoriales concernées. Vos rapporteurs connaissent quelques divergences sur cette question.

Pour l'un la péréquation devrait être à l'avenir davantage liée à la population et à son évolution. Il estime que ce critère permet une allocation juste des dotations, et conduit à réduire la distinction parfois trop caricaturale, à son sens, entre les territoires ruraux et les territoires urbains qui s'applique dans de nombreux mécanismes de répartition des concours financiers de l'Etat. Il apparaît en effet, bien souvent que, si les critères actuels de répartition des dotations étaient pondérés par la population, leur efficacité péréquatrice serait plus importante, comme l'ont démontré MM. Dominique Hoorens, Guy Gilbert, et Yves Fréville lors de la table ronde sur la péréquation du 10 février 2010.

Il estime qu'en ce qui concerne les départements ruraux en déprise démographique, la question concernant le service public et la santé est prépondérante et relève d'autres mesures, de même que celle primordiale du désenclavement, y compris numérique pour lequel des dotations spécifiques d'aménagement du territoire doivent être priorisées.

Pour l'autre la péréquation doit avoir un effet non seulement sur les populations, mais aussi sur les territoires. Il considère que la prise en compte de ce critère ne doit pas conduire à aggraver la situation des territoires à faible densité , ou dont les résultats économiques et financiers sont inférieurs à la moyenne de la strate à laquelle ils appartiennent. Il recommande donc de pondérer ce critère de population afin qu'il puisse prendre en compte la situation démographique et sociale réelle des collectivités territoriales. Il conviendrait notamment d'évaluer le nombre de bénéficiaires de minima sociaux, la part des personnes dépendantes au sein de la population de la collectivité concernée, ainsi que la part des personnes âgées dans la structure démographique du territoire.

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